Droits des héritiers : 7 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/12704

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Droits des héritiers : 7 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/12704
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7 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/12704

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2023

N° 2023/ 86

Rôle N° RG 19/12704 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEW4N

[W] [P]

[X] [H] épouse [P]

C/

[T] [G]

[N] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gilles ALLIGIER

Me Sébastien BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Juin 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 13/01982.

APPELANTS

Monsieur [W] [P]

né le 16 Avril 1948 à [Localité 21] (Italie)

de nationalité Italienne, demeurant [Adresse 11]

Madame [X] [Z] [O] [H] épouse [P]

née le 29 Décembre 1949 à [Localité 17]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 11]

Tous deux représentés par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Jean-louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE,

INTIMES

Monsieur [T] [G]

né le 16 Janvier 1952 à [Localité 22], demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Fabienne MORIN, avocat au barreau de GRASSE

Maître [N] [U] es qualité de mandataire ad hoc de la succession de madmoiselle [E] [L] [R] [A] , née le 4 octobre 1931 à [Localité 19] et décédée le 11 novembre 2012

demeurant [Adresse 13]

défaillant

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 30 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur BRUE, président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2023.

ARRÊT

De défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2023,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte authentique du 19 juillet 1990, Melle [E] [A] a consenti au profit de M. et Mme. [P], un pacte de préférence relatif à une propriété sise à [Localité 1].

Par lettre du 16 mai 2011, Mlle [E] [A], après avoir rappelé les stipulations du pacte de préférence, a indiqué aux époux [P] les conditions de la vente projetée à M. [T] [M] [G], moyennant le prix de 200 000 € payable, savoir :

– comptant à la signature de l’acte à concurrence de 15 000 € ;

– le surplus, soit la somme de 185 000 €, au moyen d’une rente annuelle et viagère de 6 000 €, soit 500 € par mois.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 3 juillet 2011, M. et Mme [P] ont fait savoir à Mademoiselle [A] leur intention d’exercer leur droit de préférence en précisant qu’ils effectueront le paiement du prix sans avoir recours à un emprunt.

Lors d’un rendez- vous chez le notaire intervenu le 13 septembre 2011, M. [T] [G] disant intervenir pour le compte de Mlle [A], a indiqué que cette dernière ne signerait pas l’acte authentique.

M. [W] [P] et Mme [X] [H] ont fait délivrer, le 17 janvier 2012, une sommation de comparaître le jour même en l’étude du notaire à Mlle [A] qui a répondu qu’elle ne viendrait pas signer l’acte authentique.

Par lettre du 28 août 2012, le notaire a transmis à la venderesse un nouveau projet d’acte, incluant la réserve d’usufruit et précisé n’y avait donc pas lieu de majorer la rente.

Les époux [P] ont fait délivrer, le 25 septembre 2012, une nouvelle sommation à comparaître chez le notaire pour le 2 octobre 2012, chez lequel la venderesse ne s’est pas présentée.

[J] [E] [A] est décédée le 11 novembre 2012.

Aux termes d’un testament authentique reçu le 14 octobre 2011, M. [T] [G] avait été institué légataire universel de l’ensemble de son patrimoine par Madame [E] [A].

Par ordonnance sur requête rendue le 19 mars 2013, la présidente du Tribunal de Grande Instance de Grasse a désigné Maître [N] [U] en qualité de mandataire ad hoc de la succession de Mademoiselle [A].

Vu les assignations du 17 avril 2013, par lesquelles M. [T] [G] a fait citer M. [W] [P] et Mme [X] [H], son épouse, ainsi que Me [N] [U], administrateur judiciaire, ès-qualité de mandataire ad hoc de la succession de Melle [E] [L] [R] [A], devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Vu le jugement rendu le 24 juin 2019, par cette juridiction, ayant :

– dit que M. [W] [P] et Mme [X] [H] ont exercé leur droit de préférence conformément au pacte de préférence du 19 juillet 1990 ;

– dit que la vente du bien lot n° 1 dépendant d’un ensemble immobilier situé à [Adresse 23], est intervenue le 3 juillet 2011 entre Melle [E] [A], d’une part, et M.[W] [P] et Mme [X] [H], épouse [P], d’autre part, en présence d’un accord des parties sur la chose et sur le prix ;

