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N° S 22-83.869 F-B
N° 01185
RB5
17 OCTOBRE 2023
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 OCTOBRE 2023
Mme [C] [G], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 6e section, en date du 2 juin 2022, qui, dans l’information suivie contre MM. [O] [U], [Z] [J], [F] [H], [S] [A] et Mme [K] [B], notamment des chefs de faux en écriture publique et violation du secret professionnel, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [C] [G], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 15 février 2020, M. [Y] [E] a été interpellé sur la voie publique, aux côtés de sa compagne Mme [C] [G].
3. Des photographies de cette interpellation, dont certaines sur lesquelles Mme [G] est identifiable, ont été publiées dans la presse.
4. Une enquête, diligentée notamment pour violation du secret professionnel et recel, aurait mis en évidence des contacts entre MM. [O] [U], [F] [H], policiers, et [S] [A], journaliste, pour permettre à ce dernier de photographier la scène précitée, la surveillance ayant été partiellement menée par le journaliste et non les policiers, contrairement aux énonciations des procès-verbaux rédigés.
5. Une information a été ouverte des chefs susvisés.
6. Le 30 octobre 2020, Mme [G] s’est constituée partie civile des chefs de violation du secret professionnel et faux en écriture publique.
7. Par ordonnance du 21 juin 2021, les juges d’instruction ont déclaré irrecevable cette constitution de partie civile.
8. Mme [G] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [G], alors :
« 1°/ que pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que la chambre de l’instruction qui, bien qu’elle ait constaté que Mme [G] apparaissait sur les photographies publiées dans les médias de l’interpellation de M. [E] dans le cadre de la procédure de violences volontaires au titre de laquelle a été ouverte l’information judiciaire du chef notamment de violation du secret professionnel, ce qui permettait d’admettre comme possible un préjudice d’image en lien avec les infractions qui ont permis aux photographes d’assister à cette interpellation, a néanmoins déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [G], a méconnu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale ;
2°/ que Mme [G] se prévalait notamment d’un préjudice d’image à raison de la publication dans la presse de sa photographie lors de l’interpellation de M. [E] dans le cadre de la procédure de violences volontaires ouverte contre lui, de sorte qu’en retenant que si Mme [G] s’estimait victime d’éléments dévoilés dans la presse, ce n’était pas dans le cadre de de la procédures diligentées pour violences à l’encontre de M. [E] ni dans le cadre de son interpellation, la chambre de l’instruction, qui a dénaturé le mémoire de Mme [G] ou, à tout le moins, l’a ignoré, a méconnu l’article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale :
10. Il résulte de ces textes que, pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.
11. Pour déclarer la constitution de partie civile de Mme [G] irrecevable, l’arrêt attaqué énonce en substance que les faits de faux en écriture publique ont été commis à l’occasion de l’enquête diligentée à l’encontre de M. [E] pour violences volontaires.
12. Les juges relèvent que les policiers ont suivi Mme [G] car elle a été identifiée comme la compagne de M. [E], lequel faisait l’objet d’un mandat de recherches, mais que l’enquête ne concernait pas cette jeune femme, qui n’a d’ailleurs été entendue qu’en qualité de simple témoin.
13. Ils ajoutent que la chambre de l’instruction a déjà écarté, au titre du contentieux de la nullité initié dans une information judiciaire distincte, l’argument selon lequel Mme [G] aurait été victime d’une arrestation arbitraire.
14. Ils retiennent enfin que le préjudice d’image allégué concerne la procédure diligentée à son encontre pour des faits d’atteinte à la vie privée d’un tiers.
15. Ils en déduisent que l’intéressée ne justifie d’aucun préjudice direct et personnel résultant des faits objet de l’information judiciaire.
16. En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction, qui a exactement retenu que Mme [G] n’avait pas suffisamment justifié d’un éventuel préjudice en lien direct avec les faits de faux en écriture publique, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés s’agissant des faits de violation du secret professionnel.
17. En effet, Mme [G], qui était concernée par les investigations diligentées puisqu’elle a été suivie par les fonctionnaires de police pour permettre l’interpellation de M. [E], faisait valoir un préjudice résultant d’une atteinte à sa vie privée, du fait de la captation de son image et de sa reproduction sans son autorisation, consécutivement à la communication à un journaliste de renseignements connus des seuls fonctionnaires de police concourant à la procédure d’enquête.
18. Un tel préjudice est en relation directe avec la violation du secret de l’enquête et de l’instruction, tel que prévu par l’article 11 du code de procédure pénale, ce texte ayant pour objet de garantir notamment le droit au respect de la vie privée et la présomption d’innocence des personnes concernées par la procédure en cause (Cons. const., 2 mars 2018, décision n° 2017-693 QPC).
19. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
20. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux faits de violation du secret professionnel, la décision de la chambre de l’instruction relative aux faits de faux en écriture publique n’encourant pas la censure. Ces dernières dispositions seront donc maintenues.
21. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 2 juin 2022, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [G] du chef de violation du secret professionnel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DÉCLARE recevable la constitution de partie civile de Mme [G] du chef de violation du secret professionnel ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-trois.