Droits des héritiers : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/15046

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Droits des héritiers : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/15046

7 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/15046

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 7 JUIN 2023

(n° 2023/ , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/15046 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CANQJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2019 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/12230

APPELANT

Monsieur [B] [P]

né le 14 Août 1956 à [Localité 18] (92)

[Adresse 15]

représenté et plaidant par Me Clara DE CHAMBRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1944

INTIMES

Monsieur [X] [P]

né le 18 Novembre 1961 à [Localité 18] (92)

[Adresse 2]

représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocat plaidant Me Elzear de SABRAN-PONTEVES, avocat au barreau de PARIS, toque : A370

Madame [T] [U] veuve [P]

née le 04 Juin 1936 à [Localité 16] (57)

[Adresse 6]

représentée et plaidant par Me Marine d’ARANDA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0404

Monsieur [I] [R]

né le 17 Mai 1938 à [Localité 10] (92)

[Adresse 1]

et

Monsieur [S] [O] [K]

né le 15 Juin 1957 à [Localité 11]

[Adresse 8]

représentés par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant Me Marie TORTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2538

Monsieur [H] [Z], assigné à domicile par acte d’huissier du 18.10.2019

[Adresse 7]

défaillant

PARTIE INTERVENANTE

OFFICE DES POURSUITES DE [Localité 20], représenté par Me [N] [L], demeurant [Adresse 9]

[Adresse 17]

représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

ayant pour avocat plaidant Me Catherine DENOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1498

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, et Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– rendu par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

[G] [P] ([P] à l’état civil suisse), de nationalités française et suisse, est décédé le 3 avril 2015 au Château de [Adresse 23] à [Localité 12] (77).

Il laisse pour lui succéder ses deux fils, MM. [B] et [X] [P], ainsi que son épouse séparée de corps depuis un jugement du 17 juin 1982, Mme [T] [U].

Par pacte successoral et testament public, reçu le 15 mars 2010 par Me [A] [C], notaire à [Localité 25] en Suisse, [G] [P] :

– a rappelé que chacun de ses deux fils avait reçu des donations en avance d’hoirie,

– a consenti un legs de 1 800 000 euros net de droits de succession à Mme [J] [E] [V], en complément de libéralités faites de son vivant,

– a limité « en toutes circonstances » la part de M. [B] [P] dans sa succession à sa réserve légale soit trois seizièmes.

Aux termes de ce même pacte, Mme [T] [U] a renoncé à ses droits successoraux avec contreparties et M. [X] [P] a été gratifié de libéralités consenties hors part.

Par codicille authentique du 19 mai 2010, le défunt a désigné M. [I] [R] et M. [S] [K] comme ses exécuteurs testamentaires.

Par codicille authentique du 20 novembre 2013, [G] [P] a :

– consenti à Mme [J] [E] [V] un droit d’usage et d’habitation sur l’extension réalisée en l’an 2000 du bâtiment dit « de [Adresse 23] »,

– accordé à son fils [X] le solde de sa succession déduction faite de la réserve légale de M. [B] [P] et des legs préciputaires prévus à la lettre C.

La succession a été ouverte au bureau des successions de la ville de [Localité 20] en Suisse dont la compétence n’a pas été contestée.

La succession a été acceptée par les deux héritiers réservataires.

Le partage amiable de la succession n’a pu être réalisé.

Par actes d’huissier délivrés courant août 2015, M. [B] [P] a fait assigner M. [X] [P], Mme [T] [U] ainsi que M. [I] [R], M. [S] [K] et Me [H] [Z], notaire, devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir principalement ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [G] [P].

Par ordonnance du 7 novembre 2016, le juge de la mise en état a prononcé la nullité de l’assignation, signifiée à parquet le 14 août 2015 et délivrée à M. [X] [P] le 21 octobre 2015, à la requête de M. [B] [P], et a renvoyé ce dernier à mieux se pourvoir sans statuer sur les autres points ni sur l’exception d’incompétence soulevée par les autres parties.

Par ordonnance du 28 mars 2017, la même juridiction, saisie sur requête en omission de statuer, a complété sa précédente ordonnance comme suit :

« – constate que la demande de retrait de pièces est devenue sans objet,

– rejette l’exception d’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris,

– déboute M. [B] [P] de sa demande de provision. »

Par requêtes notifiées par voie électronique le 10 mai 2018, M. [X] [P] et M. [I] [R] et M. [S] [K] ont sollicité la réparation d’une omission de statuer affectant cette dernière ordonnance au motif que le juge n’avait pas repris dans le dispositif sa décision selon laquelle le défunt avait son domicile en Suisse.

Par ordonnance du 29 juin 2018, le juge de la mise en état a dit n’y avoir lieu à omission de statuer.

Saisie d’un appel contre cette dernière ordonnance, la cour d’appel de Paris, par arrêt du 22 mai 2019, a notamment :

– infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 juin 2018, en ce qu’elle a rejeté la demande de M. [X] [P] et de MM. [R] et [K] ayant pour objet de faire figurer dans le dispositif de l’ordonnance du 28 mars 2017 la décision selon laquelle le défunt avait son domicile en Suisse,

– ordonné que le dispositif de l’ordonnance du 28 mars 2017, complétant l’ordonnance du 7 novembre 2016, rendue dans l’instance RG 15/12230, soit complété ainsi qu’il suit : « Dit que le domicile du défunt, [G] [P], était situé en Suisse »,

– débouté M. [X] [P] de ses demandes tendant à voir figurer d’autres mentions afférentes à la nationalité des parties et à l’absence de renonciation au privilège de juridiction dans le dispositif de l’ordonnance du 28 mars 2017.

