19 juin 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-16.754
COMM.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10274 F
Pourvoi n° G 18-16.754
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Du Kursaal , dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 13 mars 2018 par la cour d’appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige l’opposant à M. C… L…, domicilié […] , en qualité de liquidateur amiable de la société Pharmacie de la Gare,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 7 mai 2019, où étaient présents : Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laporte, conseiller rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gaschignard, avocat de la société Du Kursaal, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. L…, ès qualités ;
Sur le rapport de Mme Laporte, conseiller, l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Du Kursaal aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. L…, ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l’audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf et signé par Mme Orsini, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme RIFFAULT-SILK. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Du Kursaal.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement, dit que le dol n’était pas constitué et débouté la société Du Kursaal de l’ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE selon l’article 1116 ancien du code civil applicable au présent contrat de vente, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé » ; que la victime de manoeuvres dolosives peut former une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de l’auteur du dol réparation du préjudice subi ; que cette action est fondée sur l’article 1240 du code civil (1382 ancien du même code) ; que l’augmentation du chiffre d’affaires par des moyens anormaux, peut être de nature à constituer les manoeuvres visées par l’article 1116 ancien ; qu’il doit néanmoins être établi qu’elles ont été déterminantes à vicier le consentement de l’acquéreur ; qu’en l’espèce, la cour constate de manière liminaire que si le cabinet POD atteste avoir prévenu M. W… des soupçons de M. Y… sur la réalité du chiffre d’affaires, rien ne peut être retiré des termes du courrier écrit par M. W… avant son décès, ledit courrier n’évoquant pas un litige en germe avec les acquéreurs ni les doléances de ces derniers pas plus qu’il n’établit une reconnaissance de pratiques contraires à la déontologie ; qu’il résulte des éléments produits par l’intimée que M. I…, son expert comptable, a écrit le 12 janvier 2012 que les chiffres d’affaires mensuels de septembre à novembre 2011 étaient inférieurs à ceux de l’année précédente, qu’après une étude approfondie sur les 23 derniers mois, un certain nombre d’irrégularités a été détecté en consultant individuellement les factures clients laissant présumer que des médicaments ont été vendus fictivement à des clients, ce qui a eu pour effet de gonfler artificiellement le chiffre d’affaires ; qu’il a ajouté avoir repéré au niveau de la facturation deux interventions pour un même client à différentes heures de la journée et notamment en dehors des heures d’ouverture, ou, si le client n’avait pas besoin de la totalité des produits visés sur l’ordonnance, une intervention supplémentaire à la même heure ou dans la journée pour facturer fictivement au non de ce même client les produits non délivrés ; qu’au niveau de la liste des produits, il a écrit avoir constaté une réintroduction dans les stocks de produits facturés fictivement au client afin de réajuster l’inventaire en quantité et rétablir la réalité du stock physique ; que les ventes fictives généraient artificiellement une marge brute de 100 % du chiffre d’affaires ; qu’il a évalué globalement la surfacturation à 24.000 euros sur une année d’où un coût d’acquisition majoré ; que la pièce 26 de l’intimée (courrier du cabinet I… du 26 octobre 2015) a réajusté le chiffrage des surfacturations à 33.677 6 euros pour le seul exercice 2010 ; que la pièce 22 de l’intimée (analyse de fichiers par Winpharma) fait effectivement apparaître 615 délégations modifiées après la sécurisation initiale ; que l’intimée produit par ailleurs les relevés informatiques des opérations passées par la Pharmacie de la Gare de janvier 2009 à août 2011 qui confirment les anomalies sans que l’appelante n’apporte d’explications concrètes et satisfaisantes sur celles-ci ; qu’également, l’inadéquation entre les quantités achetées et celles vendues confirme les opérations anormales ; qu’il résulte enfin des autres éléments du dossier que Mme U…, cliente, atteste d’une double facturation la concernant en août2011 ; que Mme P…, employée, atteste de ce que M. W… lui a demandé de rajouter des produits sur la facturation des ordonnances, ce qu’elle déclare avoir refusé et qu’elle fait état de l’étonnement de clients sur l’éclairage la nuit de la pharmacie ; que Mme G… ancien pharmacien adjoint, atteste s’être aperçue à compter de 2008 d’anomalies de facturation soit des facturations de quantités non délivrées au client, notamment concernant des médicaments onéreux, de produits non prescrits, de reprises le soir de dossiers déjà facturés par les employés, pour modification des quantités ou ajouts, de renouvellements supplémentaires d’ordonnances non délivrées, que M. W… répondait devoir faire remonter sa marge ; que Mmes B… et X…, voisines, attestent de ce que M. W… était souvent présent la nuit, les fins de semaine ; que l’ensemble de ces témoignages dont rien ne permet d’établir l’absence de véracité, ne fait que confirmer ce qui résulte des pièces comptables susvisées, soit l’enregistrement d’écritures anormales à l’initiative de M. W… et qui n’ont pas été portées à la connaissance de l’acquéreur ; que la majoration du chiffre d’affaires est ainsi établie par les éléments du dossier à hauteur de la somme alléguée de 33 677,32 euros ; mais que la Sarl du KursaaÏ doit rapporter la preuve de ce qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait eu connaissance de cette majoration du chiffre d’affaires et de ses incidences sur le taux de marge ; qu’il est constant que parmi les méthodes d’évaluation des prix de vente des fonds de commerce figure principalement l’évaluation du prix à partir du chiffre d’affaires, par application d’un pourcentage en fonction de différents critères, et l’évaluation à partir de l’EBE ; que si l’intimée produit un article de doctrine révélant que cette dernière évaluation serait un critère qui deviendrait dominant, encore doit-il être démontré par la Sarl Du Kursaal et par des éléments concrets que c’est cette méthode qui a été choisie par les cocontractants ; que l’acte de cession du fonds ne précise pas comment a été évalué le prix de cession du fonds et aucun document pré-contractuel n’est produit par l’intimée qui a la charge de la preuve en l’absence de mention sur ce point dans le contrat ; qu’un courrier du 12 janvier 2012 du cabinet POD en réponse aux époux Y… sur le chiffrage de leur préjudice économique propose deux méthodes de chiffrage de ce préjudice, le premier par l’EBE et le second par l’étude prévisionnelle ; que le cabinet POD précise au sujet du montant de l’EBE de 235 580 euros « ce montant a servi de base pour la valorisation du fonds de commerce, le prix de la pharmacie était de 2 300 000 euros soit 9,76 fois l’EBE » ; que toutefois, cette affirmation du cabinet POD n’intervient que postérieurement à la vente et n’est étayée par aucun document préalable à l’acte établi par ce cabinet ; qu’en particulier, aucune pièce ne révèle que le taux de 9,76 obtenu en divisant le montant de la vente par l‘EBE aurait été un taux de référence choisi par les parties ; qu’en conséquence, la preuve n’est pas rapportée de ce que le prix de vente aurait été déterminé par référence par un multiple de l’EBE et le seul fait que le taux de marge 2010 soit apparu à hauteur de 26,38% en 2010 contre 22,28% après correction n’établit donc pas que cette différence aurait été déterminante sur l’acquisition du fonds ; qu’aucun élément ne démontre non plus que le prix a été mathématiquement déterminé par référence au seul chiffre d’affaires ; que la majoration litigieuse de 33.677 euros correspond à 1,62% du chiffre d’affaires comptable de 2010 ; qu’il ne peut en conséquence être déduit de ce faible pourcentage que la connaissance du chiffre d’affaires réel aurait dissuadé la Sarl Du Kursaal d’être acquéreur du fonds de commerce ; que par ailleurs, après un début d’exploitation plus modeste qui peut effectivement s’expliquer par l’adaptation à une nouvelle clientèle, les bons résultats postérieurs de la Sarl Du Kursaal ne peuvent que confirmer que les critères ayant permis la détermination du prix de vente étaient manifestement pertinents quant à la rentabilité économique et la pérennité du fonds ; qu’en conséquence de ce qui précède, faute de démontrer l’existence d’un dol, la Sarl Du Kursaal n’établit pas la réalité de ses prétentions et conformément aux dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, il ne peut être suppléé à sa carence dans le rapport de la preuve par l’organisation d’une mesure d’instruction ;
1°- ALORS QUE toute réticence dolosive du vendeur sur un élément affectant le prix de vente permet à l’acquéreur de demander la réduction de ce prix, peu important que le dol n’eût pas été d’une importance telle qu’il puisse conduire à l’annulation de la vente ; que pour rejeter la demande en réduction de prix présentée par la société Du Kursaal, l’arrêt retient que Sarl du KursaaÏ « doit rapporter la preuve de ce qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait eu connaissance de cette majoration du chiffre d’affaires et de ses incidences sur le taux de marge », et que la majoration fictive du chiffre d’affaires est trop faible pour qu’il puisse en être déduit « que la connaissance du chiffre d’affaires réel aurait dissuadé la Sarl Du Kursaal d’être acquéreur du fonds de commerce » ; qu’en subordonnant le succès de l’action engagée par la Sarl Du Kursaal à la preuve qu’elle aurait renoncé à contracter si elle avait connu les fraudes commises par la venderesse, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°- ALORS QUE pour juger que les manoeuvres dolosives n’auraient pas eu d’incidence sur l’expression consentement de l’acquéreur, l’arrêt retient qu’il n’est pas établi que le prix de cession avait été déterminé par application d’un coefficient sur l’excédent brut d’exploitation, ni qu’il aurait été « mathématiquement » déterminé par référence au seul chiffre d’affaires ; qu’en statuant par ces motifs, impropres à exclure que les fraudes commises sur le bilan de la société cédée, affectant aussi bien la détermination de chiffre d’affaires réel que celle de son excédent d’exploitation, n’aient eu aucune conséquence sur la détermination du prix de cession, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°- ALORS en toute hypothèse QUE la Sarl Du Kursaal soutenait également que les fautes commises par la société cédante lui avaient causé un dommage, dont elle demandait réparation sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code civil.