Droits des héritiers : 9 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01114

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Droits des héritiers : 9 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01114

9 mai 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/01114

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

————————————

COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 09 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01114 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E7F2

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,

R.G.n° 20/00769, en date du 27 avril 2022,

APPELANTE :

Madame [B] [X] [K]

née le 1er décembre 1959 à [Localité 5] (88)

domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Pascal KNITTEL de la SELARL KNITTEL – FOURAY ET ASSOCIES, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉS :

Madame [N] [K], épouse [G]

née le 16 juillet 1962 à [Localité 5] (88)

domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Alain BEGEL de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d’EPINAL

Monsieur [L] [K]

né le 12 janvier 1964 à [Localité 5] (88)

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Alain BEGEL de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, Présidente d’audience, chargée du rapport, et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président du 12 janvier 2023

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 09 Mai 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur HENON, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

[T] [K], né le 21 novembre 1931, est décédé le 27 octobre 2016 à [Localité 4] ; son épouse [W] [O], née le 5 mars 1929, est décédée le 22 avril 2017 à [Localité 6].

Ils ont laissé pour leur succéder leurs trois enfants :

– Madame [B] [K],

– Madame [N] [K] épouse [G],

– Monsieur [L] [K].

Monsieur [L] [K] et Madame [N] [K] ont fait assigner Madame [B] [K] devant le tribunal judiciaire d’Epinal par acte du 7 mai 2020, aux fins d’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de [W] [O] et de fixation d’une somme recelée par leur soeur.

Par jugement contradictoire du 27 avril 2022, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire d’Epinal a :

– déclaré irrecevable la demande de Madame [B] [K] au titre d’un dédommagement équivalent au prix d’acquisition d’un nouveau véhicule d’occasion d’un montant de 7834 euros,

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [T] [K] et de Madame [W] [O], et de la communauté ayant existé entre les époux,

– désigné Maître [D] [F], notaire à [Localité 8], pour y procéder et adresser au tribunal, à l’issue de ses opérations, un projet de partage, après l’avoir soumis aux parties et à leurs avocats, avoir recueilli leurs avis et y avoir répondu, et annexé à son projet ces observations et réponses,

– dit que le notaire commis pourra, si nécessaire, interroger le FICOBA pour retrouver les coordonnées de tous les comptes bancaires, mêmes joints, ouverts par le défunt,

– rappelé qu’il entre dans la mission du notaire commis de dresser, dans le délai d’un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira la masse partageable, les comptes entre les copartageants, les droits des parties et les éventuels dépassements de la quotité disponible, ainsi que la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision,

– rappelé qu’à cette fin, il appartient au notaire de se faire remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l’indivision, d’examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte au titre des loyers, de déterminer, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l’occupation gratuite de certains biens dépendant de l’indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants,

– rappelé qu’à défaut pour les parties de signer l’état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe du tribunal judiciaire d’Epinal, chambre civile, un procès-verbal de dires et son projet de partage,

– rappelé que le notaire commis pourra s’adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis,

– commis le juge de la mise en état pour surveiller ces opérations,

– dit qu’en cas d’empêchement du notaire commis, il sera pourvu au remplacement par simple requête,

– condamné Madame [B] [K] à rapporter à la succession la somme recelée d’un montant de 19800 euros et dit qu’elle sera privée de tous ses droits sur ladite somme,

– fixé la créance de Madame [B] [K] à l’égard de l’indivision successorale à une somme de 2991,50 euros au titre de frais de stèle, et la déboute pour le surplus de ses demandes au titre de frais et d’une incidence professionnelle,

– fixé à 300 euros la somme devant être rapportée à la succession par Monsieur [L] [K] au titre de matériels,

– débouté Madame [B] [K] de sa demande au titre du rapport à la succession par Monsieur [L] [K] de la valeur d’un camion de marque ‘Citroën U23’,

– rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable,

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage,

– condamné Madame [B] [K] à payer à Madame [N] [K] et Monsieur [L] [K] une somme de 1000 euros, soit 500 euros chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé, pour ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage, qu’aucune des parties n’invoquait de jugement ou de convention portant sursis au partage. Sur la désignation d’un notaire, il a constaté que Madame [B] [K] ne justifiait d’aucun motif, tel un manque d’impartialité, à l’appui de sa demande de désignation d’un autre notaire que Maître [F], laquelle avait déjà une connaissance complète de tout l’historique de la succession.