Par arrêt du 4 novembre 2021, la Cour de cassation a déclaré le pourvoi de M. [B] [P] irrecevable en retenant notamment que « l’arrêt attaqué ordonne la réparation d’une omission matérielle sans mettre fin à l’instance ni trancher une partie du principal, la fixation du domicile du défunt en Suisse ayant été invoquée à l’appui d’une exception d’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris et non en vue de déterminer la loi applicable au litige successoral. »

Par jugement du 31 janvier 2019, rectifié le 14 août 2019, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :

– dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

– dit que le domicile de [G] [P] décédé le 3 avril 2015, était à [Adresse 13] lieu-dit [Adresse 17] à [Localité 20] dans le canton de [Localité 25] en Suisse,

– dit la loi suisse applicable à la succession de [G] [P],

– dit la loi française applicable aux immeubles de la succession sis en France,

– ordonné le partage des biens meubles et immeubles de la succession de [G] [P] à l’exception des immeubles situés en France,

– désigné pour y procéder Me Alexandra Cousin (‘),

– débouté M. [B] [P] de sa demande de recel,

– jugé prématurée la demande de réduction,

– rejeté la demande de M. [X] [P] de se voir désigner comme légataire universel de la succession de [G] [P],

– débouté Mme [T] [U] veuve [P] de sa demande de délivrance de legs,

– renvoyé l’affaire à l’audience du juge commis au partage (…) ,

– condamné M. [B] [P] à payer à M. [I] [R] et à M. [S] [K] d’une somme de 5 000 euros au titre de leur frais d’instance non compris dans les dépens,

– rejeté toute autre demande,

– ordonné l’emploi des dépens en frais généraux de partage et privilégiés de licitation,

– dit qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.

Par déclaration du 20 juillet 2019, M. [B] [P] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il :

– a dit que le domicile de [G] [P] décédé le 3 avril 2015, était à [Adresse 13] lieu-dit [Adresse 21] à [Localité 20] dans le canton de [Localité 25] en Suisse,

– a dit la loi suisse applicable à la succession de [G] [P],

– a ordonné le partage des biens meubles et immeubles de la succession de [G] [P] à l’exception des immeubles situés en France,

– l’a débouté de sa demande de recel,

– a rejeté la demande de M. [X] [P] de se voir désigner comme légataire universel de la succession de [G] [P],

– l’a condamné « au paiement à M. [I] [R] et à [S] [K] » (sans autre précision),

– a rejeté toute autre demande.

L’Office des poursuites de [Localité 20], créancier de l’appelant, est intervenu volontairement à la procédure par des conclusions notifiées le 18 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023 à 1h45, M. [B] [P] demande à la cour de :

– juger recevables ses demandes présentées en cause d’appel,

– débouter M. [X] [P] de sa fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée,

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2019 par la 2e chambre du tribunal de grande instance de Paris, en ses chefs critiqués par l’appelant,

statuant à nouveau, le réformer et :

– juger que le dernier domicile de [G] [P] n’était pas en Suisse mais en France,

– juger la loi française applicable aux biens meubles de la succession de [G] [P] comme aux immeubles situés en France dépendant de sa succession,

en conséquence,

– ordonner le partage de l’ensemble des biens meubles et immeubles de la succession de [G] [P], en ce compris celui des biens immeuble situés en France,

– juger que les droits d’héritier réservataire de [B] [P] sont d’un tiers en application de la loi française applicable à la réserve,

– juger qu’il ne sera fait application du testament de [G] [P] venant limiter les droits de M. [B] [P], que dans la limite autorisée par la réserve que connaît le droit français, applicable à l’ensemble de la succession, biens meubles et immeubles,

– juger que M. [X] [P], en application de la loi française, peut prétendre à la qualité de légataire universel de la succession, dans le respect des droits de M. [B] [P], héritier réservataire en droit français titulaire de droits correspondant à la réserve d’un tiers, en droit français,

– juger constituée, la preuve d’actes de recel en ce qui concerne le tableau du peintre [Y] et une partie du mobilier familial qui se trouvait au [Adresse 3] à [Localité 19],

– condamner solidairement M. [I] [R] et M. [S] [K] à payer la somme de 15 000 euros à M. [B] [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

– condamner M. [X] [P] à payer la somme de 20 000 euros à M. [B] [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2023, l’Office des poursuites de [Localité 20], intervenante volontaire, demande à la cour de :

– déclarer recevable la présente intervention volontaire à titre principal de l’Office des poursuites de [Localité 20] représenté par M. [N] [L],

à titre principal :

– dire et juger que cette intervention volontaire, conformément au jugement du tribunal cantonal de [Localité 25] du 17 novembre 2019, a pour objet l’intervention aux opérations de partage de la succession de [G] [P] en lieu et place de M. [B] [P],

à titre subsidiaire, si la cour devait juger M. [B] [P] irrecevable, de :

– débouter M. [X] [P] de sa fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée,

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2019, en ses chefs critiqués par l’appelant,

– statuant à nouveau, le « réformer » et :

– dire que le domicile de [G] [P] n’était pas en Suisse, mais en France,

– dire la loi française applicable aux biens meubles de la succession de [G] [P] et aux immeubles situés en France dépendant de sa succession,

– ordonner le partage des biens dépendant de la succession de [G] [P], en ce compris celui des biens immeubles situés en France,

– dire que les droits d’héritier réservataire de M. [B] [P] sont d’un tiers,

– dire qu’il ne sera fait application du testament de [G] [P] venant limiter les droits de M. [B] [P], que dans la limite autorisée par la réserve que connaît le droit français, applicable à l’ensemble de la succession, biens meubles et immeubles,

– dire que M. [X] [P], en application de la loi française, peut prétendre à la qualité de légataire universel de la succession, dans le respect des droits de M. [B] [P], héritier réservataire,

– dire constituée la preuve d’actes de recel en ce qui concerne le tableau du peintre [Y] et une partie du mobilier familial qui se trouvait au [Adresse 5] à [Localité 19],

en tout état de cause,

– confirmer en tant que de besoin le jugement du 31 juillet 2019 en ce qu’il a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [G] [P] et les a confiées à Me Alexandra Cousin,

