11 janvier 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-17.134
COMM.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 janvier 2017
Rejet
Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 33 FS-P+B
Pourvoi n° J 15-17.134
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ la société Reckitt Benckiser Plc, société de droit britannique,
2°/ la société Reckitt Benckiser Healthcare (UK) Ltd, société de droit britannique,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1] (Royaume-Uni),
contre l’arrêt rendu le 26 mars 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 5-7), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Arrow génériques, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ l’Autorité de la concurrence, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 15 novembre 2016, où étaient présents : Mme Riffault-Silk, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mmes Laporte, Bregeon, M. Grass, Mmes Darbois, Orsini, MM. Sémériva, Cayrol, conseillers, M. Contamine, Mmes Tréard, Le Bras, M. Gauthier, conseillers référendaires, Mme Pénichon, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Reckitt Benckiser Plc et Reckitt Benckiser Healthcare (UK) Ltd, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat du président de l’Autorité de la concurrence, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Arrow génériques, l’avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2015), que la société Reckitt Benckiser Healthcare Ltd (la société Reckitt), détentrice des droits sur le médicament princeps « Subutex », dont le principe actif est la buprénorphine haut dosage (BHD) en a confié la commercialisation en France à la société Schering-Plough ; qu’après avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché, la société Arrow génériques (la société Arrow) a entrepris la commercialisation, en mars 2006, de la « Buprénorphine Arrow », médicament générique du « Subutex » ; que le 15 novembre 2006, le Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de la concurrence (l’Autorité), a été saisi par la société Arrow d’une plainte relative à des pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par la société Schering-Plough visant à entraver l’entrée sur le marché de ce médicament générique ; que, par une décision n° 13-D-21 du 18 décembre 2013, l’Autorité a dit établi que les sociétés Schering-Plough, Financière MSD et Merck & Co. avaient enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), en mettant en oeuvre une pratique de dénigrement du médicament générique de la société Arrow, et en octroyant aux pharmaciens d’officine des avantages financiers à caractère fidélisant, sans aucune contrepartie économiquement justifiée, sur le marché français de la BHD commercialisée en ville ; que, par la même décision, l’Autorité a dit établi que ces sociétés, d’une part, et les sociétés Reckitt Benckiser Healthcare (UK) Ltd et Reckitt Benckiser Plc, sa maison mère, (les sociétés Reckitt), d’autre part, avaient enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE en participant à une entente anticoncurrentielle et a prononcé des sanctions pécuniaires prenant en compte l’absence de contestation des griefs de la part des sociétés Schering-Plough, Financière MSD et Merck & Co. ; que les sociétés Reckitt ont formé un recours contre cette décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Reckitt font grief à l’arrêt du rejet de leurs recours alors, selon le moyen, que l’interruption de la prescription pour des faits dont l’Autorité est saisie ne vaut qu’à l’égard des entreprises déjà mises en cause dans la procédure ; qu’en décidant que les actes d’instruction accomplis dans le cadre de la procédure initiée pour abus de position dominante, notamment contre la société Schering-Plough avaient interrompu la prescription à l’égard des sociétés Reckitt, bien qu’elles étaient restées totalement étrangères à cette procédure jusqu’au 9 novembre 2011, date à laquelle l’Autorité leur a adressé pour la première fois une demande d’information, et qu’elles n’ont été informées de leur mise en cause qu’avec la réception de la notification d’un grief le 19 novembre 2012, la cour d’appel a violé l’article L. 462-7 du code de commerce ;
Mais attendu qu’un acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s’il ne concerne que certaines des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis pendant la période visée par la saisine, interrompt la prescription à l’égard de toutes les entreprises concernées et pour l’ensemble des faits dénoncés dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité ; que l’arrêt relève que les pratiques d’abus de position dominante dénoncées par la société Arrow dans sa plainte et les faits d’entente reprochés aux sociétés Reckitt et sanctionnés par l’Autorité, lesquels auraient consisté dans la conclusion d’un accord avec la société Schering-Plough ayant pour objet la mise en oeuvre, par cette dernière, des pratiques d’abus de position dominante, poursuivaient un objet commun, celui d’entraver l’accès de la société Arrow au marché de la BHD ; qu’ayant ainsi caractérisé le lien de connexité existant entre ces pratiques, c’est à juste titre que la cour d’appel a retenu que la prescription concernant la pratique d’entente reprochée aux sociétés Reckitt avait été interrompue par les actes d’instruction ou de poursuite relatifs aux pratiques d’abus de position dominante et qu’elle n’était dès lors pas acquise à la date de notification des griefs ni à celle de la décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés Reckitt font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que seul le grief notifié sur lequel la société a pu présenter ses observations peut être retenu à son encontre par l’Autorité ; qu’en considérant que l’Autorité avait pu valablement retenir à l’encontre des sociétés Reckitt un grief consistant dans la participation à l’élaboration des pratiques d’abus de position dominante, tout en admettant que celui-ci était différent de celui notifié qui leur reprochait d’avoir participé aux pratiques d’abus elles-mêmes, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L 463-2 du code de commerce ;
2°/ qu’en retenant que le fait de condamner une entreprise sur un grief différent de celui notifié ne peut avoir porté atteinte aux droits de la défense de l’intéressée, tout en constatant que cette substitution de griefs tient compte des objections et explications apportées par les sociétés Reckitt dans le cadre de leur défense, ce dont il résultait qu’elles étaient ainsi parvenues à démontrer l’inanité du grief qui leur avait été notifié, raison pour laquelle celui-ci a été modifié, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé de plus fort les articles 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 463-2 du code de commerce ;