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9 mars 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/04514
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
————————–
ARRÊT DU : 09 MARS 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 20/04514 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LZIJ
Madame [O] [C]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/20/22176 du 17/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
Madame [S] [B] épouse [Z]
Monsieur [J] [B]
Madame [G] [X] épouse [W]
Monsieur [U] [X]
Monsieur [E] [X]
Monsieur [L] [X]
Monsieur [F] [X]
Madame [VS] [R] [D]
Madame [LN] [N] épouse [D]
Monsieur [K] [D]
Madame [Y] [X] épouse [V]
Monsieur [SF] [SW]
Madame [DA] [SW]
Madame [LN] [SW]
Madame [VB] [X] épouse [M]
Monsieur [T] [IS]
Madame [CS] [P]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 octobre 2020 (R.G. n°F18/00412) par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Agriculture, suivant déclaration d’appel du 19 novembre 2020,
APPELANTE :
[O] [C], demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Ingrid THOMAS de la SELARL MAITRE INGRID THOMAS, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Ludovic VALAY, avocat au barreau de AGEN
INTIMÉS :
[S] [B] épouse [Z]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
[J] [B]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 13]
[G] [X] épouse [W]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]
[U] [X]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
[E] [X]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]
[L] [X]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 12]
[F] [X]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 15]
[VS] [R] [D]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
[LN] [N] épouse [D]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 11]
[K] [D]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]
[Y] [X] épouse [V]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 18]
[SF] [SW]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
[DA] [SW]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 16]
[LN] [SW]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 17]
[VB] [X] épouse [M]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 14]
[T] [IS]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
[CS] [P]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]
Représentés par Me Emilie VAGNAT de la SELARL EV AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 janvier 2023 en audience publique, devant Madame Marie-Paule MENU, Présidente chargée d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère
greffière lors des débats : Evelyne Gombaud
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET PROCDEDURE
Par jugement de départage du 19 octobre 2020, après avoir rappelé que [FW] [X] avait géré une exploitation agricole sises à Sainte Gemme jusqu’à son décés survenu le 13 septembre 2016, qu’il avait laissé comme unique héritier son père [A] [X] lui-même décédé le 5 novembre 2016, que Mme [C], concubine de [FW] [X], l’avait saisi d’une action en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail et demandé la convocation des héritiers de [FW] [X] par une requête enregistrée au greffe le 19 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Bordeaux:
– a déclaré recevables les interventions volontaires de [SF] [SW], de [DA] [SW] et de [LN] [SW], ès qualités d’ ayants droit de [OJ] [I] [X]
– s’est déclaré matériellement compétent pour connaître de l’ensemble des demandes formulées par Mme [C]
– a déclaré irrecevable l’ensemble des demandes soutenues par Mme [C]
– a débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– a condamné Mme [C] aux dépens.
Mme [C] a relevé appel de la décision dans ses dispositions qui déclarent ses demandes irrecevables, qui déboutent les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui la condamnent aux dépens.
L’ordonnance de clôture est en date du 13 décembre 2022.
L’affaire a été fixée à l’audience du 12 janvier 2023, pour être plaidée.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 février 2021, Mme [C] demande à la Cour de:
– infirmer le jugement déféré, de juger que l’action n’est pas éteinte et sa demande recevable et bien fondée, en conséquence
– requalifier le contrat de travail non écrit en un contrat de travail à temps complet, juger qu’elle a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence de condamner l’indivision [X] à lui payer
* 59.200 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de mars 2013 à mars 2017, outre 5920 euros pour les congés payés afférents
* 2000 euros à titre de dommages intérêts pour défaut de contrat écrit
* 3253,25 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
* 19.200 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 9600 euros pour travail dissimulé
– juger que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes
– juger que les intérêts, dus pour une année entière au moins, porteront eux-mêmes intérêts au taux légal
– condamner l’indivision [X] à lui remettre un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, ou passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et par document
– juger que la Cour se réservera la liquidation de l’astreinte
– condamner l’indivision [X] à lui régler 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.
Mme [C] fait valoir en substance :
– outre qu’elle a été officiellement salariée de son compagnon du 14 mai 2002 au 30 novembre 2006, situation à laquelle il a été mis fin parce qu’il était difficile à celui-ci de lui verser un salaire et de régler les cotisations sociales afférentes, les attestations qu’elle fournit établissent qu’elle a en réalité toujours travaillé sur l’exploitation, à temps complet, durant plus de trente ans
– la présomption d’entraide familiale d’abord invoquée par les intimés est incompatible avec son statut de salariée pour la période du 14 mai 2002 au 30 novembre 2006
– à supposer qu’elle ait relevé du statut d’aide familial, l’article 21 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 qui l’a mis en place limite sa durée à 5 ans pour les personnes qui ont acquis cette qualité à compter du 18 mai 2005, de sorte qu’elle est fondée à prétendre au statut de salarié au moins à compter du mois de novembre 2011
– la relation de travail ayant pris fin au mois de mars 2017, lorsque les héritiers lui ont signifié qu’elle ne serait ni réglée ni licenciée, son action introduite au mois de mars 2018 n’encourt aucunement la prescription
– employée en réalité à temps complet, elle peut prétendre dans les limites de la prescription à un rappel de salaire calculé sur la base du salaire agricole moyen, soit 1600 euros brut
– elle est fondée à demander la réparation des préjudices qui ont résulté de l’absence de remise d’un contrat de travail écrit et de son licenciement abusif
– l’absence de contrat de travail écrit et de quelconque déclaration auprès des organismes concernés procèdent de l’élément intentionnel de l’infraction de travail dissimulé.