– débouter M. [X] [P] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions (n°7) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023 à 12h19, M. [X] [P], intimé, demande à la cour de :

– relever d’office la caducité de l’appel de M. [B] [P] faute pour ce dernier d’avoir valablement régularisé des conclusions d’appel dans le délai de 3 mois prescrit par l’article 908 du code de procédure civile dans sa version alors applicable,

– débouter M. [B] [P] de sa demande aux fins de voir rejeter des débats les conclusions n° 4 de M. [X] [P] signifiées le 14 février 2022,

– dire et juger M. [X] [P] recevable et bien-fondé en ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger M. [B] [P] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel, l’en débouter,

à titre principal,

– déclarer M. [B] [P] irrecevable en ses demandes compte tenu de l’intervention volontaire à titre principal de l’Office des poursuites de [Localité 20] représenté par M. [N] [L], en ses lieu et place,

– déclarer l’Office des poursuites de [Localité 20] représenté par Me [L] irrecevables en ses demandes visant à :

* débouter [X] [P] de sa fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée

* infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2019, en ses chefs critiqués par l’appelant

* statuant à nouveau, le réformer et :

* dire que le domicile de [G] [P] n’était pas en Suisse, mais en France,

* dire la loi franc’aise applicable aux biens meubles de la succession de [G] [P] et aux immeubles situés en France dépendant de sa succession,

* ordonner le partage des biens dépendant de la succession de [G] [P], en ce compris celui des biens immeubles situés en France,

* dire que les droits d’héritier réservataire de [B] [P] sont d’un tiers,

* (dire) qu’il ne sera fait application du testament de [G] [P] venant limiter les droits de M. [B] [P], que dans la limite autorisée par la réserve que connai’t le droit franc’ais, applicable à l’ensemble de la succession, biens meubles et immeubles,

* dire que M. [X] [P], en application de la loi franc’aise, peut prétendre à la qualité de légataire universel de la succession, dans le respect des droits de [B] [P], héritier réservataire,

* dire constituée, la preuve d’actes de recel en ce qui concerne le tableau du peintre [Y] et une partie du mobilier familial qui se trouvait au [Adresse 5] à [Localité 19],

à titre subsidiaire,

– déclarer irrecevable la demande de M. [B] [P] visant à faire juger que le dernier domicile de [G] [P] serait situé en France, compte tenu de ce qu’elle méconnaît l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2017 (RG n° 15/12230) qui complète une première ordonnance du même juge du 7 novembre 2016 (RG n° 15/12230) et qui a elle-même été complétée par un arrêt définitif de la cour d’appel de Paris du 22 mai 2019 (RG n° 18/17943),

en tout état de cause,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 31 janvier 2019 (RG n° 15/12230),

– juger que l’Office des poursuites de [Localité 20] représenté par M. [N] [L] et agissant en lieu et place de M. [B] [P], sollicite la confirmation du jugement dont appel,

– débouter M. [B] [P] de toutes ses demandes,

– condamner in solidum M. [B] [P] et l’Office des poursuites du [Localité 20] représenté par M. [N] [L] à verser à M. [X] [P] la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. [B] [P] et l’Office des poursuites du [Localité 20] représenté par M. [N] [L] aux entiers dépens par application de l’article 696 du code de procédure civile, dont le montant sera recouvré par la SCP Grappotte Benetreau, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Ses conclusions précédentes, remises au greffe et notifiées le 8 décembre 2022, comportent le même dispositif à l’exception des demandes tendant à ce que la cour relève d’office la caducité de la déclaration d’appel et prononce l’irrecevabilité des demandes de l’Office des poursuites de [Localité 20].

Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 19 mai 2020, Mme [T] [U], intimée, demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue le 31 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dont appel, rectifiée par jugement du 14 août 2019 rendu par le même tribunal,

et y ajoutant,

– ordonner la délivrance du legs fait par [G] [P] à son épouse, soit :

* les 27 499 parts détenues par [G] [P] dans la SCI, [Adresse 4] détentrice de l’appartement sis [Adresse 4],

* toutes les créances sous forme d’avances effectuées par [G] [P] à cette société.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2022, MM. [I] [R] et [S] [K], exécuteurs testamentaires intimés, demandent à la cour de :

– confirmer la décision rendue le 31 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dont appel, rectifié par jugement du 14 août 2019 rendu par le même tribunal,

et y ajoutant,

– condamner M. [B] [P] à leur verser une somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [B] [P] aux entiers dépens.

Me [H] [Z], notaire, à qui la déclaration d’appel a été valablement signifiée par acte du 18 octobre 2019, n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions par les parties ayant constitué avocat, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Après report, l’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

Par des conclusions de procédure, notifiées le 27 janvier 2023, l’Office des poursuites de [Localité 20], intervenante volontaire, demande à la cour de :

– déclarer l’Office des poursuites de [Localité 20] recevable et bien fondé en ses écritures de procédure,

y faisant droit,

– écarter et rejeter des débats les conclusions n°7 de M. [X] [P] signifiées le 16 janvier 2023, veille de la clôture, en raison de leur caractère tardif,

– accorder à l’Office des poursuites de [Localité 20] le bénéfice de ses dernières écritures au fond régularisées le 12 janvier 2023 auxquelles il sera renvoyé pour statuer sur le fond,

– réserver les dépens.

Par des conclusions de procédure en réplique, notifiées le 13 février 2023, M. [X] [P], intimé, demande à la cour de :

– dire et juger l’Office des poursuites de [Localité 20] irrecevable et en tout cas mal fondé en ses conclusions de procédure,

en conséquence,

– débouter l’Office des poursuites de [Localité 20] de sa demande de rejet des débats des conclusions d’intimé n° 7 de M. [X] [P] du 16 janvier 2023,

– réserver les dépens.

L’affaire a été appelée à l’audience du 1er mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera constaté que les parties ne remettent pas en cause la compétence du juge français.

