Statut de journaliste du chargé d’édition multimédia

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Statut de journaliste du chargé d’édition multimédia
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Le chargé d’édition multimédia peut être qualifié de journaliste. Les journalistes se définissent comme ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs.


Un salarié de Radio France a obtenu la requalification de son contrat de travail de chargé d’édition multimédia en celui de journaliste.

L’accord collectif Radio France du 27 juillet 2017

Aux termes de l’article 1.2 de l’accord collectif Radio France du 27 juillet 2017 : ” Les sites, applications et comptes réseaux sociaux de Radio France sont aussi des espaces permettant de traiter l’information, sous des formes potentiellement très variées, en particulier : son, article, photo, info brève (brève jusqu’au simple tweet), infographie, vidéo.

L’information traitée en ligne par les rédactions de Radio France doit refléter leurs identités et leurs équilibres éditoriaux.

Si la priorité est donnée au traitement des mêmes sujets à l’antenne et sur le web (sans exhaustivité), cela n’exclut absolument pas le traitement de sujets spécifiques au web.

Le choix des sujets doit être confié à une rédaction en chef, si ce n’est unique, du moins cohérente entre l’antenne radio et le web, et pour les radios locales à chaque rédacteur-trice en chef.

L’information diffusée sur les supports multimédias répond à la même exigence de rigueur qu’à l’antenne. Elle est vérifiée, recoupée, contextualisée selon les mêmes règles éditoriales.

Le métier concerné par cette fonctionnalité est celui de journaliste. “.

Statut de journaliste

Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Les journalistes se définissent comme ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs.

Aux termes de l’article L.7111-4 du même code, sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes rédacteurs, rédacteurs réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.

Aux termes de l’article L.7111-5 du même code, les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication au public par voie électronique ont la qualité de journaliste professionnel.

La convention collective des journalistes prévoit que le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle et qui en tire le principal de ses ressources.

Preuve rapportée par le salarié

Le salarié a produit des échanges de courriels et de sms avec son responsable hiérarchique, délégué au numérique de France Culture, relatifs à la production, par lui, d’articles destinés à être publiés sur le site internet de la station, ainsi que la liste, accompagnée de résumés de ses contributions écrites publiées entre 2015 et 2020 sur ce site, à raison de deux ou trois par semaine, contributions qui comportent un apport créatif et qui répondent de façon incontestable à la définition susvisée de l’activité de journaliste, puisqu’il s’agit de la rédaction d’articles d’information souvent précédés d’interviews et qui dépassent ainsi de loin une simple “mise à jour” ou une “animation” du site ou encore une simple mise en ligne de contenus préétablis destinés à enrichir le site, ainsi que le prétend la société Radio France.

 


 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 31 MAI 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07516 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUCZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er Octobre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Encadrement chambre 1- RG n° F 19/03498

APPELANTE

SOCIETE NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Cyprien PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIMÉ

Monsieur [Z] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport, et Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [Z] [U] a été engagé par la société Nationale de Radiodiffusion Radio France, pour une durée indéterminée à compter 3 février 2014, en qualité de chargé d’édition multimédia, affecté au site internet dédié de l’antenne de la station de radio France Culture.

Le 26 avril 2019, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris et formé des demandes afférentes à la reconnaissance du statut de journaliste professionnel.

Par jugement du 1er octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a reconnu le statut de journaliste professionnel à Monsieur [U] à compter du 15 octobre 2018, a fixé la moyenne mensuelle brute de ses salaires à 3 445,96 €, a condamné la société Radio France à lui verser les sommes suivantes et l’a débouté de ses autres demandes :

– rappel de salaire d’octobre 2018 à mars 2019 : 5 083,14 € ;

– congés payés afférents : 508,31 € ;

– rappel de prime de 13ème mois : 3 205,67 € ;

– rappel de prime d’ancienneté : 340,36 € ;

– indemnité compensatrice de congés payés : 4 626,21 € ;

– les intérêts au taux légal ;

– indemnité pour frais de procédure : 1 000 € ;

– les dépens

– le conseil a également ordonné la remise de bulletins de salaire conformes.

