24 mai 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-13.798
COMM.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10199 F
Pourvoi n° D 16-13.798
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Puressentiel France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 3 février 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Promethera, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
2°/ à la société Phytocom, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 28 mars 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme X…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Y…, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Puressentiel France, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des sociétés Promethera et Phytocom ;
Sur le rapport de Mme X…, conseiller, l’avis de M. Y…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Puressentiel France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés Promethera et Phytocom la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Puressentiel France.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, infirmant le jugement en ce qu’il a condamné la société Promothera et Phytocom, solidairement, à payer à la société Puressentiel France la somme de 172.400 euros, à titre de dommages-intérêts, débouté la société Puressentiel France de l’intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la société Puressentiel France commercialise des gammes de produits à base d’huiles essentielles sous le nom de marque ‘Puressentiel’, exclusivement vendus en pharmacie et parapharmacie; que pour développer la meilleure connaissance de l’aromathérapie de certains professionnels de santé, à savoir médecins généralistes et pneumologues, elle s’est adressée à compter de mi-2010 aux sociétés Promothera et Phytocom spécialisées dans le démarchage des médecins par des équipes de visiteurs médicaux ;que c’est ainsi que les parties ont conclu successivement sept contrats de partenariat à durée déterminée :- un contrat signé le 8 juin 2010, couvrant la période du 1er octobre 2010 au 30 janvier 2011, prévoyant un budget de formation de 450 € HT et 800 visites au prix de 15 € HT chacune,- un contrat signé le 28 décembre 2010, couvrant la période du 1er février au 31 juillet 2011, prévoyant un budget de formation de 11 280 € HT et 13.800 visites au prix de 10 € HT chacune,- un contrat signé le 29 août 2011, couvrant la période du 1er septembre au 31 décembre 2011, prévoyant un budget de formation de 8 100 € HT et 9 200 visites au prix de 12 € HT chacune,- un contrat signé le 12 avril 2012, couvrant la période du 1er janvier au 31 juillet 2012, prévoyant un budget de formation de 6 345 € HT et 16 100 visites au prix de 12 € HT chacune,- un contrat signé le 19 septembre 2012, couvrant la période du 1er septembre au 31 décembre 2012, prévoyant un budget de formation de 6 345 € HT et 9 200 visites au prix de 12 € HT chacune,- un contrat signé le 13 février 2013, couvrant la période du 1er janvier au 31 juillet 2013, prévoyant un budget de formation de 15 600 € HT, 100 visites de pneumologues au prix de 30 € HT chacune et 2 150 visites de médecins généralistes au prix de 13 € HT chacune,- un contrat signé le 26 août 2013, couvrant la période du 30 août au 31 décembre 2013, prévoyant un budget de formation de 7.800 € HT, 100 visites de pneumologues au prix de 45 € HT chacune et 2.200 visites de médecins généralistes au prix de 13 € HT chacune ; que le 10 décembre 2013, le gérant de la société Phytocom a envoyé au représentant de la société Puressentiel un courriel ainsi libellé : ‘Je viens par la présente t’indiquer à toutes fins utiles que notre contrat s’arrêtera le 31 décembre 2013 et que je n’entends pas signer un nouveau contrat avec ta société’; que par lettre en réponse du 17 décembre 2013, la société Puressentiel France a qualifié la décision d’incompréhensible et inadmissible, en précisant qu’elle survenait après un mois de relance pendant lequel elle n’avait eu aucune réponse à ses courriels et appels téléphoniques afin de recevoir une proposition budgétaire pour 2014 ainsi que les dates et séminaires du premier cycle 2014 et en soulignant qu’elle n’allait pas être en mesure d’assurer la couverture de ses prescripteurs sur le premier cycle 2014, avec risque de perdre l’acquis de plus de trois ans de visites médicales ; que par lettre du 6 janvier 2014, la société Phytocom a mis en demeure la société Puressentiel France de lui payer la somme de 63.550,41 € TTC représentant ses honoraires de novembre et décembre 2013 6 ;Considérant que le 13 février 2014, les sociétés Promothera et Phytocom ont fait assigner la société Puressentiel France devant le tribunal de commerce de Marseille afin d’obtenir paiement de la somme de 63 550,41 € , outre des dommages-intérêts pour atteinte à son image ;que le 4 mars 2014, la société Puressentiel France a fait assigner les sociétés Promothera et Phytocom devant le tribunal de commerce de Paris en dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ainsi que pour violation des clauses de non concurrence et de confidentialité ; que ce tribunal, rejetant les exceptions de procédure, n’a condamné les sociétés Promothera et Phytocom que pour rupture brutale de la relation commerciale établie, déboutant la société Puressentiel France de ses autres demandes ;
Sur les demandes de la société Puressentiel France pour rupture brutale de la relation commerciale établie : qu’au soutien de ses demandes de dommages-intérêts fondées sur l’article L 442-6,I 5ºdu code de commerce, la société Puressentiel expose :- qu’elle a entretenu une relation établie, stable et continue pendant plus de trois ans simultanément avec les sociétés Promothera et Phytocom, lesquelles l’ont rompue brutalement au profit de son concurrent direct, la société Omega Pharma, – que pendant ce laps de temps, la relation s’est pérennisée par l’enchaînement de cycles de visites médicales d’une durée de quatre, six ou sept mois, aboutissant à 75.000 visites médicales facturées pour un montant total de 968 520 € HT par les sociétés Promothera et Phytocom, – que les contrats successifs étaient identiques, au détail près des adaptations nécessaires selon l’évolution du terrain et le développement des cycles de visite, trois sur six étant signés après le début de la nouvelle période contractuelle, ce qui traduit la relation de confiance qui s’était instaurée entre les parties et confirme que le partenariat s’inscrivait dans une relation à durée globale indéterminée, – que cette relation était significative comme portant sur une mobilisation importante du réseau de visiteurs médicaux des sociétés Promothera et Phytocom ainsi que sur des investissements très importants de sa part à savoir, outre la rémunération des visites médicales, le paiement de la formation médicale des visiteurs médicaux, la fourniture de documents de formation et de promotion avec des échantillons de produits et la mise à disposition d’études et matériels promotionnels, – que du fait de ses investissements importants, qui constituaient le développement d’un réseau de visiteurs médicaux bien formés à l’aromathérapie et qui étaient un élément essentiel de sa stratégie commerciale, elle ne pouvait que considérer que la relation commerciale s’inscrivait dans la durée et anticiper raisonnablement sa continuité pour l’avenir, – que cette anticipation ressort des courriels échangés en octobre, novembre et décembre 2013 pour la préparation du cycle de visites 2014, – que le 10 décembre 2013 aucun motif n’a été donné pour justifier la rupture et ce n’est que postérieurement qu’il a été fait état d’une facture du 30 novembre 2013 impayée reçue le 5 décembre 2013, soit 5 jours avant la rupture, et d’une facture du 31 décembre reçue le 6 janvier 2014, soit 4 semaines après la rupture; mais que la rupture des relations entre les parties est intervenue le 31 décembre 2013, à l’échéance du dernier contrat conclu entre elles le 26 août 2013 et qui couvrait la période du 30 août au 31 décembre 2013 ; que les parties ont choisi d’inscrire leur relation commerciale dans le cadre de contrats à durée déterminée, sans tacite reconduction; que les courriels versés aux débats par les sociétés Promothera et Phytocom, regroupés dans leur pièce nº 16, montrent que la signature des contrats était précédée de discussions entre les parties ; qu’en effet, par courriel du 7 novembre 2011, Monsieur Z…, dirigeant des sociétés Promothera et Phytocom écrivait à la société Puressentiel France : ‘Afin de faire un point détaillé permettant d’envisager les modalités de la suite de notre collaboration, Marco souhaiterait pouvoir te rencontrer chez Puressentiel le lundi 21 novembre vers 14h30.’ ; que par courriel du 21 juin 2012, Monsieur Z… écrivait à la société Puressentiel France: ‘Comme convenu, je te communique ma proposition de visite médicale pour la gamme A… Puressentiel avec le rappel de Puressentiel assainissant …’ ; que la société Puressentiel France lui répondait par courriel du 22 juin 2012 : ‘ Marco m’a communiqué ta proposition budgétaire, le libellé ne reflète pas exactement le contenu de nos discussions …’ ; que le 19 avril 2013, la société Puressentiel France demandait à la société Promothera de lui transmettre ses prévisions « C2 et C3 pour 2013″ ; que la société Promothera lui adressait le même jour : « ses dernières propositions de réseaux exclusifs en visites médicales » ; qu’il résulte de ces éléments que la conclusion de nouveaux contrats était soumise à discussions préalables sur leur durée, le contenu des prestations et sur le budget ; qu’il apparaît que le prix retenu pour les visites médicales a varié selon les contrats ;que les courriels échangés le 30 octobre et le 21 novembre 2013 entre un chef de réseau de la société Phytocom et un pharmacien chef de gamme de la société Puressentiel France ne portent que sur l’organisation d’un séminaire en janvier 2014 ; que dans le courriel du 3 décembre 2013, Monsieur B…, directeur exécutif au sein de la société Puressentiel France, interrogeait le chef de réseau de la société Phytocom en ces termes ‘ Toujours pas de retour sur les date et lieu de séminaire, ni de propositions sur le C1 !’ ; qu’il n’est pas justifié d’échanges entre les dirigeants des parties sur les modalités et la rémunération d’un nouveau contrat pour l’année 2014 ;qu’au regard du comportement des parties tel qu’analysé ci-dessus, la société Puressentiel France, qui a signé des contrats à durée déterminée et qui ne démontre en aucune façon les investissements importants qu’elle allègue avoir engagés, ne pouvait légitimement s’attendre à ce que la relation perdure au-delà du terme fixé par le dernier contrat ;qu’après le 31 décembre 2013, les sociétés Promothera et Phytocom étaient libres de nouer d’autres relations avec d’autre partenaires ; qu’en conséquence, la société Puressentiel France est mal fondée en toutes ses demandes de dommages-intérêts pour rupture brutale ;
ALORS, D’UNE PART, QUE constitue une relation commerciale établie une relation commerciale régulière, significative et stable, peu important le type de contrat liant les partenaires commerciaux ;qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt l’existence d’une relation unissant depuis plus de trois ans la société Puressentiel France aux sociétés Promothera et Phytocom, lesquelles avaient conclu successivement sept contrats de partenariat semblables à partir du mois de juin 2010 jusqu’au mois de décembre 2013 ; qu’en retenant l’absence de relation commerciale établie au motif inopérant que les contrats étaient à durée déterminée et que la rupture des relations entre les parties était intervenue à l’échéance du dernier contrat qui couvrait la période du 30 août au 31 décembre 2013, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE le caractère établi de la relation commerciale résulte, d’une part, de la régularité, du caractère significatif et de la stabilité de la relation commerciale, d’autre part, de l’anticipation raisonnable de la poursuite et de la continuité de la relation commerciale instaurée dans la durée, peu important que les contrats soient à durée déterminée et qu’il ne soit pas établi que des investissements importants aient été engagés ; qu’en se fondant sur la circonstance que la société Puressentiel France avait signé des contrats à durée déterminée et n’avait pas démontré les investissements importants engagés, la cour d’appel, qui a statué par des motifs inopérants, impropres à écarter la régularité, le caractère significatif, la stabilité de la relation commerciale et l’attente légitime de la société Puressentiel France à ce que la relation perdure au-delà du terme fixé par le dernier contrat, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la société Puressentiel France faisait valoir que le caractère significatif de la relation commerciale portait sur une mobilisation importante du réseau de visiteurs médicaux des sociétés Promothera et Phytocom ainsi que sur de lourds investissements de sa part, notamment le paiement de la formation des visiteurs à l’aromathérapie et aux produits Puressentiel, la fourniture des documents de formation et de promotion, des échantillons de produits, des études et matériels promotionnels, la rémunération des visites médicales elles-mêmes, que, compte tenu de ces investissements qui constituaient le développement d’un réseau de visiteurs médicaux bien formés à l’aromathérapie et aux produits Puressentiel, elle ne pouvait que considérer que la relation commerciale établie avec les sociétés Promothera et Phytocom s’inscrivait dans la durée et ne pouvait qu’anticiper très raisonnablement pour l’avenir une continuité de cette relation avec ce partenaire commercial, que cette anticipation était telle qu’elle avait travaillé dès l’automne 2013 sur la préparation du cycle 2014 de visites médicales, laquelle apparaissait de manière manifeste à travers différents courriels échangés entre les responsables des trois sociétés aux mois d’octobre, novembre et décembre 2013, que ce cycle 2014 était préparé dans ses modalités les plus pratiques faisant ressortir que le contrat de 2014 avait reçu un commencement d’exécution et que, comme pour les cycles précédents depuis trois ans, la relation commerciale avec les sociétés Promothera et Phytocom était engagée pour se poursuivre longtemps et en particulier tout au long de l’année 2014 (conclusions en réponse n°2 de la société Puressentielle France p. 17 et 18) ; qu’en se bornant à énoncer que les courriels échangés le 30 octobre et le 21 novembre 2013 entre un chef de réseau de la société Phytocom et un pharmacien chef de gamme de la société Puressentiel France ne portaient que sur l’organisation d’un séminaire en janvier 2014 et qu’il n’était pas justifié d’échanges entre les dirigeants des parties sur les modalités et la rémunération d’un nouveau contrat, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce séminaire n’était pas celui de préparation de la première campagne 2014 et donc un commencement d’exécution de cette campagne et, si compte tenu de leurs pratiques antérieures, la société Puressentiel ne pouvait pas légitimement s’attendre à la signature d’un nouveau contrat à l’échéance du précédent, la cour d’appel, qui s’est déterminée par des motifs insuffisants à écarter l’existence d’une relation commerciale régulière, stable et significative entre la société Puressentiel et les sociétés Promothera et Phytocom, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce ;
ALORS, DE QUATRIÈME PART, QUE la société Puressentiel France insistait sur le fait que l’anticipation était telle qu’elle avait travaillé dès l’automne 2013 sur la préparation du cycle suivant de visites médicales, c’est-à-dire du premier cycle de l’année 2014 correspondant à la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2014, que cette préparation du cycle 2014 apparaissait de manière manifeste à travers différents courriels échangés aux mois d’octobre, novembre et décembre 2013 entre les responsables de l’organisation des campagnes publicitaires et donc de l’exécution même du contrat, faisant ainsi ressortir que les parties avaient entendu poursuivre une relation commerciale préétablie (conclusions en réponse n°2 de la société Puressentiel France p.18 à 20) ; qu’en se fondant, pour retenir que les parties n’avaient pas entendu établir entre elles une relation commerciale continue, sur la circonstance que les mails du 30 octobre 2013 et du 21 novembre 2013 avaient été échangés entre un chef de réseau de la société Phytocom et un pharmacien chef de gamme de la société Puressentiel et qu’il n’était pas justifié d’échanges entre les dirigeants des parties sur les modalités et la rémunération d’un nouveau contrat pour l’année 2014, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants impropres à écarter l’existence d’une relation commerciale régulière, stable et significative et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce.