Your cart is currently empty!
Dénoncer des faits de corruption contre un ancien général des services secrets algériens expose à une condamnation pour diffamation en l’absence de vérification et de recherches documentaires. La simple reprise d’articles de presse n’est pas qualifiable d’enquête sérieuse.
En l’espèce, le journaliste n’a pas cherché à vérifier l’existence d’éléments objectifs qui auraient pu démontrer les pratiques qu’il dénonce. Ainsi, l’absence de contradiction fragilise le sérieux de l’enquête.
De surcroît, un manque patent de prudence dans l’expression peut être retenu en l’espèce puisque [Z] [U] est présenté comme se livrant à des pratiques douteuses illustrées par notamment par les mots’: «’pots-de-vin’», «’s’est accaparé des marchés’».
Dans ces conditions, les propos litigieux dépassent les limites autorisées de la liberté d’expression de sorte qu’une condamnation civile n’est pas disproportionnée.
En l’espèce, les passages litigieux de la vidéo Youtube imputent à [Z] [U] d’une part de présenter des Sud-Coréens aux dirigeants de la société nationale pour toucher des pots-de-vin et d’autre part de profiter de ces actes de corruption.
Il lui est donc reproché des comportements pénalement répréhensibles, à savoir des faits de corruption et de complicité d’actes de corruption. Ces faits sont précis et peuvent sans difficulté faire l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire.
Ces propos qui ont publiquement été diffusés sur la chaîne Youtube de l’appelant portent nécessairement atteinte à l’honneur et à l’honneur et à la considération de [Z] [U] s’agissant d’infractions pénales ou de comportements considérés comme contraires aux valeurs morales et sociales communément admises.
La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe’2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En matière de diffamation, lorsque l’auteur des propos soutient qu’il était de bonne foi, il appartient aux juges, qui examinent à cette fin si celui-ci s’exprimait dans un but légitime, était dénué d’animosité personnelle, s’était appuyé sur une enquête sérieuse et a conservé prudence et mesure dans l’expression, de rechercher d’abord en application de ce même texte, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, afin, s’ils constatent que ces deux conditions sont réunies, d’apprécier moins strictement ces quatre critères, notamment s’agissant de l’absence d’animosité personnelle et de la prudence dans l’expression.
Il appartient également aux juges de contrôler le caractère proportionné de l’atteinte portée au principe de la liberté d’expression défini par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne, et de vérifier que le prononcé d’une condamnation, pénale comme civile, ne porterait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression ou serait de nature à emporter un effet dissuasif pour l’exercice de cette liberté.
En l’espèce, les propos diffamatoires s’inscrivent dans un but d’information légitime s’agissant de l’attribution de marchés et d’investissements avec une société nationale algérienne.
Par ailleurs, l’existence d’une animosité personnelle de l’appelant à l’encontre des intimées n’est pas établie en l’espèce, étant rappelé qu’en droit de la presse, il doit s’agir d’une animosité liée à des considérations extérieures au sujet traité.
En matière de diffamation ;
– l’article 29, alinéa’1, de la loi du 29’juillet 1881 définit la diffamation comme ‘toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’,
– il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par ‘toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’,
– et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée,
– l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises,
– la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par les parties civiles ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question, les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 7
ARRET DU 29 MARS 2023
(n° 8/2023, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03921 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFKG6
Décision déférée à la cour : Jugement du 5 Janvier 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de Paris RG n° 20/13334
APPELANT
Monsieur [I] [P] [E]
[Adresse 2]
[Localité 7]
né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 8] (Algérie)
Représenté par Maître Jean-Philippe LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L53, avocat postulant
Assisté de Maître Alexandre BLONDIEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1517, avocat plaidant
INTIMES
Monsieur [Z] [U]
C/o Me [H]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté et assisté par Maître [A] [H], avocat au barreau de PARIS, toque : A859, avocat postulant et plaidant
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE PARIS POUR DENONCIATION
[Adresse 3]
[Localité 5]
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Jean-Michel AUBAC, Président
Mme Anne RIVIERE, Assesseur
Mme Anne CHAPLY, Assesseur
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme [N] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Michel AUBAC, Président, et par Margaux MORA, Greffier, présente lors de la mise à disposition.
