Droits des journalistes : 3 octobre 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-86.395

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Droits des journalistes : 3 octobre 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-86.395
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N° N 22-86.395 F-D

N° 01082

ODVS
3 OCTOBRE 2023

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 OCTOBRE 2023

M. [U] [T] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans, chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 2022, qui, pour diffamation envers un citoyen chargé d’une mission de service public, l’a condamné à 1 500 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [K] [X], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l’audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par jugement en date du 8 juillet 2020, le tribunal correctionnel a déclaré M. [G] [M] coupable de diffamation à l’encontre de M. [K] [X], maire de la commune de [Adresse 2].

3. Par acte d’huissier du 10 mars 2021, M. [X] a fait citer M. [U] [T] devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, pour avoir mis en ligne, le 14 décembre 2020, sur le blog de l’association Ligne 4, dont il est le président, à l’adresse : Facebook.com/LaLigne4/, un communiqué de presse dont il est l’auteur contenant les propos suivants : « De plus, ayant certainement décidé d’agir seul, celui-ci semble s’être rendu coupable de prise illégale d’intérêt en employant les moyens, y compris financiers, de la commune pour défendre ses propres intérêts. Enfin dans l’hypothèse où ces faits seraient jugés illégaux par un tribunal. En utilisant de l’argent public de la sorte, M. [X] pourrait s’être également rendu coupable de détournement de fonds publics en application de l’article 432-15 du code pénal. »

4. Les juges du premier degré ont déclaré M. [T] coupable du délit poursuivi et ont prononcé sur les intérêts civils.

5. M. [T] a relevé appel de cette décision, M. [X] relevant appel des dispositions civiles.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 35, 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il n’a pas déchu le plaignant de son droit d’établir la preuve contraire de la vérité des faits diffamatoires, alors que celui-ci n’avait pas respecté le délai de cinq jours prévu par l’article 56 de la loi du 29 juillet 1881, de sorte que la cour d’appel ne pouvait examiner l’attestation de la compagnie d’assurances du 15 décembre 2020 produite le 27 mai 2021.

8. Le deuxième moyen est pris de la violation des mêmes textes.

9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté l’offre de vérité du prévenu en se fondant sur la délibération du conseil municipal du 8 février 2021 postérieure aux propos poursuivis.

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

11. Pour écarter l’offre de preuve proposée par M. [T] et confirmer le jugement entrepris, l’arrêt attaqué se fonde, tout d’abord, sur le contenu d’un courrier du 16 décembre 2019 adressé à M. [M] par l’avocat de la partie civile, dans lequel celui-ci l’informe intervenir pour M. [X], en sa qualité de maire de [Adresse 2], ensuite, sur un procès-verbal de constat du lendemain, utilisé dans la procédure contre M. [M], mentionnant qu’il a été établi à la demande de la commune, représentée par son maire, puis sur une demande de M. [X] du 18 décembre 2019 sollicitant de la société [1] le bénéfice du contrat de protection juridique souscrit par la commune.

12. Les juges se réfèrent également à un courrier de M. [X], du 18 décembre 2020, indiquant que certains frais d’avocat et d’huissier avaient été pris en charge par l’assureur, à une attestation de la compagnie d’assurances datée du 15 décembre 2020 et, enfin, à une délibération du conseil municipal de [Adresse 2] du 8 février 2021, laquelle relevait que la compagnie d’assurances avait donné son accord pour prendre en charge les frais d’avocats et d’huissier nécessaires à la défense de M. [X].

13. Ils ajoutent que cette délibération, non utilement critiquée par le prévenu, vaut reconnaissance par la commune de la prise en charge des frais exposés dans le cadre de l’instance dirigée contre M. [M], y compris de ceux qui n’auraient pas totalement été financés par l’assureur.

14. Ils en concluent que les frais d’huissier et de défense exposés au bénéfice de M. [X] pour le litige l’ayant opposé à M. [M] ont été régulièrement pris en charge par la commune et son assureur et que c’est à juste titre que le tribunal a retenu que n’était pas rapportée la preuve de la vérité des faits de détournement de fonds ou de prise illégale d’intérêts visés dans le communiqué litigieux.

15. En se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

16. En premier lieu, il résulte de l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que, pour être admis au titre de l’offre de preuve régulièrement signifiée, les écrits et témoignages prévus par ce texte peuvent être postérieurs aux propos, dès lors qu’ils portent sur des faits antérieurs à la diffamation. Tel est le cas de la délibération du conseil municipal du 8 février 2021 qui fait mention de l’accord de la compagnie d’assurance.

17. En second lieu, la cour d’appel a exactement déduit, notamment de cette délibération, dont elle a souverainement analysé la teneur, que la vérité des faits n’était pas établie, peu important la mention surabondante relative à l’attestation de la compagnie d’assurance précitée.

Mais sur le troisième moyen

18. Le moyen est pris de la violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

19. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté la bonne foi du prévenu aux termes d’une motivation insuffisante ne démontrant pas l’existence d’un contentieux strictement personnel entre lui et la partie civile alors qu’il s’exprimait dans un but légitime, qu’il justifiait d’une enquête sérieuse ayant abouti à un signalement au procureur de la République et qu’il a gardé mesure et prudence dans la rédaction du communiqué.

 


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