– admis la preuve du caractère lésionnaire de la vente ;

– désigné un collège d’experts pour vérifier le caractère lésionnaire de la vente ;

– sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise sur les demandes visant :

1)à prononcer :

– la vente judiciaire et forcée du bien sus référencé au profit des époux

[P] ;

– la nullité de cette même vente pour vileté du prix ;

– la résiliation du pacte de préférence par l’exercice unilatéral de cette faculté par M. [G]

2) à condamner Monsieur [G] à verser des dommages et intérêts à M. et Mme [P] en réparation du préjudice causé par la violation du pacte de préférence ;

3) à dire que le pacte de préférence n’aura plus vocation à s’appliquer le 19 juillet 2020.

Vu la déclaration d’appel du 1er août 2019, par M. [W] [P] et Mme [X] [H].

Vu les conclusions transmises le 29 avril 2020, par les appelants.

Ils considèrent que la vente est parfaite, dès lors que les parties étaient d’accord sur la chose et sur le prix et que l’affirmation d’une intention libérale au profit de M. [T] [G] n’est corroborée par aucun élément du dossier, alors qu’un projet de vente en viager pour le prix de 200’000 € a été établi. Ils déclarent accepter la vente, au bénéfice d’une réserve d’usufruit.

M. [W] [P] et Mme [X] [H] soulèvent l’irrecevabilité de la demande en rescision pour lésion formée par M. [T] [G] qui n’appartient, en application de l’article 1674 du Code civil qu’au vendeur, alors qu’avant d’être légataire universel, il en était l’acquéreur et que la lésion ne peut être invoquée dans le cadre d’une vente avec réserve d’usufruit qui comporte un aléa.

Ils estiment que la lésion n’apparaît pas démontrée par M. [G], alors qu’il a été expressément prévu de lui céder le bien pour le prix de 200’000 €, moyennant un bouquet et une rente viagère, avec réserve de l’usufruit et que le pacte de préférence prévoyait la possibilité pour le promettant de le céder à titre gratuit.

Ils considèrent que prétendre sans effet le pacte de préférence au motif qu’une vente a été prévue en fraude de leurs droits et de ceux de Melle [A] à un prix lésionnaire remettrait en cause ce dernier.

Les appelants soulignent que le prix de 200’000 € ne serait pas lésionnaire, alors que le bien a été évalué à 380’000 €, par l’intimé et 350’000 € par les experts et que la vileté du prix ne peut être invoquée, alors que le montant proposé ne peut être considéré comme symbolique et que la rente est inférieure à la valeur locative.

Selon eux, la résiliation du pacte de préférence ne peut être réclamée sur le fondement de l’article 1210 nouveau du Code civil qui n’est pas applicable à une convention antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. Ils ajoutent que le pacte de préférence échappe à la prohibition des engagements perpétuels.

Ils fondent leur demande en dommages-intérêts sur le fait que M. [T] [G] connaissait l’existence du pacte de préférence avant même d’avoir accepté le legs universel dont il a été bénéficiaire et qu’il est complice de son refus d’exécution.

Vu les conclusions transmises, le 2 mars 2022, par M. [T] [G].

Il affirme que compte tenu du caractère dérisoire du montant de la rente prévue dans le cadre du viager qu’il proposait de conclure, celui-ci constituait en réalité une donation déguisée à son profit, alors qu’il a lui-même été désigné comme légataire universel de Melle [A].

Il ajoute que le pacte de préférence avait maintenu la possibilité pour la promettant de disposer du bien à titre gratuit et que l’intention libérale est corroborée par les précédentes donations consenties à son profit et le fait qu’il était bénéficiaire de plusieurs contrats d’assurance-vie souscrits par la défunte, sa qualité de légataire universel et les correspondances de Mlle [A].

M. [T] [G] estime que le montant de 200’000 € constitue un vil prix, ni réel, ni sérieux au regard de l’estimation par les experts à la somme de 350’000 €, sachant qu’en raison de son espérance de vie, la nue-propriété était alors payée pour la somme de 84’000 €, avec une valeur locative de 960 €, très supérieure à la rente de 500 €envisagée.