Sur le rejet des débats des conclusions de M. [X] [P] notifiées le 16 janvier 2023

L’Office des poursuites de [Localité 20] demande, sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile, que les dernières conclusions de M. [X] [P] soient écartées des débats en raison de leur caractère tardif n’ayant pas permis aux autres parties d’en prendre connaissance et d’y répliquer.

M. [X] [P] réplique que la tardiveté de ses dernières conclusions ne sont que la conséquence de celle avec laquelle l’Office des poursuites de [Localité 20] a confirmé intervenir en lieu et place de M. [B] [P], après avoir précédemment varié sur ce point fondamental, nonobstant les demandes officielles de précisions qui lui avaient été adressées et que ses demandes nouvelles se bornent à tirer les conséquences de la position que l’Office des poursuites de [Localité 20] a exposé dans ses conclusions du 12 janvier 2023. Il souligne que l’Office des poursuites de [Localité 20] ne sollicite pas le rejet des débats des conclusions de M. [B] [P] pourtant notifiées le même jour quelques heures seulement avant les siennes.

Le 12 avril 2022, dans le cadre de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 1er mars 2023 avec une date de clôture annoncée au 13 décembre 2022.

A cette date, la clôture a été reportée au 17 janvier 2023 sur demande de l’Office des poursuites de [Localité 20] qui a déposé de nouvelles conclusions le jeudi 12 janvier 2023 à 11h29.

Les conclusions de M. [X] [P] dont le rejet est sollicité sont celles qui répondent à ces conclusions, deux jours ouvrés plus tard, le lundi 16 janvier 2023, à la veille de la clôture annoncée.

Ces conclusions comportent, pour la première fois, une demande tendant non seulement à ce que soit relevée d’office par la cour la caducité de la déclaration d’appel de M. [B] [P] mais aussi à ce que soit prononcée l’irrecevabilité des demandes de l’Office des poursuites de [Localité 20].

Alors que M. [X] [P] expose que ces demandes découlent des conclusions de l’Office des poursuites de [Localité 20] notifiées le 12 janvier 2023, il y a lieu de constater que celles-ci se contentent de confirmer que cet organisme intervient en lieu et place de M. [B] [P], dans le prolongement des premières conclusions d’intervention volontaire notifiées le 18 novembre 2021 et des suivantes notifiées le 10 janvier 2022, et que le dispositif des conclusions de l’Office des poursuites de [Localité 20] n’a jamais varié sur ce point nonobstant la production de l’avis juridique dont M. [X] [P] indique qu’il développe une position contraire. Or M. [X] [P] n’avait pas alors soulevé la caducité et l’irrecevabilité qu’il invoque pour la première fois dans ses dernières conclusions.

Eu égard au caractère international de ce dossier où intervient un organisme suisse, le moyen de fait dont se prévaut de l’Office des poursuites de [Localité 20] selon lequel une notification la veille de la clôture a mis son conseil dans l’impossibilité matérielle de transmettre les écritures, accompagnées d’une traduction, à son client, pour recueillir son avis est d’autant plus pertinent que l’irrecevabilité soulevée portent sur les prétentions de cette partie et est fondée sur l’estoppel.

Dans ce contexte particulier, la notification des dernières conclusions de M. [X] [P] comportant de nouvelles demandes 24h avant la clôture a effectivement porté atteinte au principe de la contradiction de sorte que ces conclusions seront écartées des débats. La cour se référera en conséquence aux conclusions n°6 de M. [X] [P], notifiées le 8 décembre 2022.

Outre qu’une demande aux fins de voir rejeter des débats les conclusions n° 4 de M. [X] [P] signifiées le 14 février 2022 serait dès lors sans objet, la cour constate que les dernières conclusions de M. [B] [P], dont M. [X] [P] ne sollicite pas plus le rejet que l’Office des poursuites de [Localité 20], ne porte plus une telle demande, dont il n’y a dès lors pas lieu de le débouter comme le sollicite M. [X] [P].

Sur l’intervention de l’Office des poursuites de [Localité 20] et ses conséquences quant à la recevabilité de l’appel et des demandes de M. [B] [P]

Le jugement rendu le 7 novembre 2019 par le juge cantonal de [Localité 25] est versé aux débats avec une traduction qui n’est pas discutée. Il nomme Me Daniel Grunder, avocat, « représentant de l’autorité » au sens de l’article 609 du code civil suisse « pour la partie adverse [M. [B] [P]] dans le partage successoral » de [G] [P].

Il ressort des considérants de cette décision que l’article 609 du code civil sur lequel elle se fonde dispose, en son premier alinéa, que « tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l’autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier ». Il en résulte que, comme l’indique l’Office des poursuites de [Localité 20], cette intervention a pour objet sa participation aux opérations de partage de la succession de [G] [P] en lieu et place de M. [B] [P], à la demande des autorités fiscales, créancières de ce dernier.

Il est constant que ce jugement est devenu définitif.

Sa reconnaissance en France, sans qu’une procédure d’exequatur soit nécessaire à défaut de mesure d’exécution à effectuer, et la prise en considération subséquente de la désignation de Me [L], comme fait juridique, ne sont pas contestées.

De même, la recevabilité de l’intervention volontaire de l’Office des poursuites de [Localité 20] de ce fait n’est pas discutée, ni au regard des articles 325 et 554 du code de procédure civile ni au regard de son intérêt à agir.

M. [X] [P] soutient qu’en conséquence du jugement suisse du 7 novembre 2019, M. [B] [P] a été dessaisi de ses droits successoraux et qu’il n’a plus qualité pour agir dans le cadre de la présente instance depuis cette date. Selon lui, les demandes de l’appelant, formées par des conclusions ultérieures, doivent dès lors être déclarées irrecevables, le dispositif des conclusions n°6 de M. [X] [P] portant en outre une demande tendant à voir dire M. [B] [P] « irrecevable [‘] en son appel ».

