Your cart is currently empty!
19 juin 2023
Cour d’appel de Nouméa
RG n°
22/00044
N° de minute : 118/2023
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 19 juin 2023
Chambre civile
Numéro R.G. : N° RG 22/00044 – N° Portalis DBWF-V-B7G-S2R
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 janvier 2022 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/487)
Saisine de la cour : 14 février 2022
APPELANT
S.A.R.L. JME dont l’enseigne commerciale est KORAIL PDF, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Philippe GANDELIN de la SELARL PHILIPPE GANDELIN, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
S.A.R.L. L’EDIFICE, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Béatrice AUPLAT-GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 05/06/2023 a été prorogé au 19/06/2029, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par requête du 20/09/2021, la SARL JME a saisi le juge des référés de Nouméa aux fins d’obtenir la désignation d’un expert avec mission notamment de déterminer le montant des charges dues par elle-même à la SARL L’EDIFICE en exécution du bail consenti le 01/08/2015 relatif aux locaux loués situés [Adresse 2], à [Localité 3] pour la période du 26/10/2016 jusqu’au jour de la saisine. Elle sollicitait également condamnation de la SARL L’EDIFICE à lui payer la somme de 300 000 Fcfp sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 14/01/2022, le juge des référés a débouté la SARL JME de toutes ses demandes. Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré que la requérante ne justifiait pas d’un motif légitime.
PROCÉDURE D’APPEL
Par requête du 14/02/2022, la SARL JME a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 13/03/2022 et ses dernières écritures du 29/11/2022 (récapitulatives n° 3) d’infirmer l’ordonnance et statuant à nouveau de :
– désigner un expert afin qu’il détermine les charges de chaque lot, les espaces qui sont concernés par les différents compteurs de consommation d’eau et d’électricité équipant le centre commercial dont le montant des factures est pris en compte pour le calcul des charges communes ;
– condamner la SARL L’EDIFICE à lui payer la somme de 300 000 Fcfp sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu’elle est titulaire d’un bail commercial pour l’exploitation d’un supermarché d’une superficie de 2 629 m², rez-de-chaussée et premier étage compris ; que le bail stipule en page 8 que « les charges de copropriété seront réparties par le Bailleur entre les différents locaux privatifs de l’immeuble au prorata des superficies » ; que par charges de copropriété, il faut entendre les charges sur les parties communes qui doivent être réparties entre les différents locaux privatifs au prorata des superficies. La SARL JME soutient qu’il lui a été facturé des postes de dépenses incompréhensibles (entretien bac à graisse, animations de Noël, entretien ascenseur, site internet et traitement des déchets) ; qu’en effet, malgré sa demande d’explication sur la facturation des charges de copropriété, la SARL L’EDIFICE n’a pas répondu.
La SARL JME estime que la bailleresse abuse de sa position dominante en transgressant la règle de calcul des charges basée sur les tantièmes à son seul profit ; qu’ainsi, il n’est pas intégré la pharmacie dans la répartition des superficies ; que le tantième des charges est calculé sur la base de 4 639 alors que l’emprise au sol du supermarché est de 4800 m² et que la superficie totale est de 9600 m² ; que le tantième devrait être calculé sur la base de 9600 et non 4639 ; il s’en suit que le supermarché paye plus de 50 % des charges (56,74 % des charges communes et 79,59 % de la consommation d’eau) ; que par exemple, pour l’entretien des parties communes, la société supporte un tantième de 2629/4639 au lieu de 2629/9600 ; qu’il n’est pas normal au vu de la clause contractuelle de calculer la part de charges sur la base de superficies différentes suivant la charge à répartir ; que par ailleurs, elle n’a aucun contrôle sur les consommations d’eau et d’électricité car elle ne peut accéder aux différents compteurs permettant de déterminer quels sont les locaux desservis ; qu’elle n’a pas de renseignement sur les superficies précises des locaux permettant de contrôler l’exactitude du nombre des tantièmes affectés unilatéralement à la SARL JME par la SARL L’EDIFICE ; enfin, les relevés de compte ne sont accompagnés d’aucun justificatif et sont incompréhensibles.
La SARL JME estime avoir un intérêt légitime à solliciter une expertise.
Par conclusions en réplique, la SARL L’EDIFICE sollicite la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et condamnation de la SARL JME à lui payer la somme de 200 000 Fcfp sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle répond que la répartition des charges entre les différents lots est faite depuis l’origine selon les surfaces et donc selon les tantièmes de chaque lot ; que les décomptes de répartition ont été faits depuis l’origine par l’agence VERON, décomptes non contestés ; que les décomptes actuels sont réalisés selon les mêmes modalités par la société bailleresse et que les charges supportées par le propriétaire sont bien affectées en ce qui concerne les charges locatives à chaque occupant au prorata des tantièmes de chacun.
Elle ajoute que l’un des associés, M. [O], et ancien gérant, de la SARL JME est également gérant et associé de la SARL L’EDIFICE ; que jusqu’à ce jour encore, les intérêts des deux sociétés convergeaient mais que les relations se sont dégradés en 2021 lorsque M. [O] a été révoqué de son mandat de gérant ; qu’une procédure de contestation a été engagée contre cette décision; que la présente procédure obéit à une mesure de rétorsion puisqu’il n’a jamais existé de telles divergences relatives aux charges ; que la SARL JME ne justifie pas d’un motif légitime à agir.
