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Aux termes de l’article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Les dysfonctionnements d’un logiciel non résolus pas le prestataire justifient la résolution (nullité) du contrat aux torts de ce dernier.
L’obligation de délivrance du vendeur de produits complexes (installation de logiciel avec matériel) n’est pleinement exécutée qu’une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue et faute de délai convenu entre les parties, il appartient au juge de déterminer le délai raisonnable dans lequel la mise en service aurait dû intervenir.
Il appartient également au vendeur de produits complexes d’analyser les besoins de son client afin de lui proposer une solution conforme.
En l’espèce, le prestataire mentionnait l’établissement des besoins du client mais aucun document n’a été établi de sorte qu’il était impossible de vérifier si le prestataire, professionnel débiteur d’une obligation de conseil et d’information à son client avait réellement pris en charge lesdits besoins, de sorte qu’il n’était pas fondé à invoquer, pour justifier du délai de livraison, de l’adaptation par les parties du périmètre de l’intervention.
Par ailleurs, le prestataire n’est pas fondé à invoquer l’absence de formation de l’un des salariés alors qu’il lui appartenait de la mettre en place et de définir précisément les contours de cette formation compte tenu des nouvelles fonctionnalités et processus apportés par l’intégration du logiciel (EBP), étant précisé que celle qui a eu lieu n’a pas été satisfaisante selon les attestations des salariés concernés, qui ont tous fait part de difficultés dans l’utilisation du logiciel.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé que la formation complémentaire qui a été proposée en dernier lieu par le prestataire n’était nullement prévue au contrat alors qu’elle aurait dû l’être et ne pouvait être proposée comme un complément non intégré au coût prévu par le contrat et que la société avait également failli à ses obligations en terme de formation et conduite du changement envers son client puisque les procédures d’inventaires et de commandes n’ont été rédigés que plusieurs mois après la mise en service prévue du logiciel.
Au regard de ces multiples défaillances ayant conduit à l’abandon pur et simple de la solution préconisée, les juges ont prononcé la résolution judiciaire du contrat.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT DU 27 MAI 2021
N° 2021/170
Rôle N° RG 19/02282 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDYJG
SAS PLANISPHERE INFO
C/
SARL MARE NOVA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Fatima HAMMOU ALI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 08 Janvier 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018/1754.
APPELANTE
SAS PLANISPHERE INFO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
dont le siège social est sis […]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Emmanuel BONNEMAIN de la SELARL CABINET BONNEMAIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMEE
SARL MARE NOVA, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis […]
représentée et assistée de Me Fatima HAMMOU ALI, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Mars 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme GERARD, président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2021.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2021,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon devis accepté du 29 septembre 2016, la SARL Mare Nova a confié à la SARL Planisphère Info l’installation d’un logiciel de gestion dit EBP, comprenant, la fourniture de matériel informatique, le développement d’une application mobile, la mise en place d’une solution de contrôle de gestion, d’une interface tarifaire et d’une interface de gestion des flux interplateformes pour un montant de 30 986,16 euros TTC.
Une partie du coût de ce matériel a été financé par un crédit-bail souscrit auprès de la SA Natixis Lease.
La SARL Mare Nova s’est plainte de dysfonctionnements, de retard dans l’installation du logiciel et de surfacturations opérées par la SARL Planisphère Info et a fait dresser un procès-verbal de constat le 11 janvier 2018.
Elle a fait assigner sa cocontractante devant le tribunal de commerce de Draguignan par acte du 14 mars 2018 pour voir prononcer la résolution du contrat et être indemnisée du préjudice subi.
Par jugement du 8 janvier 2019, le tribunal judiciaire de Draguignan a :
— prononcé la résolution du contrat en date du 29/09/2016, aux torts de la société Planisphère Info,
— en conséquence, condamné la SAS Planisphère Info à payer à la SARL Mare Nova la somme de 27 658.80 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
— condamné la SAS Planisphère Info à payer à la SARL Mare Nova la somme forfaire de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,
— condamné la SAS Planisphère Info à lui verser la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné la SAS Planisphère Info aux entiers dépens,
— ordonné l’exécution provisoire de la décision,
— débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La SARL Planisphère Info a interjeté appel par déclaration du 8 février 2019.
