Droits des pharmaciens : 21 mars 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00101

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Droits des pharmaciens : 21 mars 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00101
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21 mars 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
22/00101

ARRET N°

N° RG 22/00101 – N° Portalis DBWA-V-B7G-CJT3

SCI [Adresse 1]

C/

SELARL MONTRAVERS [V]

MINISTERE PUBLIC

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 21 MARS 2023

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 15 février 2022, enregistrée sous le n° 21/00041

APPELANTE :

S.C.I. [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Ferdinand EDIMO NANA, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. MONTRAVERS [V], prise en la personne de Maître [M] [V], en qualité de mandataire liquidateur de la SCI [Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non représentée

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée, et qui a fait connaître son avis en la personne de Mme Bérangère SENECHAL, vice-procureure placée, par conclusions du 8 juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 octobre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mame Christine PARIS, présidente de chambre

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 10 janvier 2023, puis prorogée au 14 février et au 21 mars 2023

ARRÊT : réputé contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par déclaration de cessation des paiements déposée au greffe du tribunal judiciaire de Fort-de-France le 30 juillet 2021, M. [X] [U] a sollicité l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SCI [Adresse 1], dont il est le gérant.

Par jugement contradictoire en date du 12 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a sursis à statuer sur la demande d’ouverture de redressement judiciaire et ordonné une mesure d’enquête préalable, afin notamment de déterminer s’il y avait lieu d’ordonner le redressement ou la liquidation judiciaire de la société.

Le rapport d’enquête a été déposé le 18 novembre 2021 et communiqué à la SCI [Adresse 1] le 19 novembre 2021.

Par jugement contradictoire en date du 15 février 2022, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a notamment :

– prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [Adresse 1] ;

– fixé la date de cessation des paiements au 15 août 2020 ;

– désigné Mme [D] [R] en qualité de juge commissaire titulaire, et la SALARL MONTRAVERS [V], prise en la personne de Maître [M] [V], en qualité de liquidateur;

– dit que ce dernier devra déposer au greffe l’état des créances vérifiées dans le délai de 10 mois à compter de la parution au BODACC ;

– désigné Maître [K] [S] en qualité de commissaire-priseur aux fins de procéder à l’inventaire et à la prisée du patrimoine de l’association ;

– fixé à 5 semaines à compter de la réception de la décision, le délai imparti au commissaire-priseur pour déposer son inventaire ;

– renvoyé le dossier à l’audience de clôture du 22 novembre 2022 à 14h00 ;

– dit que les frais de procédure seront avancés par le Trésor public.

Par déclaration électronique en date du 17 mars 2022, la SCI [Adresse 1] a interjeté appel de ce jugement « en ce que le tribunal judiciaire a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [Adresse 1], demande qui n’était pas faite lors de sa saisine en s’appuyant de surcroit sur une analyse du passé de la société et non pas de ses perspectives d’avenir et de sa capacité réelle de se redresser et apurer son passif. A l’analyse des éléments qui lui seront fournis, la cour infirmera en totalité le jugement querellé et statuant à nouveau, ouvrira à l’encontre de la SCI [Adresse 1], une procédure de redressement judiciaire. »

L’affaire a été orientée à bref délai.

La déclaration d’appel et l’avis d’orientation ont été signifiés à la SELARL MONTRAVERS [V] par acte délivré à personne morale le 1er avril 2022.

Aux termes de ses conclusions n° 2 notifiées au greffe par voie électronique le 13 juin 2022 et signifiées à la SELARL MONTRAVERS [V], prise en la personne de Maître [M] [V], en qualité de liquidateur judiciaire, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI [Adresse 1] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire en date du 15 février 2022 en ce qu’il a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [Adresse 1], ouvrir à l’encontre de la SCI [Adresse 1] une procédure de redressement judiciaire et statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses conclusions datées du 8 juin 2022 et notifiées le même jour à l’appelant, le procureur général sollicite la confirmation du jugement entrepris.

La SELARL MONTRAVERS [V], liquidateur de la SCI [Adresse 1], ne s’est pas constituée.

L’instruction a été clôturée le 16 juin 2022. L’affaire a été appelée à l’audience du 28 octobre 2022.

MOTIFS :

Aux termes de l’article L. 631-1 du code de commerce, « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établir que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l’issue d’une période d’observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. »

Il résulte du rapport d’enquêteur préalable déposé le 19 novembre 2021 que la SCI [Adresse 1] a été créée en mars 1991 et est propriétaire d’un immeuble qui abritait la pharmacie de son dirigeant, laquelle a été liquidée en 2021. Elle n’emploie aucun salarié.

La SCI a connu ses premières difficultés à partir de la liquidation de la pharmacie, puisqu’elle n’avait alors plus de revenus. Depuis, elle n’a plus d’activité et un chiffre d’affaires nul.

Parallèlement, la SCI s’est portée caution hypothécaire d’un emprunt souscrit par la société ABEILLE DISTRIBUTION auprès de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE MARTINIQUE (CRCAM).

En 2011, le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société ABEILLE DISTRIBUTION et la banque a actionné la caution hypothécaire.

Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal a ordonné la vente forcée du bien immobilier apporté en garantie. La procédure était toujours en cours à la date du dépôt du rapport d’enquête.

Toujours selon le rapport d’enquête, le passif exigible de la SCI [Adresse 1] s’élève à 765 484,70 euros, résultant d’une dette fiscale d’un montant de 79 737,62 euros et de la dette liée à la caution hypothécaire devenue exigible pour un montant de 685 747,08 euros, tandis que l’actif disponible est nul. En l’absence de chiffre d’affaires depuis au moins 3 ans, donc de perspective de redressement, le rapport conclut à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.

Le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [Adresse 1] au motif qu’elle n’a plus d’activité depuis plusieurs années, comme l’a reconnu le gérant à l’audience, et que le seul actif immobilier est grevé par un engagement de caution hypothécaire à hauteur de 685 747,08 euros et fait à ce titre l’objet d’une vente forcée.

En appel, la SCI [Adresse 1], qui ne dément pas ne plus avoir de rentrées financières, conteste en revanche ne plus avoir d’activité et soutient être en mesure de présenter un plan de redressement, en rénovant l’immeuble pour le remettre en location.

Alors que son gérant, M. [X] [U], avait reconnu à l’audience en première instance que le bien immobilier géré par la SCI n’était pas loué depuis environ 10 ans, la SCI [Adresse 1] ne verse aucun document établissant que l’activité de la SCI s’est poursuivie ou a repris.

Elle verse seulement un devis de rénovation de l’immeuble pour une somme forfaitaire de 45 000 euros, ainsi que six attestations manuscrites datées de mars 2022, dont celle de M. [X] [U], et non accompagnées de justificatifs d’identité, ces six personnes s’engageant à chacune à prêter une somme définie à la SCI [Adresse 1] dans le cadre de la rénovation pour la location, pour un montant total de 43 000 euros.

Elle soutient qu’une partie de la dette fiscale est prescrite, et conteste le fait que la somme de 685 747,48 euros figure à son passif estimant que son niveau d’engagement n’équivaut pas à la dette de la SARL ABEILLE DISTRIBUTION à l’égard de la CRCAM.

Pour autant elle ne verse aucun élément de nature à corroborer ses allégations de prescription de la dette fiscale, et de moindre niveau de son engagement que celui de la SARL ABEILLE DISTRIBUTION à l’égard de la banque.

Au contraire, elle produit l’acte notarié de prêt du 27 mai 2004 par lequel la CRCAM a prêté la somme de 535 000 euros sur 84 mois à la SARL ABEILLE DISTRIBUTION, acte qui comporte l’engagement de caution hypothécaire de la SCI [Adresse 1], qui porte sur la totalité du prêt, intérêts, frais et accessoires.

Elle verse en outre un courrier du CRCAM du 16 juin 2011 faisant état, s’agissant de ce prêt de 535 000 euros, de 29 échéances impayées pour un montant total 240 756,22 euros. L’ancienneté de ce courrier et le fait qu’il ne mentionne que les échéances impayées, avant déchéance du terme, est au contraire un indice de l’importance du montant de la dette exigible, dont l’appelante a nécessairement connaissance mais qu’elle ne communique pas dans ce cadre de la présente instance.

Par jugement 22 mars 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Fort de France a constaté que la procédure de vente forcée de l’immeuble est arrêtée par effet de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire prononcée par le jugement querellé à l’égard de la SCI [Adresse 1].

Cette interruption de la vente forcée n’a toutefois pas d’effet sur l’existence de garantie hypothécaire grevant le seul actif immobilier de la SCI [Adresse 1], ni sur l’existence du commandement de payer délivré par la CRCAM à la SCI [Adresse 1] en vertu de cet engagement.

Les données contenues dans le rapport d’enquête ne sont donc pas utilement démenties.

Or depuis la liquidation de la pharmacie en 2021, la SCI [Adresse 1] ne démontre aucune reprise ou tentative de reprise d’activité, à l’exception d’un mandat non exclusif de location non daté, par lequel elle aurait donné mandat à l’agence OCEA IMMOBILIER de proposer l’immeuble à la location en vue d’un bail commercial de 9 ans pour un loyer annuel de 55 000 euros, ainsi qu’un dossier prévisionnel de développement de janvier 2023 à décembre 2025 tenant compte d’une mise en location de l’immeuble lui procurant un chiffre d’affaire annuel de 48 000 euros et un résultat de 28 908 euros la première année.

Elle produit un rapport d’estimation immobilière du 18 mars 2022, effectué toutefois sans que l’expert ait pu accéder à l’intérieur de l’immeuble, qui évalue celui-ci à la somme de 555 000 euros la valeur de l’immeuble.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour constate que la pharmacie a été liquidée en avril 2021, que le gérant de la SCI a admis lui-même que le bien immobilier n’était plus loué depuis une dizaine d’année, et qu’aucun projet locatif n’a été concrétisé depuis, de sorte qu’il n’existe toujours aucun chiffre d’affaires, ni aucune activité.

L’appelant échoue en conséquence à démontrer qu’il existe une perspective sérieuse de redressement. En l’absence d’activité réelle, la procédure de redressement judiciaire n’a pas vocation à s’appliquer et il importe de confirmer l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire afin de désintéresser les créanciers.

Le jugement querellé doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

Les dépens seront avancés par le Trésor public.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT que les dépens seront avancés par le Trésor public.

Signé par Mme Christine PARIS, présidente de chambre, par Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, à qui la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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