Vu l’ordonnance de fixation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, « s”il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
En l’espèce, il ressort de l’état descriptif de division de l’ensemble immobilier passé devant notaire le 09/10/2015 que l’immeuble est divisé en deux lots de volume, volume n° 1 et volume n° 2, identifiables sur les plans annexés à l’acte.
En page 19, il est prévu que les charges de copropriété seront réparties selon les proportions suivantes :
– 13 % pour le volume 1
– 87 % pour le volume 2.
Cette répartition est reprise dans le calcul des tantièmes des différents locaux (pharmacie, banque, boulangerie, etc…) existant dans la galerie commerciale. La surface 6 (supermarché + laboratoire + réserve) totalise 4 765 tantièmes dont 3 996 pour la seule surface de vente (supermarché).
Il est indiqué que les locaux, appartenant à la surface A (ici la pharmacie) correspondant au lot volume 1, participeront à hauteur de 13 % des charges et que les locaux appartenant à la surface B (ici le supermarché notamment) correspondant au lot volume 2 participeront à hauteur de 87 % des charges.
Le contrat de bail signé entre les parties le 01/12/2015 stipule en page 8 (impôts et charges) :
« Le preneur devra rembourser au bailleur en sus du loyer sa quote-part de charges prestations et taxes afférents à l’immeuble et aux locaux loués.
Les charges comprendront les dépenses entreprises par le bailleur directement ou indirectement du fait de la propriété et/ou du fonctionnement de l’immeuble. »
Après une liste non exhaustive de charges, il est précisé que « ces charges seront réparties par le bailleur entre les différents locaux privatifs de l’immeuble au prorata des superficies. »
Il ressort de la comparaison des décomptes de charges de 2016 établis par l’ancien syndic de l’ASL, la société VERON, de ceux établis en 2021 par la bailleresse que les charges sont toujours réparties conformément aux tantièmes affectés aux locaux loués par la SARL JME.
A cet égard, la cour relève qu’aucune contestation n’a été émise sur la répartition des charges jusqu’en 2016, lorsque la SARL JME a sollicité plusieurs explications sur l’imputation de certaines charges, explications qui ont dû lui être données de manière satisfaisante puisque jusqu’à ce jour, la SARL JME a réglé les charges sans opposition.
Aujourd’hui, la SARL JME fait grief à la SARL L’EDIFICE de n’avoir pas inclus la pharmacie dans les locaux commerciaux pour la prise en charge des dépenses. Or, la répartition des charges entre les différents locaux commerciaux (boulangerie, banque, supermarché, …) montre que la pharmacie appartient au lot volume 1 (lot A) et ne peut donc rentrer dans la répartition de charges afférentes au volume 2.
Le deuxième grief formulé par la SARL JME qui consiste à soutenir que la répartition des charges devrait se faire sur une base de 9600 m² qui représenterait la superficie totale et non sur la base de 4639 m² n’est pas pertinent dès lors que ce sont les tantièmes qui sont pris en compte, tantièmes qui sont affectés à chaque locaux en fonction de la superficie que représente ces derniers. Ainsi, la surface occupée par le supermarché (1750,90 m²) + la réserve (106,88 m²) + le laboratoire (229,84 m²) outre les deux docks est de 2435,39 m², représentant 5559 tantièmes (4765 tantièmes sans les docks et 3996 tantièmes pour le seul supermarché). Là encore sur ce point, la SARL JME n’a jamais contesté cette répartition qui est la répartition des charges de copropriété prévues par l’association syndicale libre, charges qui sont ensuite répercutées sur la locataire. Les décomptes du premier trimestre 2021 montrent que les charges propres à chaque lot ont été calculées conformément aux tantièmes affectés à chaque local, soit pour le supermarché 3699/10 000, dock 468/10 000 et laboratoire 525/10 000.
Enfin les contestations relatives à certaines dépenses (entretien bac à graisse, animations de Noël, entretien ascenseur, site internet et traitement des déchets) sont précisément celles soulevées en 2016, qui n’ont jamais été reprises et auxquelles la SARL L’EDIFICE justifie avoir répondu au vu des échanges de courriels.
Par ailleurs, il est constant que l’un des associés et ancien gérant de la SARL JME est également gérant et associé de la SARL L’EDIFICE de sorte que même s’il s’agit de deux entités juridiques différentes, il existe entre les deux sociétés une nécessaire transparence qui interdit à la SARL JME de prétendre n’avoir pas accès aux comptes. A l’évidence, la procédure initiée par la SARL JME est liée à la dégradation depuis 2021 des relations entre les associés des deux sociétés.
L’ordonnance entreprise qui a considéré que la SARL JME ne justifiait pas d’un motif légitime pour solliciter une mesure d’instruction sera confirmée en toutes ses dispositions.
Sur l’article 700
Il est équitable d’allouer à la SARL L’EDIFICE qui a dû se défendre en appel la somme de 150 000 FCFP.
Sur les dépens
La SARL JME succombant supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme la décision en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SARL JME à payer à la SARL L’EDIFICE la somme de 150 000 Fcfp sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne la SARL JME aux dépens de la présente procédure.
Le greffier, Le président.