Sur le recel reproché à Madame [B] [K], le tribunal a considéré que la preuve de la dissimulation de plusieurs sommes pour un montant total de 19800 euros, de même que l’intention frauduleuse de Madame [B] [K], étaient établies par les circonstances des prélèvements effectués les jours ayant précédé ou suivi immédiatement le décès de [W] [O] et par l’importance de ces sommes. Il en a déduit que Madame [B] [K] avait commis un recel successoral à concurrence de la somme de 19800 euros. Il l’a alors privée de tous ses droits sur ladite somme et l’a condamnée à la rapporter à l’actif successoral.

Le tribunal a jugé que les attestations produites aux débats ne permettaient pas d’établir que Madame [B] [K] avait assumé la charge effective et permanente de ses parents caractérisée par un engagement d’une durée et d’une intensité suffisante dépassant la simple entraide familiale, précisant notamment que les époux [K] avaient bénéficié de dispositifs d’aide à domicile pendant plusieurs années. Pour la débouter de sa demande afférente à une créance au titre d’une incidence professionnelle, les premiers juges ont en outre relevé que Madame [B] [K] ne démontrait pas que l’aide qu’elle avait apportée à ses parents avait eu des conséquences sur sa carrière professionnelle.

Ils ont constaté par ailleurs qu’elle ne précisait pas le fondement juridique permettant de mettre à la charge d’une indivision successorale les frais d’acquisition d’un nouveau véhicule, même d’occasion, pour un montant de 7834 euros, de sorte que sa demande à ce titre a été déclarée irrecevable en vertu de l’article 56 du code de procédure civile.

Elle a également été déboutée de ses demandes de remboursement de frais pour ses parents, hormis les frais de stèle qui ont été reconnus comme une créance à l’égard de la succession s’élevant à la somme de 2991,50 euros.

Le tribunal a enfin jugé modique la valeur du matériel professionnel remis à Monsieur [L] [K] par son père et rejeté la demande de Madame [B] [K] de rapport à la succession au titre du camion de marque Citroën de modèle U23 détenu par son frère, la preuve n’étant pas rapportée que ce dernier détenait le camion litigieux, aucun inventaire des biens meubles des époux [K] n’étant produit aux débats.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 11 mai 2022, Madame [B] [K] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [B] [K] demande à la cour de :

– la juger recevable et fondée en son appel du jugement du tribunal judiciaire d’Epinal en date du 27 avril 2022,

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [T] [K] et de son épouse, Madame [W] [O], respectivement décédés les 27 octobre 2016 et 22 avril 2017, et de la communauté ayant existé entre les époux,

Statuant à nouveau,

– voir désigner tout autre notaire que Maître [D] [F], pour procéder à l’ouverture des opérations,

– débouter Madame [N] [G] et Monsieur [L] [K] de leurs demandes au titre d’un recel successoral de Madame [B] [K],

– juger que le projet de partage qui sera dressé par le notaire désigné, devra tenir compte :

* de la créance d’assistance dûe par la succession à Madame [B] [K] composée :

o d’un remboursement des frais exposés par elle pour le compte de ses parents de leur vivant de 2011 à 2017, d’un montant de 26833,50 euros, et ce compris le dédommagement équivalent au prix d’acquisition d’un nouveau véhicule d’occasion de 7834 euros,

o d’une compensation financière indemnisant l’incidence professionnelle de l’assistance prodiguée par Madame [K] à ses parents à hauteur de 10000 euros,

