14 décembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-19.660
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 décembre 2017
Rejet non spécialement motivé
M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 11303 F
Pourvoi n° A 16-19.660
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Zakia Y…, domiciliée […] ,
contre l’arrêt rendu le 29 avril 2016 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (9e chambre B), dans le litige l’opposant à la Fondation Saint-Jean de Dieu, dont le siège est […] , venant aux droits de l’association de gestion de l’oeuvre hospitalière Saint-Jean de Dieu,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 14 novembre 2017, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z…, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme Y…, de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la Fondation Saint-Jean de Dieu ;
Sur le rapport de Mme Z…, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Y…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de Mme Y… repose sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve ; que l’article L 1332-4 du code du travail prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement des poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ; que la fondation Saint-Jean de Dieu produit au débat notamment : – les pièces déjà versées au débat en première instance, – la lettre de licenciement et la lettre de convocation à l’entretien préalable, – pièce 5: le règlement intérieur qui dans son article 2-1 prévoit : « c’est à l’équipe de direction qu’incombe la responsabilité générale de l’établissement. Elle en assure la bonne marche » et en son article 2-3 que « l’équipe de direction est responsable des liaisons à établir entre les différentes personnes qui ont la charge des résidents », – pièce 6 : le cahier de transmission Saint-Benoît des IDE et notamment pour les journées du 28 et 29 mai 2009 où il est mentionné concernant Mme F… : – le jeudi 28 mai « TP=14%INR =8. pas de Préviscan ce soir jeudi ni de même vendredi. TP INR Samedi 30 mai labo prévenu. Par ailleurs, une ampoule de vit K1 10mg commandée à donner ce soir dès réception. + contrôle TA =3 fois par sem à la demande du Dr A… ; merci d’avance » ABR. « pas de vit K1 reçu ce soir, pharma appelée sonne ne répond pas. À commander demain matin de bonne heure » SZ, – le vendredi 29 mai 2009, « arrivé de la Vit K à 12 heures. Ampoule donnée à 12h45 min » SZ , –pièce 7 l’ordonnance en date du 28 mai 2009, du docteur A… qui a prescrit l’administration d’une ampoule de vitamine K par jour à Mme F… , – pièce 8 le compte rendu de l’analyse médicale du 28 mai 2009 concernant la même patiente qui présentait un taux d’INR de 8,1, – pièce 10 et 11 planning des chefs de service et celui des infirmières du mois de mai 2009, – pièce 13 étude établie par la Haute Autorité de Santé concernant le surdosage en anti-vitamines K des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par anti-vitamines K et de laquelle il ressort que l’administration de vitamine K par voie orale est recommandée lorsque le taux d’INR est compris entre 6 et 10, – pièce 12, la synthèse des recommandations professionnelles de la Haute Autorité de Santé concernant la prise en charge des surdosages en anti-vitamines K, – pièce 9 un courrier (non signé) sur papier à entête de la pharmacie de la Marie qui livre les médicaments à la fondation en date du 18 juin 2009 et par lequel David B…, pharmacien précise : « nous confirmons par la présente que le médicament Vit KI ampoule destinée à Mme F… a bien été livré le 28 mai 2009 à 16h30 à la maison de retraite Saint-Jean de Dieu dans le service Saint-Benoît dans une pochette réfrigérée prévue à cet effet » ; qu’en cause d’appel, – la fiche de poste IDE de jour et où il est prévu que l’IDE doit faire les injections et les perfusions …. noter dans le cahier des IDE et émarger toutes informations concernant les résidents, sur les traitements commandés à la pharmacie avec ordonnance ou sans ordonnance ( voir protocole) à réajuster et à mettre en oeuvre en fonction des informations données par les médecins et noter clairement ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire, les urgences sont prioritaires sur les soins quotidiens », – pièces 26 et 27 : deux attestations datées du 6 mai 2009 de David B…, pharmacien, rédacteur du courrier du 18 juin 2009 et dans