Droits des journalistes : Cour d’appel de Limoges, Chambre sociale, 1 mars 2023, 22/00164

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Droits des journalistes : Cour d’appel de Limoges, Chambre sociale, 1 mars 2023, 22/00164
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Extraits : ommun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre de sa formation en alternance à l’école supérieure de journalisme de [Localité 5], M. [U] [N] a été engagé par l’association KAOLIN suivant contrat de professionnalisation du 2 octobre 2017 en qualité de journaliste reporter pour la période du 2 octobre 2017 au 30 septembre 2019 à [Localité 7], moyennant un salaire brut de 1 090,21 € par mois.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 7 mai 2018, M. [N] s’est plaint auprès de M. [Y] [L], président de l’association KAOLIN, du retard apporté au paiement de son salaire et aux difficultés de remboursement de ses frais de formation.

Au vu

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Cour d’appel de Limoges, Chambre sociale, 1 mars 2023, 22/00164

ARRÊT N° 73

N° RG 22/00164 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJZZ

AFFAIRE :

M. [U] [N]

C/

Association KAOLIN

GV/MK

Demande d’indemnités ou de salaires

Grosse délivrée à Me Marie-Laure SENAMAUD, avocat

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 01 MARS 2023

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Le premier Mars deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [U] [N], né le 09 Novembre 1996 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD LAGRANGE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’une décision rendue le 08 FEVRIER 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

Association KAOLIN, dont le siège est sis : [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Laure SENAMAUD de la SELARL SELARL AUTEF-FETIS & SENAMAUD, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMÉE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 16 Janvier 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, et Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, ont tenu seuls l’audience au cours de laquelle Monsieur Pierre-Louis PUGNET a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 01 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers et de lui-même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre de sa formation en alternance à l’école supérieure de journalisme de [Localité 5], M. [U] [N] a été engagé par l’association KAOLIN suivant contrat de professionnalisation du 2 octobre 2017 en qualité de journaliste reporter pour la période du 2 octobre 2017 au 30 septembre 2019 à [Localité 7], moyennant un salaire brut de 1 090,21 € par mois.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 7 mai 2018, M. [N] s’est plaint auprès de M. [Y] [L], président de l’association KAOLIN, du retard apporté au paiement de son salaire et aux difficultés de remboursement de ses frais de formation.

Au vu des relations conflictuelles entre les parties, M. [N] a été convoqué à un entretien avec M. [L] pour le 24 mai 2018 où il lui a été proposé plusieurs modalités de ruptures du contrat ou son affectation sur un autre site.

Par courrier du 30 mai 2018, M. [L] a proposé à M. [N] de le mettre à disposition de l’association Gral/Emergence à [Localité 4] en lui demandant de s’y présenter le 13 juin 2018 à 9 heures.

M. [N] a, dans un premier temps, accepté la proposition puis l’a refusée en se rapprochant de l’inspection du travail.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 14 juin 2018, M. [N] a fait part à M. [L] de différents griefs et lui a indiqué qu’il saisissait l’inspection du travail.

Après s’être entretenu avec la direction de l’association KAOLIN, l’inspecteur du travail lui a adressé une note le 6 juillet 2018.

Le contrat de travail de M. [N] s’est terminé à l’issue de la période convenue.

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Contestant ses conditions de travail au regard de ce qu’il estime être une exécution déloyale par l’association KAOLIN de son contrat de professionnalisation et sollicitant des rappels de salaires au titre du 13ème mois, ainsi que le remboursement de divers frais, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Limoges le 14 février 2020.

Par jugement du 8 février 2022, le conseil de prud’hommes de Limoges a :

– débouté M. [N] de sa demande au titre d’exécution déloyale du contrat de travail et des conséquences induites ;

– débouté M. [N] de sa demande de rappel de salaires au titre du 13ème mois de 2017 ;

– débouté M. [N] de sa demande en remboursement des frais kilométriques ;

– débouté M. [N] de sa demande au titre du remboursement des frais de formation ;

– condamné M. [N] à payer à l’association KAOLIN FM la somme de 1 500 € au titre d’une exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamné M. [N] à payer à l’association KAOLIN FM la somme de 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, y compris aux frais d’exécution éventuels de la décision, comprenant les frais d’exécution forcée par voie d’huissier.

M. [N] a interjeté appel de ce jugement le 1er mars 2022.

==0==

Aux termes de ses écritures déposées le 31 mai 2022, M. [U] [N] demande à la cour de :

– réformer intégralement le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau,

– condamner l’association KAOLIN à lui verser les sommes suivantes : * 1 785,06 € net d’indemnités kilométriques ;

* 239,05 € brut au titre du rappel du 13ème mois pour l’année 2017 proratisé ;

* 23,90 € brut au titre des congés payés sur le 13ème mois ;

* 1 678,08 € net au titre des frais de formation ;

* 5 000 € au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamner la même à lui verser la somme de 3 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouter l’association KAOLIN de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel, en accordant pour ces derniers à Maître Philippe Chabaud, avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile ;

– dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l’arrêt à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportées par le défendeur, en plus de l’indemnité mise à sa charge, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [N] demande l’application du barème fiscal en ce qui concerne le paiement des indemnités kilométriques et non le taux de 0,3 € du kilomètre appliqué par l’association KAOLIN.

Concernant ses frais de formation pour se rendre à l’école supérieure de journalisme de [Localité 5], il demande le remboursement intégral des frais engagés.

Il soutient que l’association KAOLIN a exécuté de façon déloyale le contrat de travail, invoquant à ce titre le paiement tardif des salaires, l’absence de défraiement des frais professionnels et de formation, la volonté de l’employeur de le changer de structure, son comportement vexatoire à son égard et la dégradation de ses conditions de travail. Il se défend par ailleurs des accusations de son employeur à son encontre.

Aux termes de ses écritures déposées le 25 juillet 2022, l’association KAOLIN demande à la cour de :

– confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions ;

Ce faisant,

– débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner le même au paiement de la somme de 1 500 € de dommages-intérêts ;

– condamner M. [N] à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

L’association KAOLIN se défend en indiquant que, concernant les indemnités kilométriques, l’application du barème fiscal n’est qu’un plafond et non une obligation.

Pour les frais de formation, elle a appliqué le barème de l’AFDAS à compter de septembre 2018, ce qui est légal. M. [N], quant à lui, a continuellement tardé ou refusé de fournir les justificatifs des frais engagés malgré les multiples demandes.

En ce qui concerne l’exécution déloyale du contrat de travail, elle admet un seul retard de paiement du salaire en mai 2018.

En réalité, c’est M. [N] qui a adopté un comportement particulièrement inadapté à l’égard de ses collègues créant un climat de travail insupportable au point que leur santé psychique en a été altéré. Si elle lui a proposé une nouvelle affectation à [Localité 4], elle ne lui a jamais imposée, alors qu’il s’agissait d’une solution pour protéger ses salariés.

Enfin concernant le rappel de salaires au titre du 13ème mois de l’année 2017, M. [N] ne peut pas y prétendre car, embauché le 2 octobre 2017, il ne disposait pas de trois mois d’ancienneté au 31 décembre 2017.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

SUR CE,

L’article L 6325-3 du code du travail relatif au contrat de professionnalisation que ‘L’employeur s’engage à assurer une formation au salarié lui permettant d’acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée ou de l’action de professionnalisation du contrat à durée indéterminée.

Le salarié s’engage à travailler pour le compte de son employeur et à suivre la formation prévue au contrat’.

I Sur les demandes en paiement de M. [N]

1) Sur les indemnités kilométriques

Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC.

En l’occurrence, le remboursement des frais kilométriques par l’association KAOLIN à hauteur de 0,3 € du kilomètre ne constitue pas une imputation sur la rémunération due à M. [N].

Il convient de considérer en effet que l’application du barème fiscal ne constitue qu’un plafond de défraiement, aucune disposition légale ou réglementaire n’imposant à l’employeur de se fonder sur ce barème pour procéder au remboursement des frais kilométriques du salarié.

En conséquence, M. [N] doit être débouté de sa demande en paiement à hauteur de 1 785,06 € représentant la différence entre le paiement par l’association KAOLIN au titre du remboursement des frais kilométriques à hauteur de 0,3 € du kilomètre et l’application du barème fiscal.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2) Sur les frais de formation

L’article D 6332’85 du code du travail dispose que :

‘I.-L’opérateur de compétences prend en charge au titre de la section financière mentionnée au 1° de l’article L. 6332-3 les contrats de professionnalisation au niveau de prise en charge fixé par les branches ou, à défaut d’accord, par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés signataires d’un accord constitutif d’un opérateur gestionnaire des fonds de la formation professionnelle continue.