La société Radio France a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 novembre 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 février 2023, la société Radio France demande l’infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu’il a débouté Monsieur [U] de ses autres demandes, et la condamnation de ce dernier à lui rembourser la somme de 10 539,93 € nets perçue au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance, ainsi qu’à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €. Elle fait valoir que :

– Monsieur [U] ne remplit pas les conditions légales pour revendiquer le statut de journaliste, les fonctions de chargé d’édition multimédia étant totalement différentes ;

– à supposer que certaines de ses missions correspondent à la profession de journaliste, Monsieur [U] ne rapporte pour autant pas la preuve qu’elles correspondraient à son activité principale et régulière au sein de l’entreprise, alors qu’il ne remplit pas le critère de l’aptitude à passer au micro ;

– le fait que Monsieur [U] a obtenu la carte d’identité de journaliste professionnel et soit titulaire d’un diplôme de journalisme est indifférent, seule l’activité effectivement exercée au sein de Radio France permettant de déterminer la convention collective applicable ;

– pour le cas où le statut de journaliste serait reconnu, il conviendrait de fixer son salaire mensuel moyen à la somme de 2 949,67 € bruts et de ramener ses demandes de condamnations à de plus justes proportions, alors que les salaires de référence qu’il revendique sont erronés

– il ne justifie pas des préjudices allégués.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 janvier 2023, Monsieur [U] demande l’infirmation du jugement, sauf en ce qu’il lui a reconnu le statut de journaliste, a minima à compter du 15 octobre 2018 et forme les demandes suivantes :

– reconnaissance du statut de journaliste professionnel à compter du 3 février 2014 et de la position conventionnelle de Journaliste Spécialisé à compter de février 2014, de “Grand Reporteur 1” de février 2019 à janvier 2022 t de “Grand Reporteur 2” à compter de février 2022 et la fixation de son salaire fixe mensuel de base (hors primes) à :

. 2 907,45 € bruts d’avril 2016 à janvier 2019 ;

. 3 111,22 € bruts de février 2019 à janvier 2022 ;

. 3 403,59 € de février à décembre 2022 ;

. 3 533,59 € à compter du 1er janvier 2023;

– il demande également la condamnation de la société Radio France à lui payer les sommes suivantes, à parfaire à la date la plus proche de l’audience, avec intérêt au taux légal à compter de la convocation au bureau de conciliation devant le conseil de prud’hommes :

. rappel de salaire (salaire fixe, prime d’ancienneté et prime de 13ème mois) : 81 159 € ;

. congés payés afférents : 8 116 € ;

. indemnité compensatrice de congé payés : 20 814 € ;

. dommages et intérêts pour privation d’avantages conventionnels : 2 000 € ;

. dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de l’inégalité de traitement et de l’atteinte à l’image : 3 000 € ;

. Indemnité pour frais de procédure en première instance : 2 000 € ;

. Indemnité pour frais de procédure en appel : 3 000 € ;

. Monsieur [U] demande également que soit ordonnée la publication du jugement sur la page d’accueil du site internet France culture.fr durant 15 jours, et dans un journal quotidien national aux frais de la société dans la limite d’un coût de 3 000 € HT, dans un délai de 2 mois ;

. ainsi que la remise de bulletins de salaire conformes.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Monsieur [U] expose que :

– il réunit de façon incontestable les critères légaux et jurisprudentiels de l’activité de journaliste professionnel, son unique source de revenus consistant en la rédaction d’articles d’information publiés sur le site internet de Radio France après réalisation fréquente d’interviews ;

– la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels a reconnu son statut de journaliste ;

– la société Radio France elle-même a reconnu sa qualité de journaliste multimedia ;

– il justifie d’une formation à la profession de journaliste ;

– le critère relatif à “l’aptitude à passer au micro” est inopérant ;

– sa carrière doit être reconstituée en fonction de son ancienneté, du salaire minimum conventionnel et des autres dispositions conventionnelles ;

– il rapporte la preuve de ses préjudices.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

* * *

MOTIFS

Sur la demande de reconnaissance du statut de journaliste

Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Les journalistes se définissent comme ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs.

Aux termes de l’article L.7111-4 du même code, sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes rédacteurs, rédacteurs réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.

Aux termes de l’article L.7111-5 du même code, les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication au public par voie électronique ont la qualité de journaliste professionnel.

La convention collective des journalistes prévoit que le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle et qui en tire le principal de ses ressources.

Enfin, Monsieur [U] produit un “accord collectif pour les journalistes de Radio France” du 5 juin 2015, qui mentionne “le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ; il ne peut se confondre avec la communication. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support”.

En l’espèce, la société Radio France ne conteste pas le fait qu’elle est une entreprise de presse, ainsi qu’une d’entreprise de communication au public par voie électronique.

Monsieur [U] produit des échanges de courriels et de sms avec Monsieur [X], son responsable hiérarchique, délégué au numérique de France Culture, relatifs à la production, par lui, d’articles destinés à être publiés sur le site internet de la station, ainsi que la liste, accompagnée de résumés de ses contributions écrites publiées entre 2015 et 2020 sur ce site, à raison de deux ou trois par semaine, contributions qui comportent un apport créatif et qui répondent de façon incontestable à la définition susvisée de l’activité de journaliste, puisqu’il s’agit de la rédaction d’articles d’information souvent précédés d’interviews et qui dépassent ainsi de loin une simple “mise à jour” ou une “animation” du site ou encore une simple mise en ligne de contenus préétablis destinés à enrichir le site, ainsi que le prétend la société Radio France.

Monsieur [U] produit également les attestations de Messieurs [M] et [O], expressément employés en qualité de journalistes au service multimédias de la société Radio France, qui déclarent effectuer les mêmes tâches que lui.

A titre surabondant, Monsieur [U] justifie d’une formation professionnelle au métier de journaliste et s’est vue reconnaître la qualité de journaliste par la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels.

Par ailleurs, il est constant que Monsieur [U] travaille à plein temps pour le compte de Radio France et qu’il tire le principal de ses ressources de cette activité.

De son côté, la société Radio France fait valoir, que le contrat de travail de Monsieur [U] ne mentionne pas la qualité de journaliste mais de chargé d’édition multimédia, affecté au site internet dédié de l’antenne de la station de radio France Culture.

Cependant, aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée.

Il en résulte que la reconnaissance d’un statut d’ordre public ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles auraient donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité concernée au regard des critères objectifs applicables.

Par conséquent, cet argument est dépourvu de pertinence.

La société Radio France fait également valoir que, sur l’organigramme de l’entreprise, les journalistes multimédia sont rattachés au service de la Rédaction de France Culture, tandis que les chargés d’édition multimédia sont rattachés à son service du Numérique.

Cependant, ce choix d’organisation interne de l’entreprise n’a aucun effet sur la reconnaissance du statut de journaliste au regard de dispositions d’ordre public.

La société Radio France fait également valoir que Monsieur [U] ne dispose pas de l’aptitude “à passer au micro” et se prévaut à cet égard de l’accord précité du 5 juin 2015, ainsi que d’une attestation de Monsieur [Y], responsable des ressources humaines.

Monsieur [U] réplique à juste titre, d’une part, que cette restriction est contraire aux dispositions d’ordre public régissant le statut de journaliste et d’autre part, qu’aux termes de l’article 1.2 de l’accord collectif le 27 juillet 2017 :

” Les sites, applications et comptes réseaux sociaux de Radio France sont aussi des espaces permettant de traiter l’information, sous des formes potentiellement très variées, en particulier : son, article, photo, info brève (brève jusqu’au simple tweet), infographie, vidéo.

L’information traitée en ligne par les rédactions de Radio France doit refléter leurs identités et leurs équilibres éditoriaux.

Si la priorité est donnée au traitement des mêmes sujets à l’antenne et sur le web (sans exhaustivité), cela n’exclut absolument pas le traitement de sujets spécifiques au web.

Le choix des sujets doit être confié à une rédaction en chef, si ce n’est unique, du moins cohérente entre l’antenne radio et le web, et pour les radios locales à chaque rédacteur-trice en chef.

L’information diffusée sur les supports multimédias répond à la même exigence de rigueur qu’à l’antenne. Elle est vérifiée, recoupée, contextualisée selon les mêmes règles éditoriales.

