Les dysfonctionnements d’un matériel relèvent d’une analyse de fond, le juge de l’évidence n’étant pas compétent pour se prononcer sur lesdits dysfonctionnements.
Les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoient que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée. Le montant de la provision susceptible d’être ainsi allouée n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant. Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer l’existence d’une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande, qui s’apprécie à la date de sa décision et non à celle de sa saisine. En l’espèce, il apparaît à l’examen des pièces produites aux débats que la ou les causes des dysfonctionnements du système de chauffage et leur imputabilité ne relèvent nullement de l’évidence. Etant rappelé que le juge des référés doit pouvoir s’assurer que la créance dont le paiement est réclamé est certaine, liquide et exigible, il doit être relevé qu’il résulte des éléments versés et des débats qu’il existe manifestement une contestation sérieuse relative à l’exécution du contrat de maintenance objet du présent litige, dont l’appréciation relève du juge du fond. Le juge des référés ne peut donc davantage apprécier les manquements contractuels allégués tant par le demandeur que par le défendeur ni les préjudices invoqués. Ainsi, les demandes formées de part et d’autre se heurtent à des contestations sérieuses qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher et qui doivent être débattues au fond. |
Résumé de l’affaire :
Exposé du LitigeLa société ANTONA ET COFI a assigné le Syndicat des copropriétaires en référé pour obtenir une condamnation provisionnelle de 88.467,69 euros, ainsi que d’autres sommes et intérêts. L’affaire a été retenue pour audience le 3 octobre 2024. Le Syndicat des copropriétaires a soulevé l’incompétence du juge des référés en raison d’une clause compromissoire dans le contrat, ce que la société ANTONA ET COFI a contesté, arguant qu’aucun tribunal arbitral n’était saisi. Demandes de la Société ANTONA ET COFIAu cours des débats, ANTONA ET COFI a actualisé sa demande de condamnation provisionnelle à 15.585,92 euros, expliquant avoir été chargée de la maintenance des installations thermiques par le Syndicat. Elle a signalé des anomalies dès la prise en charge et a effectué des travaux urgents sans être réglée, malgré une mise en demeure. Elle a également notifié la résolution du contrat en raison de difficultés d’exécution. Réponse du Syndicat des CopropriétairesLe Syndicat des copropriétaires a demandé le rejet des demandes d’ANTONA ET COFI, invoquant des manquements contractuels et un désaccord sur le montant de la créance. Il a également sollicité une condamnation reconventionnelle de 149.422,92 euros pour préjudices liés à un chauffage défectueux. Motifs de la DécisionLe tribunal a examiné la fin de non-recevoir soulevée par le Syndicat, concluant que le juge des référés était compétent car aucun tribunal arbitral n’était saisi. Concernant les demandes provisionnelles, le juge a constaté l’existence de contestations sérieuses sur l’exécution du contrat, rendant impossible l’octroi de la provision demandée. Conclusion de la DécisionLe tribunal a rejeté la fin de non-recevoir, déclaré l’action recevable, et a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé. Les parties ont été renvoyées à se pourvoir sur le fond du litige, chaque partie conservant la charge de ses dépens et frais irrépétibles. La décision est exécutoire par provision. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/00449 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Y2XH
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 04 NOVEMBRE 2024
MINUTE N° 24/03085
—————-
Nous, Madame Mallorie PICHON, Vice-présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Madame Tiaihau TEFAFANO, Greffière,
Après avoir entendu les parties à notre audience du 03 octobre 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :
ENTRE :
La Société ANTONA ET COFI,
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 4]
représentée par Maître Arnaud MONIN de la SELAS VO DINH – MONIN, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 197 (Postulant), Maître Isabelle CHEYROUZE, avocat au barreau de VERSAILLES (Plaidant)
ET :
Le Syndicat des Copropriétaires [Adresse 5] À [Localité 6], représenté par son syndic la Société d’Etudes et Gestion Immobilière du Nord Est (SEGINE),
dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 3]
représentée par Maître Patrick BAUDOUIN de la SCP d’Avocats BOUYEURE – BAUDOUIN – DAUMAS – CHAMARD BENSAHE L – GOMEZ-REY – BESNARD, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0056
EXPOSE DU LITIGE
Par acte délivré le 29 février 2024, la société ANTONA ET COFI a assigné le Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] en référé devant le président de ce tribunal au visa de l’article 835 du code de procédure civile, aux fins de :
Renvoyer les parties à se pourvoir au principal et dès à présent, par provision :Condamner le Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] à lui payer à titre provisionnel la somme de 88.467,69 euros TTC en principal, avec intérêt de droit à compter de la mise en demeure du 8 décembre 2023 ;Ordonner la capitalisation des intérêts ; Condamner le Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Après plusieurs renvois, l’affaire a été retenue à l’audience du 3 octobre 2024.
A l’audience, le Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] soulève in limine litis au visa de l’article 122 du code de procédure civile l’incompétence du juge des référés, du fait que le contrat litigieux comporte une clause compromissoire prévoyant le recours à l’arbitrage.
La société ANTONA ET COFI conteste cette fin de non-recevoir, soulignant qu’aucun tribunal arbitral n’est encore saisi.
