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S’appuyer sur un réseau de formateurs à distance pour délivrer des cours en ligne doit être bien encadré juridiquement. Dans cette affaire, un prestataire enregistré comme auto-entrepreneur a obtenu la requalification de sa relation en un contrat de travail à durée indéterminée. En dépit de l’apparence résultant de l’adoption du statut d’auto-entrepreneur et de la facturation de ses travaux à la société, ses prestations s’accomplissaient en réalité dans le cadre d’un contrat de travail, la présomption de non salariat résultant du I de l’article L. 8221-6 du code du travail a été écartée.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’absence de contrat de travail écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
L’existence d’une relation de travail ne dépend cependant ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s’est exécutée.
Il résulte du I de l’article L. 8221-6 du code du travail que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales. Selon le II de ce même article, l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Même s’il ne ressortait pas clairement du dossier que le statut d’auto-entrepreneur ait été imposé par la société, un email établissait clairement que la directrice de la société était prête à conclure rapidement un contrat à durée indéterminée (« Je vous fait donc 2 propositions, à facturer par vous chaque mois – auto-entrepreneur ou selon votre choix -, l’idée étant néanmoins de basculer sur un CDI à court terme si de part et d’autre ce mode de fonctionnement nous convient »). Le statut d’auto-entrepreneur ne constituait donc, au mieux, qu’une solution transitoire dans l’esprit des parties.
A ce titre, le prestataire avait à plusieurs reprises, interrogé la directrice sur ses intentions au sujet d’une transformation de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, ce qui démontre qu’il n’existait pas d’accord entre les parties pour que le prestataire travaille de façon pérenne sous le statut d’auto-entrepreneur.
S’agissant de la rémunération, le prestataire percevait constamment la somme de 2.000 euros par mois, quel que soit l’intitulé de la mission confiée (assistante de manager, mise en place des réseaux sociaux, mise en place d’une politique de recrutement prospects entreprises, gestion au quotidien de la plate-forme ….). Il apparaissait donc que la rémunération était fixée de manière forfaitaire, dans des conditions absolument analogues à celles d’un salarié consacrant la totalité de son temps de travail à son employeur. Il n’était d’ailleurs pas établi que le prestataire ait accompli des prestations pour un ou plusieurs autres donneurs d’ordres (situation de dépendance économique complète vis-à-vis de la société).
Même si le prestataire travaillait à partir de son domicile sans être soumis à un horaire collectif, les emails échangés entre les parties ont montré que i) les parties s’étaient mises d’accord sur un volume de travail de 35 heures hebdomadaires et un planning de travail ; ii) le prestataire travaillait avec son ordinateur personnel mais avec des logiciels et un téléphone portable qui étaient fournis par la société ; iii) le prestataire recevait des directives portant sur le contenu de son travail et sur la manière de mener à bien les travaux qui lui étaient confiés (plus de 1200 courriels avaient été échangés entre les parties en deux ans) ; iv) le prestataire était soumis à l’obligation de n’exercer aucune activité concurrente de celle de la société pendant toute la durée de sa mission (une telle disposition, qui va au-delà de la simple obligation de confidentialité, s’analyse en une clause de non-concurrence qui n’est pas habituelle dans les rapports entre un prestataire ayant le statut de travailleur indépendant et la société cliente).
Dans le cadre de la requalification de la prestation en CDI, les juges ont appliqué la convention collective de l’enseignement privé à distance. Le prestataire a obtenu le statut de collaborateur pédagogique de niveau 1 au coefficient 300 (assure le contrôle des connaissances : correction des devoirs … et peut aussi assurer la relecture des cours sur le plan de la forme, de la présentation et de la lisibilité, sous la responsabilité d’un cadre du secteur pédagogique).
En sus de sa requalification en CDI, le prestataire a obtenu une indemnité au titre de ses frais dits d’atelier (1.200 euros pour l’ensemble de la durée du contrat de travail). Il résulte de l’article L. 7422-11 du code du travail que les frais d’atelier correspondant notamment au loyer, au chauffage et à l’éclairage du local de travail, à la force motrice, à l’amortissement normal des moyens de production, ainsi que les frais accessoires sont déterminés par l’autorité administrative suivant la procédure définie à l’article L. 7422-6. A défaut d’être déterminés par la convention, l’accord collectif ou l’arrêté préfectoral, il appartient au juge, en l’absence d’accord des parties, de fixer le montant des frais d’atelier.
Le travail dissimulé a également été retenu par les juges. Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail, soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale (article L. 8221-5 du code du travail).
La société s’étant volontairement abstenue de proposer la signature d’un contrat de travail au prestataire alors que les conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail était exécutée exigeaient qu’un tel contrat intervienne entre les parties, compte tenu de l’existence d’un lien de subordination. En recourant à un statut de travailleur indépendant alors qu’elle savait que celui-ci n’était pas adapté à la réalité de la relation contractuelle, la société s’est soustraite intentionnellement à ses obligations déclaratives et a ainsi dissimulé une activité salariée. Le « salarié » a obtenu la somme de 12.000 euros (six mois de salaire) à titre d’indemnité.
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