Par conclusions du 7 mai 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL Planisphère Info demande à la cour de :
— dire et juger que la société Mare Nova ne rapporte la preuve ni de l’inexécution contractuelle, ni de sa gravité au regard des obligations essentielles respectives des parties qu’elle impute à la concluante,
— dire et juger que la concluante rapporte la preuve de l’exécution de ses obligations de délivrance et d’installation de matériels commandés, obligation de moyen renforcée dans l’adaptation du logiciel commandé aux spécificités métiers de Mare Nova, de conseil en proposant une formation complémentaire dont la cliente n’a pas voulu,
— réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau,
— débouter la société Mare Nova de sa demande en résolution judiciaire du contrat passé entre les parties le 29 septembre 2016,
en tout état de cause,
— condamner la société Mare Nova au paiement de la somme de 22 347,96 € due au titre des contrats et prestations postérieures,
— condamner la société Mare Nova au paiement de la somme de 5 000 € au titre de 1’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société Mare Nova au paiement des entiers dépens, ceux d’appe1 distraits au profit de la SCP Tollinchi -Perret Vigneron -Tollinchi sous ses offres et affirmations de droit.
Par conclusions du 5 juillet 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL Mare Nova demande à la cour de :
— constater l’inexécution fautive par la société Planisphère Info des obligations nées du contrat signé le 29 septembre 2016,
— prononcer la résolution du contrat en date du 29 Septembre 2016 avec tous ses effets.
— condamner la société Planisphère Info à payer à la SARL Mare Nova la somme de 46 726.80 € euros outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation, le tout avec anatocisme en vertu de l’article 1154 du code de procédure civile et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
— condamner la société Planisphère Info à payer à la société Mare Nova la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi outre la somme de représentant le coût salarial de Mme X soit la somme de 11 110 € (sic),
— ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir de l’ensemble des codes et mots de passe appartenant à la société Mare Nova,
— condamner la société Planisphère Info au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
— débouter la société Planisphère Info de toutes ses demandes, fins et conclusions,
— dire que dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 (tarif des huissiers), devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).
MOTIFS
— Sur la résolution du contrat :
La SARL Planisphère Info fait d’abord valoir que les éléments retenus par les premiers juges, provenant des pièces unilatéralement établies par l’intimée, ne sont aucunement probantes.
Elle soutient qu’aucun délai de livraison n’avait été convenu entre les parties et que ces dernières n’ont pas cessé d’en adapter le périmètre, la SARL Mare Nova ayant commandé du matériel complémentaire pour l’exploitation de son logiciel ainsi que de nouvelles boites mails. Elle conteste le grief tiré d’une formation insuffisante des salariés de l’intimée et fait valoir que les conditions dans lesquelles a été dispensée la formation n’était certes pas adéquate mais a été imposée par la SARL Mare Nova. Elle conteste également le grief tiré de son manque de réactivité à donner des réponses à la SARL Mare Nova en produisant les échanges intervenus entre les parties.
Elle affirme que le logiciel fourni fonctionne parfaitement, est conforme avec la nouvelle législation s’imposant à la SARL Mare Nova et nécessitant tant une formation particulière de ses salariés, qu’une nouvelle organisation de travail que la SARL Mare Nova a refusées. Elle ajoute que les dysfonctionnements allégués ne sont dus qu’aux erreurs de saisie et échec d’utilisation par les salariés de l’intimée.
La SARL Mare Nova expose que le logiciel devait être livré en décembre 2016, que ce délai n’a pas été respecté et que consciente de ses carences, la SARL Planisphère Info a émis un avoir de 10 710 euros TTC.
Une livraison devait avoir lieu en octobre 2017 mais elle s’est soldée par un échec, de même que celle qui a eu lieu le 2 janvier 2018. Le logiciel installé, n’est pas conforme au devis signé et est impropre à l’usage auquel il est destiné. Compte tenu de ces dysfonctionnements, elle a été contrainte d’une part de faire appel à un salarié supplémentaire et d’autre part de revenir à l’utilisation de son ancien logiciel.
Aux termes de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, la condition
résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Le devis porte à la fois sur la livraison de matériel, son installation et le développement nécessaire à l’intégration du logiciel EBP.
L’obligation de délivrance du vendeur de produits complexes n’est pleinement exécutée qu’une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue et faute de délai convenu entre les parties, il appartient au juge de déterminer le délai raisonnable dans lequel la mise en service aurait dû intervenir.
Il appartient également au vendeur de produits complexes d’analyser les besoins de son client afin de lui proposer une solution conforme.
En l’espèce, il n’est pas discutable :
— que si le contrat et la pièce 5 de la SARL Planisphère Info mentionne l’établissement des besoins du client, aucun document n’a été établi de sorte qu’il est impossible de vérifier sir la SARL Planisphère Informatique, professionnelle débitrice d’une obligation de conseil et d’information à sa cliente, a réellement pris en charge lesdits besoins, de sorte qu’elle n’est pas fondée à invoquer, pour justifier du délai de livraison, de l’adaptation par les parties du périmètre de l’intervention ;
— que le contrat conclu entre les parties le 29 septembre 2016 ne fait effectivement état d’aucun délai de livraison du logiciel EBP. Le matériel a été livré le 16 novembre 2016 selon la facture émise à cette date par la SARL Planisphère Info au profit du crédit-bailleur, mais s’agissant de l’intégration du logiciel, il résulte des échanges entre les parties qu’aucune mise en production (livraison) n’a été envisagée avant le 9 octobre 2017, la formation, initiation à l’utilisation du logiciel EBP, des utilisateurs ayant été réalisée le 6 octobre 2017.
Aucun procès-verbal de recette n’a été établi entre les parties à cette date, mais la pièce 54 de la SARL Planisphère Info, constitué de son relevé d’interventions auprès de la SARL Mare Nova, montre qu’à cette date il restait à finir : « vérification des calculs de stocks, états, modifications diverses (voir liste), étiquettes ». Un deuxième démarrage a eu lieu le 11 octobre 2017, sans procès-verbal de recette puis une mise à jour du logiciel le 17 novembre.
Les mentions des interventions figurant sur la pièce 5 s’arrêtent au 21 novembre où une présentation du logiciel aurait été faite à l’une des salariées de la SARL Planisphère Info, sans qu’il ne soit établi que le logiciel était en état de fonctionner à cette date.
Les échanges de courriels postérieurs au 9 octobre 2017, émanant de la SARL Planisphère Info montrent des difficultés persistantes :
— courriel du 12 octobre 2017 de la SARL Planisphère Info en réponse aux dysfonctionnements évoqués par la SARL Mare Nova mentionnant « à planifier » « dev (développement) à faire »
— courriel de la SARL Planisphère Info du 16 octobre 2017 proposant « un jeu d’essai basé sur ton dossier et données », qui ont conduit les parties à prévoir une nouvelle livraison le 2 janvier 2018, laquelle n’a cependant donné lieu à aucun procès-verbal de recette, de sorte que la SARL Planisphère n’est pas plus fondée à soutenir que tout était « ok » à cette date dans son courriel du 17 janvier 2018.
Une nouvelle intervention sur place a été prévue le 9 janvier 2018, sans succès, la SARL Planisphère Informatique n’étant pas restée sur place pour apporter une solution aux difficultés persistantes d’utilisation du logiciel, occasionnant la rupture des relations contractuelles entre les parties.
La SARL Planisphère Info n’est pas fondée à invoquer l’absence de formation de l’un des salariés alors qu’il lui appartenait de la mettre en place et de définir précisément les contours de cette formation compte tenu des nouvelles fonctionnalités et processus apportés par l’intégration du logiciel EBP, étant précisé que celle qui a eu lieu n’a pas été satisfaisante selon les attestations des salariés concernés, qui ont tous fait part de difficultés dans l’utilisation du logiciel.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé que la formation complémentaire qui a été proposée en dernier lieu par la SARL Planisphère Info n’était nullement prévue au contrat alors qu’elle aurait dû l’être et ne pouvait être proposée comme un complément non intégré au coût prévu par le contrat du 21 septembre 2016 et que la SARL Planisphère Info avait également failli à ses obligations en terme de formation et conduite du changement envers son client puisque les procédures d’inventaires et de commandes n’ont été rédigés qu’en avril et mai 2018 soit plusieurs mois après la mise en service prévue du logiciel.
Au regard de ces multiples défaillances ayant conduit à l’abandon pur et simple de la solution préconisée par la SARL Planisphère Info, c’est à bon droit, par des motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont prononcé la résolution judiciaire du contrat.
— Sur les conséquences de la résolution judiciaire du contrat :
La résolution judiciaire du contrat ayant été prononcée, les parties doivent être replacées dans l’état antérieur à sa conclusion et c’est à bon droit que les premiers juges ont condamné la SARL Planisphère Info à payer la somme de 27 658,8 euros au titre des restitutions.
Par ailleurs, l’inexécution du contrat et l’absence de mise en place du logiciel EBP, pour être en conformité avec les nouvelles normes comptables et fiscales ont engendré un surcoût de personnel et une surcharge de travail pour la SARL Planisphère Info, nécessitant effectivement l’embauche d’une salariée supplémentaire dans le cadre d’un contrat à durée déterminée et les premiers juges ont exactement évalué le coût de l’ensemble du préjudice subi par l’intimée à la somme de 15 000 euros.
Enfin, les factures émises par la SARL Planisphère Info ne sont pas dues en l’état de la résolution du contrat.
Le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions et la SARL Planisphère Info condamnée aux dépens, sans qu’il y ait lieu de déroger aux règles d’ordre public instaurées par le code des procédures civiles d’exécution s’agissant des frais engendrés par l’exécution forcée du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Draguignan du 8 janvier 2019,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL Planisphère Info à payer à la SARL Mare Nova la somme de trois mille euros,
Condamne la SARL Planisphère Info aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT