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6 juillet 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/00703
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 6 JUILLET 2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/00703 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UDGM
Ordonnance de référé (N° 21/00216) rendue le 05 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune
APPELANTE
La S.E.L.A.R.L. [M] [F] & [G] [H], prise en la personne de l’un de ses membres, Maître [G] [H] et Maître [M] [F], en qualité d’administrateur provisoire de la succession de feu [U] [N], décédé le 02 juin 2013
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
INTIMÉES
Madame [Y] [N]
née le 12 novembre 1964 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
La Société Civile Immobilière de l’Artois
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 3]
La S.C.I. La Pleiade
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 3]
La S.C.I. Pigranel
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 3]
La S.C.I. La Tourangelle
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 3]
représentées par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Christophe Pavot, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 16 janvier 2023 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023 après prorogation du délibéré en date du 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 janvier 2023
****
La SELARL [M] [F] et [G] [H], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la succession de feu [U] [N], décédé le 2 juin 2013, a relevé appel d’une ordonnance de référé du 5 janvier 2022 par laquelle le président du tribunal judiciaire de Béthune, après avoir constaté la qualité de partie à l’instance de Mme [Y] [N], a débouté ladite SELARL de ses demandes de condamnations à titre provisionnel et l’a condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement à Mme [Y] [N], la SCI de l’Artois, la SCI La Pléïade, la SCI Pigranel et la SCI La Tourangelle de la somme de 600 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions du 22 mars 2022, elle demande à la cour d’infirmer cette ordonnance et de :
– juger Mme [Y] [N] irrecevable, faute d’intérêt à agir, à s’opposer à ses demandes de provisions,
– condamner les sociétés suivantes à lui payer à titre de provision à valoir sur les comptes courants d’associé de [U] [N] :
* la SCI La Tourangelle : 53’357,16 euros,
* la SCI de l’Artois : 50’000 euros,
* la SCI La Pléïade : 175’000 euros,
* la SCI Pigranel : 97’113,66 euros, outre intérêts sur un prêt dont le principal n’est pas soldé souscrit par la personne morale auprès de son associé de 104’222 euros, soit une créance globale de 201’335,66 euros,
et ce avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation de ceux-ci,
– condamner chacune de ces SCI à lui payer 1000 euros et Mme [Y] [N] à lui payer 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux dépens.
Par leurs dernières conclusions en date du 6 janvier 2023, les SCI précitées et Mme [Y] [N] demandent pour leur part à la cour de confirmer l’ordonnance entreprise, de débouter l’appelante de ses demandes et de la condamner à payer à chacune d’elles 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Processuel.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité de partie à l’instance de Mme [Y] [N]
La SELARL [M] [F] et [G] [H] conteste avoir assigné Mme [Y] [N] devant le juge des référés.
Ainsi que l’a relevé celui-ci, l’assignation introductive d’instance était dirigée notamment contre « la SCI La Tourangelle (…), prise en la personne de son représentant légal et Mme [Y] [N] ès qualités d’administrateur provisoire selon ordonnance de M. le président du tribunal de grande instance de Béthune en date du 17-12-2013’».
L’intention de la demanderesse était peut-être d’assigner la SCI La Tourangelle «’prise en les personnes de son représentant légal et de Mme [Y] [N] ès qualités d’administrateur provisoire’».
Mais compte tenu de la rédaction de l’assignation et de ce que celle-ci a été signifiée par exploits séparés d’une part à la SCI La Tourangelle et d’autre part « à Mme [Y] [N] (en qualité d’administrateur provisoire)’», même si les deux actes ont été remis à l’adresse de la SCI à Mme [B], assistante de direction des ressources humaines, le juge des référés a pu considérer valablement que Mme [Y] [N] était partie à l’instance.
La déclaration d’appel est au demeurant dirigée contre les quatre SCI et contre «’Mme [Y] [N], personne physique’».
La question évoquée, à titre subsidiaire, d’une intervention volontaire de Mme'[N] et de la recevabilité de celle-ci ne se pose donc pas. Et la demande de l’appelante tendant à voir « juger Mme [Y] [N] irrecevable, faute d’intérêt à agir, à s’opposer aux demandes de provisions’» est donc une question de fond et non pas une véritable fin de non recevoir opposée à une intervention volontaire qui n’existe pas.
Sur le fond
L’article 835 du code de procédure civile dispose en son alinéa 2 que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’urgence n’est pas une condition de l’exercice de ce pouvoir, de sorte que les développements des intimées sur l’absence d’urgence justifiant la demande de l’appelante sont inopérants.
En revanche, l’absence de contestation sérieuse en est une.
Toutefois, c’est vainement que les intimées excipent d’une contestation tenant aux pouvoirs du mandataire successoral comme à la nature et au montant de sa prétention.
En effet, d’une part, l’article 813-4 du code civil dispose que tant qu’aucun héritier n’a accepté la succession, le mandataire successoral ne peut accomplir que les actes mentionnés à l’article 784, à l’exception de ceux prévus à son deuxième alinéa ; que le juge peut également autoriser tout autre acte que requiert l’intérêt de la succession.
Il n’est pas contesté que le patrimoine du défunt est important et l’appelante justifie de ce qu’elle doit faire face à un certain nombre de charges courantes incombant à la succession, notamment fiscales (en ce compris l’impôt sur la fortune immobilière), dont le défaut de règlement est susceptible de générer intérêts, pénalités et procédures. La démarche du mandataire successoral, tendant à percevoir des fonds appartenant au défunt afin de faire face à ces charges, est indubitablement engagée dans l’intérêt de la succession.
D’autre part, et en toute hypothèse, il est constant que le compte courant d’associé, qui s’analyse comme un prêt consenti à la société par un associé, est remboursable à tout moment et que la société ne peut pas en refuser le remboursement, même en raison de difficultés financières, ni le limiter au montant que sa trésorerie peut supporter.
L’obligation (de remboursement à tout moment du compte courant d’associé) de chacune des SCI intimées à l’égard de [U] [N] et donc de sa succession n’est, par conséquent, pas contestable. Le montant du solde de chacun des comptes courants concernés invoqué par l’appelante n’est pas discuté.
Enfin, la provision, à valoir sur une créance non sérieusement contestable, que le juge des référés peut accorder au créancier peut être, contrairement à ce que semblent penser les intimées, du montant de la créance.
Le mandataire successoral, en l’espèce, est donc bien fondé à demander et à obtenir le remboursement des comptes courants d’associé de [U] [N], de sorte qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise et de faire droit aux demandes de la SELARL [M] [F] et [G] [H], autorisant ainsi son action, à l’exception toutefois de ce qui concerne les «’intérêts sur un prêt dont le principal n’est pas soldé’» réclamés à la SCI Pigranel à concurrence de 104’222 euros, la demande de ce chef étant insuffisamment explicitée.
Les sommes dues produiront des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, la capitalisation des intérêts étant en outre de droit lorsqu’elle est demandée.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a constaté la qualité de partie à l’instance de Mme [Y] [N],
l’infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
condamne les sociétés suivantes à payer à la SELARL [M] [F] et [G] [H], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la succession de feu [U] [N] :
* la SCI La Tourangelle : 53’357,16 euros,
* la SCI de l’Artois : 50’000 euros,
* la SCI La Pléïade : 175’000 euros,
* la SCI Pigranel : 97’113,66 euros,
à titre de provisions à valoir sur les comptes courants d’associé de [U] [N] dans lesdites sociétés,
et ce avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et capitalisation de ceux-ci dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,
déboute la SELARL [M] [F] et [G] [H] du surplus de sa demande dirigée contre la SCI Pigranel,
déboute Mme [Y] [N] et les SCI La Tourangelle, de l’Artois, La Pléïade et Pigranel de leurs demandes,
les condamne aux dépens et, chacune, au paiement à la SELARL [M] [F] et [G] [H] ès qualités d’une indemnité de 1000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet