14 février 2019
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
17/06439
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 14 février 2019
(Rédacteur : Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller)
N° RG 17/06439 – N° Portalis DBVJ-V-B7B-KELF
Monsieur I… W…
c/
Madame J… C…
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 novembre 2017 (R.G. 17/00165) par le Juge de l’exécution de BERGERAC suivant déclaration d’appel du 21 novembre 2017
APPELANT :
I… W…
né le […] à BERGERAC (24)
de nationalité Française
Pharmacien, demeurant […]
Représenté par Guillaume DEGLANE de la SCP DE LAPOYADE-DEGLANE-JEAUNAUD, avocat au barreau de BERGERAC
INTIMÉE :
J… C…
née le […] à BERGERAC (24100)
de nationalité Française, demeurant […]
Représentée par Me Caroline D…, avocat au barreau de BERGERAC
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 janvier 2019 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Roland POTEE, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PRÉTENTIONS
De l’union de M. I… W… et Mme J… C…, sont nés deux enfants, K… le […] et N… le […] .
Saisi par Mme C… d’une requête en divorce, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d’Avignon a prononcé, le 1 er juillet 2011, une ordonnance de non conciliation contradictoire aux termes de laquelle il a notamment :
– Attribué à l’épouse la jouissance du domicile conjugal sis à Lagnes (84), à charge pour l’attributaire de régler les frais afférents à ce domicile,
– Dit que M. W… prendra en charge le loyer au titre du devoir de secours entre époux,
– Constaté que l’autorité parentale à l’égard des enfants communs est exercée conjointement par les deux parents,
– Dit que la résidence des enfants est fixée au domicile de la mère, organisant le droit de visite et d’hébergement du père,
– Dit que M. W… devra verser à son épouse une contribution à l’entretien et l’éducation des enfants d’un montant de 1.200 euros, soit 600 euros par enfant,
– Dit qu’il devra également lui verser une pension alimentaire de 1.000 euros au titre du devoir de secours.
Par arrêt du 06 mars 2013, la cour d’appel de Nîmes a confirmé les termes de cette décision dont appel avait été interjeté par M. W….
Par acte en date du 13 janvier 2017, un commandement de payer avant saisie- vente pour la somme totale en principal et frais de 50.030,24 euros a été signifié à M. W… par le ministère de Me P…, huissier de justice en résidence à Bergerac à la demande de Mme C… , celle-ci se prévalant de l’ordonnance de non conciliation du 1 er juillet 2011 et de l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Nîmes du 06 mars 2013.
Parallèlement et le même jour, une saisie attribution a été effectuée entre les mains de la Caisse d’Epargne dont le siège social est sis […] à l’encontre de M. W…, pour le paiement de la somme en principal et frais total de 50.411,94 euros, sur le même fondement des titres exécutoires.
Le procès-verbal de saisie attribution a été dénoncé à M. W… le 20 janvier 2017.
Par jugement du 07 novembre 2017, le juge de l’exécution de Bergerac, saisi par M. W… d’une demande de main levée du commandement de payer avant saisie vente, a :
– Constaté que l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 06 mars 2013 a définitivement jugé que les obligations mises à la charge de M. W… y compris le paiement du logement conjugal par le juge conciliateur devaient être maintenues,
– Rejeté toutes les demandes de M. W… ,
– Rejeté la demande indemnitaire de Mme C… au titre du caractère dilatoire et abusif de la procédure
– Condamné M. W… aux dépens,
– Condamné M. W… à payer à Mme C… la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 21 novembre 2017, M. I… W… a interjeté appel total du jugement.
L’affaire a été fixée au 21 janvier 2019 en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture étant fixée au 7 janvier 2019.