Bien que le dispositif des conclusions des exécuteurs testamentaires ne comporte pas de demande quant à la recevabilité des conclusions ou des prétentions de M. [B] [P], ils soutiennent la position de M. [X] [P] en soulignant notamment que le jugement du 7 novembre 2019 précise dans ses considérants que « La partie adverse [M. [B] [P]] demande en outre que la procédure pendante en France (n°RG : 15/12230 et n°RG : 19/150462 ou d’autres instances de recours) soit exemptée de la représentation forcée par le représentant de l’autorité. Il n’existe toutefois aucune raison de restreindre les pouvoirs du représentant de l’autorité, raison pour laquelle il n’y a pas lieu d’accéder à cette demande. »

M. [B] [P] n’a pas pris position quant à la recevabilité de son appel et de ses demandes.

L’Office des poursuites de [Localité 20] soutient que son intervention, limitée au seul partage, laisse subsister les demandes de M. [B] [P] dans le cadre des étapes judiciaires préalables qui relèvent exclusivement des héritiers et légataires. Il rappelle qu’il représente un créancier afin de permettre le règlement de sa créance et qu’à ce titre, il ne lui appartient pas de se prononcer sur le fond du dossier, sur la compétence internationale ou la loi applicable, sur les droits de chaque héritier en considération de celle-ci ou sur le recel par exemple.

Il conteste l’avis juridique fourni par M. [X] [P] selon lequel « au sens de l’article 609 al. 1 CC, Me [N] [L] doit intervenir dans la Procédure en lieu et place de M. [B] [P], avec exactement les mêmes droits et obligations que ce dernier avant la substitution » et « en tant que la procédure est une action en partage, l’intervention de Me [N] [L] exclut la qualité pour agir de M. [B] [P] qui ne bénéficie par ailleurs d’aucun droit d’intervention » en faisant valoir que les juristes suisses consultés par M. [X] [P], sans remettre en cause leur qualité et leur aptitude à fournir un avis autorisé sur le droit suisse applicable, méconnaissent les particularités de la présente procédure française, s’agissant tant de l’étendue des prétentions formées dans le cadre de la présente instance, lesquelles excèdent, selon lui, ses attributions, que de la distinction entre l’intervention à titre principal, dont l’Office des poursuites de [Localité 20] se revendique, et l’intervention à titre accessoire.

La discussion porte ainsi sur l’étendue de compétence de l’« autorité » désignée en application de l’article 609 alinéa 1er du code civil suisse, et sur les conséquences de cette désignation sur les droits procéduraux de l’héritier débiteur.

Le jugement du juge cantonal de [Localité 25] en date du 7 novembre 2019 précise que « les pouvoirs de l’autorité sont limités au partage », et que, « dans le cadre du partage (et seulement pour celui-ci), l’autorité – ou un représentant désigné par elle – a exactement les mêmes droits et obligations que l’héritier en lieu et place duquel elle intervient », que « dans ce cadre, l’autorité doit avant tout sauvegarder les intérêts du créancier en faisant valoir, lors du partage, les droits personnels de l’héritier débiteur » dans l’objectif de satisfaire le créancier, que « les pouvoirs de l’autorité de partage sont [‘] moins étendus que ceux de l’administrateur de la succession ou de l’exécuteur testamentaire », que « le rapport s’apparente à un rapport de fiducie pour la défense des intérêts de l’héritier débiteur et du créancier ».

Les avocats suisses consultés par M. [X] [P] confirment que « la tâche de l’autorité compétente se limite à intervenir aux opérations de partage de la succession » et précisent qu’« en revanche, l’autorité n’a pas qualité pour agir en nullité du testament ni en réduction des dispositions pour cause de mort du de cujus ».

L’Office des poursuites de [Localité 20], loin de critiquer leur avis juridique sur ce point, le tient pour « parfaitement exact ».

Mais il circonscrit le « partage » auquel son intervention est limitée aux opérations finales de fractionnement, de répartition, d’allotissement et de réalisation des attributions privatives qui marquent la fin de l’indivision, affirmant que les étapes préalables, notamment l’engagement d’une procédure en partage judiciaire, relèvent des seuls héritiers, et que ce n’est que parce que le tribunal a déjà ordonné le partage, par un chef de dispositif qui n’est pas critiqué aux termes des dernières conclusions de M. [B] [P], appelant, qu’il peut désormais intervenir. Au soutien de cette thèse, il se prévaut du paragraphe suivant du jugement suisse du 7 novembre 2019 qui le désigne : « 4.1. l’intervention de l’autorité au partage de la succession présuppose donc qu’un créancier ait déposé une requête dans ce sens. Cette requête ne peut être déposée qu’après que les héritiers ont décidé de procéder au partage car un créancier ne peut ni provoquer le partage ni y participer ».

Or ce paragraphe se borne à rappeler que le créancier lui-même ne peut pas directement provoquer le partage ni y participer mais, s’il remplit les conditions fixées par l’article 609 du code civil suisse et dépose une requête aux fins de désignation d’une « autorité » à laquelle il est fait droit, cette autorité pourra, elle, participer au partage.

Plus encore, il résulte du « mémo » sur l’article 609 du code civil suisse établi par Me [L] lui-même et produit par l’Office des poursuites de [Localité 20] que « si l’autorité ne peut ni effectuer ni diriger elle-même le partage, elle doit en revanche pouvoir ouvrir [l’]action en partage malgré l’opposition des autres héritiers », contredisant les allégations contraires soutenues pour les besoins de la cause dans la présente instance.

Il se déduit d’ailleurs du rejet, par le juge suisse, de la demande de M. [B] [P] tendant à exclure les procédures françaises de « la représentation forcée par le représentant de l’autorité », dans le considérant mis en exergue par les exécuteurs testamentaires, que la décision autorisant l’intervention de l’autorité au partage implique, par principe, un pouvoir de représentation dans le cadre de ces procédures précisément identifiées.