Sur le fond, la société ANTONA ET COFI a actualisé sa demande de condamnation provisionnelle à la somme de 59.442,92 euros en principal, et subsidiairement à la somme de 48.464,90 euros en principal, outre les intérêts de droit et la capitalisation desdits intérêts, et en toute hypothèse, conclut au rejet des demandes reconventionnelles et demande la condamnation du Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] à lui régler la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Lors des débats, la société ANTONA ET COFI actualise de nouveau sa demande de condamnation provisionnelle à la somme de 15.585,92 euros, et subsidiairement, à la somme de 4.607,90 euros.
La société ANTONA ET COFI explique s’être vue confier par le Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] la maintenance et la gestion de ses installations thermiques secondaires par contrat du 1er septembre 2023 ; qu’elle a constaté dès la prise en charge des installations de nombreuses anomalies et émis des réserves ; que le bureau d’études GIFFARD a adressé à la société ENGIE, ancien titulaire du contrat, une liste des prestations à effectuer avant la mise en chauffe, mais que suite à sa carence, la société ANTONA ET COFI a été chargée de procéder à ces travaux urgents. Elle soutient avoir effectué l’ensemble des prestations commandées, mais n’avoir pas été réglée ni pour ses prestations forfaitaires ni pour ses interventions urgentes, malgré une mise en demeure du 8 décembre 2023. Elle indique enfin avoir, à cette même date, notifié au Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] la résolution du contrat en raison des importantes difficultés d’exécution du contrat de maintenance. Elle soulève l’existence de contestations sérieuse pour s’opposer aux demandes reconventionnelles.
En défense et sur le fond, le Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] à [Localité 6] demande de débouter la société demanderesse de ses demandes, en présence de contestations sérieuses tenant aux manquements contractuels commis dans l’exécution de ses prestations et d’un désaccord sur le montant de la créance. Elle précise d’ailleurs que le prestataire qui a succédé à la société ANTONA ET COFI a permis de rétablir le fonctionnement normal du chauffage.
A titre reconventionnelle, elle sollicite la condamnation de la société ANTONA ET COFI à lui régler la somme provisionnelle de 149.422,92 euros (59.422,92 + 90.000 euros) avec intérêts, à valoir sur ses préjudices liés à un chauffage erratique dans la copropriété qui a causé un préjudice de jouissance et des dégradations dans les logements, ainsi que la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens, dont distraction au profit de Me Patrick BAUDOIN.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions de la partie demanderesse, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées à l’audience et soutenues oralement.
Sur la fin de non-recevoir
L’article 122 du code de procédure civile dispose que “Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ”
Par ailleurs, d’après l’article 1448 du même code, “Lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l’Etat ne peut relever d’office son incompétence.
Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite.”
L’article 1449 ajoute que “L’existence d’une convention d’arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une partie saisisse une juridiction de l’Etat aux fins d’obtenir une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire. Sous réserve des dispositions régissant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, la demande est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce, qui statue sur les mesures d’instruction dans les conditions prévues à l’article 145 et, en cas d’urgence, sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d’arbitrage.”
En l’espèce, le contrat liant les parties comporte en son article 2.17.3 une clause disposant que “toute contestation est réglée selon les dispositions de la législation en vigueur. Il est, par préférence fait appel à la procédure d’arbitrage.”
Outre le fait que cette clause ne prévoit qu’un recours préférentiel et non exclusif à la procédure d’arbitrage, il y a lieu de relever qu’en tout état de cause, il n’est pas contesté qu’aucun tribunal arbitral n’est à ce jour saisi, de sorte qu’en application des textes précités, le président du tribunal judiciaire, saisi en référé d’une demande visant à obtenir une condamnation provisionnelle, est bien compétent pour statuer.
En conséquence, la fin de non-recevoir ne saurait être accueillie.
Sur les demandes provisionnelles
Les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoient que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée. Le montant de la provision susceptible d’être ainsi allouée n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant.
Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer l’existence d’une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande, qui s’apprécie à la date de sa décision et non à celle de sa saisine.
En l’espèce, il apparaît à l’examen des pièces produites aux débats que la ou les causes des dysfonctionnements du système de chauffage et leur imputabilité ne relèvent nullement de l’évidence.
Etant rappelé que le juge des référés doit pouvoir s’assurer que la créance dont le paiement est réclamé est certaine, liquide et exigible, il doit être relevé qu’il résulte des éléments versés et des débats qu’il existe manifestement une contestation sérieuse relative à l’exécution du contrat de maintenance objet du présent litige, dont l’appréciation relève du juge du fond.
Le juge des référés ne peut donc davantage apprécier les manquements contractuels allégués tant par le demandeur que par le défendeur ni les préjudices invoqués.
Ainsi, les demandes formées de part et d’autre se heurtent à des contestations sérieuses qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher et qui doivent être débattues au fond.
Sur les demandes accessoires
Chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.
Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Rejetons la fin de non-recevoir ;
Déclarons l’action recevable ;
Disons n’y avoir lieu à référé ;
Renvoyons les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;
Disons que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.
AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 04 NOVEMBRE 2024.
LA GREFFIERE
LA PRÉSIDENTE