Vu l’assignation délivrée le 29’décembre 2020 à la requête de [Z] [U] à [K] [E] sur le fondement des articles’29 alinéa’1, 32 alinéa’1, 42 et suivants de la loi sur la presse du 29’juillet 1881 et de l’article 93-3 de la loi sur la communication audiovisuelle du 29’juillet 1982.
1. Aux termes de cette assignation, il était demandé au tribunal judiciaire de Paris de’:
– dire et juger qu'[K] [E] a porté atteinte à l’honneur et à la considération de [Z] [U] et a commis à son encontre une diffamation publique envers un particulier du fait des allégations suivantes’:
«’Ils (à la Sonatrach) s’intéressent uniquement aux projets dans lesquels ils ont des intérêts. Pour ce qui est des Japonais, on ne peut pas toucher de pots-de-vin avec eux. Donc ils ne sont pas intéressants de ce point de vue là. Ils (à la Sonatrach) cherchent des projets dans lesquels ils peuvent toucher des pots-de-vin, c’est-à-dire des projets avec les Chinois à [Localité 10], avec les Sud-coréens’; et qui a ramené ces Sud-Coréens” Il s’agit d’une personne dont nous avons déjà parlé, qui était le gendre du général [S] [T] et qui avec l’aide de [M] (PDG actuel de la Sonatrach) s’est accaparé des marchés avec les Sud-Coréens et a commencé à travailler avec eux’».
– condamner [K] [E] à verser à [Z] [U] la somme de 10’000’euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner [K] [E] à verser à [Z] [U] la somme de 3’500’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner [K] [E] aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par Maître [A] [H], avocat, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile,
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
2. Par jugement réputé contradictoire du 5’janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris qui a’:
– jugé que l’assignation délivrée à [K] [E] a été valablement signifiée à domicile,
– dit que les propos poursuivis étaient diffamatoires,
– condamné [K] [E] à payer à [Z] [U] la somme de deux mille euros (2’000’euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la diffusion des propos diffamatoires,
– condamné [K] [E] aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître [A] [H] avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné [K] [E] à payer à [Z] [U] la somme de deux mille euros (2’000’euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
3. [I] [E] dit [K] [E] a interjeté appel de ce jugement le 16’février 2022.
Vu les conclusions au fond des parties, soit en dernier lieu et en l’état les conclusions transmises le 27’janvier 2023 par l’appelant et le 14’février 2023 pour [Z] [U] intimé’:
4. L’appelant [K] [E] demande à la cour de’:
– déclarer recevable l’appel interjeté,
À titre principal,
– infirmer le jugement du 5’janvier 2022 en ce qu’il a jugé que l’assignation délivrée à [K] [E] a été valablement signifiée à domicile,
– déclarer l’assignation introductive d’instance irrégulière et en l’absence de saisine valable de la juridiction de première instance,
– prononcer la nullité du jugement,
et par voie de conséquence,
– constater la prescription de l’action,
À titre subsidiaire :
– juger qu'[K] [E] doit bénéficier de l’excuse de bonne foi,
– condamner [Z] [U] à verser à [K] [E] la somme de 5’000’euros au titre
de l’article 700 du code de procédure civile.
5. Dans ses dernières conclusions, l’intimé demande à la cour de’:
– débouter [K] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu le caractère diffamatoire qui n’est pas
contesté des propos poursuivis, écarté l’excuse de bonne foi et condamné [K] [E] au titre des frais irrépétibles et aux dépens,
– le réformer pour le surplus et condamner [K] [E] à verser à [Z] [U] la somme de 10’000’euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner [K] [E] à verser à [Z] [U] la somme de 3’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner [K] [E] aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés par Maître [A] [H], avocat,
Vu l’ordonnance de clôture du 22’février 2022′:
Vu l’article 455 du code de procédure civile’:
Rappel des faits
6. [Z] [U], partie civile, a été marié avec la fille du général-major [S] [T], qui a dirigé le contre-espionnage algérien. Il est divorcé et à ce jour, n’occupe aucune fonction officielle ou publique.
7. Il affirme faire l’objet, sous couvert du ‘Hirak’, mouvement populaire ayant conduit au départ du président [R], d’une campagne de dénigrement visant tant sa personne que ses activités professionnelles supposées, notamment de la part d'[K] [E], journaliste algérien.
8. Ce dernier, sous le pseudonyme «’Skandar Sahli’», aurait d’abord diffusé sur le site MAGHREB INTELLIGENCE auquel il collabore, le 26’avril 2020, un article intitulé : «’Exclusif’: Le beau-fils du général [S] [T], nouveau tremplin des sociétés turques en Algérie’».
9. La partie civile expliquait également qu'[K] [E] avait diffusé en langue arabe sur sa chaîne Youtube une vidéo le 7’octobre 2020 où ont été tenus les propos litigieux’:
«’Ils (à la Sonatrach) s’intéressent uniquement aux projets dans lesquels ils ont des intérêts. Pour ce qui est des Japonais, on ne peut pas toucher de pots-de-vin avec eux. Donc ils ne sont pas intéressants de ce point de vue là. Ils (à la Sonatrach) cherchent des projets dans lesquels ils peuvent toucher des pots-de-vin, c’est-à-dire des projets avec les Chinois à [Localité 10], avec les Sud-coréens’; et qui a ramené ces Sud-Coréens” Il s’agit d’une personne dont nous avons déjà parlé, qui était le gendre du général [S] [T] et qui avec l’aide de [M] (PDG actuel de la Sonatrach) s’est accaparé des marchés avec les Sud-Coréens et a commencé à travailler avec eux’».
Sur l’assignation
10. L’exploit introductif d’instance a été délivré à une adresse à [Localité 9] selon l’exploit d’huissier en date du 29’décembre 2020. En l’absence du défendeur, dûment mentionnée dans l’acte, rendant impossible toute signification à personne, l’huissier de justice a, conformément aux articles’655 et’656 du code de procédure civile, procédé aux vérifications visant à confirmer que cette adresse était bien le domicile d'[K] [E].
11. L’huissier a indiqué que l’adresse était confirmée par le cousin d'[K] [E] et a précisé que ce n’était pas son lieu de travail mais qu’il est bien domicilié à cette adresse où il reçoit du courrier et qu’il y passe régulièrement.
12. L’huissier a ensuite procédé, en l’absence de toute personne au domicile capable ou acceptant de recevoir l’acte, aux formalités prévues aux articles’656 et’658 du code de procédure civile.
13. Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont donc jugé que les diligences décrites dans l’assignation «’apparaissent suffisantes pour s’assurer de ce que l’adresse à laquelle l’assignation a été signifiée correspondait, sinon au domicile d'[K] [E], à tout le moins de sa résidence’».
14. Le tribunal a justement retenu que l’assignation délivrée à l’encontre d'[K] [E] a valablement été signifiée à domicile.
15. Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur le caractère diffamatoire des propos
16. Il sera rappelé à cet égard que’:
– l’article 29, alinéa’1, de la loi du 29’juillet 1881 définit la diffamation comme ‘toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’,
– il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par ‘toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’,
– et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée,
– l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises,
– la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
17. Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par les parties civiles ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question, les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire.
18. En l’espèce, les passages litigieux imputent à [Z] [U] d’une part de présenter des Sud-Coréens aux dirigeants de la société nationale pour toucher des pots-de-vin et d’autre part de profiter de ces actes de corruption.
19. Il lui est donc reproché des comportements pénalement répréhensibles, à savoir des faits de corruption et de complicité d’actes de corruption.
