Échange de véhicules : Analyse des obligations et garanties en matière de vices cachés

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Échange de véhicules : Analyse des obligations et garanties en matière de vices cachés
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M. [Z] [C] était propriétaire d’une Audi A6, immatriculée [Immatriculation 8], et M. [X] [E] possédait une Porsche Cayenne, immatriculée [Immatriculation 7]. Les deux hommes ont échangé leurs véhicules le 27 juin 2018. Par la suite, M. [X] [E] a assigné M. [C] pour faire expertiser l’Audi, ce qui a conduit à un rapport d’expertise en mai 2019. M. [X] [E] a ensuite engagé une procédure devant le tribunal de grande instance du Mans, demandant la résolution de l’échange et la restitution de la Porsche ou, à défaut, des dommages et intérêts de 11 000 euros.

Le tribunal a rendu un jugement le 16 juin 2020, ordonnant la résolution de l’échange, la restitution de l’Audi à M. [C] après remboursement de 11 000 euros, et condamnant M. [C] à verser des sommes pour les frais de carte grise et un préjudice de jouissance. M. [C] a fait appel de ce jugement, sauf pour la demande de dommages et intérêts liée aux frais d’assurance. M. [X] [E] est décédé en août 2022, et l’instance a été reprise par ses héritiers.

Dans ses conclusions, M. [C] a contesté la qualification de vente, arguant qu’il s’agissait d’un échange, et a demandé la réformation du jugement. Les consorts [E] ont, quant à eux, demandé la confirmation du jugement et des dommages et intérêts supplémentaires. Ils ont soutenu que des défauts graves affectaient l’Audi, rendant son utilisation dangereuse.

La cour a déclaré les consorts [E] recevables dans leur intervention, a confirmé certaines décisions du jugement initial, et a prononcé la résolution de l’échange, ordonnant à M. [C] de restituer la Porsche et de récupérer l’Audi, le tout à ses frais. M. [C] a également été condamné à verser des sommes aux consorts [E] et aux dépens de la procédure d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel d’Angers
RG n°
20/00997
COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

YW/LD

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 20/00997 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EV7F

Jugement du 16 Juin 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 19/02840

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024

APPELANT :

M. [Z] [C]

né le 16 Mai 1980 à

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/004242 du 24/08/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

Représenté par Me Pierre-Emmanuel MEMIN, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20200680

INTIMES :

Mme [P] [V], intervenante volontaire en qualité d’héritière de M. [X] [E], décédé

née le 12 Décembre 1977 à [Localité 5] (85)

[Adresse 1]

[Localité 6]

M. [R] [E], intervenant volontaire en qualité d’héritier de M. [X] [E], décédé

né le 14 Avril 1976 à [Localité 5] (85)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Tous représentés par Me Philippe HEURTON, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 15 Janvier 2024 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Monsieur WOLFF, conseiller

Madame ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Mme GNAKALE

Greffier lors du prononcé : M. DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 24 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Yoann WOLFF, conseiller, pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [Z] [C] était propriétaire d’un véhicule de marque Audi, modèle A6, immatriculé [Immatriculation 8], dont la première immatriculation remontait au 31 juillet 2007.

[X] [E] était quant à lui propriétaire d’un véhicule de marque Porsche, modèle Cayenne, immatriculé [Immatriculation 7], dont la première immatriculation remontait au 3 mai 2005.

M. [C] et [X] [E] ont échangé leurs véhicules le 27 juin 2018.

[X] [E] a ensuite fait assigner M. [C] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon par acte d’huissier de justice du 10 décembre 2018, afin que l’Audi soit expertisée. Un expert a alors été désigné par ordonnance du 8 janvier 2019. Il a établi son rapport le 2 mai 2019. [X] [E] a ensuite fait assigner au fond M. [C] devant le tribunal de grande instance du Mans, par acte d’huissier du 14 août 2019. Selon le jugement déféré, il demandait notamment la résolution de l’échange et la condamnation de M. [C] à lui restituer la Porsche ou, à défaut de restitution, à lui verser la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement réputé contradictoire, en l’absence de constitution d’avocat par

M. [C], en date du 16 juin 2020, le tribunal judiciaire du Mans, prenant la suite du tribunal de grande instance, a :

Ordonné la résolution de la vente (sic) de l’Audi ;

Dit que M. [C] devra reprendre possession de ce véhicule en un temps et en un lieu déterminés par les parties et à ses frais, après restitution du prix de vente de 11 000 euros ;

Condamné M. [C] à verser à [X] [E] les sommes de :

270,76 euros au titre des frais de changement de la carte grise ;

1 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

Rejeté la demande de dommages et intérêts faite par [X] [E] au titre des frais d’assurance ;

Condamné M. [C] à verser à [X] [E] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [C] aux dépens.