Il conteste l’existence d’un accord sur la chose et sur le prix, alors qu’au jour de l’acceptation par les époux [P], il était prévu de céder une bien libre et non occupé et que le montant de la rente et du bouquet sont dérisoires au regard de la valeur réelle du bien.

La lésion est, selon lui vraisemblable, dès lors que au vu de l’âge du vendeur l’application du projet de viager aurait conduit à un prix réel de 84’000 €. Il considère subsidiairement qu’il s’agit d’un vil prix entraînant la nullité de la vente, en application de l’article 1591 du Code civil.

Il sollicite, en sa qualité d’héritier du promettant, le bénéfice de la résiliation du pacte de préférence, dont le terme n’est pas déterminé à l’issue du délai de 30 ans.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 9 janvier 2023,

SUR CE

Me [U], cité par procès verbal déposé en l’étude de l’huissier de justice, n’a pas constitué avocat, ni conclu, ni comparu à l’audience. Il sera statué par défaut, en application des dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

Sur la mise hors de cause de Me [U]:

Il résulte de l’ordonnance du 19 mars 2013 ayant désigné Maître [N] [U] que son mandat prendrait fin après l’établissement de l’acte de notoriété ; il a fait valoir que son mandat était terminé en l’état de l’acte de notoriété du 10 avril 2013.

Il convient, en conséquence de le placer hors de cause.

Dans le cadre d’un acte authentique de vente de terrains non bâtis du 19 juillet 1990, Melle [E] [A] a consenti au profit de M. et Mme [P] un pacte de préférence stipulant notamment:

« Mademoiselle [A], venderesse et Monsieur et Madame [P], acquéreurs, conviennent ce qui suit pour le cas où Mademoiselle [A] se déciderait à vendre la partie de la propriété restant lui appartenir sis à [Localité 1] (dont partie est présentement vendue) soit les parcelles numéros [Cadastre 3], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 4], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sus désignées.

« Dans ce cas, Mademoiselle [A] sera tenue de faire connaître à Monsieur et Madame [P] par simple lettre recommandée avec accusé de réception ou autrement, avant de réaliser la vente, les noms, prénoms, profession et domicile de l’amateur avec lequel elle sera d’accord, le prix offert par celui-ci, ses modalités de paiement et les conditions générales de la vente projetée.

« A égalité de prix, Mademoiselle [A] devra donner la préférence à Monsieur et Madame [P] sur tous autres amateurs. En conséquence, Monsieur et Madame [P] auront le droit d’exiger que les biens dont s’agit leur soient vendus pour un prix égal à celui qui serait offert à Mademoiselle [A] par un tiers et aux mêmes conditions.

« Monsieur et Madame [P] auront un délai de trois mois partant du jour de la réception de la notification du projet de la vente, pour user de leur droit de préférence, si leur acceptation n’est pas parvenue à Mademoiselle [A] dans ce délai, ils seront définitivement déchus dudit droit.

« Mademoiselle [A] aura toujours le droit de disposer à titre gratuit, par acte entre vifs ou testamentaire, des biens dont s’agit ; mais elle devra imposer à ses donataires ou légataires l’obligation de respecter le présent pacte de préférence pour le cas où ces derniers voudraient disposer à titre onéreux desdits biens avant l’expiration du délai de validité dupacte de préférence.

« En cas de décès de Mademoiselle [A], ses héritiers ou représentants seront tenus, même s’ils sont incapables, d’exécuter l’obligation résultant des présentes.

« Néanmoins, si les biens objets des présentes sont attribués par partage ou licitation à un des héritiers représentants de Mademoiselle [A], le droit de préférence de Monsieur et Madame [P] ne pourra s’exercer qu’au cas où l’attributaire se déciderait à vendre lesdits biens.

« En cas de vente aux enchères publiques par adjudication volontaire ou judiciaire,

Mademoiselle [A] ou ses héritiers ou représentants seront tenus, un mois au moins avant l’adjudication de faire connaissance du cahier des charges avec indication des date, heure et lieu fixés pour l’adjudication. Dans ce cas, le délai de trois mois ci-dessus prévu pour l’option ne jouera pas.