A la date à laquelle la décision suisse a été rendue, le chef de dispositif du jugement français entrepris ayant ordonné le partage des biens meubles et immeubles de la succession de [G] [P] à l’exception des immeubles situés en France était critiqué par M. [B] [P] aux termes de sa déclaration d’appel et dès lors qu’il est ainsi dévolu à la cour, il n’est pas encore définitif.

Par conséquent, lorsque l’Office des poursuites de [Localité 20] a notifié ses conclusions d’intervention volontaire à la présente instance d’appel, dont l’objet lui était alors nécessairement connu, il est bien intervenu dans une procédure aux fins de partage et non aux opérations de répartition, d’allotissement et de réalisation des attributions privatives qui marquent la fin de l’indivision.

Le jugement suisse du 7 novembre 2019 indique que « l’héritier débiteur ne dispose d’aucun droit d’intervention » et l’avis de droit des avocats suisses consultés par M. [X] [P] ajoute, en se référant manifestement à la jurisprudence, avec citation d’une décision, que « l’intervention de l’autorité dans une action en partage exclut la qualité pour agir concurrente de l’héritier, car l’autorité exerce ce droit à la place de ce dernier ».

En conséquence, la désignation de l’Office des poursuites de la commune de [Localité 20] comme autorité au sens de l’article 609 du code civil suisse exclut la qualité pour agir concurrente de M. [B] [P].

En vertu de l’article 32 du code de procédure civile français, aux termes duquel « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir », et de l’article 122 du code civil, les prétentions formées par M. [B] [P] seront donc déclarées irrecevables.

Il convient de préciser qu’une telle irrecevabilité se distingue de l’irrecevabilité des conclusions de l’appelant, laquelle, au demeurant, ne serait pas de nature à entraîner l’irrecevabilité de l’appel ni la caducité de la déclaration d’appel.

Sur l’étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Puisque les conclusions n°7 de M. [X] [P], qui portaient notamment une demande d’irrecevabilité des prétentions subsidiaires de l’Office des poursuites de [Localité 20] ont été écartées des débats, et que M. [B] [P] est déclaré irrecevable en ses demandes, il revient à la cour de statuer sur les demandes de l’Office des poursuites de [Localité 20] tendant à voir :

– débouter M. [X] [P] de sa fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée,

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2019, en ses chefs critiqués par l’appelant,

– statuant à nouveau, le « réformer » et :

– dire que le domicile de [G] [P] n’était pas en Suisse, mais en France,

– dire la loi française applicable aux biens meubles de la succession de [G] [P] et aux immeubles situés en France dépendant de sa succession,

– ordonner le partage des biens dépendant de la succession de [G] [P], en ce compris celui des biens immeubles situés en France,

– dire que les droits d’héritier réservataire de M. [B] [P] sont d’un tiers,

– dire qu’il ne sera fait application du testament de [G] [P] venant limiter les droits de M. [B] [P], que dans la limite autorisée par la réserve que connaît le droit français, applicable à l’ensemble de la succession, biens meubles et immeubles,

– dire que M. [X] [P], en application de la loi française, peut prétendre à la qualité de légataire universel de la succession, dans le respect des droits de M. [B] [P], héritier réservataire,

– dire constituée la preuve d’actes de recel en ce qui concerne le tableau du peintre [Y] et une partie du mobilier familial qui se trouvait au [Adresse 5] à [Localité 19],

en tout état de cause,

– confirmer en tant que de besoin le jugement du 31 juillet 2019 en ce qu’il a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [G] [P] et les a confiées à Me Alexandra Cousin.

Il ressort de ce rappel que, contrairement à ce que prétend M. [X] [P], l’Office des poursuites de [Localité 20] ne sollicite pas la confirmation pure et simple du jugement frappé d’appel par M. [B] [P].

Par ailleurs, la cour constate que ni l’Office des poursuites de [Localité 20] ni aucune autre partie à la présente procédure ne forme de prétention contraire au chef de dispositif du jugement ayant rejeté la demande de M. [X] [P] de se voir désigner comme légataire universel de la succession de [G] [P], étrangement mentionné dans la déclaration d’appel de M. [B] [P] et qui a donc été dévolu à la cour. Il sera donc confirmé.

Sur la loi applicable à la succession de [G] [P] et ses conséquences

Il y a lieu de rappeler que M. [B] [P] a été déclaré irrecevable en sa demande tendant à voir juger que le dernier domicile était situé en France mais que l’Office des poursuites de [Localité 20] reprend cette demande à son compte.

Au préalable, sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée soulevée par M. [X] [P]

M. [X] [P] fait valoir que, suite à l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 28 mars 2017 et à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 mai 2019, revêtus de l’autorité de la chose jugée compte tenu de l’irrecevabilité du pourvoi de M. [B] [P] prononcée par arrêt de la Cour de cassation en date du 4 novembre 2021, il est définitivement jugé que le dernier domicile de [G] [P] était fixé en Suisse de sorte que la demande tendant à voir juger que ce domicile était situé en France serait irrecevable.

Il se prévaut des dispositions des article 1355 du code civil et 75 du code de procédure civile et des arrêts de la Cour de cassation rendus au visa de ce dernier texte pour affirmer que cette irrecevabilité est encourue même en cas de fraude à la loi.

Bien que Mme [T] [U] d’une part et M. [I] [R] et M. [S] [K] d’autre part ne sollicitent pas l’irrecevabilité de la demande tendant à voir juger que le dernier domicile du défunt était situé en France aux termes du dispositif de leurs conclusions respectives, ils développent les mêmes arguments dans leur discussion.

L’Office des poursuites de [Localité 20] se contente d’indiquer qu’il reprend l’ensemble des moyens exposés par M. [B] [P] aux termes de ses conclusions du 15 février 2022.

Un tel renvoi méconnaît les exigences de l’article 954 du code de procédure civile. Il y a lieu de considérer que l’Office des poursuites de [Localité 20] ne fait valoir aucun moyen pour s’opposer à la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] [P], à laquelle il ne sera cependant fait droit que si celle-ci est fondée.