20. Ces faits sont précis et peuvent sans difficulté faire l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire.
21. Ces propos qui ont publiquement été diffusés sur la chaîne Youtube de l’appelant portent nécessairement atteinte à l’honneur et à l’honneur et à la considération de [Z] [U] s’agissant d’infractions pénales ou de comportements considérés comme contraires aux valeurs morales et sociales communément admises.
22. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur la bonne foi
23. L’appelant invoque le bénéfice de la bonne foi s’appuyant sur une base factuelle suffisante, ce que conteste la partie civile.
24. La liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe’2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
25. En matière de diffamation, lorsque l’auteur des propos soutient qu’il était de bonne foi, il appartient aux juges, qui examinent à cette fin si celui-ci s’exprimait dans un but légitime, était dénué d’animosité personnelle, s’était appuyé sur une enquête sérieuse et a conservé prudence et mesure dans l’expression, de rechercher d’abord en application de ce même texte, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, afin, s’ils constatent que ces deux conditions sont réunies, d’apprécier moins strictement ces quatre critères, notamment s’agissant de l’absence d’animosité personnelle et de la prudence dans l’expression.
26. Il appartient également aux juges de contrôler le caractère proportionné de l’atteinte portée au principe de la liberté d’expression défini par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne, et de vérifier que le prononcé d’une condamnation, pénale comme civile, ne porterait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression ou serait de nature à emporter un effet dissuasif pour l’exercice de cette liberté.
27. En l’espèce, les propos diffamatoires s’inscrivent dans un but d’information légitime s’agissant de l’attribution de marchés et d’investissements avec une société nationale algérienne.
28. Par ailleurs, l’existence d’une animosité personnelle de l’appelant à l’encontre des intimées n’est pas établie en l’espèce, étant rappelé qu’en droit de la presse, il doit s’agir d’une animosité liée à des considérations extérieures au sujet traité.
29. Dans ces conditions, il convient d’examiner si l’enquête est sérieuse et si l’appelant a fait preuve de prudence dans leurs propos.
30. En l’espèce, l’appelant produit à l’appui de ses propos d’autres articles de presse, sans établir qu’il a lui-même procédé à des recherches.
31. Par ailleurs, au vu des exigences d’une enquête sérieuse, l’appelant ne produit aucun élément qui présenterait la position de [Z] [U] de façon à respecter le principe du contradictoire.
32. De toute évidence, le journaliste n’a pas cherché à vérifier l’existence d’éléments objectifs qui auraient pu démontrer les pratiques qu’il dénonce. Ainsi, l’absence de contradiction fragilise le sérieux de l’enquête.
33. De surcroît, un manque patent de prudence dans l’expression peut être retenu en l’espèce puisque [Z] [U] est présenté comme se livrant à des pratiques douteuses illustrées par notamment par les mots’: «’pots-de-vin’», «’s’est accaparé des marchés’».
34. Dans ces conditions, les propos litigieux dépassent les limites autorisées de la liberté d’expression de sorte qu’une condamnation civile n’est pas disproportionnée.
35. L’excuse de bonne foi ne sera pas retenue et le jugement entrepris sera infirmé.
Sur le préjudice
36. [Z] [U] sollicite la condamnation d'[K] [E] à lui payer la somme de 10’000’euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral causé par les propos diffamatoires en expliquant que la vidéo a été largement diffusée et visionnée par plus de 30’000 personnes.
37. Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont évalué de façon pertinente le préjudice de la partie civile à la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
38. Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge de [Z] [U] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer et la somme de 1’000’euros lui sera octroyée en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
39. En application de l’article 696 du code de procédure civile, [K] [E], qui succombe à la présente instance, sera condamné aux dépens, avec faculté de recouvrement direct au profit de maître [A] [H], avocat, conformément à l’article 699 du même code.
40. La demande d'[K] [E] fondée sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée, l’appelant étant débouté de ses demandes.
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne [K] [E] au paiement à [Z] [U] de la somme de mille euros (1 000 euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés par Maître [A] [H], avocat’;
Rejette toute autre demande.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER