28 mars 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-10.153
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 mars 2019
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt n° 443 F-D
Pourvoi n° G 18-10.153
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ M. M… U… Y… , domicilié […] , agissant tant en son nom personnel, qu’en sa qualité d’héritier de D… T… son épouse décédée et en sa qualité d’administrateur légal de sa fille mineure A… U… Y…,
2°/ Mme W… B…, domiciliée […] ,
contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige les opposant à la société CNP assurances, société anonyme, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 20 février 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Boiffin, conseiller rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boiffin, conseiller, les observations de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. U… Y… , agissant tant en son nom personnel qu’ès qualités, de Mme B…, de la SCP Ghestin, avocat de la société CNP assurances, l’avis de M. Lavigne, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2017), que pour garantir le remboursement de trois prêts qu’elle et son époux, M. U… Y…, avaient contractés auprès de la Banque postale, D… T… a adhéré le 31 janvier 2011 à une assurance de groupe souscrite auprès de la société CNP assurances (l’assureur), couvrant les risques incapacité totale de travail (ITT), perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA) et décès ; qu’ayant été atteinte en 2012 d’un cancer à l’estomac, elle a demandé à bénéficier de la garantie ITT ; que l’assureur ayant refusé sa garantie en invoquant une fausse déclaration intentionnelle de sa part lors de son adhésion pour avoir omis d’indiquer, dans ses réponses au questionnaire de santé, qu’elle avait suivi en 2008 et 2009 un traitement pour une hypertension artérielle, D… T… et son époux l’ont assigné afin de le faire condamner à prendre en charge les échéances des trois prêts à compter du 1er juin 2013 ; que D… T… étant décédée le 14 février 2015 des suites de son cancer, sont intervenus volontairement à l’instance M. U… Y…, en qualité d’héritier de celle-ci et d’administrateur légal de leur fille mineure A…, et Mme B…, en qualité d’héritière de sa mère ;
Attendu que M. U… Y… , agissant tant en son nom personnel qu’ès qualités, et Mme B… font grief à l’arrêt de prononcer « la nullité (totale) » des contrats d’assurance de groupe souscrits par D… T… en couverture de trois prêts immobiliers consentis par la Banque postale et de les débouter de l’intégralité de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, lorsque cette réticence ou fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur ; que l’appréciation de la portée de cette réticence ou fausse déclaration sur l’opinion du risque pour l’assureur doit se faire, à l’occasion d’une police garantissant plusieurs risques distincts, par rapport à chaque risque en litige, mais indépendamment des circonstances du sinistre ; qu’en l’espèce, il est constant que pour chacun des contrats d’assurance, D… T… avait été admise sans restriction au bénéfice des garanties décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité totale de travail ; que par motifs réputés adoptés, la cour d’appel a elle-même constaté qu’aux termes d’une attestation de l’assureur en date du 29 janvier 2014, si D… T… avait déclaré un antécédent d’hypertension artérielle traitée depuis 2008, l’assureur lui aurait proposé de souscrire une assurance au même montant de prime (c’est-à-dire au taux de base du contrat), avec des restrictions de garantie concernant l’incapacité totale de travail et la perte totale et irréversible d’autonomie mais sans restriction de garantie concernant le décès ; qu’il s’en déduisait que la fausse déclaration intentionnelle que l’assureur reprochait à l’assurée n’avait pas changé l’objet du risque de décès et n’en avait pas diminué l’opinion de celui-ci, de sorte que la garantie décès restait valable et que seules les garanties perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité totale de travail étaient susceptibles d’être annulées ; qu’en prononçant la nullité totale des contrats d’assurance et en déboutant les exposants de leurs demandes tant au titre de la garantie décès qu’au titre des garanties perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité totale de travail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article L. 113-8 du code des assurances ;
2°/ que l’appréciation de la portée de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré sur l’opinion du risque pour l’assureur doit se faire in concreto et non in abstracto ; qu’en se bornant à affirmer, de façon abstraite et générale, par motifs propres, que la fausse déclaration reprochée à l’assurée « n’a[vait] pu manquer d’avoir des conséquences sur l’évaluation du risque par l’assureur, l’hypertension artérielle constituant un facteur spécifique de risques cardio-vasculaires justifiant soit une augmentation de la prime soit des restrictions quant aux garanties accordées » et, par motifs adoptés, que cette fausse déclaration « a[vait] bien modifié l’opinion que l’assureur se faisait du risque lors de la souscription des contrats », sans rechercher, comme elle y était invitée, si concrètement, en l’espèce, il ne ressortait pas de l’attestation de l’assureur du 29 janvier 2014 que la déclaration d’un antécédent d’hypertension artérielle par D… T… n’aurait modifié ni le montant de la prime, ni l’étendue de la garantie décès, ce dont il se déduisait que l’omission de cette déclaration n’avait pas changé l’objet du risque de décès et n’en avait pas diminué l’opinion pour l’assureur et si, partant, la garantie décès ne demeurait pas valable, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 113-8 du code des assurances ;
3°/ que le juge est tenu de respecter les termes du débat fixés par les parties ; que l’assureur admettait aux termes de ses conclusions d’appel et de l’attestation du 29 janvier 2014 qu’elle versait aux débats que la déclaration d’un antécédent d’hypertension artérielle par D… T… n’aurait modifié ni le montant de la prime, ni l’étendue de la garantie décès, ce dont il se déduisait que l’omission de cette déclaration n’avait pas changé l’objet du risque de décès et n’en avait pas diminué l’opinion pour l’assureur, ainsi que le faisaient valoir les exposants ; qu’en jugeant le contraire, pour prononcer la nullité totale des contrats d’assurance et débouter les exposants de leurs demandes au titre de la garantie décès, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation, sans viser ni analyser, fût-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu’en se bornant à affirmer que la fausse déclaration reprochée à l’assurée « n’a[vait] pu manquer d’avoir des conséquences sur l’évaluation du risque par l’assureur, l’hypertension artérielle constituant un facteur spécifique de risques cardio-vasculaires justifiant soit une augmentation de la prime soit des restrictions quant aux garanties accordées », sans viser ni analyser, fût-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels elle s’est fondée pour formuler une telle affirmation, qui était contestée par les exposants, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’il ne résulte ni des énonciations de l’arrêt ni des conclusions de M. U… Y… et de Mme B… que ceux-ci avaient, devant la cour d’appel, sollicité le bénéfice de la garantie décès, ayant demandé la condamnation de l’assureur à leur rembourser les mensualités des prêts échues depuis le 1er juin 2013 et réglées par eux jusqu’en février 2017, ainsi qu’à prendre en charge celles à échoir après cette date, et non à leur payer, « en une seule fois, les sommes dues par l’intéressé au jour du sinistre, d’après le tableau d’amortissement du prêt ou l’attestation de l’organisme prêteur (à l’exclusion de toutes échéances arriérées), augmentées des intérêts éventuellement dus », tel que stipulé aux contrats pour la garantie en cas de décès ;
D’où il suit que le moyen, qui reproche aux juges du fond d’avoir débouté M. U… Y… et Mme B… d’une demande au titre de la garantie décès et modifie ainsi l’objet de celle que ces derniers leur avaient présentée, est nouveau et, partant, irrecevable en toutes ses branches ;