« Monsieur et Madame [P] pour bénéficier de leur droit de préférence devront déclarer leur intention de se substituer au dernier enchérisseur aussitôt après l’extinction du dernier feu et avant la clôture du procès-verbal, à défaut le droit de préférence sera définitivement purgé, même s’il survient une surenchère.

« Il est enfin convenu que le droit de préférence résultant de la présente clause ne pourra, en aucun cas être cédé à un tiers et est évalué à un somme de 1 000 euros. »

Ces stipulations constituent la loi des parties en application de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige.

Aucun vice du consentement n’a été invoqué par Melle [A], ni par son légataire universel.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 16 mai 2011, Melle [E] [A], après avoir rappelé les stipulations du pacte de préférence, a indiqué aux époux [P] les conditions

de la vente projetée à Monsieur [T] [M] [G], moyennant le prix de 200 000 € payable, savoir :

– comptant à la signature de l’acte à concurrence de 15 000 € ;

– le surplus, soit la somme de 185 000 €, au moyen d’une rente annuelle et viagère de 6 000 €, soit 500 € par mois.

Et ce pour la propriété exclusive et particulière d’un appartement en duplex situé au rez-de-

chaussée et au 1er étage d’un bâtiment situé dans un ensemble immobilier sis à [Localité 1]

[Localité 1], cadastré section CP, n° [Cadastre 14], lieudit [Adresse 18], ledit appartement ayant une

surface de 87,15m².

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 juillet 2011, M.et Mme [P] ont manifesté leur volonté d’exercer leur droit de préférence concernant le bien vendu aux charges et conditions leur ayant été notifiées et précisé qu’ils effectueront le paiement du prix de vente sans avoir recours à un emprunt.

L’article 1210 du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, édictant que les engagements perpétuels sont prohibés n’est pas applicable à la présente affaire, l’article 9 de ce texte prévoyant que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent régis par la loi ancienne.

La jurisprudence antérieure considérait que le pacte de préférence qui confère un droit imprescriptible échappe en raison de sa nature à la prohibition des engagements perpétuels.

Il n’y a pas lieu de considérer à l’analyse des clauses de la convention de pacte de préférence produite aux débats que son application antérieurement au délai de 30 ans pouvait constituer un critère de résiliation au regard d’une durée manifestement excessive.

Il ne peut donc être fait droit à la demande de résiliation du pacte de préférence formée à ce titre par M. [T] [G].

M. [T] [G] affirme que le courrier du 16 mai 2011, s’inscrit dans le cadre d’une donation déguisée à son profit et sans le démontrer que les époux [P] auraient donné verbalement l’assurance qu’ils n’exerceraient pas le bénéfice du pacte de préférence.

Il ne peut cependant se prévaloir d’une man’uvre destinée à contourner l’obligation de régler des droits au fisc et donc de sa propre turpitude, alors même que Mlle [A] a confirmé par plusieurs correspondances cette intention libérale et qu’elle l’a institué par testament en qualité de légataire universel, après avoir consenti plusieurs donations à son profit.

Il était possible à Mlle [A] de faire donation de ce bien à M. [T] [G] qui serait resté tenu, en sa qualité de donataire par le pacte de préférence, en cas de revente du bien de sa part.

Il convient d’observer que par courrier du 27 octobre 2011 signé par M. [T] [G] et Mlle [A], ils donnaient des consignes au notaire en vue de la régularisation de l’acte et que cette dernière n’a affirmé l’existence d’une donation et n’a refusé de signer l’acte de vente pour un prix qu’elle n’estime pas adapté à la valeur du bien que dans ses correspondances des 23 mars et 7 septembre 2012, ce après après avoir notifiéofficiellement une vente dans les conditions rappelées ci-dessus.

La lettre adressée le 28 août 2012 par Me [V], notaire des acquéreurs rappelle avoir inclus la réserve d’usufruit au profit de [J] [A] dans le projet d’acte qui a été notifié à cette dernière par sommation à comparaître du 25 septembre 2012.

M. [T] [G] ne peut donc prétendre que les époux [P] et Mlle [A] n’étaient pas d’accord sur la chose et sur le prix, dans les conditions de l’article 1583 du Code civil.

Aux termes de l’article 1674 du Code civil, la rescision pour lésion ne peut être demandée que par le vendeur, l’article 1683, précisant qu’elle n’a pas lieu en faveur de l’acheteur.

Il apparaît que par la lettre officielle adressée le 16 mai 2011, Mlle [A] a désigné M. [T] [G] comme devant être l’acquéreur du bien objet du pacte de préférence.

N’étant pas héritier, mais légataire universel, il ne peut exercer les droits qui appartenaient à la défunte, mais seulement agir pour la défense de ses intérêts en cette qualité.

Il convient de constater qu’en l’état de l’accord sur la chose et sur le prix la vente était parfaite dès la réception du courrier des époux [P] portant leur volonté d’exercer leur droit de préférence concernant le bien vendu aux charges et conditions leur ayant été notifiées et qu’à la date du décès de Mlle [A] le bien ne se trouvait plus dans son patrimoine.

La demande de M. [T] [G] tendant à se voir déclarer propriétaire du bien

objet du pacte de préférence ne peut donc être que rejetée.

Il en résulte que M. [T] [G], donataire devait exécuter les termes du pacte de préférence dans les conditions définies entre les parties de manière irrévocable, sans pouvoir exercer de ce chef l’action en rescision pour lésion, sauf dans le cadre de ses intérêts de légataire universel.

Il doit lui être opposé à ce titre, le principe général selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, alors qu’il a lui-même officiellement proposé le prix qu’il considère aujourd’hui comme lésionnaire, ainsi que le principe selon lequel la fraude corrompt tout, dès lors qu’il se prévaut pour justifier le prix de l’existence d’une donation déguisée, n’ayant d’autre objectif que de se soustraire aux droits prévus par le code général des impôts.

Par ailleurs, le caractère aléatoire des conditions d’une vente immobilière s’oppose à ce qu’un tel contrat puisse faire l’objet d’une action rescision pour lésion. Il en est notamment ainsi pour une vente consentie avec réserve d’usufruit au profit du vendeur ou avec réserve d’un droit d’usage d’habitation.

L’action en rescision pour lésion formée par M. [T] [G] est donc rejetée.

Dès lors que l’action rescision pour lésion formée par M. [T] [G] n’est pas

admise, il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise, ni de surseoir à statuer sur les autres demandes.

La demande d’annulation de la vente pour vileté du prix qui n’appartient qu’au vendeur, ne peut également être invoquée dans le cadre du présent litige par M. [T] [G], en vertu du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et du principe selon lequel la fraude corrompt tout, dans les conditions rappelées ci-dessus.

Il convient d’observer que l’action en annulation de la vente pour vileté du prix n’est admise que lorsque celui-ci est réellement dérisoire et que tel n’est pas le cas en l’espèce, alors que le prix estimé en fonction de l’espérance de vie de la venderesse serait de 84’000 €et que M. [T] [G] soutient que la rente mensuelle aurait dûe fixée à 987,14 € et non 500 €.

Cette demande est en conséquence rejetée.

En l’état du décès de Mlle [A], il n’est pas possible d’ordonner la vente forcée du bien.

M. [W] [P] et Mme [X] [H] sont en revanche fondés à réclamer qu’il soit jugé que que le présent arrêt vaut vente du immobilier visé par le pacte de préférence entre M. [T] [G], ayant droit de Mlle [E] [A] et M. et Mme [W] Rebuffo, ce dans les conditions fixées par la lettre de Mlle [E] [A] en date du 16 mai 2011, acceptées par les époux [P] par courrier recommandé du 3 juillet 2011.

Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en dommages-intérêts formée à titre subsidiaire par les époux [P].

Le jugement est confirmé, qui concerne l’exercice du droit de préférence et l’accord des parties sur la chose et sur le prix et infirmé sur le surplus.

Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante est condamnée aux dépens qui comprendront les frais de publication de l’assignation, des conclusions et de l’arrêt, ainsi que les frais d’expertise judiciaire conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a:

-dit que M. [W] [P] et Mme [X] [H] ont exercé leur droit de préférence conformément au pacte de préférence du 19 juillet 1990 ;

– dit que la vente du bien lot n° 1 dépendant d’un ensemble immobilier situé à [Adresse 23], est intervenue le 3 juillet 2011 entre Melle [E] [A], d’une part, et M.[W] [P] et Mme [X] [H], épouse [P], d’autre part, en présence d’un accord des parties sur la chose et sur le prix ;

L’infirme pour le surplus.

Dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’expertise, ni de surseoir à statuer sur les autres demandes.

Rejette la demande de résiliation du pacte de préférence.

Rejette la demande en rescision pour lésion.

Rejette la demande d’annulation de la vente pour vileté du prix.

Dit n’y avoir lieu de prononcer la vente judiciaire et forcée du bien immobilier objet du pacte de préférence.

Dit que le présent arrêt vaudra vente entre :

L’ayant-droit de Mademoiselle [E] [L] [R] [A], M. [T] [G], né le 16 janvier 1952 à [Localité 22],de nationalité française, célibataire

ET

1°) Monsieur [W] [P], né le 16 avril 1948 à [Localité 21] (Italie), de nationalité italienne, retraité,

2°) Madame [X] [Z] [O] [H], épouse [P], née le 29 décembre 1949 à [Localité 17], de nationalité française, retraitée,

mariés sous le régime de la communauté d’acquêts à défaut de contrat de mariage préalable à leur union célébrée à la Mairie de [Localité 16], le 6 novembre 1969, et demeurant ensemble [Adresse 12].

portant sur les biens sis après désignés :

Dans un immeuble situé à [Localité 1] (Alpes Maritimes) 06800, 6, chemin de Sainte Pétronille, Cadastré CP n° 123 pour 120 m2, CP n° [Cadastre 2] pour 932 m2, lesdites parcelles provenant de la division d’une propriété plus importante, initialement cadastré CP n° [Cadastre 14] pour 37a 00ca,

Ledit immeuble ayant fait l’objet :

– d’un état descriptif de division et règlement de copropriété établi aux termes d’un acte reçu par Maître [C] [K], Notaire à [Localité 22], le 5 décembre 2005 dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière [Localité 15] 2 le 8 février 2006, volume 2006 P n° 668,

– d’un modificatif à l’état descriptif de division et règlement de copropriété établi aux termes d’un acte reçu par Maître [F] [D], Notaire associé à [Localité 20], le 10 août 2012, suivi d’un rectificatif aux termes d’un acte reçu par Maître [F] [D], Notaire associé à [Localité 20], le 3 septembre 2012, le tout publié au service de la publicité foncière [Localité 15] 2 le 12 octobre 2012, volume 2012 P n° 4110,

Etant précisé qu’aux termes dudit modificatif, il a notamment été procédé à la modification

des lots n° 1, 6 et 8, lesquels ont été remplacés par les lots 9, 10 et 11,

Le lot n° 9, correspondant à l’ancien lot n° 1, savoir la propriété exclusive et particulière d’un

appartement en duplex situé au rez-de-chaussée et au 1 er étage du bâtiment, ci-après désigné,

portant le lot n° 9 comprenant :

o Au rez-de-chaussée : salon, cuisine, arrière cuisine, water-closet, pallier, une terrasse couverte :

o Au premier étage : une chambre water-closet, couloir, terrasse.

Les deux niveaux étant reliés par un escalier intérieur et étant ici précisé que l’accès audit lot

s’effectue par la cuisine située au rez-de-chaussée.

Avec la jouissance privative et perpétuelle d’une partie de terrain.

Représentant les trois cent soixante et un quatre cent trentièmes (361/430èmes) de la propriété

du sol et des parties communes générales.

La réserve d’usufruit ayant pris fin avec le décès de la venderesse.

Ce, dans les conditions fixées par la lettre de Mlle [E] [A] en date du 16 mai 2011, acceptées par les époux [P] par courrier recommandé du 3 juillet 2011.

Ordonne la publication de la présente décision au service de la publicité foncière de la situation de l’immeuble.

Y ajoutant,

Condamne M. [T] [G] à payer à M. [W] [P] et Mme [X] [H], la somme de 6 000 €, en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M.[T] [G] aux dépens d’appel qui comprendront les frais de publication de l’assignation, des conclusions et de l’arrêt, ainsi que les frais d’expertise judiciaire et seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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