Selon l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 22 mai 2019 a complété l’ordonnance du juge de la mise en état en date 7 novembre 2016 statuant sur la compétence internationale du juge français en ajoutant, sur requête en omission de statuer, un chef de dispositif disant que le domicile du défunt, [G] [P], était situé en Suisse. Certes les motifs de cet arrêt soulignent à plusieurs reprises que la détermination du droit applicable à la succession dépendait de la question du domicile du défunt mais ce lien a été rappelé par la cour, non pour statuer sur la loi applicable, puisque cela aurait excédé les limites de sa saisine pour rectification d’une omission matérielle, mais pour démontrer que la détermination du dernier domicile du défunt n’était pas seulement un motif permettant au juge de la mise en état initialement saisi de statuer sur la compétence, mais qu’il s’agissait d’une « question de fond » méritant une mention au dispositif de son ordonnance, ce qui justifiait la rectification d’omission matérielle. En effet, en vertu de l’article 77 du code de procédure civile, « lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes », l’article 95 du code de procédure civile précisant que, dans ce cas, la décision a autorité de la chose jugée sur la question de fond tranchée pour statuer sur la compétence.

Aussi la Cour de cassation a-t-elle déclaré irrecevable le pourvoi formé par M. [B] [P] contre cette décision au visa des articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile au motif principal que l’arrêt attaqué ordonne la réparation d’une omission matérielle sans mettre fin à l’instance ni trancher une partie du principal, la fixation du domicile du défunt en Suisse ayant été invoquée à l’appui d’une exception d’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris et non en vue de déterminer la loi applicable au litige successoral.

Ainsi, le chef de dispositif de l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 7 novembre 2016 issu de l’arrêt du 22 mai 2019 ayant dit que le domicile de [G] [P] était situé en Suisse est à rattacher strictement à la question de la compétence internationale des juges français alors que la demande de voir juger que le dernier domicile du défunt était situé en France présentée par l’Office des poursuites de [Localité 20] dans le cadre de la présente instance tend à rendre la loi française applicable à sa succession.

Il n’y a donc pas une identité d’objet des deux demandes.

Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée opposée par M. [X] [P] sera rejetée.

Sur la loi applicable

Si l’Office des poursuites de [Localité 20] reprend, « en tant que de besoin et à titre très subsidiaire », la position de M. [B] [P] quant à l’application de la loi française à la succession, il met lui-même en exergue le « paradoxe » de sa situation, alors qu’il a été désigné en application du droit suisse parce que les juridictions suisses ont retenu que la loi suisse est applicable à la succession de [G] [P].

Le renvoi aux moyens développés par M. [B] [P] et aux pièces produites par ce dernier au soutien de son argumentation ne satisfaisant pas aux prescriptions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour retient, comme précédemment, que l’Office des poursuites de [Localité 20] n’invoque aucun moyen au soutien de sa prétention quant à l’application de la loi française.

Au surplus, puisqu’il est constant que la succession est régie par la loi du dernier domicile du défunt excepté pour les immeubles situés en France dont le partage demeure soumis à la loi française, le décès de [G] [P] étant intervenu quelques mois avant l’entrée en application du règlement européen n°650/2012 du 4 juillet 2012, le 17 août 2015, il y a lieu de renvoyer aux justes motifs des décisions tant suisses que françaises ayant retenu que le dernier domicile de [G] [P] était fixé en Suisse et aux motifs adoptés du jugement entrepris. Il sera d’ailleurs souligné qu’il en ressort que cette question a été débattue à plusieurs reprises ; il n’est donc pas sérieux d’exciper du droit de M. [B] [P] à un procès équitable pour tenter d’en débattre une nouvelle fois devant la présente juridiction.

Il sera encore rappelé à titre superfétatoire que M. [B] [P] lui-même a admis l’application de la loi suisse, à la fois expressément dans une lettre adressée en août 2021 à la banque Pictet et implicitement, en saisissant les juridictions suisses sur le fondement du droit suisse pour obtenir différentes mesures en lien avec la succession de son père, en ne contestant pas la décision suisse ayant procédé à la désignation de l’Office des poursuites de [Localité 20] ou en ne formant pas de recours utile contre l’ordonnance du juge de la mise en état du 7 novembre 2016 telle que complétée par l’arrêt du 22 mai 2019.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a dit que le domicile de [G] [P] était en Suisse, et dit la loi suisse applicable à sa succession, la loi française étant applicable aux seuls immeubles sis en France.

Par conséquent, il ne saurait être fait droit aux demandes de l’Office des poursuites de [Localité 20] tendant à voir :

– dire que les droits d’héritier réservataire de M. [B] [P] sont d’un tiers,

– dire qu’il ne sera fait application du testament de [G] [P] venant limiter les droits de M. [B] [P], que dans la limite autorisée par la réserve que connaît le droit français, applicable à l’ensemble de la succession, biens meubles et immeubles,

– dire que M. [X] [P], en application de la loi française, peut prétendre à la qualité de légataire universel de la succession, dans le respect des droits de M. [B] [P], héritier réservataire.

En revanche, dans la mesure où le chef de dispositif du jugement entrepris ayant ordonné le partage des biens meubles et immeubles de la succession de [G] [P] à l’exception des immeubles situés en France a été dévolu à la cour par la déclaration d’appel de M. [B] [P], il y a lieu de le confirmer comme le sollicite « en tout état de cause » l’Office des poursuites de [Localité 20].

Sur le recel

L’Office des poursuites de [Localité 20] entend seulement voir « dire constituée la preuve d’actes de recel en ce qui concerne le tableau du peintre [Y] et une partie du mobilier familial qui se trouvait au [Adresse 5] à [Localité 19] ».

Outre qu’il ne précise l’auteur du recel ainsi allégué, il ne produit aucune pièce à ce sujet.