Le niveau de prise en charge correspond à un montant forfaitaire par contrat versé par l’opérateur de compétences. Il couvre tout ou partie des frais pédagogiques, des rémunérations et charges sociales légales et conventionnelles des stagiaires, ainsi que des frais de transport et d’hébergement’.

Or, contrairement à ce que prétend M. [N], l’employeur n’a pas l’obligation de rembourser au salarié l’intégralité des frais de formation engagés par le salarié. Il peut se limiter au montant forfaitaire versé par l’opérateur de compétences, la seule limite étant que les frais ne soient pas imputés sur la rémunération du salarié, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Dans le cas présent, comme notifié à M. [N] par courriel du 6 septembre 2018, le barème forfaitaire de l’AFDAS est pour une durée de 10 jours de formation mensuels à l’école de journalisme de [Localité 5] de :

– 357 € (35,70 € par jour)

– 101,76 € pour le remboursement des frais kilométriques,

ce qui a représenté pour chaque session de deux semaines un budget de 458,76 € au bénéfice de M. [N].

Par ailleurs, il ne peut pas se plaindre du retard apporté dans le paiement de ce défraiement puisqu’il lui a été demandé à de multiples reprises de justifier des frais effectivement engagés (courriers de l’association KAOLIN des 2 novembre 2017, 28 mai 2018, 11 juin 2018, 14 juin 2018 et 30 juillet 2018).

En conséquence, M. [N] doit être débouté de sa demande en paiement à hauteur de 1 678,08 € et le jugement confirmé de ce chef.

II Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

L’article L 1222-1 du code du travail dispose que ‘Le contrat de travail est exécuté de bonne foi’.

1) Invoquée par M. [N]

Le moyen tiré de l’absence de paiement au titre des frais professionnels et de formation doit être rejeté au vu des motifs ci-dessus énoncés.

En ce qui concerne le retard de paiement des salaires, l’inspecteur du travail a indiqué à l’association KAOLIN dans un courrier du 6 juillet 2018qu’ ‘Après étude des documents remis par l’intéressé [M. [N]] il s’avère effectivement que les délais de paiement des salaires fluctuent fréquemment (jusqu’à 36 jours pour le plus long)’.

Néanmoins, ces retards ont été expliqués par l’association KAOLIN à l’inspecteur du travail par un report des examens de demandes de subventions par les collectivités territoriales et par une baisse du niveau de sa trésorerie. L’inspecteur du travail a d’ailleurs noté que le paiement de l’ensemble des salaires avait été honoré. De plus, un problème de codes bancaires est intervenu en mai 2018.

En conséquence, au vu de ces éléments, le retard de paiement de salaire ne peut pas être considéré comme une exécution déloyale du contrat de travail.

M. [N] se plaint également que l’association KAOLIN a tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail en l’affectant dans une autre structure à [Localité 4].

Dans un courrier du 30 mai 2018, l’association KAOLIN a proposé à M. [N] de le mettre à disposition de l’association GRAL/Emergence à [Localité 4] en raison des très mauvaises relations qu’il entretenait avec l’équipe de [Localité 7], son ‘retour au sein de cette équipe s’avère manifestement impossible’. Le contenu de cette lettre n’est nullement un ordre donné à M. [N], mais une proposition puisque le président de l’association, M. [Y] [L], emploie le conditionnel : ‘Vous seriez affecté auprès de la rédaction régionale’.

D’ailleurs, dans un premier temps, M. [N] a accepté cette proposition (cf son courrier du 14 juin 2018).

Néanmoins, lors de l’entretien qui s’est déroulé le 24 mai 2018 entre M. [N], assisté de M. [S] [I], et M. [L], cette option relevait d’une obligation parmi d’autres :

‘M. [L] poursuit en énonçant les 4 options possibles d’exfiltration de l’entreprise avant le 14 septembre 2018 :

1) procédure pour faute

2) reniement du contrat en entier jusqu’en septembre 2019

3) autre voix est d’aller vers une autre structure sur l’antenne régionale afin de préserver celle de [Localité 7]

4) recherche d’une autre structure par le biais d’un centre de formation.

M. [L] dit à M. [N] qu’il a 3 semaines pour se prononcer sur ces propositions alternatives’.

De même, dans un courrier du 14 juin 2018, suite à différents griefs énoncés contre M. [N], M. [L] lui a intimé l’ordre de se présenter le 25 juin à 9 heures à la rédaction régionale de [Localité 4]. Et, dans un mail du 9 juin 2018 adressé à M.[L], M. [N] s’inquiétait de ce que ses codes d’accès aux boîtes mail de la rédaction aient changé, son mot de passe ayant été modifié. Il s’en est plaint à nouveau dans sa lettre du 14 juin 2018, ses accès à ces outils de travail ayant été supprimés.

Néanmoins, considérant que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, cette décision était légitimée par l’attitude de M. [N] qui était de nature à mettre en cause la santé et la sécurité des autres salariés.

En effet, M. [R] [H], animateur de radio au sein de l’association KAOLIN, indique que ‘Cette cohabitation professionnelle a été pour moi une réelle souffrance, se concluant par un arrêt de travail mi-mai 2019 avec des recommandations médicales de ne plus être mis en contact avec Monsieur [N]…

Le comportement de Monsieur [N] aura été une gêne constante pour accomplir mes missions dans de bonnes conditions heurtant profondément ma pratique comme mon éthique professionnelle, pour finalement nuire à ma santé’.

M. [H] fait plus précisément état d’une attitude agressive de M. [N], puis d’actes d’intimidation.

De même, M. [R] [D], son tuteur, directeur d’antenne au sein de l’association KAOLIN, indique qu’à partir du printemps 2018, M. [N] a refusé de suivre ses directives, rendant impossible l’exercice de sa fonction de tuteur. Puis, ‘La pression permanente qui a découlé de cette situation a gravement affecté mon moral, ma santé nerveuse, mon épanouissement personnel au travail, et m’a conduit à m’interroger sur mon avenir au sein de la structure’.

M. [D] fait également état d’actes d’intimidation et de menaces de la part de M. [N] : ‘À partir du printemps 2019, Mr [N] a franchi une nouvelle étape dans l’expression de son agressivité à mon égard en tentant d’exercer le chantage suivant auprès de la présidence : si je n’étais pas démis de mes fonctions de directeur d’antenne, Mr [N] menaçait d’entamer une procédure prud’homale à l’encontre de l’association KAOLIN, notre employeur’…

‘Mr [N] ayant déclaré « qu’il était temps de trouver une solution définitive au cas [R] [D] » … à tel point que j’ai alors envisagé de déposer une main courante en Gendarmerie pour de tels propos, à la fois par précaution mais aussi par crainte pour mon intégrité physique ou celle de mes collègues, devant l’évolution du comportement de Mr [N] que je jugeai de plus en plus dangereux’.

Dans un audit de l’association KAOLIN réalisé en avril 2020, il est noté également que ‘La fréquence de Kaolin [Localité 7] a connu une période très tendue en raison d’une incompatibilité entre un journaliste en contrat de professionnalisation et le reste de l’équipe (le journaliste n’est plus présent dans la structure)’.

Les attestations de Mme [A] [J] et de M. [V] [B], journalistes en alternance, font état de conditions de travail difficiles au sein de l’association KAOLIN. Mais, elles ne sont pas relatives aux relations qui existaient entre M. [N] et l’association KAOLIN. De plus, le vol d’un mail par M. [H] dans la boîte mail de M. [V] [B] est formellement contesté par cette dernière.

En outre, ces attestations sont contredites par celle de M. [T] [G], journaliste en alternance au sein de l’association KAOLIN de 2015 à 2017, qui dit qu’il a bénéficié de très bonnes conditions de travail au sein de cette association, ce qui lui a apporté une expérience très positive de journaliste radio.

Les attestations de Mme [A] [J] et de M. [V] [B] ne sont donc pas de nature à contredire celle de Mrs [H] et [D].

En conséquence, il convient de considérer, comme le conseil de prud’hommes, que la mesure envisagée d’affecter M. [N] sur le site de Limoges relevait du pouvoir de direction de l’association KAOLIN, dans le but de garantir la santé et la sécurité de ses salariés. Il ne s’agissait donc pas d’une modification du contrat de professionnalisation imposée à M. [N], modification en tout état de cause refusée par ce dernier sans que le contrat ne soit résilié.

Ainsi, la dégradation des conditions de travail invoquée par M. [N] résulte du contexte ci-dessus énoncé, dont l’association KAOLIN a également été victime du fait de ce dernier.