M. [C] a relevé appel de ce jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts faite par [X] [E] au titre des frais d’assurance, par déclaration du 29 juillet 2020.

[X] [E] est décédé le 18 août 2022. L’instance a été reprise volontairement par Mme [P] [E] épouse [V] et M. [R] [E], ses enfants (les consorts [E]), par conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 10 janvier 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2022, M. [C] demande à la cour :

De réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la résolution de la vente et l’a condamné à la restitution du prix ainsi qu’à des dommages et intérêts ;

De rejeter les demandes des consorts [E] ;

De condamner in solidum les consorts [E] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

De condamner in solidum les consorts [E] aux dépens dont distraction au profit de Me Memin.

M. [C] soutient que :

Dans son acte introductif d’instance, [X] [E] ne faisait pas état d’une vente mais d’un échange. À cet égard, il résulte indiscutablement des éléments versés aux débats qu’il n’y a jamais eu la moindre vente, mais qu’il a été procédé à un échange des véhicules. Le tribunal s’est donc livré à une modification des demandes et du champ contractuel. Il lui était strictement impossible de résoudre une vente qui n’est jamais intervenue, de dissocier les restitutions, et de prononcer les condamnations qu’il a prononcées. La résolution entraîne de facto et immédiatement entre les parties des obligations réciproques de restitution.

Finalement, restent uniquement dans le débat le volet d’air gauche, les colliers d’échappement et une ou plusieurs biellettes de la barre stabilisatrice. Un volet de tubulure d’admission coûte environ 200 euros et une biellette de barre stabilisatrice entre 20 et 30 euros. Ces quelques frais nécessaires à la remise en état du véhicule sont sans commune mesure avec ce que l’expert a envisagé et n’ont rien d’anormal eu égard à l’ancienneté et au kilométrage de l’automobile. En outre, il convient de procéder à une comparaison de l’état général des deux véhicules échangés. À cet égard, la Porsche était en moins bon état que l’Audi comme le révèle le procès-verbal du contrôle technique effectué le 28 septembre 2018 trois mois après l’échange. [X] [E] était ainsi gagnant et il est faux de prétendre qu’il n’aurait pas procédé à l’échange s’il avait connu les prétendus défauts affectant l’Audi.

Lui-même n’avait pas connaissance du dysfonctionnement. Il y a eu apparition puis disparition du voyant moteur. Cela ne l’a pas inquiété. Sa mauvaise foi n’est pas établie. En outre, les sommes demandées apparaissent contestables en ce qu’il n’est absolument pas prouvé l’existence d’un quelconque trouble de jouissance. L’expert judiciaire n’a pas indiqué que le véhicule n’était pas roulant.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2024, les consorts [E] demandent à la cour :

De rejeter les demandes de M. [C] ;

De confirmer le jugement en ce qu’il a :

Ordonné la résolution de la vente de l’Audi ;

Dit que M. [C] devrait reprendre possession du véhicule après restitution du prix ;

D’infirmer le jugement pour le surplus ;

De condamner M. [C] à leur verser la somme de 2017,56 euros, sauf mémoire, à titre de dommages et intérêts, se décomposant de la manière suivante :

668 euros, à parfaire, au titre des frais d’assurance ;

349,59 euros au titre du coût de la carte grise ;

1000 euros au titre du trouble de jouissance ;

De condamner M. [C] à leur verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

De condamner M. [C] aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [E] soutiennent que :

Les deux experts, amiable et judiciaire, ont constaté l’existence d’une avarie sur le moteur (défaillance du volet de tubulure d’admission) et l’allumage du voyant moteur. Le moteur est l’organe vital du véhicule et l’allumage du voyant moteur signifie qu’il existe un problème de fonctionnement optimal de ce moteur. Il n’est absolument pas sécurisant de rouler avec le voyant moteur allumé. C’est la raison pour laquelle le véhicule ne peut être utilisé dans des conditions normales, cette utilisation risquant de provoquer une aggravation des dommages. La nécessité de réaliser les travaux de remise en état pour une somme équivalente à la moitié du prix d’acquisition parachève la démonstration de la gravité des désordres. Seul le diagnostic effectué par les établissements Volkswagen de [Localité 9] a permis de déceler l’existence de ces graves désordres. En outre, l’antériorité des défauts par rapport à la vente ne fait aucun doute. Enfin, contrairement à ce que M. [C] prétend, il ressort d’un procès-verbal de contrôle technique du 6 mars 2018 que la Porsche ne présentait aucune défaillance majeure.