laquelle il indique dans la première qu’il est bien le rédacteur de ce courrier et dans la seconde où il confirme que le médicament Vitamine K1 ampoule à l’attention du résident Mme F… a bien été livré le 28 mai 2009 à 16h30 à l’EHPAD Saint Barthélémy dans une pochette réfrigérée prévue à cet effet, – pièce 28 : l’attestation en date du 28 mai 2015 de Mme C… pharmacienne assistante à la pharmacie de la Marie qui confirme avoir livré le médicament dont il s’agit dans une pochette réfrigérée (ce médicament étant considéré comme un médicament d’urgence), – l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 17 octobre 2014 concernant M. Y… ; qu’au vu de ces pièces, il ne saurait être retenu une quelconque prescription des faits dans la mesure où ils sont en date des 28 et 29 mai 2009 et où l’employeur a bien engagé la procédure dans le délai de deux mois puisqu’il a remis la convocation à l’entretien préalable à la salariée le 21 juin 2009, ce qui représente 3 semaines environ délai qui était nécessaire pour que l’employeur puisse effectuer des vérifications qui s’imposaient notamment quant à la livraison du médicament ; qu’au demeurant, il est permis de relever qu’il n’existe aucun lien entre les deux licenciements des deux époux, le licenciement concernant Adam Y… époux de la salariée portant sur des faits totalement indépendants de ceux reprochés à cette dernière ce qui n’est pas contesté mais surtout datés du 26 juin 2009 donc postérieurs non seulement à la date des faits en litige pour Zakia Y… et même postérieurs à la convocation de cette dernière à l’entretien préalable ; que par ailleurs, il est constant en l’état que la salariée a bien pris connaissance des informations mentionnées sur le carnet de liaison et où il est bien mentionné la nécessité d’administrer l’ampoule de vitamine K prescrite et ce dès le 28 mai 2009 ; qu’or, il s’avère : – d’une part que cette ampoule n’a pas été administrée pour la journée du 28 mai et ne l’a été que le 29 mai 2009 à 12h45 de sorte que la salariée infirmière diplômée d’état n’a pas respecté la prescription médicale, – d’autre part, qu’elle n’a pas prévenu le médecin coordonateur qui était en poste jusqu’à 18 heures ni informé les autres chefs de service voire la direction de ce qu’elle aurait été dans l’incapacité d’administrer la dite ampoule faute de livraison alors même qu’elle n’était pas juge de l’opportunité d’appliquer ou non une prescription délivrée par un médecin ; que s’agissant de la prescription d’une injection à réaliser sur la patiente dans un court délai, la salariée ne s’en est inquiétée que tardivement en fin de journée de sorte qu’elle n’a pu procéder à sa réalisation le jour prévu ; qu’en cause d’appel, l’employeur apporte la preuve par les nouvelles pièces qu’il produit, qu’il y a bien eu livraison de l’ampoule Vit K1 à injecter à la patiente dès le 28 mai à 16h 30 ce qui lève le doute retenu par le premier juge à propos du courrier du 18 juin 2009 non signé ; que dans ces conditions, il est parfaitement établi par les pièces produites par l’employeur la négligence de la salariée, infirmière diplômée d’état laquelle n’a pas respecté la prescription qui s’imposait pour la patiente et n’a pas averti ses supérieurs de ce qu’elle n’avait pu administrer le traitement prescrit le jour prévu ; que toutefois, il apparaît que s’il y a faute de la salariée, ces faits ne rendaient pas impossible son maintien au sein de la maison de retraite médicalisée de sorte que la faute grave ne peut être retenue et ce dans la mesure où il n’y avait eu aucun antécédent disciplinaire de cette dernière et où il n’était pas établi que le processus vital de la patiente aurait été engagé ; que si les pièces produites par la salariée à savoir la lettre du 4 mai 2009 ci dessus reproduite, sa propre attestation concernant le fait que médecin coordonnateur lui aurait demandé de témoigner contre le docteur D…, ainsi que l’attestation de Boudjema E…, infirmier qui ne relate aucun fait précis et daté concernant le mauvais traitement du médecin coordonnateur contre la salariée ne portent nullement sur les faits reprochés et ne permettent de l’exonérer de sa faute, il s’avère que le témoignage de G… ancienne salariée également versé au débat et qu’il n’y a pas lieu d’écarter, révèle d’une part que la salariée ne s’est nullement désintéressée puisqu’elle a bien téléphoné à ses collègues le