* du rapport à succession de la somme de 19800 euros retirée par Madame [B] [K] sur les comptes de succession,

* du rapport à succession de la donation à Monsieur [L] [K] d’un camion de collection « Citroën U23 » d’une valeur de 5000 euros,

* du rapport à succession de la donation de divers matériels et équipements d’artisan au profit de Monsieur [L] [K], d’une valeur à définir par le notaire désigné, et encore du véhicule des parents [K],

– débouter Monsieur [L] [K] et Madame [N] [G] de leur demande fondée sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [L] [K] et Madame [N] [G] à payer à Madame [B] [K] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

– juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 24 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [N] [K] épouse [G] et Monsieur [L] [K] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Epinal le 27 avril 2022 en toutes ses dispositions,

– débouter Madame [B] [K] de toutes ses prétentions à hauteur de Cour,

– condamner Madame [B] [K] à verser à chacun des intimés la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [B] [K] aux dépens d’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 7 février 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 27 février 2023 et le délibéré au 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Madame [B] [K] le 6 février 2023 et par Madame [N] [K] épouse [G] et Monsieur [L] [K] le 24 janvier 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 7 février 2023 ;

* Sur la désignation d’un notaire autre que Maître [F]

L’article 1364 du code de procédure civile dispose que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage ; le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal.

En l’espèce, Maître [F] a été désignée en dehors de toute procédure judiciaire et du vivant même de [W] [O] pour procéder aux opérations de liquidation-partage des indivisions successorales.

L’absence d’aboutissement s’explique non par une carence du notaire mais par l’opposition des frère et soeurs sur les modalités du partage. Madame [B] [K] lui reproche l’absence de réponse des courriers de décembre 2018 et janvier 2019, or aucun courrier à ces dates n’est versé, il est produit en revanche des échanges de décembre 2017 et janvier 2018 qui ont amené une réponse du 25 janvier 2018 que l’appelante a elle-même communiquée (pièce 3 et 7 appelante).

Maître [F] a toujours agi avec diligence dans le cadre du règlement délicat de succession compte-tenu des dissensions entre frère et soeurs et de leur désaccord sur les éléments à prendre en compte comme le démontrent les pièces des parties. Aucune pièce n’est versée de nature à établir une carence du notaire qui a une connaissance complète de la situation et qui est la mieux placée pour assurer avec diligence la poursuite des opérations de liquidation et de partage successoral.

Il convient dès lors de rejeter la demande de l’appelante et de confirmer le jugement sur ce point.

** Sur la demande de remboursement de frais exposés par Madame [B] [K]

Madame [B] [K] prétend au remboursement de frais dont elle explique avoir fait l’avance au profit de ses parents, ainsi que de l’achat pour son compte d’un véhicule.

À l’appui elle verse ses relevés de comptes et des tickets de carte bancaire, tickets de caisse et factures diverses parmi lesquels se trouvent pêle mêle des dépenses de carburant pour ses déplacements dans les Vosges, des tickets de caisse pour des courses dont il n’est pas justifié qu’elles étaient destinées aux défunts (achat vestimentaire, linge de maison, courses en grande surface, électroménager …), pas plus que les factures de téléphone dont le remboursement est demandé, ainsi que des cadeaux d’usage (chocolat, fleurs…) outre la facture d’un véhicule d’occasion dont elle a fait l’achat après le décès de ses parents, en remplacement de son précédent.

Il n’est pas ainsi justifié que la majeure partie des dépenses présentées aient été exposées dans l’intérêt de l’un ou l’autre des défunts.