Le fait que la cession soit intervenue dans le cadre d’un échange ou d’un contrat de vente n’a aucune incidence sur les conséquences de la résolution, dès lors que, d’une part, ce qui est déterminant n’est pas tant le bien réclamé lui-même que sa valeur monétaire, et que, d’autre part, M. [C] est aujourd’hui dans l’incapacité de procéder à la restitution du véhicule dans l’état où il se trouvait au jour de l’échange. M. [C] était parfaitement informé des vices qui affectaient le véhicule. Ils sont donc fondés à demander la condamnation de M. [C] à des dommages et intérêts.

MOTIVATION

Si M. [C] indique dans ses conclusions que les « ayants droits [d'[X] [E]] entendent voir reprendre les précédentes écritures par conclusions d’intervention volontaire », et que « la Cour de céans déclarera ceux-ci irrecevables », il n’articule aucun véritable moyen sur ce point. Les consorts [E] seront donc déclarés recevables en leur intervention.

Sur la qualification du contrat

Selon l’article 1702 du code civil, l’échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre.

En l’espèce, il est constant que, après que M. [C] a proposé par SMS à [X] [E] d’échanger son Audi contre sa Porsche (pièce n° 1 des consorts [E]), ils ont, concomitamment le 27 juin 2018, cédé chacun leur véhicule à l’autre. Dans sa lettre à M. [C] du 30 juin 2018, [X] [E] indiquait à cet égard : « nous avons fait un échange de voiture, sans soulte, sur la base d’un montant de 11.000€ ». Aujourd’hui, toutes les parties qualifient cette opération d’échange dans leurs conclusions.

Pour considérer qu’il s’agissait néanmoins de deux ventes conclues concomitamment mais juridiquement distinctes avec paiement du prix « réalisé factuellement par le transfert de propriété de l’autre véhicule », alors qu'[X] [E] lui demandait lui-même la résolution de « l’échange », le tribunal s’est fondé sur les pièces nos 1 et 2 actuelles des consorts [E], datées du 27 juin 2018, dans lesquelles chacun des cocontractants déclare avoir vendu ce jour-là son véhicule à l’autre « pour un montant de ONZE MILLE (11.000) EUR ». Cependant, il convient de ne pas s’arrêter à la manière dont ces deux documents, rédigés par les intéressés eux-mêmes, qualifient l’opération de manière isolée et contraire à tous les autres éléments du dossier. Il est constant en effet qu’aucun prix n’a été payé. La somme de 11 000 euros qui est mentionnée correspond uniquement aux valeurs, équivalentes, qu'[X] [E] et M. [C] ont attribuées à leurs véhicules. En réalité, le 27 juin 2018, ces derniers se sont ni plus ni moins donné respectivement ces véhicules, et ont conclu ainsi un échange qui n’en reste pas moins soumis, comme la vente, à la garantie des vices cachés en application de l’article 1707 du code civil.

Le jugement sera donc d’ores et déjà infirmé en ce que, modifiant l’objet du litige, il a ordonné la résolution d’une vente qui n’a pas existé et que les parties n’ont jamais invoquée.

Sur la garantie des vices cachés

Sur l’existence du vice

Selon l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Aux termes de l’article 1642 du même code, le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

Il en résulte que la garantie des vices cachés s’applique lorsque les conditions suivantes sont réunies :

La chose vendue présente un vice ;

Ce vice existait déjà au moment de la vente et n’était alors pas apparent pour l’acheteur ;

Ce vice présente une certaine gravité, d’autant plus si la chose est d’occasion.

Ces dispositions sont également applicables, mutatis mutandis, à l’échange.

En l’espèce, les consorts [E] produisent un rapport d’expertise amiable du 28 août 2018 qui constate notamment, en ce qui concerne l’Audi, les éléments suivants :

« – Voyant moteur allumé.

[‘]

– Le voyant moteur est affiché depuis 170018 kms le 27/11/17.

– Le technicien nous informe que le code panne V275 correspond au volet de tubulure d’admission gauche. »

L’expert amiable en conclut que « le voyant moteur allumé provient d’une défaillance du volet de tubulaire d’admission gauche », et que l’apparition de ce défaut remonte au 27 novembre 2017.

Ces éléments ont été confirmés par l’expertise judiciaire dont le rapport indique également, entre autres :

« Placé sur un pont élévateur nous pouvons constater que :

[…]

– les silentblocs de la barre stabilisatrice avant sont usés,

– les colliers sur la ligne d’échappement entre le catalyseur et le FAP sont cassés et corrodés,

– le catalyseur ainsi que le FAP sont à remplacer.

Nous interrogeons ensuite les boîtiers : l’interrogation indique que le volet d’air gauche du moteur est à remplacer, que le voyant moteur s’est allumé pour la première fois à 170 000 kilomètres, que la boîte de vitesses n’a pas été vidangée.

Nous accompagnons Monsieur [E] pour un essai routier d’une dizaine de kilomètres, le voyant moteur s’allume périodiquement ».

L’expert judiciaire en conclut notamment que le volet d’air gauche, le filtre à particules et le catalyseur sont à remplacer, et que la boîte de vitesses doit être vidangée. Il estime la remise en état du véhicule à 5 500 euros.

Il en résulte tout d’abord que l’Audi présente bien des vices. L’un de ces vices affecte un élément du moteur, pièce essentielle du véhicule, et est suffisamment grave pour justifier l’allumage sur le tableau de bord d’un voyant d’alerte, ce qui diminue l’usage qui peut être fait de l’automobile. Les autres vices, pris isolément, ont une gravité moindre, mais représentent ensemble des frais de réparation significatifs, puisque ces derniers équivalent, selon le rapport d’expertise judiciaire qui n’est contredit à cet égard par aucune autre pièce, à la moitié de la valeur de l’échange litigieux.

Ensuite, selon le procès-verbal d’un contrôle technique effectué le 26 juin 2018, soit la veille de cet échange, l’Audi comptabilisait à cette date 176 698 kilomètres. Le vice pour lequel le voyant s’est allumé pour la première fois à 170 000 kilomètres existait donc déjà au moment de l’échange. Pour les autres, l’expert judiciaire a affirmé qu’eux aussi préexistaient nécessairement, puisqu’ils ont été constatés alors que le véhicule avait parcouru seulement 900 kilomètres depuis le contrôle technique précité.

Enfin, l’expertise judiciaire a révélé que le voyant en cause s’allumait « périodiquement », c’est-à-dire par intermittence. En outre, l’origine du problème, ainsi que l’absence de vidange de la boîte de vitesses, n’ont pu être identifiées qu’après des investigations techniques, et notamment électroniques, qu’un particulier ne peut réaliser lui-même. Les autres défauts ne sont apparus quant à eux à l’expert judiciaire qu’après que le véhicule a été mis sur un pont élévateur. Dans ces conditions, il doit être considéré que les vices n’étaient pas apparent pour [X] [E] lorsqu’il a acquis l’Audi.

Or il est certain que si [X] [E] avait su que celle-ci présentait un défaut affectant son moteur et entraînant l’allumage périodique d’un voyant d’alerte sur le tableau de bord, ce qui n’aurait pas manqué de l’inquiéter, et qu’elle nécessitait 5500 euros de réparation, il n’aurait à tout le moins pas procédé à l’échange dans les mêmes conditions. À cet égard, le procès-verbal de contrôle technique produit par M. [C] et établi trois mois après l’échange ne suffit pas à établir que l’opération aurait tenu compte d’un mauvais état supposé de la Porsche d'[X] [E]. Il est d’ailleurs contredit par le procès-verbal du 6 mars 2018 produit par les consorts [E].

Dans ces conditions, M. [C] doit bien sa garantie.

2.2. Sur la résolution du contrat et ses conséquences

Conformément à l’article 1644 du code civil, les consorts [E] sont libres d’opter pour la résolution du contrat. La résolution de l’échange, et de lui seul, sera donc prononcée, conformément à ce qu'[X] [E] avait d’ailleurs demandé au tribunal.

La résolution entraîne de plein droit la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement.

Selon l’article 1352 du code civil, la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

Le juge ne peut ainsi ordonner la restitution en valeur d’un véhicule sans constater préalablement l’impossibilité de sa restitution en nature (ex. : 1re Civ., 3 juin 1998, pourvoi n° 95-21.469).

Selon le jugement, [X] [E] avait demandé au tribunal de condamner M. [C] à lui restituer la Porsche. Ce n’est qu’à défaut de restitution qu’il réclamait la somme de 11 000 euros, non à titre de remboursement du prix, mais à titre de dommages et intérêts.

