Droits des héritiers : 6 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05805

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Droits des héritiers : 6 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05805

6 avril 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/05805

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 06/04/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/05805 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T6TY

Jugement (N° 21/00025) rendu le 03 septembre 2021

par le tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANT

Monsieur [W] [I]

né le 20 juillet 1965 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 3]

bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/013095 du 23/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai

représenté par Me Virginie Lhussiez, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [O] [I] épouse [J]

née le 14 avril 1953 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Christelle Mathieu, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 07 février 2023 tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 décembre 2022

****

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valenciennes le 3 septembre 2021 ;

Vu la déclaration d’appel de M. [W] [I] reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 17 novembre 2021 ;

Vu les conclusions de M. [W] [I] déposées au greffe le 10 février 2022 ;

Vu les conclusions de Mme [O] [I] épouse [J] déposées au greffe le 18 mars 2022 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 5 décembre 2022.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [X] [P] et Monsieur [Y] [I] se sont mariés le 22 octobre 1949 à [Localité 8] (59) sans faire précéder leur union d’un contrat de mariage.

De leur union sont issus trois enfants :

– [O] [I] épouse [J] née le 14 avril 1953 à [Localité 3],

– [E] [I], né le 5 février 1956 à [Localité 8] et décédé à [Localité 6] le 25 novembre 1996, sans héritier,

– [W] [I] né le 20 juillet 1965 à [Localité 3].

Monsieur [Y] [I] est décédé à [Localité 7] le 22 février 1991.

Madame [X] [T] est décédée à [Adresse 5] le 17 octobre 2006.

La succession est composée notamment de :

– Un immeuble situé à [Adresse 5] acheté par Madame [X] [P] et son conjoint Monsieur [Y] [I] suivant acte de Maître [E] [C] notaire à [Localité 4] en date du 12 mars 1981 ;

– Les meubles meublant le domicile de Madame [X] [T] comprenant notamment la vaisselle de famille ;

Suite au décès de sa mère, Madame [X] [T], Monsieur [W] [I] a occupé seul l’immeuble dépendant de la succession et situé à [Adresse 5].

Par jugement du 09 Mai 2012, le tribunal de grande instance de Valenciennes a :

-ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Madame [X] [P] veuve [I] ;

-commis Maître [M] [C], notaire à [Localité 4] pour y procéder ;

-ordonné la vente de l’immeuble situé à [Adresse 5] par le ministère du Notaire liquidateur désigné, sur la base d’un prix de départ fixé à 140 000 euros avec faculté de baisse d’un quart pour faciliter les négociations et la vente ;

-fixé à la somme de 291 euros par mois, à compter du 17 octobre 2006 et jusqu’à la vente de l’immeuble litigieux, ou à tout le moins, jusqu’à la libération effective des lieux dûment constatée par Huissier de justice, l’indemnité d’occupation due par Monsieur [W] [I] à l’indivision successorale.

Par ordonnance du 7 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Valenciennes a ordonné l’expulsion de M. [W] [I] ainsi que tout occupant de son chef dans un délai de trois mois.

Maître [S] [K], Huissier de Justice, a, par actes des 09 et 10 juin 2015, procédé à l’expulsion de Monsieur [W] [I].

Sur requête de Mme [O] [I] épouse [J], le président du tribunal judiciaire de Valenciennes a, par ordonnance du 29 septembre 2020, désigné Maître [K] aux fins de procéder à une visite de l’immeuble situé à [Adresse 5].

Par acte du 14 décembre 2020, Mme [O] [I] épouse [J] a fait délivrer assignation à son frère, M. [W] [I] au visa des articles 815-9 et suivants, 1240 du code civil ainsi qu’au visa du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Valenciennes en date du 9 mai 2012 et de l’ordonnance de référé du 7 janvier 2014 aux fins de voir :

-ordonner l’expulsion de M. [W] [I] et de tout occupant de son chef des locaux occupés situés [Adresse 5] avec l’assistance, si besoin est, de la force publique et d’un serrurier ;

-fixer à 300,00 euros l’indemnité d’occupation due par Monsieur [W] [I] à compter du 15 juin 2018, date de sa réintégration de l’immeuble situé [Adresse 5], et ce, jusqu’à son expulsion effective constatée par Procès verbal d’Huissier de Justice ;

-condamner M. [I] à verser à Mme [O] [I] les sommes suivantes :

– 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice financier subis et également en réparation de la résistance abusive dont a fait preuve M. [I] ;

– 3 000,00 euros à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-juger n’y avoir lieu de déroger à l’exécution provisoire de la décision à intervenir

-condamner M. [W] [I] aux entiers frais et dépens de la présente instance, ainsi qu’aux frais exposés auprès de Maître [K], Huissier de justice, pour parvenir à l’expulsion de M. [W] [I] ordonnée suivant ordonnance de référé du 07 janvier 2014 rendue par Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Valenciennes et effectuée par Maître [K], Huissier de justice suivant procès-verbal d’expulsion du 09 Juin 2015.

Suivant jugement du 3 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Valenciennes a rendu la décision suivante :

-ordonne l’expulsion de Monsieur [W] [I] et de tout occupant de son chef dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement de l’immeuble situé [Adresse 5] avec l’assistance, si besoin est, de la force publique et d’un serrurier ;

-fixe à la somme de 291 euros l’indemnité d’occupation due par Monsieur [W] [I] à l’indivision successorale pour l’immeuble situé [Adresse 5] du 15 juin 2018 et ce jusqu’à sa libération effective de cet immeuble ;

-condamne Monsieur [W] [I] à payer à Madame [O] [I] épouse [J] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier et moral ;

-condamne Monsieur [W] [I] à payer à Madame [O] [I] épouse [J] la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamne Monsieur [W] [I] aux dépens en ce compris les frais d’expulsion des 9 et 10 juin 2015 ;

-ordonne l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de ce siège le 17 novembre 2022, M. [W] [I] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de conclusions déposées le 10 février 2022, M. [W] [I] demande à la cour de :

-réformer le jugement rendu sur l’ensemble de ses dispositions,

-débouter Madame [I] épouse [J] [O] de l’ensemble de ses demandes,

-la condamner au règlement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et en cause d’appel.

Aux termes de conclusions déposées le 18 mars 2022, Mme [O] [I] épouse [J] demande à la cour de :

-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valenciennes en date du 3 septembre 2021 en toutes ses dispositions et y ajoutant :

-condamner M. [W] [I] à verser à Mme [O] [I] épouse [J] la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

-condamner M. [W] [I] aux entiers frais et dépens de la présente instance, ainsi qu’aux frais exposés auprès de Maître [K], Huissier de justice, pour parvenir à l’expulsion de Monsieur [W] [I] ordonnée suivant ordonnance de référé du 07 Janvier 2014 rendue par Monsieur le président du tribunal de grande instance de Valenciennes et effectuée par Maître [K], Huissier de justice suivant procès-verbal d’expulsion des 09 et 10 juin 2015.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 décembre 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la demande d’expulsion

Aux termes de l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité

M. [W] [I] soutient qu’il n’a pas porté atteinte aux droits de sa s’ur par son occupation de l’immeuble. Il affirme également que les dégradations constatées par l’huissier ne relèvent pas d’un entretien courant des lieux et que Mme [O] [I] n’a pas procédé aux travaux de remise en état alors que l’immeuble était inoccupé pendant trois ans.

Mme [O] [I] fait valoir, au contraire, que M. [W] [I] n’a jamais payé l’indemnité d’occupation, alors même que le tribunal de grande instance de Valenciennes l’avait condamné au paiement de celle-ci, fixée à 291 euros par mois, à compter du 17 octobre 2006. Elle ajoute qu’il n’entretient absolument pas l’immeuble indivis et que les dégradations constatées par l’huissier sont très importantes.

En l’espèce, Mme [O] [I] justifie bien avoir réalisé des travaux de remise en état après l’expulsion de son frère, notamment par la production de photographies « avant et après travaux », qu’une annonce figurait sur le site internet « leboncoin », que des personnes intéressées l’ont contactée en décembre 2017 et en avril 2018. Elle produit également un courriel d’une conseillère en immobilier du 16 novembre 2016 lui proposant ses services pour l’aider à vendre la maison.

Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier réalisé le 23 octobre 2020 que M. [W] [I] était bien présent à cette date dans l’immeuble situé [Adresse 5]. Il en résulte que la maison était fortement dégradée: « que le carrelage présentait de nombreux éclats et fissures, que l’électricité était arrachée, certaines fenêtres étaient hors d’usage ». L’huissier constatait également que dans la maison « régnait une odeur nauséabonde très fortes (‘) que les lieux sont très sales ». Il s’agit donc bien d’un défaut d’entretien qui est nécessairement à la charge de celui qui occupe les lieux et donc de M. [W] [I].

L’existence du dégât des eaux dans la cuisine évoqué par M. [W] [I] n’est pas contesté par Mme [O] [I]. Néanmoins, celui-ci n’est pas la cause de l’ensemble des désordres constatés par l’huissier.

En outre, il est justifié que le 16 novembre 2012, le notaire en charge de la vente de l’immeuble a fixé, en raison des difficultés du marché immobilier, le prix de vente de la maison à la somme de 110 00 euros et non plus à 140 000 euros, montant fixé le tribunal de grande instance de Valenciennes le 9 mai 2012. Puis, selon un mandat de vente du 2 juin 2017 signé par M. [W] [I], le prix de vente a été rehaussé à la somme de 160 000 euros. Ainsi, M. [W] [I] ne peut pas soutenir qu’il ne savait pas que les démarches pour procéder à la vente de la maison étaient amorcées.

En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que le défaut d’entretien et l’absence de versement d’une indemnité d’occupation est incompatible avec le droit des indivisaires et a ordonné l’expulsion de M. [W] [I].

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce chef.

Sur l’indemnité d’occupation

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

M. [W] [I] soutient qu’il n’est pas démontré qu’il occupait les lieux entre 2015, date de son expulsion, et 2020. Il ajoute que le montant de l’indemnité d’occupation ne peut être que revu à la baisse par rapport au montant fixé par le jugement de 2012 en raison de l’absence de preuve de la réalisation des travaux de remise en état.

Mme [O] [I] soutient, quant à elle, que l’indemnité d’occupation a été fixé par jugement du tribunal du grande instance du 9 mai 2012 et qu’elle justifie l’occupation de son frère sur les lieux ainsi que la réalisation des travaux.

Par jugement du 09 mai 2012, le tribunal de grande instance de Valenciennes a fixé à la somme de 291 euros par mois, à compter du 17 octobre 2006 et jusqu’à la vente de l’immeuble litigieux, ou à tout le moins, jusqu’à la libération effective des lieux dûment constatée par Huissier de justice, l’indemnité d’occupation due par Monsieur [W] [I] à l’indivision successorale.

M. [W] [I] a été expulsé par Maître [S] [K] les 9 et 10 juin 2015.

Pour démontrer la présence de M. [W] [I] dans l’immeuble, Mme [O] [I] justifie d’un courrier du 1er novembre 2018 adressé à la sous-préfecture de [Localité 7] dans lequel elle sollicite l’intervention de la force publique pour procéder à nouveau à l’expulsion de M. [W] [I].

M. [W] [I] ne justifie pas quant à lui d’un bail ou autre logement à compter du 1er novembre 2018.

Le procès-verbal de constat en date du 23 octobre 2020 démontre également que ce dernier a bien réintégré l’immeuble indivis.

En outre, aucun élément apporté aux débats permet de revoir à la baisse l’indemnité d’occupation fixée par le jugement du 9 mai 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Valenciennes.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a fixé à la somme de 291 euros l’indemnité d’occupation due par Monsieur [W] [I] à l’indivision successorale pour l’immeuble situé [Adresse 5] du 15 juin 2018 et ce jusqu’à sa libération effective de cet immeuble.

Sur les dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Mme [O] [I] justifie qu’elle et son époux sont titulaires d’une pension d’invalidité depuis 2009 pour elle et depuis 2012 pour son mari.

L’occupation en violation de ses droits en tant qu’indivisaire lui a causé un préjudice financier en ce que la vente du bien indivis n’a pas pu avoir lieu depuis le décès de leur mère, le 17 octobre 2006.

En outre, les différentes démarches et procédures pour procéder à l’expulsion de son frère ainsi que les travaux de remise en état réalisés de 2015 à 2018 lui ont également causé un préjudice d’ordre moral. A ce titre, dans son courrier adressé à la sous-préfecture le 1er novembre 2018, Mme [O] [I] fait part de ses difficultés quant à la situation.

En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé sur ce chef.

M. [W] [I] sera condamné aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à Mme [O] [I] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

DÉBOUTE M. [W] [I] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [W] [I] à payer à Mme [O] [I] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais engagés en appel,

CONDAMNE M. [W] [I] aux dépens d’appel.

Le greffier

[H] [A]

Le président

Catherine Courteille

 


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