Le métier concerné par cette fonctionnalité est celui de journaliste. “.

Enfin, les arguments de la société Radio France, au demeurant non démontrés, selon lesquels Monsieur [U] n’aurait pas manifesté son intention d’accéder au statut de journaliste au sein de l’entreprise, ni contesté le libellé de son contrat de travail et de ses fiches de paie, sont tout aussi inopérants, alors qu’il a saisi à cette fin la juridiction prud’homale.

C’est donc à juste titre que le jugement déféré a estimé que Monsieur [U] relevait du statut de journaliste professionnel.

Sur la reconstitution de carrière et ses conséquences

Il résulte des explications qui précèdent que, dès son embauche, malgré sa qualification apparente, Monsieur [U] a en réalité exercé l’activité de journaliste professionnel.

C’est donc à tort que le conseil de prud’hommes a estimé qu’il ne relevait de ce statut qu’à compter du 15 octobre 2018.

Par ailleurs, Monsieur [U] fonde ses demandes relatives à la reconstitution de carrière sur le principe d’égalité de traitement.

Il résulte des dispositions de l’article L. 3221-2 du code du travail, que l’employeur doit assurer l’égalité de traitement entre salariés lorsqu’ils effectuent un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application des dispositions des articles L.3221-8 et L.1144-1 du code du travail, il appartient au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une inégalité et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

En l’espèce, Monsieur [U] se prévaut des dispositions de l’accord collectif pour les Journalistes de Radio France précité, signé le 5 juin 2015, lequel prévoit, notamment, les qualifications de “journaliste spécialisé” de “grand reporteur 1” et de “grand reporteur 2”.

Toutefois, contrairement à ce qu’il prétend, cet accord ne mentionne pas de conditions de nombre d’années d’expérience.

Il produit également les bulletins de paie anonymisé d’un journaliste de l’entreprise, pour lequel la société Radio France ne conteste pas que l’ancienneté est équivalente à la sienne, qui percevait, en février 2019, un salaire brut de base de 3 445,96 € et était positionné “grand reporteur 1”.

Monsieur [U] percevait, quant à lui à la même époque, un salaire brut mensuel de 2 356,34 €.

Ces éléments sont susceptibles de caractériser une inégalité de traitement.

De son côté, la société Radio France, qui se contente d’invoquer les dispositions de l’article 1353 du code civil, ne produit aucun élément objectif justifiant la différence de traitement, ce dont il résulte que l’inégalité de traitement est établie.

Monsieur [U] est donc fondé à revendiquer la qualification de journaliste spécialisé à compter d’avril 2016.

Si la qualification de “grand reporteur 1” doit être retenue à compter de février 2018 au vu du bulletin de paie de comparaison susvisé, aucun élément du dossier ne permet de retenir celle de “grand reporteur 2”.

Au vu de l’accord précité, le salaire mensuel brut de base minimal conventionnel correspondant à la position de journaliste spécialisé auquel Monsieur [U] pouvait prétendre s’élevait à 2 907,45 € à compter d’avril 2016 et celui de grand reporteur 1 s’élevait à 3 111, 22 € à compter de février 2018 et jusqu’à décembre 2022.

Monsieur [U] demande à bon droit l’application d’une augmentation de 130 € par mois résultant de la négociation annuelle obligatoire de 2023, applicable à compter du 1er janvier 2023, ce qui porte son salaire mensuel brut de base à 3 141,22 € à compter de cette date.

Par ailleurs, Monsieur [U] demande à juste titre, sur le fondement de l’article VII.1.1 de l’accord collectif précité, plus favorable sur ce point que les dispositions de la convention collective des journalistes, une prime d’ancienneté égale à 5% du salaire fixe de base après 5 ans d’ancienneté, puis 10 % après 10 ans d’ancienneté et, sur le fondement de l’article 25 de la convention collective, une prime de 13 ème mois.

Au vu de ses bulletins de paie et du décompte qu’il produit, arrêté au 28 février 2023, arithmétiquement exact mais qu’il convient de corriger en conservant comme base, le salaire minimum conventionnel correspondant à la position de “grand reporteur 1”, à compter de février 2018, Monsieur [U] est fondé à obtenir, dans les limites de la prescription triennale, soit à compter d’avril 2016, un rappel de salaire tenant compte de la prime d’ancienneté et du treizième mois, qui s’élève à 76 765,46 €, somme à laquelle s’ajoute l’indemnité de congés payés afférente de 7 676,54 €.

Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés

En conséquence de la reconnaissance de son statut de journaliste, Monsieur [U] demande à juste titre l’application de l’article IX.2. de l’accord collectif précité, lequel prévoit 3,5 jours calendaires de congés payés par mois dans la limite de 35 jours par an.

Au vu de ses bulletins de paie et de son décompte, arithmétiquement exact mais qu’il convient de corriger en conservant comme base, le salaire minimum conventionnel correspondant à la position de journliste spécialisé puis de “grand reporteur 1”, Monsieur [U] est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de congés payés de 19 946,29 euros, suivant décompte arrêté au 31 décembre 2022.

Sur la demande de dommages et intérêts pour privation des avantages conventionnels

Au soutien de cette demande, Monsieur [U] expose que l’absence de reconnaissance de son statut de journaliste l’a privé du versement de droits d’auteur liés à l’utilisation de ses publications, de la possibilité de demander un passage à temps partiel pour convenances personnelles pour 3 mois renouvelables et enfin, de la prise en charge de 50 % des frais de constitution de leur dossier devant la CCPIJ.

Cependant, la société Radio France objecte à juste titre que le versement de droits d’auteur n’est pas propre aux journalistes, que Monsieur [U] ne détermine pas le montant des droits d’auteur dont il se prétend privé et qu’il ne démontre pas avoir formulé de demande de passage à temps partiel.

Plus généralement, Monsieur [U] ne produit aucun élément de nature à établir l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé par sa reconstitution de carrière.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de l’inégalité de traitement et de l’atteinte à l’image

Monsieur [U] ne produisant aucun élément de nature à établir l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé par sa reconstitution de carrière, le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’en a débouté.

Sur les autres demandes

Les mesures de publication demandées n’apparaissant pas nécessaires, le jugement doit être confirmé en ce qu’il les a rejetées.

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif conforme aux dispositions du présent arrêt.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Radio France à payer à Monsieur [U] une indemnité de 1 000 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et y ajoutant, de la condamner au paiement d’une indemnité de 2 000 euros en cause d’appel.

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que Monsieur [Z] [U] relevait du statut de journaliste professionnel, en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts et de publication de la décision et en ce qu’il a condamné la société Nationale de Radiodiffusion Radio France à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 1 000 € ainsi que les dépens ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

Déclare que Monsieur [Z] [U] relève du statut de journaliste spécialisé depuis le 3 février 2014 et de la position conventionnelle de Grand Reporteur 1 depuis février 2018, et fixe son salaire fixe mensuel de base (hors primes) à :

– 2 907,45 € brut d’avril 2016 à janvier 2018,

– 3 111,22 € bruts de février 2018 à décembre 2022,

– 3 141,22 € bruts à compter du 1er janvier 2023.

Condamne la société Nationale de Radiodiffusion Radio France à payer à Monsieur [Z] [U] les sommes suivantes :

– rappel de salaire (salaire fixe, prime d’ancienneté et prime de 13e mois), suivant décompte arrêté au 28 février 2023 : 76 765,46 € ;

– indemnité de congés payés afférente, suivant décompte arrêté au 28 février 2023 : 7 676,54 € ;

– rappel d’indemnité compensatrice de congé payés suivant décompte arrêté au 31 décembre 2022 : 19 946,29 € ;

Dit que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2019 ;

Dit que la société Nationale de Radiodiffusion Radio France devra régulariser la situation de Monsieur [Z] [U] sur les bases susvisées à compter des dates suivant celles du décompte ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Nationale de Radiodiffusion Radio France à payer à Monsieur [Z] [U] une indemnité pour frais de procédure en cause d’appel de 2 000 € ;

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, conforme aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;

Déboute la société Nationale de Radiodiffusion Radio France de sa demande de remboursement et de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;

Condamne la société Radio France aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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