Aujourd’hui, il n’est pas invoqué que la restitution en nature de la Porsche serait impossible (ce qui est différent du fait, allégué par les consorts [E], qu’elle ne se trouverait plus dans le même état qu’au jour de l’échange, ce qui relève, en cas de demande correspondante, de l’article 1352-1 du code civil).

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que M. [C] devrait reprendre possession de l’Audi après restitution par lui de la somme de 11 000 euros.

La cour, comme elle y est autorisée (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.693) et par souci de clarté, ordonnera la restitution réciproque des choses échangées.

2.3. Sur les dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

En l’espèce, M. [C] reconnaît lui-même dans ses conclusions qu’« il y a eu apparition puis disparition du voyant moteur », mais que cela n’avait pas inquiété. À cet égard, il a déjà été indiqué que les expertises amiable et judiciaire avaient révélé que le voyant d’alerte signalant le vice litigieux avait commencé à s’allumer bien avant la vente. M. [C], en tant que propriétaire et conducteur du véhicule, ne pouvait donc effectivement qu’en avoir connaissance. Cela est d’ailleurs confirmé par une attestation du précédent propriétaire, jointe au rapport d’expertise judiciaire, qui indique avoir vendu le véhicule à M. [C] avec « voyant allumé et que Mr [C] était d’accord ». Ce dernier doit donc indemniser l’ensemble des préjudices subis.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [C] à verser :

La somme de 270,76 euros au titre des frais de changement de la carte grise tels qu’ils figurent sur celle-ci (champ Y.6), le calcul fait par les consorts [E] dans leur pièce n° 15 ( 270,76 + 76,04 + 2,76) ne pouvant être retenu, puisqu’il consiste à additionner le coût total de la carte grise (276,76 euros) avec l’une de ses composantes (la redevance pour acheminement de 2,76 euros figurant au champ Y.5), ainsi qu’avec la norme Euro du véhicule (champ V.9 : 70/220*2003/76EURO04) ;

La somme de 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance, dont le tribunal a fait une juste appréciation.

Pour le reste, alors que le tribunal a écarté l’indemnisation des frais d’assurance qui était réclamée pour la période du 5 février 2019 au 4 février 2020, au motif, légitime, qu’il n’était pas démontré que le véhicule avait été immobilisé totalement durant cette période et que les frais en question découlaient de la possession et de l’usage de celui-ci, les consorts [E] ne s’expliquent pas sur ce point dans leurs conclusions. Il doit être relevé à cet égard qu’il n’a jamais été prétendu, notamment par les experts, que le véhicule ne pouvait pas rouler. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts faite au titre des frais d’assurance.

3. Sur les frais du procès

Aux termes du dispositif de leurs conclusions, les consorts [E] demandent l’infirmation du jugement en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles, puis demandent que M. [C] soit condamné aux dépens de première instance et d’appel et à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de ces derniers.

Le jugement ne sera donc confirmé que sur les dépens. Il sera infirmé s’agissant des frais irrépétibles et, après avoir été condamné aux dépens de la procédure d’appel, M. [C] sera condamné à verser aux consorts [E] la somme globale de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande faite à ce titre sera quant à elle rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

DÉCLARE Mme [P] [E] épouse [V] et M. [R] [E] recevables en leur intervention ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a :

Condamné M. [Z] [C] à verser à [X] [E] les sommes de :

270,76 euros au titre des frais de changement de la carte grise ;

1 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

Rejeté la demande de dommages et intérêts faite par [X] [E] au titre des frais d’assurance ;

Condamné M. [Z] [C] aux dépens ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Prononce la résolution de l’échange de véhicules intervenu entre [X] [E] et M. [Z] [C] le 27 juin 2018 ;

Ordonne à M. [Z] [C] de restituer à Mme [P] [E] épouse [V] et M. [R] [E], au lieu indiqué par ces derniers, le véhicule de marque Porsche immatriculé [Immatriculation 7], et de récupérer au lieu où il se trouve le véhicule de marque Audi immatriculé [Immatriculation 8], le tout à ses frais ;

Condamne M. [Z] [C] aux dépens de la procédure d’appel ;

Accorde le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile à l’avocat de Mme [P] [E] épouse [V] et de M. [R] [E] ;

Condamne M. [Z] [C] à verser à Mme [P] [E] épouse [V] et M. [R] [E] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes des parties.

LE GREFFIER P/ LA PRESIDENTE empêchée

T. DA CUNHA Y. WOLFF


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