S’agissant des frais imputés au transport (carburant, remplacement de véhicule, etc…) et expliqués par les nombreux allers-retours entre la Lorraine – où habitaient les défunts – et [Localité 7] – lieu de résidence de leur fille -, il résulte des décisions personnelles de Madame [B] [K] relatives à son lieu d’habitation et aux modalités qu’elle a librement choisies pour être présente auprès de ses parents. Ils ne peuvent donc donner lieu à aucune créance de remboursement pouvant être réclamée à la succession – les conditions de l’enrichissement sans cause ayant été exclues. Le jugement a déclaré irrecevable la demande de remboursement des frais d’acquisition du véhicule de remplacement au motif que le fondement juridique de la demande n’était pas précisé, or il ressort des conclusions de l’appelante, certes peu explicites, qu’elle est fondée sur l’enrichissement sans cause. Dans la mesure où la demande doit être écartée car les conditions d’application ne sont pas réunies, un débouté sera substitué à l’irrecevabilité.

Le paiement d’une facture de gasoil domestique le 4 mai 2017 n’a pas profité aux défunts (déjà décédés), ni à la succession, les intimés justifiant par les témoignages des voisins et de l’agent immobilier et par l’annonce diffusée sur internet par leur soeur que celle-ci a récupéré le carburant et l’a revendu.

Seuls sont justifiés les frais suivants en lien avec les funérailles et la concession funéraire, à savoir :

– frais de ‘retour de fosse’ (facture de location salle à Vagney le 26 avril 2017 – la facture pour la nourriture étant adressée à l’association populaire de Vagney et la somme ne figurant pas parmi les prélèvements sur l’extrait de compte, de même que le ticket de caisse pour les boissons dont le montant n’a pas été débité de son compte et qui précise que le client est cette même association : justificatifs numérotés 89 et 47) : 229,73 euros exposés,

– conception et édition de cartes de remerciements : 93 euros (2 et 27 juin 2017 – figurant sur son relevé de compte du mois de juin et selon factures versées),

– stèle tombale : 2991,50 euros (selon facture et figurant sur son relevé de compte et non contestée).

Ces frais ont certes été faits sans concertation avec son frère et sa soeur mais il s’agit pour la deuxième ligne d’une dépense indispensable et dont le montant est adapté (elle n’est d’ailleurs pas contestée par les intimés) et pour les première et deuxième lignes de frais qu’il est habituel d’exposer au profit des personnes qui sont présentes aux obsèques ou qui se manifestent à cette occasion, s’agissant dans les deux cas de frais relativement modiques et justifiés par l’usage, destinés à honorer le respect dû au défunt.

S’agissant des frais de renouvellement de concession de 130 euros exposés le 20 janvier 2017 selon la mention figurant sur le relevé de l’année 2017 que l’appelante a réalisé (ligne 45), ils ne correspondent à aucun prélèvement sur son relevé de compte et ils ne sont justifiés par aucun ticket de caisse ou facture versés sous la même côte (le justificatif 45 correspond à des achats chez Damart).

S’agissant des frais pour les messes à la mémoire des défunts que Madame [B] [K] a souhaité voir célébrer à partir de mai 2017, ils ne résultent pas des obsèques et, même si ils sont destinés à honorer la mémoire des défunts, il s’agit d’une décision personnelle de leur fille qui ne peut donner lieu à une créance sur la succession, de même que la décoration florale qu’elle indique disposer sur le monument funéraire.

Il sera en conséquence fait très partiellement droit à la demande de Madame [B] [K] et le jugement sera infirmé pour porter sa créance sur la succession à la somme de 3314,23 euros.

*** Sur le recel successoral

Aux termes de l’article 778 du code civil ‘ l’héritier qui a recélé des biens ou droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés (…) Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recélés dont il a eu jouissance depuis l’ouverture de la succession’.

Il est constant que l’existence du recel relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ; il comporte un élément matériel et un élément intentionnel, le premier résultant de la dissimulation ou de la soustraction d’un bien, le second de son caractère intentionnel ayant pour objet de rompre l’égalité du partage, soit qu’il divertisse les effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu’il les recèle en dissimulant sa possession dans les circonstances où légalement il serait tenu de la déclarer.

Comme l’a exactement retenu le premier juge, Madame [B] [K], qui disposait d’une procuration sur le compte de sa mère depuis le 9 janvier 2017 a, dans les jours qui ont précédé et suivi son décès survenu le 22 avril 2017, ponctionné à son profit le compte de la défunte à hauteur de 19800 euros, selon des modalités détaillées au jugement auquel il convient de se référer, lesquelles ne sont pas contestées.

Contrairement à ce que l’appelante prétend, elle a ainsi détourné à son profit des liquidités importantes de l’actif de la succession. Elle a procédé à l’insu de son frère et de sa soeur, qui ne les ont découvert que fortuitement par la suite, et elle n’a pas déclaré spontanément, alors qu’elle l’aurait dû, durant les opérations du règlement de la succession – comme cela ressort clairement de son courrier du 25 novembre 2017. En outre, ainsi qu’il sera vu, la succession ne lui était redevable d’aucune somme à l’exception des frais funéraires et la somme détournée est sans commune mesure avec le montant de ces frais, étant ajouté que le principal de ceux-ci est constitué par le coût de la stèle funéraire qu’elle n’a réglé que bien postérieurement, à partir du mois de juin 2017 et selon devis du mois de juin et facture du mois de septembre 2017 d’après ses propres pièces.

Est ainsi rapportée la preuve de l’élément matériel et de l’élément intentionnel du recel de la somme de 19800 euros par Madame [B] [K].

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a condamné celle-ci à rapporter 19800 euros à la succession et l’a privée de tout droit sur cette somme.

**** Sur la créance d’assistance qualifiée ‘d’incidence professionnelle’

En vertu de la théorie de l’enrichissement sans cause – dont les fondements dégagés par la jurisprudence ont été codifiés aux articles 1303 et suivants du code civil -, le devoir moral d’un enfant envers ses parents n’exclut pas qu’il puisse obtenir une indemnité pour l’aide et l’assistance qu’il leur a apportées dans la mesure où, ayant excédé les exigences de l’entraide familiale, les prestations fournies ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissement corrélatif des parents, la charge de la preuve incombant à Madame [B] [K] qui demande la fixation d’une obligation à son profit.

En l’espèce, il n’est pas contesté que celle-ci s’est montrée particulièrement présente auprès de ses parents à compter de 2015.

Néanmoins, d’une première part, son frère et sa soeur, dans les limites de l’éloignement géographique la concernant, ont également apporté leur soutien à leurs parents et les ont visités régulièrement ; d’ailleurs, lors de son entrée en maison de retraite, la de cujus a désigné l’épouse de Monsieur [L] [K] comme personne de confiance.

D’une deuxième part, les défunts disposaient de l’assistance d’aide-ménagères, portée de 36 heures par mois peu avant l’entrée en maison de retraite de l’épouse – permettant de prendre en charge les gestes du quotidien tels que la préparation des repas, l’entretien de la maison… -, qu’ils finançaient avec l’aide personnalisée à l’autonomie et sur leurs propres deniers, jusqu’à l’hospitalisation puis le placement en maison retraite de [W] [O] en décembre 2016. Il n’est pas rapporté la preuve, par des pièces médicales notamment, que leur état de santé justifiait une tierce présence plus importante et que la venue régulière de leur fille était indispensable à leur maintien à domicile. Il ressort des pièces que son investissement auprès de ses parents consistait essentiellement un soutien moral même si elle pouvait aider dans les taches matérielles telles que l’accompagnement aux consultations médicales, la réalisation des démarches administratives, les déplacements en pharmacie pour les médicaments, l’entretien du jardin.. auxquels participaient également son frère et l’épouse de celui-ci. La présence de Madame [B] [K] résultait donc de ses choix et arbitrages – sans que son investissement n’ait excédé le niveau d’attention que des enfants doivent porter à leurs parents quand bien même cela engendrait des contraintes pour elle au regard de son lieu de résidence fixé à [Localité 7] – et ne répondait pas à une nécessité du point de vue de ses parents.

D’une troisième part, dans ces conditions et au regard de l’ensemble des pièces versées, Madame [B] [K] ne démontre pas qu’il est résulté de sa présence un enrichissement pour ses parents.

D’une quatrième part, il apparaît que celle-ci avait en 2013, c’est à dire antérieurement à la date à laquelle elle s’est montrée davantage présente, connu une période de burn out qui avait abouti à son placement en invalidité. Elle a ensuite fait le choix d’opter pour une collaboration non rémunérée auprès d’une société pendant la période considérée. Elle ne verse aucune pièce de nature à établir qu’elle a suite au décès de ceux-ci repris une activité rémunérée à quelque titre que ce soit. Dans ces conditions, elle ne démontre ni que sa présence auprès de ses parents l’a privée de revenus qu’elle aurait dû percevoir par son activité professionnelle ou a eu des répercutions sur sa carrière, ni qu’elle a subi de ce fait un appauvrissement.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement qui l’a déboutée de sa demande.

***** Sur les sommes dont le rapport est demandé à Monsieur [L] [K] par Madame [B] [K]

Aux termes des dispositions de l’article 843 alinéa 1er du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

L’article 860 du code civil précise que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation.

L’appelante sollicite que son frère soit condamné à rapporter la somme 5000 euros résultant de la donation d’un camion Citroen U23 dont il aurait bénéficié de leur père et que le notaire arbitre la somme que celui-ci devra rapporter à la succession au titre des matériels et équipement d’artisanat qu’il a reçu de leur père, fixée à 300 euros par le jugement.

S’agissant du matériel, il appartient à Madame [B] [K], qui est en demande et qui conteste la valeur retenue par le jugement sans d’ailleurs chiffrer sa propre demande, de rapporter la preuve de sa prétention et en particulier que le montant arbitré par le premier juge ne correspond pas à la somme qui doit être rapportée selon les dispositions légales.

Or elle ne verse aucune pièce permettant de connaître l’étendue du matériel cédé, son état au jour de la donation et sa valeur à ce jour.

Dans ces conditions et dans la mesure où Monsieur [K] admet la somme mise à sa charge, il convient de confirmer le jugement.

S’agissant du véhicule, Monsieur [K] conteste avoir bénéficié d’une donation de l’ancien véhicule de son père bien que ce projet ait été envisagé. Il verse plusieurs pièces confirmant son explication, notamment l’attestation de Monsieur [M] (pièce 32 intimés) et le certificat d’immatriculation de son véhicule qui, bien qu’également immatriculé dans le département des Vosges, porte un numéro différent de celui du véhicule de leur père le 819 JD 88 (pièce 33 intimés), ce qui établit qu’il ne s’agit pas du même véhicule.

C’est donc à juste titre que le jugement a écarté la demande de Madame [B] [K] de ce chef.

****** Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Madame [B] [K] qui succombe dans l’essentiel de son recours sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Il convient de la condamner à payer à chacun des intimés une somme qu’il est équitable de fixer à 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 27 avril 2022 par le tribunal judiciaire d’Epinal en toutes ses dispositions contestées, sauf en ce qu’il a fixé la créance de Madame [B] [K] sur la succession à la somme de 2991,50 euros et qu’il a déclaré irrecevable sa demande en remboursement du coût d’acquisition d’un véhicule,

Statuant à nouveau sur ces points,

Fixe à 3314,23 euros (TROIS MILLE TROIS CENT QUATORZE EUROS ET VINGT-TROIS CENTIMES) la créance de Madame [B] [K] sur la succession,

La déboute de sa demande de remboursement de 7834 euros représentant le prix d’acquisition d’un véhicule,

Y ajoutant,

Condamne Madame [B] [K] aux dépens de la procédure d’appel,

Condamne Madame [B] [K] à payer à Madame [N] [K] épouse [G] et Monsieur [L] [K] une somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : G. HENON.-

Minute en onze pages.

 


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