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Extraits : istan irakien, où il est enregistré comme demandeur d’asile depuis octobre 2012 auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mme B, son épouse, titulaire d’une licence en lettres et en littérature française de l’université de Damas, l’a rejoint au Kurdistan irakien. Il ressort des pièces du dossier qu’en raison de leurs origines kurdes, mais également en raison du métier de journaliste de M. C et de ce qu’il a déserté l’armée syrienne, M. C et Mme B subissent des menaces et des violences, notamment une attaque à Erbil en 2015 et des menaces de mort en 2021. Les requérants soutiennent également, sans être contredits, que les frères de M. C résident en Allemagne où ils ont obtenu le statut de réfugié et que la sœur de Mme B vit en France. Il ressort encore des pièces du dossi
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Cour administrative d’appel de Nantes, 5ème chambre, 4 avril 2023, 21NT03668
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C et Mme B ont demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler la décision du 8 février 2021 par laquelle le ministre de l’intérieur a refusé de leur délivrer des visas d’entrée et de long séjour en vue de déposer des demandes d’asile en France.
Par un jugement n° 2103933 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021, M. E F C et Mme D B, représentés par Me Haddad, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d’annuler la décision du 8 février 2021 du ministre de l’intérieur ;
3°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de délivrer les visas demandés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que la décision contestée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2022, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu’aucun des moyens invoqués par les requérants n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– le code civil ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme A,
– et les conclusions de M. Mas, rapporteur public.
:
1. Par un jugement du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C et Mme B tendant à l’annulation de la décision du 8 février 2021 par laquelle le ministre de l’intérieur a refusé de leur délivrer des visas d’entrée et de long séjour en vue de déposer des demandes d’asile en France. M. C et Mme B relèvent appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision contestée :
2. M. C et Mme B, ressortissants syriens d’origine kurde nés respectivement en 1981 et en 1976, vivent à Duhok en Irak, dans la région du Kurdistan irakien. Le 27 février 2019, ils ont déposé des demandes de visa en vue de solliciter l’asile auprès de l’autorité consulaire française à Erbil (Irak) laquelle les a implicitement rejetées. Saisie d’un recours dirigé contre ces décisions consulaires tacites, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a refusé la délivrance des visas demandés par la décision du 24 juin 2019. Par un jugement n° 1911542 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l’intérieur de réexaminer les demandes de M. C et Mme B. Par la décision contestée du 8 février 2021, le ministre de l’intérieur a refusé de délivrer les visas demandés au motif qu’il n’était pas établi que M. C et Mme B se trouvaient dans une situation de grande précarité et qu’ils avaient indiqué à l’autorité consulaire ne pas se sentir menacés dans la région dans laquelle ils vivaient.
3. Aux termes du quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 : ” Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République “. Si le droit constitutionnel d’asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit fondamental reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n’emportent aucun droit à la délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France.
4. Dans les cas où l’administration peut légalement disposer d’un large pouvoir d’appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire valoir aucun droit, il est loisible à l’autorité compétente de définir des orientations générales pour l’octroi de ce type de mesures sans que l’intéressé puisse se prévaloir de telles orientations à l’appui d’un recours formé devant le juge administratif. Il s’ensuit que ne peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours devant le juge administratif les orientations générales, auxquelles fait référence la décision contestée du 8 février 2021, arrêtées par les autorités françaises en vue de l’accueil des ressortissants syriens déplacés ou non à l’intérieur de leur pays, qui se trouvent à titre personnel menacés ou persécutés, du fait de leur appartenance à une minorité religieuse et qui ont en France des membres de leur famille proches, ont des liens avérés avec la France ou se trouvent dans une situation particulière de grande vulnérabilité.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C a déserté l’armée syrienne du régime El Assad en avril 2012 et s’est réfugié au Kurdistan irakien, où il est enregistré comme demandeur d’asile depuis octobre 2012 auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mme B, son épouse, titulaire d’une licence en lettres et en littérature française de l’université de Damas, l’a rejoint au Kurdistan irakien. Il ressort des pièces du dossier qu’en raison de leurs origines kurdes, mais également en raison du métier de journaliste de M. C et de ce qu’il a déserté l’armée syrienne, M. C et Mme B subissent des menaces et des violences, notamment une attaque à Erbil en 2015 et des menaces de mort en 2021. Les requérants soutiennent également, sans être contredits, que les frères de M. C résident en Allemagne où ils ont obtenu le statut de réfugié et que la sœur de Mme B vit en France. Il ressort encore des pièces du dossier que, si M. C a été reporter auprès de la commission de secours et des affaires humanitaires du gouvernement de Duhok dans le cadre d’un contrat à durée déterminée pendant quelques mois et que Mme B a travaillé comme enseignante auprès de l’organisation non gouvernementale ” Save the children ” dans un camp de réfugiés à Duhok, les intéressés n’ont plus d’emplois depuis respectivement fin décembre 2018 et fin août 2020. Par suite, à la date de la décision contestée, M. C et Mme B vivaient dans un camp de réfugiés et ne percevaient plus de salaires. Dans ces conditions, en refusant de délivrer les visas demandés par les requérants au motif qu’ils ne se trouvaient pas dans une situation particulière de grande précarité ou de menace, le ministre de l’intérieur a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C et Mme B sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :
7. Eu égard à ses motifs, l’exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance des visas demandés à M. E F C et Mme D B. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au ministre de l’intérieur et des outre-mer d’y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 octobre 2021 et la décision du ministre de l’intérieur du 8 février 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur et des outre-mer de délivrer à M. E F C et Mme D B des visas d’entrée et de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L’Etat versera à M. C et Mme B une somme globale de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E C, à Mme D B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l’audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :
– M. Francfort, président de chambre,
– M. Rivas, président assesseur,
– Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
La rapporteure,
C. A
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.