19 juin 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-13.831
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10688 F
Pourvoi n° F 18-13.831
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Q… V…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 17 janvier 2018 par la cour d’appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Ceva Freight Management France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 21 mai 2019, où étaient présentes : Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Rémery, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. V… ;
Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. V… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. V…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. V… était fondé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;
Que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige rappelle que les missions confiées à M. V… ont été redéfinies à l’occasion d’une nouvelle organisation du département qualité au cours du dernier trimestre 2011 tel que mentionné dans la fiche fonction approuvée le 20 décembre 2011 et qu’un rappel de ses missions et de la nouvelle organisation a été fait lors de l’entretien annuel du 13 janvier 2012 au cours duquel M. R…, supérieur hiérarchique du salarié, a mis l’accent sur une nécessaire évolution de son organisation personnelle et une meilleure gestion des priorités ;
qu’elle reproche au salarié son manque d’organisation et la mauvaise gestion des priorités bien qu’il ait été alerté à deux reprises (semaines 5 et 7) et fait observer que les nombreuses relances adressées par le client témoignent de cette désorganisation qui s’est également traduite par l’envoi de mails à des heures tardives, alors qu’il avait été invité à cesser cette pratique qui perturbait le système des ajustements des stocks ;
qu’elle ajoute que les opérations de destruction des produits périmés et/ou endommagés constituent une priorité et que ces dernières ne sont toujours pas traitées en complète infraction avec les engagements pris envers GSK et de la réglementation AFSSAPS, que l’expédition des produits stupéfiants doit se faire impérativement avant 15 heures et que tel n’a pas été le cas le 13 février 2012 alors que l’information avait été donnée à 11h30, que contrairement à l’engagement pris lors du dernier audit réalisé par le client les 9 et 10 novembre 2011, les réclamations n’ont pas été soldées à la date prévue alors que cette dernière avait été repoussée au 28 février 2012, ce qui risque de mettre en péril la relation avec le client, que le plan de formation promis au client n’a été adressé que tardivement et était incomplet, que de nombreuses demandes de M. R… sont restées sans réponse et que la mauvaise qualité de son travail a été constatée à plusieurs reprises (absence de gestion et de suivi des réclamations qualité et absence de mise à jour de la gestion documentaire) ;
Que M. V… soutient que les objectifs et les méthodes de travail n’avaient pas été définis et avaient été laissés à sa responsabilité alors que le poste était en surcharge, qu’il réalisait les fonctions de deux postes totalement différents et qu’il en est résulté un retard considérable et une désorganisation qui ne lui étaient pas imputables ;
Que les premiers juges ont justement constaté que le salarié a, du 6 décembre 2010 au 10 janvier 2011 exercé les fonctions de consultant qualité avant de prendre les fonctions de responsable assurance qualité cadre, que le démarrage de l’activité et sa mise en place sur le site de Vatry ont pris du retard, mais qu’une nouvelle organisation a été mise en place au cours du dernier trimestre 2011, qu’un responsable qualité, auquel ont été rattachées les deux techniciennes, a été recruté à cette époque de sorte que les tâches de Monsieur V… ont été redéfinies et sa charge de travail allégée ;
Qu’aucun reproche n’a été adressé au salarié avant la mise en place de la nouvelle organisation à la fin du mois de décembre 2011 ;
Que l’entretien de développement et de performance réalisé le 13 janvier 2012 précise que ses fonctions ont été redéfinies au 1/01/2012 et que ses principales missions étaient la gestion des opérations pharmaceutiques, la gestion documentaire, le traitement des non-conformités et des réclamations et la formation ;
Que le compte-rendu de cet entretien relève que les difficultés majeures du salarié sont la gestion documentaire et le traitement des réclamations, que les points à améliorer sont l’organisation personnelle, la gestion des priorités et la communication interne et externe et que les moyens à mettre en oeuvre sont la nouvelle définition de fonction et l’allégement des charges de management au 01/01/2012, le travail en gestion de projets et la communication sur l’autorité pharmaceutique du site ;
Que les objectifs fixés pour l’année à venir, à réaliser avant la fin du mois de février, étaient un plan de gestion des réclamations et un plan de formation du site ;
Qu’il en résulte que les fonctions du salarié ont été clairement redéfinies au début du mois de janvier 2012 pour mettre fin aux difficultés et aux retards qui avaient pu survenir au cours de l’année 2011 et que les nouveaux objectifs qui ont été fixés pour l’avenir à savoir, la résorption du retard apporté au règlement des réclamations et l’établissement d’un nouveau plan de formation, devaient être atteints avant la fin du mois de février ; que ces points n’ont pas été discutés par le salarié ; que M. V… ne peut donc sérieusement soutenir que les retards constatés lors de son licenciement ne lui sont pas imputables et sont dus à la mauvaise évaluation des tâches au cours de l’année 2011 et que les engagements pris et objectifs fixés au début de l’année 2012 ne pouvaient pas être tenus ;
Que par message électronique du 12 janvier 2012, M. R… a transmis à M. V… une réclamation de la société GSK qui n’avait pas obtenu de réponse, en lui demandant de faire le point avec GSK pour lister l’ensemble des réponses en retard et donner un planning, en lui précisant qu’il ne souhaitait plus recevoir de mail pour des réclamations datant de plus de six mois ;
Que les messages de Mme X… de la société GSK des 21, 23 et 28 février 2012 font cependant état de nouvelles incohérences concernant la réclamation RE126-039, alors que selon engagement pris avec le client les réclamations 2011 devaient être traitées à la fin du mois de février 2012 ;
Que les échanges de messages entre Mme W… de la société GSK et M. V… démontrent que Mme W… a, le 27 février 2012, sollicité l’envoi urgent de produits pour une analyse AFSSAPS, qu’elle a relancé l’appelant le 28 et le 29 février ainsi que le 1er mars et que ce n’est que le 1er mars que ce dernier lui a répondu ; qu’elle a de même, le 25 janvier 2012, transmis à M. V… une réclamation d’une importance haute à laquelle il n’a répondu que le 22 février 2012 ;
Que M. V… justifie du traitement au cours de janvier 2012 de certaines réclamations entrées au cours du mois de décembre 2011, mais les explications qu’il fournit ne permettent pas de démontrer qu’il n’existait plus aucun retard dans le traitement des réclamations à la fin du mois de février 2012 ;
Qu’il ne conteste pas qu’il envoyait tardivement des messages à ses collègues et aux clients, explique qu’il recevait au cours des mois de janvier et de février 2012 entre 120 et 150 mails par jour de sorte qu’il lui était impossible de les traiter au cours de sa journée de travail, que le client GSK avait coutume de lui envoyer des messages après 21 heures et que son supérieur hiérarchique agissait de même ; qu’il verse aux débats une liste, dressée par ses soins, des messages électroniques qu’il a reçus à des heures tardives (entre 21 h 16 et 23h 43) du personnel Ceva, du client GSK ou de M. R… notamment au cours des mois de janvier et de février 2012, sans toutefois produire ces messages ;
Que la cour relève que l’envoi tardif de messages électroniques depuis sa boîte aux lettres professionnelle était une pratique contraire aux directives qui lui ont été données par M. R… notamment au cours de son entretien d’évaluation du 13 janvier 2012 et ne pouvait plus, à partir de la réorganisation de ses attributions, être justifié par l’existence d’une surcharge de travail ;
Que par message électronique du 22 février 2012 M. R… demandait à M. V… « si des bons liés à l’envoi de stupéfiants avaient bien été envoyés » en faisant observer que c’était plus qu’urgent ; que M. V… s’est contenté de répondre qu’ « ils partent ce jour » ; que le salarié ne conteste pas ces faits mais explique avoir été retardé en raison du déplacement d’une imprimante nécessaire à l’impression des bulletins de livraison joints ;
Que concernant la destruction de produits périmés non réalisée le jour du licenciement, le salarié explique que GSK a été informée de la nécessité de mener un audit fournisseur avant de procéder à la destruction de ces produits, que plusieurs prestataires ont dû être rencontrés et que ce n’est que le 16 mars 2012 que tous les éléments ont été réunis ; qu’il indique que le dossier était suivi mais qu’il n’était pas possible de détruire des produits du jour au lendemain sans investigation aboutie ; qu’il est donc démontré que M. V… n’a pas réglé par priorité et dans des délais rapides cette question pourtant prioritaire pour le client et pour son employeur ;
Que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont constaté que la désorganisation et le manque de gestion des priorités reprochés à M. V… sont établis ;
Que les échanges de courriels entre M. V…., Mme Y… et M. R… des 24, 27 et 28 février 2012 confirment que M. V… faisait des mouvements de stocks tard le soir en créant, avec la société GSK, des problèmes de réconciliation de stocks et ce en dépit des demandes de son supérieur hiérarchique ;
Que le salarié fait observer que ce n’est que le 24 février 2012 qu’il a été clairement averti des conséquences provoquées sur le stock par la libération de lots entre 22 h 30 et 2h du matin et qu’aucune instruction claire n’avait été donnée au préalable ; qu’il résulte toutefois des énonciations faites ci-dessus que M. V… avait, lors de son entretien annuel du mois de janvier 2012, d’une manière générale, été invité à cesser d’adresser des mails tardifs et qu’il n’avait, suite à la réorganisation de son service à compter du 1er janvier 2012, aucune raison de procéder à ces opérations tardivement ;
Que les pièces versées aux débats établissent en outre que le 13 janvier 2012 M. R… a par message électronique interrogé M. V… sur l’établissement des fiches de fonction des pharmaciens, lesquelles ne lui ont été transmises que le 21 février 2012 ; que le plan de formation devant être remis le 31 janvier 2012 n’a de même été envoyé à Monsieur R… que le 22 février 2012 ;
Que la demande de mise en place rapide d’un plan de formation faite le 1er février 2012 et la demande de finalisation du cahier des charges concernant les transporteurs VSL faite le 24 janvier 2012 sont restées sans réponse ; que M. V… admet de plus dans ses écrits que la gestion documentaire dont il avait la charge était manuelle et n’était pas vérifiée par le pharmacien ;
Que les retards apportés par M. V… dans l’exécution des demandes urgentes qui lui étaient faites ne peuvent s’expliquer par sa surcharge de travail la désorganisation de l’entreprise ou les retards accumulés au cours de l’année 2011 ;
Que les griefs sont établis ; qu’à juste titre les premiers juges ont constaté que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et ont rejeté la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par le salarié ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU’ il est reproché à M. V… la désorganisation et les mauvaises gestions des priorités ainsi que d’importants retards dans le travail et dans la qualité du travail réalisé ;
Que M. V… a fait part d’une surcharge de travail importante et que le démarrage de cette nouvelle activité sur le site de Vatry a pris du retard en 2010 ; que sur ce dernier point, la direction ne conteste pas ses retards au début de l’exécution de son contrat de travail ; que c’est la raison pour laquelle un autre responsable qualité a été nommé en 2011, assisté de deux techniciennes afin que M. V… puisse se consacrer pleinement à la gestion des opérations pharmaceutiques, de la gestion documentaire, du traitement des non-conformités, des réclamations et de la formation du personnel ;
Que de nombreuses réclamations de clients témoignent de la désorganisation du service ; que les relances clients sont non traitées ou tardivement ; qu’en autre une réclamation du 25 janvier 2012 a fait l’objet d’une réponse de M. V… le 22 février 2012 ;
Qu’il assure que ces retards sont liés à la mauvaise organisation sur 2011 ; et l’absence de définition de son poste quant aux tâches qu’il devait réaliser ; que la direction précise qu’à compter du 20 décembre 2011, l’ensemble de ses fonctions a été parfaitement défini avec l’apport de personnel supplémentaire afin de lui permettre d’assurer dans le cadre de ses responsabilités un travail de qualité ;
Que la préparation des produits stupéfiants doit se faire impérativement avant 15 heures pour le départ par la Navette à 15 heures, alors que des commandes reçues à 11h30 sont préparées après le départ de la navette et occasionne un retard de livraison ;
Que M. V… reconnaît qu’il n’a pas été attentif sur le problème de la préparation des produits stupéfiants ;
Que les opérations de destruction des périmés ne sont pas traitées en complète infraction des engagements pris avec le clients GSK et de la réglementation AFSSAPS ; que le salarié ne conteste pas cette situation prétextant une charge de travail ; que la SAS Ceva ne peut pourtant pas tolérer un manque d’attention compte tenu des enjeux sanitaires liés à la spécificité des produits pharmaceutiques ;
Que M. V… ne peut donc pas dire que ces manquements ne sont pas démontrés ;
Qu’en décembre 2011, la direction a demandé les fiches fonction des pharmaciens qualité pour début 2012, après relance du 13 janvier 2012, ces fiches ont été transmises le 21 février 2012 ; que M. V… ne conteste pas ces retards pris dans ses fiches de formation et indique simplement que les RH auraient dû être associés à l’élaboration de ces fiches ;
Que les échanges de mails entre M. R… et M. V… sur les demandes de finalisation du cahier des charges concernant le transporteur VSL et sur les demandes de formation produits restant sans réponse, M. V… n’apporte pas de réponse à cette situation ;
Que compte tenu qu’à compter du 20 décembre 2011, le conseil de prud’hommes considère que sa charge de travail a été revue et allégée, celui-ci disposait du temps nécessaire pour la gestion des opérations pharmaceutiques, de la gestion documentaire, du traitement des non-conformités, des réclamations et de la formation du personnel ;
Que le licenciement est fondé ;
ALORS D’UNE PART, QUE la mauvaise ou tardive exécution des tâches confiées au salarié ne peut lui être reprochée que s’il dispose des moyens matériels et humains nécessaires pour les accomplir ; que l’arrêt constate que le démarrage de l’activité et sa mise en place sur le site de Vatry avaient pris du retard, qu’une nouvelle organisation a été mise en place fin décembre 2011, qu’un responsable qualité, auquel ont été rattachées deux techniciennes, a été recruté, que les tâches de M. V… ont été redéfinies et sa charge de travail allégée ; que ses fonctions ont été clairement redéfinies début janvier 2012 pour mettre fin aux difficultés et aux retards survenus au cours de 2011 ; qu’en n’ayant pas recherché et caractérisé en quoi, dans ce contexte, ainsi qu’elle y invitée par le salarié qui soutenait que « les retards pendant la première année de travail se sont accumulés de façon extrêmement importante et
la réorganisation nécessaire » qu’il souhaitait « ne pouvait permettre dans un laps de temps réduit, de résorber ce retard » (conclusions p. 11), la nouvelle organisation seulement en janvier 2012 permettait de résorber les difficultés et retards survenus tout au long de 2011, et de réaliser, en outre, avant fin février 2012, de nouveaux objectifs, tenant notamment à l’établissement de plans de gestion des réclamations et de formation du site, de sorte que la situation persistant lors de son licenciement ne pouvait lui être imputée personnellement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 et suivants du code du travail.
ALORS D’AUTRE PART, QUE le juge doit motiver sa décision et ne peut statuer par voie d’affirmation ; qu’en énonçant, par motifs propres, que « les retards apportés par M. V… dans l’exécution des demandes urgentes qui lui étaient faites ne peuvent s’expliquer par sa surcharge de travail la désorganisation de l’entreprise ou les retards accumulés au cours de l’année 2011 », et par motifs adoptés, que compte tenu de ce qu’à compter du 20 décembre 2011, sa charge de travail a été revue et allégée, « celui-ci disposait du temps nécessaire pour la gestion des opérations pharmaceutiques, de la gestion documentaire, du traitement des non-conformités, des réclamations et de la formation du personnel », la cour d’appel a statué par voie d’affirmation et a violé l’article 455 du code de procédure civile.