Puisque le chef de dispositif du jugement entrepris ayant débouté M. [B] [P] de sa demande similaire de recel a été dévolu à la cour par la déclaration d’appel, il y a lieu de le confirmer.

Sur la demande de délivrance du legs de Mme [T] [U]

Mme [T] [U] cite sans être démentie l’article 495 du code civil suisse, relatif à la portée des pactes de renonciation. Il est rédigé comme suit :

« 1 Le disposant peut conclure, à titre gratuit ou onéreux, un pacte de renonciation à succession avec l’un de ses héritiers.

2 Le renonçant perd sa qualité d’héritier.

3 Le pacte est, sauf clause contraire, opposable aux descendants du renonçant. »

Le « pacte successoral et testament public » du 15 mars 2010 comprend notamment une article 1 rédigé comme suit :

« Madame [T] [P]-VAN-LAERE renonce entièrement à ses futurs droits dans la succession d'[G] [P] au sens de l’article 495 du Code Civil Suisse. Ainsi Madame [T] [P]-VAN-LAERE perd sa qualité d’héritière. Conformément à l’article 495, Al 3 du Code Civil Suisse, cette renonciation est pleinement opposable aux descendants de Madame [T] [P]-VAN-LAERE, de sorte que Monsieur [G] [P] peut librement disposer de la part de sa succession sur laquelle porte la renonciation. »

Selon l’article 2, dans sa version initiale :

« Une contre-prestation est fournie à Madame [T] [P]-VAN-LAERE en échange de l’abandon de ses expectatives successorales. Ainsi, Monsieur [G] [P] lui cède entre vifs :

1. Ses 27’499 parts de la SCI, [Adresse 4], détentrice de l’appartement sis [Adresse 4] ; toutes les créances sous forme d’avances effectuées par Monsieur [G] [P] à cette société sont également cédées à Madame [T] [P]-VAN-LAERE

2. Les biens immobiliers dont Monsieur [G] [P] est propriétaire à [Localité 14], soit les lots PPE no 4996-13, 4996-14, 4996-16 et 4996-20 de la commune de [Localité 22] au lieu-dit [Adresse 24]. [‘]

3. Les pensions et rentes […] »

Enfin, l’article 3 prévoit que :

« Le règlement successoral opéré par le pacte de renonciation est définitif. Ainsi Madame [T] [P]-VAN-LAERE ne peut pas revenir sur sa renonciation à la suite de la conclusion du présent pacte ».

Cet acte a été modifié les 19 mai 2010 et 20 novembre 2013. La seconde modification porte notamment sur l’article 2 du pacte successoral, finalement rédigé comme suit :

« Une contre-prestation est fournie à Madame [T] [P]-VAN-LAERE en échange de l’abandon de ses expectatives successorales. Ainsi, Monsieur [G] [P] lui cède entre vifs :

1. Les biens immobiliers dont Monsieur [G] [P] est propriétaire à [Localité 14], soit les lots PPE no 4996-13, 4996-14, 4996-16 et 4996-20 de la commune de [Localité 22] au lieu-dit [Adresse 24]. [‘]

2. Les pensions et rentes [‘]

Par ailleurs, au décès de Monsieur [G] [P], Madame [T] [P]-VAN-LAERE recevra les 27’499 parts détenues par Monsieur [G] [P] dans la SCI, [Adresse 4], détentrice de l’appartement sis [Adresse 4] ; toutes les créances sous forme d’avances effectuées par Monsieur [G] [P] à cette société seront également cédées à Madame [T] [P]-VAN-LAERE dans les mêmes conditions. »

Mme [U] soutient que, puisque l’acte prévoit ainsi que le transfert à son profit des parts de la SCI du [Adresse 3] et des créances que le défunt détenait à l’égard de cette SCI intervient au décès de [G] [P], la cession évoquée doit s’analyser comme un legs et non comme une cession entre vifs, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal pour rejeter sa demande de délivrance de legs.

Cependant, outre que l’acte lui-même mentionne une cession entre vifs, dans une terminologie qui n’a pas été affectée par la modification du 20 novembre 2013, le seul report du terme au décès ou le caractère différé de l’exécution de la cession définitivement acquise ne suffit pas pour modifier la qualification retenue par les parties à l’acte alors que les caractères synallagmatique et définitif des dispositions du pacte successoral concernant Mme [U], qui renonce à tout droit successoral en contrepartie des biens cédés, expressément prévus à l’article 3 de l’acte, s’opposent à la révocabilité du legs de la seule volonté du légateur, en droit suisse comme en droit français.

La qualification de legs n’étant dès lors pas retenue, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande la délivrance de legs en rejetant « toute autre demande ».

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il convient, en application de cette disposition, de condamner M. [B] [P] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il n’y a dès lors pas lieu d’infirmer le jugement entrepris quant à la répartition des frais et dépens qu’il a retenue.

L’équité commande qu’il soit en outre condamné au paiement d’une somme de 3 000 euros à M. [X] [P] d’une part et au paiement d’une somme de 3 000 euros à MM. [I] [R] et [S] [K], créanciers in solidum, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [X] [P] n’étant pas condamné à supporter les dépens, la demande de l’Office des poursuites de [Localité 20] formée à son encontre sur ce fondement sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

Écarte des débats les conclusions n°7 de M. [X] [P] notifiées le 16 janvier 2023 ;

Déclare irrecevables les demandes de M. [B] [P] ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée opposée par M. [X] [P] ;

Confirme le jugement prononcé le 31 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris, tel que rectifié par jugement du 14 août 2019, en tous ses chefs de dispositif dévolus à la cour ;

Condamne M. [B] [P] aux dépens ;

Autorise la SCP Grappotte Benetreau à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [P] à payer la somme de 3 000 euros à M. [X] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [P] à payer la somme de 3 000 euros à MM. [I] [R] et [S] [K], créanciers in solidum, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de l’Office des poursuites de [Localité 20] représenté par M. [N] [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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