Dans leurs dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 mars 2021, [E] [X], [SF] [SW], [DA] [SW], [LN] [SW], [Y] [X], [F] [X], [CS] [P], [T] [IS], [S] [B], [J] [B], [K] [D], [VS] [R] [D], [LN] [N], [L] [X], [G] [X], [VB] [X] et [U] [X] demandent à la Cour de :
– confirmer le jugement déféré dans ses dispositions qui jugent les demandes de Mme [C] irrecevables
– l’infirmer dans celles qui jugent la juridiction prud’homale matériellement compétente pour en connaître
– en conséquence, dire et juger que le conseil de prud’hommes n’est pas compétent pour connaître du litige, dire et juger que les demandes sont irrecevables et dans tous les cas infondées et en débouter Mme [C]
– à titre reconventionnel, condamner Mme [C] à payer 500 euros à chacun d’entre eux à titre d’indemnité, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
[E] [X], [SF] [SW], [DA] [SW], [LN] [SW], [Y] [X], [F] [X], [CS] [P], [T] [IS], [S] [B], [J] [B], [K] [D], [VS] [R] [D], [LN] [N], [L] [X], [G] [X], [VB] [X] et [U] [X] font valoir en substance :
– le conseil de prud’hommes n’a pas compétence pour statuer sur la présomption d’aide familiale qu’ils sont fondés à invoquer eu égard aux relations entre Mme [C] et son compagnon
– Mme [C], qui n’a fourni aucune prestation de travail sur l’exploitation – celui qu’elle effectuait au domicile de son compagnon et les soins qu’elle a prodigués à ce dernier n’en relevant pas -, que M. [X] n’a jamais rémunérée pour ce travail et ces soins, qui n’était évidemment pas dans un lien de surbordination, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’un contrat de travail
– les demandes de Mme [C], qui a disposé de tous les éléments nécessaires pour faire valoir ses droits dès 2006, à supposer le certificat de travail dont elle se prévaut authentique, sont prescrites.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la compétence matérielle de la juridiction prud’homale
Pour confirmer la décision déférée dans ses dispositions qui rejettent l’exception d’incompétence matérielle soulevée par les intimés, il suffira de rappeler que le conseil de prud’hommes règle les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs et les salariés qu’ils emploient, qu’il lui appartient à cette occasion de déterminer si la prestation de travail entre les membres d’une même famille établit selon les conditions de son accomplissement l’existence d’un contrat de travail, que les demandes de Mme [C] tendent à l’établissement d’une relation de travail entre elle et [FW] [X] d’abord, entre elle et [A] [X] ensuite, entre elle et les héritiers enfin.
II- Sur l’action en requalification de la relation de travail en un contrat de travail
Sur la recevabilité de l’action en requalification
Suivant les dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Suivant les dispositions de l’article L.1471 alinéa 1 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, toute action portant sur l’exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, tout action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Il résulte de leur combinaison que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du code civil.
La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.
En l’espèce, que la relation de travail dont Mme [C] demande la requalification en un contrat de travail ait pris fin au mois de mars 2017 comme allégué par l’intéressée ou au mois de septembre 2016 comme soutenu par les intimés, le délai de cinq ans de l’article 2224 du code civil n’était pas expiré lorsque Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes le 19 mars 2018, de sorte que l’action en requalification n’est pas prescrite. Le jugement déféré sera infirmé en conséquence.
Sur le bien fondé de l’action en requalification
Conformément aux règles de preuve issues du code civil, c’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve et à celui qui se prévaut du caractère fictif d’un contrat de travail de le prouver.
La preuve du contrat de travail peut être rapportée par tous moyens . Elle peut ainsi résulter d’un écrit mais également de témoignages ou de présomptions qui viennent alors compléter des commencements de preuve par écrit.
Trois éléments permettent de démontrer l’existence d’un contrat de travail : la fourniture d’un travail, le versement d’une rémunération et le lien de subordination entre l’employeur et le salarié.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité.
Au soutien de sa demande, Mme [C] se prévaut du certificat de travail à son nom par renseigné par [FW] [X] le 20 décembre 2006, pour la période du 14 mai 2002 au 31 novembre 2006 et des témoignages de vingt sept villageois, membres de son entourage, médecin traitant, pharmacien et maire de la commune, qui tous attestent à la fois de la présence permanente de l’intéressée auprès de son compagnon puis de son père et de sa participation active à la marche de l’exploitation. Il ne résulte toutefois d’aucun des éléments du dossier l’existence d’un lien de subordination entre Mme [C] d’une part, [FW] [X], [A] [X], leurs héritiers d’autre part . Mme [C] sera déboutée de sa demande en requalification.
Mme [C], dont les demandes en paiement et remise de documents sont fondées sur l’existence d’un contrat de travail non établie pour les raisons susmentionnées, en sera déboutée.
III- Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions qui condamnent Mme [C] aux dépens et déboutent les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
Mme [C], qui succombe devant la Cour, sera condamnée aux dépens d’appel en même temps qu’elle sera déboutée de la demande qu’elle a formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas contraire à l’équité de laisser aux intimés la charge de leurs frais non compris, dans les dépens. Ils seront en conséquence déboutés des demandes qu’ils ont formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME la décision déférée dans ses dispositions qui jugent irrecevables l’action en requalification de la relation de travail en un contrat de travail introduite par Mme [C] et les demandes subséquentes formulées par l’intéressée
CONFIRME la décision déférée pour le surplus de ses dispositions
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant
DECLARE Mme [C] recevable en son action en requalification de la relation de travail en un contrat de travail et en ses demandes subséquentes
DEBOUTE Mme [C] de sa demande en requalification de la relation de travail en un contrat de travail et de ses demandes subséquentes
CONDAMNE Mme [C] aux dépens d’appel
DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Evelyne Gombaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. [H] MP. Menu