Enfin, M. [N] ne rapporte pas la preuve que l’association KAOLIN n’aurait pas rempli son obligation de formation à son égard, alors même que cette dernière lui a demandé à plusieurs reprises ‘le reporting de l’ensemble de ses reportages réalisés depuis le début de l’année 2018″ (cf lettre de l’association KAOLIN du 30 juillet 2018) et alors même que M. [N] avait adopté un comportement difficultieux à l’égard des journalistes de l’association KAOLIN.

Au vu de l’ensemble de ces éléments M. [N] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2) Invoquée par l’association KAOLIN

Au vu des éléments ci-dessus énoncés, il convient de considérer que le grief de l’association KAOLIN relatif au comportement néfaste de M. [N] à l’égard de ses collègues, mettant en cause leur santé et sécurité, est établi.

De même, le refus de se conformer aux directives de l’employeur est démontré par les attestations de :

– M. [D] : ‘A partir du printemps 2018, Mr [N] s’est installé dans un refus de suivre mes directives, conseils et accompagnements, rendant presque impossible l’exercice de ma mission comme de ma fonction de tuteur’ ;

– M. [W] [H] : ‘il avait du mal à admettre les remarques destinées à le faire progresser, et a manifesté une attitude de plus en plus agressive au fil des mois, dégénérant finalement en actes d’intimidation les dernières semaines où j’ai été amené à le côtoyer’ ;

– M. [X], journaliste, invoque également l’insubordination de M. [N] : ‘Lors d’un reportage à [Localité 6], il avait fait preuve d’insubordination à mon égard’.

M. [D] et M. [H] évoquent également la soustraction par M. [N], à partir des ordinateurs de la radio, des contenus sonores qu’il avait produits depuis son arrivée, et qui devaient être rediffusés pendant les périodes estivales.

Le président de l’association a dû le mettre en demeure par courrier du 30 juillet 2018 de les restituer : ‘Nous constatons deux manquements récents à vos obligations :

– le premier concerne la disparition de l’ensemble de vos travaux des ordinateurs de Kaolin à [Localité 7]… Nous vous rappelons que les enregistrements réalisés dans le cadre de votre formation restent la propriété de Kaolin…’.

M. [N] ne démontre pas comme il le prétend que ces travaux auraient été placés par erreur dans un autre fichier et que ce grief ne soit pas constitué.

Les pièces du dossier font état d’un état d’esprit revendicatif de M. [N] par rapport à la direction de l’association KAOLIN, notamment par rapport au paiement de ses salaires et au remboursement de ses frais. Les relations se sont ainsi dégradées, si bien que M. [N] a saisi l’inspection du travail. S’il n’est pas contestable que M. [N] devait être en mesure d’exercer ses droits, la forme répétitive et permanente de ses contestations sur un ton peu adapté peut effectivement lui être reprochée.

En revanche, le grief tenant à ce que M. [N] soit venu sur son lieu de travail en uniforme de pompier n’est pas suffisamment grave pour constituer une exécution déloyale du contrat de travail. Et, il justifie par une attestation du SDIS 87 qu’il n’a jamais été missionné par le centre de secours de [Localité 7] comme responsable des relations avec les médias.

Enfin, le grief tendant à dire que M. [N] aurait incité des collaborateurs de l’association à ne pas suivre les directives de l’équipe en place n’est pas établi. Notamment, les attestations de Mme [J] et de M. [B], journalistes en l’alternance, qui se plaignent de leurs conditions de travail au sein de l’association KAOLIN, ne disent pas que M. [N] aurait eu un tel comportement à leur égard.

Au total, ceux des griefs ci-dessus énoncés qui sont établis à l’encontre de M. [N] ont causé un préjudice manifeste à l’association KAOLIN qu’il convient d’évaluer à la somme de 1 500 €.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné M. [N] à payer à l’association KAOLIN la somme de 1 500 € au titre de l’exécution déloyale de son contrat de travail.

– Sur le rappel de salaire au titre du 13ème mois de l’année 2017

Par des motifs pertinents que la cour adopte, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a retenu que M. [N] ne pouvait pas prétendre à la somme de 239,05 € brut à ce titre en application de la convention collective nationale des journalistes, puisqu’il ne comptabilisait pas trois mois de présence calendaires depuis son affectation le 2 octobre 2017 au sein de l’association KAOLIN.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [N] succombant à l’instance, il doit être condamné aux dépens, mais il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR,

Statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Limoges le 8 février 2022 ;

DÉBOUTE M. [U] [N] de ses demandes ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] [N] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Mandana SAFI. Pierre-Louis PUGNET.

 


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