7 novembre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
17-19.247
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 novembre 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 11298 F
Pourvoi n° X 17-19.247
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Gilruc, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […],
contre l’arrêt rendu le 4 avril 2017 par la cour d’appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l’opposant à Mme Elise Y…, domiciliée […] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 2 octobre 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Gilruc, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme Y… ;
Sur le rapport de M. Z…, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gilruc aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Gilruc à payer la somme de 3 000 euros à Mme Y… ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Gilruc
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré le licenciement d’Elise Y… dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’avoir, en conséquence, condamné la société Gilruc à lui payer les sommes de 1 954,36 euros à titre de rappels de salaires durant la période de mise à pied, outre 195,43 euros au titre des congés payés afférents, 9 220,77 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 922,07 euros au titre des congés payés afférents, 4 074 euros à titre d’indemnité de licenciement, et 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ; qu’en l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu’il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ; qu’en effet, en dépit de l’attestation produite en cause d’appel émanant du Docteur A… « J’ai prescrit le Coaprovel 300/12,5 à Mme B… depuis le 22 décembre 2009. Le 19 mai 2010, j’ai téléphoné à la Pharmacie C… depuis le domicile de Madame B…, et comme d’habitude à sa demande, pour énoncer le reste des médicaments prescrits ce jour, dans cette liste, j’ai clairement évoqué le Coaprovel au dosage de 300 mg (et non 150 mg) », il n’en demeure pas moins, comme le fait justement remarquer l’intimée, que s’il avait été pris pour habitude que le médecin traitant de Mme B… téléphone à la pharmacie pour commander les médicaments qu’il venait de prescrire, c’était M. C…, préparateur en pharmacie, qui se rendait au domicile de Mme B… pour les lui livrer et récupérer l’ordonnance et qu’il appartenait à ce dernier de s’assurer de la conformité de la livraison du médicament avec l’ordonnance alors que Mme Y…, lors de la préparation de la commande, n’avait pas en mains l’ordonnance du médecin prescripteur » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l’existence de la délivrance d’un médicament sous dosé à Mme Anne-Marie D… le 26 mars 2010 n’est pas contestée par Elise Y… ; que cette dernière fait seulement valoir que l’ordonnance du médecin étant illisible, elle s’est référée à celle de l’hôpital prescrivant du Byetta 5 mcg, alors que le dosage avait changé un mois auparavant et ajoute que le médicament a été ramené à la pharmacie le jour même et qu’aucune conséquence dommageable n’est donc survenue, le Byetta 10 mcg ayant été commandé dès le 27 mars 2010 ; que l’existence de cette erreur commise par Elise Y… est par ailleurs établie par la production aux débats des copies d’écran démontrant que le médicament litigieux a été délivré avec le code de la salariée ; qu’en revanche, la seconde erreur de délivrance prétendument commise le 19 mai 2010 est contestée ; qu’à cet égard, les circonstances de la remise du médicament Coaprovel 150/12,5 mg en lieu et […] ,5 mg prescrit par ordonnance du 19 mai 2010 du docteur François A…, médecin généraliste à Vichy, ont été précisées par Elise Y… à l’audience ; que cette dernière a expliqué, sans être contredite, qu’elle avait pris la commande sur un appel téléphonique du docteur A…, médecin généraliste à Vichy, qu’elle avait matériellement mis le médicament dans un sac pour que M. C…, préparateur en pharmacie, l’apporte au domicile de la patiente et que ce n’est qu’à ce moment que l’ordonnance papier avait été donnée par le client ; qu’elle a indiqué que le défaut de conformité du médicament dispensé avec le médicament prescrit ne lui ayant été signalé au retour de M. C… à la pharmacie, elle avait effectué une « relance » de l’ordonnance avec son code, sans vérifier ; qu’il résulte de ces éléments qu’il ne peut être reproché à Elise Y… qu’un défaut de vérification de la conformité du médicament dispensé au retour de l’ordonnance, ce qui aurait permis de détecter l’erreur plus rapidement ; qu’en revanche, il n’est pas établi que cette salariée a été à l’origine de la délivrance d’un médicament sous dosé puisque le contenu de la conversation téléphonique avec le docteur A… demeure inconnu et qu’il n’est pas démontré que le médicament indiqué à la pharmacienne par le médecin était effectivement E… 300/12,5 mg ; que par ailleurs, Elise Y… n’était pas immédiatement en mesure de s’assurer de la conformité du médicament à la prescription médicale puisque la première personne ayant eu simultanément en sa possession le médicament et l’ordonnance du médecin était M. C…, habilité à la dispensation de médicaments à domicile par l’article R. 5125-51 du code de la santé publique ; qu’à cet égard, il ne peut valablement être reproché à Elise Y… une violation des obligations du dernier alinéa de l’article susvisé, ces dernières n’obligeant le pharmacien qu’à veiller à ce que les instructions nécessaires à une bonne observance et compréhension de la prescription par le patient soient données préalablement à la personne qui assure la dispensation à domicile, ce qui est, en l’espèce, sans rapport avec les faits reprochés par l’employeur ; qu’il n’est donc pas établi qu’Elise Y… est à l’origine de l’erreur commise le 19 mai 2010 ayant consisté à délivrer un médicament sous dosé ; que d’autre part, l’absence de vérification commise par la salariée au retour de l’ordonnance, tout comme les faits du 26 mars 2010, ne procèdent manifestement pas d’une intention malveillante mais constitue des erreurs dont les conséquences sont restées minimes puisque les médicaments n’ont, dans les deux cas, pas été utilisés, ont été ramenés rapidement par les patients et que les conséquences financières se sont élevées au coût de remplacement des produits (94 euros) pour le Byetta 10 mcg et pas de justification du remplacement E… 150/12,5) ; que par ailleurs, il n’est pas justifié de l’atteinte à la réputation de la pharmacie en étant découlée ; qu’enfin, ces deux faits isolés ont été commis par une salarié embauchée depuis plus de cinq ans dans l’entreprise, dont il n’est pas allégué qu’elle avait déjà commis des erreurs de cette nature auparavant ; qu’il résulte de tous ces éléments que les erreurs commises par Elise Y… les 26 mars et 19 mai 2010 ne constituaient pas des fautes revêtant pas une importance telle qu’elles rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant la durée du préavis ; qu’en conséquence, le licenciement pour faute grave prononcé par la Selarl Gilruc le 5 juin 2010 n’était pas fondé, et se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
1°/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en l’espèce, pour écarter la faute grave et dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a expressément approuvé les premiers juges d’avoir retenu qu’il n’était pas établi que la salariée ait été à l’origine de la délivrance d’un médicament sous dosé puisque le contenu de la conversation téléphonique avec le docteur A… demeurait inconnu et qu’il n’était ainsi pas démontré que le médicament indiqué à Mme Y… par le docteur A… était effectivement E… 300/12,5 mg ; qu’en retenant ensuite que l’attestation du docteur A…, produite en cause d’appel, dont il résultait qu’il avait indiqué le 19 mai 2010 par téléphone à la pharmacie C… avoir prescrit à Mme B… E… 300/12,5 mg et ce depuis le mois de décembre 2009, était inopérante, dès lors qu’il aurait appartenu au préparateur en pharmacie se rendant au domicile de Mme B… de s’assurer de la conformité de la livraison du produit remis par Mme Y… avec l’ordonnance papier, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs contradictoires et a ainsi violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer par omission les pièces versées aux débats ; qu’en l’espèce, il résultait du bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions d’appel de la société Gilruc que celle-ci avait produit aux débats devant la cour d’appel, outre l’attestation du docteur A… dont il résultait qu’il prescrivait à Mme B… E… 300/12,5 mg depuis le mois de décembre 2009, l’attestation de Mme B… établissant que ce médicament lui était prescrit tous les mois avec ce même dosage ; qu’en retenant que les parties ne faisaient que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance, sans examiner cet élément de preuve, établissant la faute de Mme Y… ayant pour la première fois et sans ordonnance en ce sens délivré en mai 2010 à Mme B… un dosage différent, la cour d’appel a méconnu l’article 4 du code procédure civile ;
3°/ ALORS QU’en tout état de cause, le juge doit analyser les éléments de preuve régulièrement soumis à son examen ; qu’en l’espèce, la société Gilruc versait aux débats, pour établir la faute grave de Mme Y…, l’attestation de Mme B… selon laquelle le préparateur apportait les médicaments commandés par le docteur A… ; qu’en s’abstenant d’examiner cet élément déterminant de la solution du litige, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE la circonstance que plusieurs salariés aient commis la même faute n’est pas exclusive de leur gravité ; qu’en écartant la faute grave de Mme Y…, aux motifs inopérants que le préparateur en pharmacie, habilité à dispenser des médicaments à domicile, devait également vérifier si le médicament qu’elle lui avait remis était conforme à l’ordonnance écrite, la cour d’appel a méconnu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
5°/ ALORS QUE les conséquences préjudiciables pour l’employeur d’un fait imputable au salarié ne sont pas un critère d’appréciation de la faute grave ; qu’en retenant que la vérification, par le préparateur en pharmacie, de la conformité du dosage du médicament remis par Mme Y… à l’ordonnance du médecin était de nature à exclure le risque de dommage et donc le comportement fautif de la salariée, la cour d’appel a méconnu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
6°/ ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu’en l’espèce, l’employeur reprochait au salarié, au titre de la faute grave, d’avoir délivré et fait délivrer des médicaments sous-dosés non conformes aux ordonnances ; qu’en retenant, pour dire que la faute grave n’était pas établie et ainsi dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l’absence de vérification par la salariée de la régularité du dosage du médicament délivré était dépourvue d’intention malveillante, la cour d’appel a méconnu les limites du litige telles que fixées par la lettre de licenciement, et ainsi violé l’article L. 1232-6 du code du travail ;
7°/ ALORS QU’en tout état de cause, la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ; qu’elle se distingue de la faute grave qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’en retenant, pour dire que la faute grave n’était pas établie et ainsi dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l’absence de vérification par la salariée de la régularité du dosage du médicament délivré était dépourvue d’intention malveillante, la cour d’appel a méconnu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
8°/ ALORS QUE constitue une faute grave la délivrance réitérée à quelques jours d’intervalle par une pharmacienne de médicaments d’un dosage erroné au regard d’une prescription papier et d’une prescription donnée par téléphone ; qu’en retenant le contraire, la cour d’appel a méconnu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.