vendredi matin pour rechercher l’ampoule de vitamine K commandée la veille, d’autre part, qu’il a bien eu livraison contrairement aux dires de la salariée puisqu’elle a finalement retrouvé elle même à son arrivée le 29 mai les deux poches isothermes, l’une contenant une ampoule fraîche commandée le matin, l’autre l’ampoule tiède de la veille ; que considérant que l’hypothèse émise par le témoin d’un oubli du livreur la veille dans son camion de livraison, n’est nullement corroborée par le moindre élément objectif, le licenciement doit être déclaré fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ; que dans ces conditions, le jugement déféré qui a dit le licenciement non fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse doit être infirmé ; qu’ainsi l’intimée ne peut prétendre à aucun dommage et intérêt mais est en droit de revendiquer l’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis de 4.731,98 euros telle que fixée par les premiers juges ainsi que le rappel de salaire correspondant à la mise à pied tel que sollicité en cause d’appel c’est à dire 1.025,04 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied et 102,50 euros pour les congés payés afférents, montant qui ne fait l’objet de la moindre observation de l’employeur ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, pour dire le licenciement justifié, la cour d’appel a retenu que « le témoignage de G… ancienne salariée également versé au débat et qu’il n’y a pas lieu d’écarter, révèle (
) qu’il a bien eu livraison contrairement aux dires de la salariée puisqu’elle a finalement retrouvé elle même à son arrivée le 29 mai les deux poches isothermes, l’une contenant une ampoule fraîche commandée le matin, l’autre l’ampoule tiède de la veille » ; qu’en se déterminant ainsi, quand l’attestation de Mme G… mentionne expressément que « le vendredi 29 mai, j’étais de service le matin comme infirmière intérimaire dans le pavillon St Richard, St Roch et Magallon. Le matin, Mme Y… m’a appelée pour me demander si je pouvais regarder dans les services dont j’étais responsable si je trouvais de la vitamine K commandée en urgence la veille pour une patiente qu’elle n’avait pas reçue ; en tous cas qu’elle n’avait pas trouvée. Elle demanda la même chose à ma collègue Elisabeth (infirmière) responsable des autres services. On a fouillé partout et on a rien trouvé nulle part. Ma collègue Elisabeth s’occupa d’en recommander rapidement une boîte (en urgence). Et à 12h30 quand Mme Y… arriva, on lui expliqua qu’on n’avait rien trouvé mais qu’on avait recommandé une boite qui était arrivée en fin de matinée. En allant la récupérer, Mme Y… a effectivement trouvé deux boîtes de vitamine K dans deux poches isothermes différentes, une des deux boîtes était fraiche alors que l’autre était tiède. On a alors pensé que le livreur l’avait oubliée la veille dans son camion de livraison. Mme Y… s’est occupée de la donner rapidement à la patiente. J’ai appris par la suite qu’on lui avait reprochée de ne pas avoir donné le traitement alors qu’elle ne l’avait pas à ce moment précis », que la salariée attestait ainsi que le médicament, qui n’avait pas été livré le 28 mai 2009 à 16 heures 30, l’avait été le lendemain à 12 heures en deux exemplaires, dont celui commandé la veille ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé le principe susvisé ;
2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE, lorsqu’elle ne procède pas d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée, l’incompétence du salarié constitue une insuffisance professionnelle insusceptible de justifier un licenciement disciplinaire ; que, pour dire le licenciement disciplinaire de Mme Y… fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu que la salariée, infirmière diplômée d’Etat, avait fait preuve de négligence dans l’administration du traitement d’un patient et de défaillance dans le rapport à ses supérieurs hiérarchiques de l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de le faire conformément aux instructions du médecin coordonateur ; qu’en statuant comme elle a fait, sur le fondement de griefs relevant de l’insuffisance professionnelle, sans constater que cette insuffisance était imputable à une mauvaise volonté délibérée de la salariée ou à son abstention volontaire, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail, ensemble l’article 12 du code de procédure civile.