Les parties se sont accordées pour voir rabattre cette ordonnance de clôture au jour des plaidoiries.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 janvier 2019, M. W… demande à la cour de :
– Le dire et juger recevable et bien fondé en son appel,
– Constater que Mme C… a quitté le logement familial le 31 janvier 2013,
– Constater que la protection dévolue au logement familial situé « […] a cessé le 31 janvier 2013,
– Constater que M. W… a réglé l’intégralité des loyers conformément à l’ordonnance de non conciliation concernant le logement familial,
– Constater que Mme C… ne dispose d’aucune créance certaine, liquide et exigible à l’encontre de M. W… ,
– Constater que Mme C… n’a pas déféré aux diverses sommations d’avoir à communiquer,
– Constater que les pièces sollicitées ont un réel intérêt à établir le montant réellement dû au titre des loyers par M. W… ,
En conséquence, Avant dire droit,
– Enjoindre Mme C… d’avoir à communiquer les pièces suivantes :
– Les justificatifs des contrats de location de Mme C… depuis 2011,
– Les justificatifs des versements des loyers effectués depuis 2011,
– Les quittances de loyer correspondant aux paiements des loyers effectués depuis 2011,
– Les justificatifs des APL versées par la Caisse d’Allocations Familiales à Mme C… depuis 2011,
– Dire et juger qu’à défaut de communication de l’ensemble des pièces sollicitées, Mme C… sera condamnée à une astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
A titre principal,
– Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y faisant droit et statuant à nouveau,
– Ordonner la mainlevée du commandement de payer avant saisie vente signifié le 20 janvier 2017,
A titre subsidiaire,
– Constater que Mme C… ne peut s’enrichir de manière injustifiée,
En conséquence,
– Cantonner la créance de Mme C… en déduisant :
– les loyers réglés au bailleur par M. W… ,
– des versements effectués entre les mains de Maître P…,soit 6 500.00 euros
– les sommes versées au itre de l’allocation d’aide au logement soit à Mme C…, soit aux bailleurs directement, et dont Mme C… n’a jamais fait l’avance
En toute hypothèse,
– Condamner Mme C… à la somme de 3 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure, en ceux compris les frais éventuels d’exécution dont distraction au profit de Me Jeaunaud.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 novembre 2018, Mme J… C… demande à la cour de :
– La dire et juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes fins et prétentions et y faire droit,
En conséquence :
– Dire et juger que la créance qu’elle a invoquée à l’appui du commandement de payer avant saisie vente forcée revêt bien un caractère certain, liquide et exigible,
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré le commandement de payer avant saisie vente signifié à M. W… le 20 janvier 2017 à hauteur de 50.030,24 euros bien fondé.
– Déclarer irrecevables comme étant nouvelles les demandes dites subsidiaires de M. I… W… tendant à cantonner la créance de Mme J… C….
– Débouter M. I… W… de toutes ses demandes fins et prétentions.
En tout état de cause :
– Condamner M. I… W… à payer à Mme J… C… la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Le condamner aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’il n’y a pas lieu de donner suite aux demandes de « dire et juger » ainsi qu’aux demandes de « constater » dés lors que celles-ci, qui ne sont pas susceptibles, hormis les cas prévus par la loi, de conférer un droit à la partie qui les soutiennent, ne sont pas des prétentions.
– Sur la demande de main levée du commandement de payer avant saisie vente
Aux termes de l’article L.221-1 du code des procédures civiles d’exécution, ‘tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier.’
Conformément aux dispositions du 1 er alinéa de l’article L.111-3 du même code, les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire, constituent des titres exécutoires.
En l’espèce, le commandement de payer avant saisie-vente pratiqué par Mme J… C… le 20 janvier 2017, se fonde sur l’ordonnance de non conciliation rendue par le tribunal de grande instance d’Avignon du er juillet 2011 et sur l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Nîmes rendu le 06 mars 2013 qui tous deux, au titre du devoir de secours, ont condamné M. W… à prendre en charge le loyer du domicile conjugal attribué à son épouse.
Ce commandement qui vise à obtenir le paiement de la somme 50.265,65 euros, porte sur les loyers de décembre 2012 à décembre 2016.
S’il ne conteste pas le caractère exécutoire des décisions visées, M. W… au soutien de son appel, affirme que la saisie pratiquée serait sans fondement dès lors que Mme C… a cessé de résider depuis janvier 2013 au sein de ce qui fut le domicile conjugal, sis […].
Il affirme qu’en ayant déménagé d’abord à Robion (84440) , puis à Viens (84750) , elle a perdu le bénéfice du devoir de secours sous forme du paiement du loyer du logement conjugal, ce titre ne pouvant être attaché qu’au logement qui avait été choisi durant la communauté de vie par les époux et ne pouvant s’appliquer aux nouveaux lieux de vie successifs que Mme C… a entendu occuper après la séparation du couple.
Mais il ressort des pièces du dossier et particulièrement de la procédure de l’instance familiale, qu’en attribuant à Mme C… la jouissance de ce qui fut le domicile conjugal, le juge aux affaires familiales ne s’est pas attaché à cette conjugalité mais à une situation de fait qui voulait que M. W… avant même l’ordonnance de non conciliation avait élu domicile dans un logement distinct, dans le Cher à Menetou Salon (18510), alors que dans le même temps son épouse était demeurée dans l’ancien domicile commun.
Le juge n’a donc pas entendu faire dépendre le versement d’une pension alimentaire à l’épouse de l’emplacement géographique de sa résidence mais de sa situation d’épouse se retrouvant seule dans un domicile, qu’il fut partagé un temps par le couple ou plus du tout par la suite.
L’ordonnance de non conciliation a d’ailleurs été confirmée dans son principe par une décision postérieure du juge de la mise en état du 26 mars 2015 qui, à l’occasion de l’instance en divorce, saisi par M. W… d’une demande en suppression
de la pension mise à sa charge au titre du devoir de secours, l’a maintenue alors même que Mme C… n’habitait plus à Lagnes.
C’est par ailleurs vainement que M. W… entend voir dire que le paiement du loyer au domicile occupé par son épouse ne pourrait être réclamé du fait de son déménagement car s’il appartient au juge de l’exécution d’interpréter le sens de la décision pour mieux en assurer l’exécution, il lui est impossible de la modifier ou de remettre en cause le principe de l’obligation à l’origine des poursuites.
C’est par ailleurs vainement que M. W… entend voir dire que le paiement du loyer au domicile occupé par son épouse ne pourrait être réclamé du fait de son déménagement car s’il appartient au juge de l’exécution d’interpréter le sens de la décision pour mieux en assurer l’exécution, il lui est impossible de la modifier ou de remettre en cause le principe de l’obligation à l’origine des poursuites.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce quil a rejeté la demande de main levée du commandement avant saisie vente du 20 janvier 2017.
Aucune demande d’infirmation n’ayant été formulée s’agissant du rejet de la demande indemnitaire réclamée par Mme C… devant le premier juge pour procédure abusive de la part de M. W…, cette disposition est également confirmée.
– Sur la demande de cantonnement
A titre subsidiaire M. W… entend voir cantonner la créance de Mme C… soutenant que doivent en être déduits les versements qu’il a effectués et les allocations d’aide au logement que son ex épouse a pu percevoir.
Il s’agit cependant d’une demande présentée pour la première fois en appel qui doit être déclarée irrecevable en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile en raison de sa nouveauté et de son caractère non accessoire à la demande en main levée exprimée devant le premier juge car elle ne tend pas à la même fin. Par ailleurs la cour relève que la demande formulée est imprécise l’appelant n’indiquant pas le montant des sommes qui resteraient dues après cantonnement.
Cette demande est donc rejetée.
– Sur les frais et dépens
Echouant dans son recours, M. W… sera condamné aux dépens en cause d’appel ainsi qu’à payer à Mme C… une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a dû engager devant la cour, les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais exposés en première instance étant par ailleurs confirmées.
PAR CES MOTIFS
Rabat l’ordonnance de clôture aux jour des plaidoiries ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. I… W… à payer à Mme J… C… la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens.
La présente décision a été signée par monsieur Roland Potée, président, et madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT