Droits des journalistes : Cour administrative d’appel de Marseille, 5ème chambre – formation à 3, 13 mars 2023, 21MA01645

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Droits des journalistes : Cour administrative d’appel de Marseille, 5ème chambre – formation à 3, 13 mars 2023, 21MA01645
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Extraits : soit opposé A les différents exploitants, membres d’une même famille. Cette circonstance n’est pas en contradiction avec l’existence d’un refus de contrôle et n’a pas d’incidence sur la qualification de ce dernier.

16. En troisième lieu, Mme B déclare elle-même à plusieurs reprises avoir ” interrompu ” le contrôle sur place, ce qu’a d’ailleurs confirmé son époux A des déclarations à un journaliste de France 3 Régions. Elle confirme ainsi les éléments retenus A les services de la préfecture de Corse-du-Sud. Le refus de poursuivre le contrôle, opposé à l’agent qui en est chargé, fait obstacle à son accès aux terres de l’exploitation. En provoquant l’interruption du contrôle sur place en cours, les intéressés ont fait obstacle à ce que celui-ci se réalise intégralement, ce qui constitue u

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Cour administrative d’appel de Marseille, 5ème chambre – formation à 3, 13 mars 2023, 21MA01645

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D B a demandé au tribunal administratif de Bastia d’annuler la décision du 30 janvier 2019 A laquelle la préfète de Corse-du-Sud a appliqué un taux de réduction de 100 % aux aides soumises à la conditionnalité pour la campagne 2018.

A un jugement n° 1900217 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

A une requête et un mémoire, enregistrés le 29 avril 2021 et le 9 août 2022, Mme B, représentée A Me Laurent, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 2 mars 2021 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d’annuler la décision du 30 janvier 2019 de la préfète de Corse-du-Sud ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l’État, ainsi que la somme de 3 800 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

-le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l’erreur de fait concernant l’organisme ayant réalisé le contrôle, d’une part, et sur celui contestant la valeur probante de certaines pièces, d’autre part ;

-le contrôle a été réalisé A une autorité incompétente ;

-le rapport de contrôle est incomplet ;

-le rapport sur lequel l’administration a fondé sa décision diffère de la copie qui lui a été remise, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

-les agents ayant réalisé le contrôle n’étaient pas régulièrement habilités à y procéder, en méconnaissance de l’article 77-1 du code de procédure pénale ;

-le contrôle n’a pas respecté les réquisitions du procureur de la République, qui a diligenté une enquête pour les seules infractions de travail dissimulé et d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail ;

-les obligations déontologiques des contrôleurs n’ont pas été respectées ;

-la décision contestée est insuffisamment motivée ;

-la direction départementale des territoires et de la mer s’est contredite ;

-il n’y a pas eu de refus de contrôle ;

-les dégradations et les pertes subies suite à la tempête Adrian constituaient un motif grave et légitime justifiant une absence de contrôle ;

-sa belle-mère a fait un malaise au cours du contrôle.

A des mémoires en défense, enregistrés les 3 juin et 8 septembre 2022, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête de Mme B.

Il soutient que les moyens soulevés A Mme B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

-le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

– le rapport de M. C,

-et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Une note en délibéré a été enregistrée le 10 janvier 2023 pour Mme B.

Considérant ce qui suit

:

1. Mme B est une exploitante agricole située à Letia. Après un contrôle sur place réalisé le 13 novembre 2018, la préfète de Corse-du-Sud, A une décision du 30 janvier 2019, a appliqué un taux de réduction de 100 % aux aides soumises à la conditionnalité pour la campagne 2018.

2. Mme B fait appel du jugement du 2 mars 2021 A lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme B, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l’incompétence d’un agent de l’Agence de service et de paiement (ASP) pour réaliser le contrôle A des motifs circonstanciés, figurant au point 4 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, si Mme B contestait un élément factuel à l’appui du moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision contestée, le tribunal administratif, qui a écarté ce moyen aux points 9 et 10 du jugement attaqué, n’était pas tenu de répondre à l’ensemble de ses arguments.

5. En troisième lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que le compte-rendu de contrôle n’avait pas été remis à l’intéressée le jour du contrôle en retenant, au point 7 du jugement attaqué, que ce compte-rendu lui avait été ultérieurement communiqué A courrier. Il n’a donc pas omis de statuer sur ce moyen.

Sur la régularité du contrôle :

6. En premier lieu, le II de l’article D. 615-53 du code rural et de la pêche maritime dispose que : ” Les agents de l’Agence de service et de paiement ont qualité pour réaliser, pour le compte de l’un ou l’autre des organismes mentionnés au II de l’article D. 615-52, les contrôles du respect des exigences réglementaires en matière de gestion relevant des exigences identification et enregistrement des animaux. “

7. Le contrôle de l’exploitation de Mme B a été réalisé A un agent de l’ASP pour le compte de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, qui figure parmi les ” organismes ” mentionnés au II de l’article D. 615-52 du code rural et de la pêche maritime. Pour faire valoir qu’un agent de l’ASP ne pouvait effectuer un tel contrôle, Mme B invoque l’article L. 314-1 du même code, qui prévoit, dans sa rédaction en vigueur, que : ” L’office du développement agricole et rural de Corse exerce les compétences dévolues à l’Agence de services et de paiement. ” Contrairement à ce que soutient la requérante, la mission attribuée A le législateur à l’ASP au I de l’article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime pour ” contrôler le respect des engagements pris A les bénéficiaires ” d’aides publiques ne porte pas sur l’attribution de la compétence pour édicter certains actes administratifs. A ailleurs, l’existence de deux établissements publics ayant les mêmes missions n’a pas pour effet d’interdire à l’un ou l’autre de ces établissements d’exercer l’une de ces missions. Il suit de là qu’un agent de l’ASP pouvait légalement effectuer un tel contrôle, qui entrait dans le champ des missions de l’ASP et pour lequel il était habilité A les dispositions du II de l’article D. 615-53.

8. En deuxième lieu, Mme B se prévaut d’une instruction technique DGAL/SDSPA/2017-290 de la direction générale de l’alimentation du 29 mars 2017 pour faire valoir que les contrôleurs n’ont pas relevé ” l’ensemble des constats effectués ” au cours du contrôle. Cette instruction technique se borne cependant à prévoir que les constats portent uniquement entre les demandes d’aide et la réglementation relative à l’identification des animaux d’une part, et la situation de terrain dans l’exploitation contrôlée d’autre part. Les multiples circonstances dont Mme B conteste l’absence au rapport de contrôle ne se rapportent pas à de tels écarts. Ce moyen doit donc être écarté en tout état de cause.

9. En troisième lieu, le principe du contradictoire, s’il impose à l’administration de mettre l’intéressée à même de présenter ses observations, ainsi qu’elle l’a fait A un courrier du 21 décembre 2018, n’impose pas à l’agent chargé du contrôle de remettre à l’exploitant, en cas de refus de contrôle, une copie du compte-rendu de contrôle le jour du contrôle.

10. En quatrième lieu, Mme B s’appuie sur un jugement du 24 juin 2022 de la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Ajaccio annulant plusieurs actes de poursuite dans le cadre d’une enquête pénale réalisée simultanément. Il convient de rappeler que l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’impose à l’administration comme au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement devenu définitif. D’une part, aucune disposition n’impose à l’agent réalisant un contrôle sur place destiné à vérifier le respect de la conditionnalité des aides de la politique commune de prêter préalablement serment dans les conditions prévues A l’article 77-1 du code de procédure pénale. D’autre part, le procureur de la République n’a aucune autorité en ce qui concerne la réalisation de contrôles administratifs, de sorte que les conditions dans lesquels il a émis ses réquisitions dans le cadre de cette enquête pénale sont sans incidence sur le litige. Les motifs de ce jugement correctionnel sont donc étrangers à la légalité de la décision contestée.

Sur la motivation de la décision contestée :

11. Il résulte du 6° de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration que les décisions administratives individuelles défavorables qui refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir doivent être motivées.

12. Après avoir rappelé les dispositions applicables, la décision contestée indique de façon claire et détaillée qu’elle est fondée sur le refus de contrôle opposé A l’intéressée lors du contrôle sur place réalisé le 13 novembre 2018. Si Mme B fait valoir que les motifs de la décision sont entachés d’une erreur factuelle, cette circonstance est étrangère au respect de l’obligation de motivation. Cette décision est donc suffisamment motivée.

Sur l’existence d’un refus de contrôle :

13. L’article 59 du règlement n ° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune prévoit que le contrôle administratif des demandes d’aide et de paiement est accompagné de contrôles sur place. Le paragraphe 7 de cet article prévoit qu’ : ” Une demande d’aide ou une demande de paiement est rejetée si le bénéficiaire ou son représentant empêche la réalisation d’un contrôle sur place, sauf dans les cas de force majeure ou dans des circonstances exceptionnelles. ” A un arrêt Marija Omecj du 16 juin 2011, réf. C-536/09, la Cour de justice de l’Union européenne a interprété ce paragraphe comme visant ” tout acte ou toute omission imputable à la négligence de l’agriculteur ou de son représentant ayant eu pour conséquence d’empêcher la réalisation du contrôle sur place dans son intégralité, lorsque cet agriculteur ou son représentant n’a pas pris toute mesure pouvant raisonnablement être requise de sa part pour garantir que ce contrôle se réalise intégralement. ” Enfin, l’article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime ajoute qu’ : ” En cas de refus d’un contrôle conduit au titre de la conditionnalité, le taux de réduction des aides soumises aux règles de conditionnalité prévues A la politique agricole commune est fixé à 100 % “.

14. En premier lieu, ainsi qu’il a été dit au point 7, le contrôle a été réalisé A un agent de l’ASP pour le compte de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de Corse-du-Sud. A suite, la préfète de Corse-du-Sud n’a pas commis d’erreur de fait en indiquant que le contrôle avait été réalisé A la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations.

15. En deuxième lieu, les contrôleurs présents sur place ont relevé ” une gestion commune et un mélange des troupeaux ” entre plusieurs exploitations agricoles avant qu’un refus de contrôle ne leur soit opposé A les différents exploitants, membres d’une même famille. Cette circonstance n’est pas en contradiction avec l’existence d’un refus de contrôle et n’a pas d’incidence sur la qualification de ce dernier.

16. En troisième lieu, Mme B déclare elle-même à plusieurs reprises avoir ” interrompu ” le contrôle sur place, ce qu’a d’ailleurs confirmé son époux A des déclarations à un journaliste de France 3 Régions. Elle confirme ainsi les éléments retenus A les services de la préfecture de Corse-du-Sud. Le refus de poursuivre le contrôle, opposé à l’agent qui en est chargé, fait obstacle à son accès aux terres de l’exploitation. En provoquant l’interruption du contrôle sur place en cours, les intéressés ont fait obstacle à ce que celui-ci se réalise intégralement, ce qui constitue un refus de contrôle. A suite, la préfète n’a pas inexactement qualifié les faits en considérant que ce refus était de nature à justifier la décision contestée, prise sur le fondement des dispositions citées au point 13.

Sur l’absence de cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles :

17. En premier lieu, si Mme B fait valoir que la tempête Adrian, survenue quinze jours avant le contrôle, aurait provoqué des pertes et dispersé les bêtes, cette circonstance, à la supposer établie, ne faisait pas obstacle à la réalisation du contrôle, ainsi que l’a déjà retenu le tribunal administratif.

18. En deuxième lieu, l’existence de manquements aux règles de déontologie, non plus qu’aux règles de ” bienséance “, de la part des agents ayant réalisé le contrôle, n’est pas établie A les pièces du dossier. A ailleurs, l’appréciation portée A le bénéficiaire de l’aide sur le respect de ces règles n’est pas de nature à justifier un refus de contrôle.

19. En troisième lieu, la survenance d’un ” malaise ” de la belle-mère de la requérante au cours des opérations de contrôle n’est pas établie A les pièces du dossier, ainsi que l’a également déjà retenu le tribunal administratif.

20. A suite, Mme B ne justifie pas d’un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles de nature à empêcher la réalisation du contrôle sur place.

21. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme B n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, A le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Aucuns dépens n’ont été exposés dans la présente instance. A ailleurs, l’État n’est pas la partie perdante. Les dispositions l’article L. 761-1 du code de justice administrative font en conséquence obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées A Mme B au titre des frais qu’elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D B et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Corse-du-Sud.

Délibéré après l’audience du 9 janvier 2023, où siégeaient :

– M. Bocquet, président,

– Mme Vincent, présidente assesseure,

– M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public A mise à disposition au greffe le 13 mars 2023.

No 21MA01645

 


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