Droits des héritiers : 6 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00520

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Droits des héritiers : 6 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00520

6 avril 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
22/00520

FP/LL

[D] [S]

C/

[L] [G] [V] [S]

[B] [S] épouse [Z]

[W] [S] épouse [J]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

3ème Chambre Civile

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

N° RG 22/00520 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F56H

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 24 mars 2022,

rendue par le tribunal judiciaire de Chaumont

RG : 17/00481

APPELANT :

intimé dans le dossier 22/586

Monsieur [D] [S]

né le 25 Juin 1949 à CHAUMONT (52)

domicilié :

[Adresse 11]

[Localité 22]

représenté par Me Sylvie COTILLOT, membre de la SCP COTILLOT-MOUGEOT, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE

INTIMÉ :

appelant dans le dossier 22/586

Monsieur [L] [S]

né le 11 Août 1950 à CHAUMONT (52)

domicilié :

[Adresse 3]

[Localité 22]

représenté par Me Isabelle GAMBINI, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE

INTIMÉS :

Madame [B] [S] épouse [Z]

née le 15 Mars 1948 à CHAUMONT (52)

domiciliée :

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Madame [W] [S] épouse [J]

née le 03 Octobre 1951 à CHAUMONT (52)

domiciliée :

[Adresse 1]

[Localité 10]

non représentées

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 février 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Frédéric PILLOT, Président de Chambre, Président, ayant fait le rapport,

Anne SEMELET-DENISSE, Conseiller,

Cendra LEBLANC, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Frédéric PILLOT, Président de Chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [A] [S] et son épouse Mme [U] [K] sont respectivement décédés les 16 et 18 mai 2012, laissant pour leur succéder leurs quatre enfants :

– Mme [B] [S] épouse [Z],

– M. [D] [S],

– M. [L] [S],

– Mme [W] [S] épouse [J].

Par actes séparés du 10 mai 2017, M. [D] [S] a assigné M. [L] [S], et Mmes [B] et [W] [S] devant le tribunal de grande instance de Chaumont en vue de voire ordonner, notamment, l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession des époux [S].

Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Chaumont a, notamment :

– ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [A] [S] et son épouse Mme [U] [K], de la succession de M. [A] [S] ainsi que de la succession de Mme [U] [K] épouse [S],

– commis pour y procéder Me [Y] [E], notaire à [Localité 19], sous la surveillance du juge commissaire, dans le délai d’un an sauf prorogation,

– dit qu’il appartiendra au notaire dans le cadre de sa mission de fixer selon les usages en vigueur le montant des fermages de 1985 à 2012 sur les parcelles prises à bail par M. [D] [S] et de déterminer les droits des parties,

– fixé la consignation à valoir sur la rémunération du notaire, et dit qu’en cas de défaillance de l’une des parties, l’autre pourra se substituer à elle et qu’il en sera tenu compte dans le partage,

– dit ne pas avoir lieu à ordonner une mesure d’expertise judiciaire,

– débouté M. [D] [S] de sa demande au titre de la fixation de sa créance de salaire différé, de sa demande de fixation de créance au titre du paiement des fermages, et de sa demande d’attribution préférentielle,

– débouté M. [L] [S] de sa demande au titre de la fixation de sa créance de salaire différé, et de sa demande d’attribution préférentielle, de sa demande de rapport au titre des biens meubles, de sa demande de rapport de la somme de 10.761,05 euros, de sa demande de rapport de la somme de 50.000,00 francs (7.622,45 euros), de sa demande d’évaluation des biens objets des donations en avancement d’hoirie suivant actes notariés des 25 octobre 1980, 28 janvier 1983, 23 juillet 1993 et 16 aof1t2002 et de sa demande de rapport,

– dit ne pas avoir lieu à statuer sur la demande de salaire différé formée par M. [L] [S] à l’égard de Mme [W] [S],

– ordonné à M. [D] [S] de rapporter à la succession de M. [A] [S] la somme de 60.000 francs soit 9.146,94 euros,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage et ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 22 avril 2022, enregistrée le 28 avril 2022, M. [D] [S] a interjeté appel de cette décision (RG 22 /00520).

Par déclaration du 10 mai 2022, M. [L] [S] a également interjeté appel de cette décision (RG 22/00586).

Par ordonnance du 1er septembre 2022, la jonction des affaires a été ordonnée pour se poursuivre sous le RG 22/520.

Aux termes de ses dernières conclusions n°2, transmises par voie électronique le 4 novembre 2022, M. [D] [S], appelant, demande à la cour, réformant le jugement, de :

– le juger recevable et fondé en sa demande et fixer sa créance de salaire différé sur les successions à la somme de 84 979,80 euros et juger que le notaire commis devra tenir compte de cette créance de salaire différé et de ce montant dans lesdites opérations et dans le calcul des droits des parties,

– juger que la demande de rappel de fermages pour une période antérieure à plus de 5 ans de la date d’assignation de M. [L] [S] du 10 Mai 2017 est prescrite,

– à titre subsidiaire, statuant à nouveau, retenir que M. [D] [S] justifie avoir réglé les fermages par compensation entre cette dette de fermages et sa créance sur ses parents au titre des dépenses quotidiennes qu’il a prises en charge en leurs lieu et place,

– juger que les successions des époux [S] lui sont redevables d’une somme de 51 639,58 euros, dont le notaire commis devra tenir compte pour la détermination des droits de chacun des héritiers,

– faire droit à sa demande d’attribution préférentielle de biens dépendant des successions des époux [S] et désignés comme suit :

au titre des biens immobiliers de communauté : 3 parcelles de terre sises à [Localité 22] : parcelle ZK n°[Cadastre 5] [Adresse 30], parcelle ZK n°[Cadastre 13] lieudit « [Localité 20] », parcelle ZK n°[Cadastre 15] lieudit « [Localité 20] »,

au titre des biens propres de M. [A] [S] : diverses parcelles sises à [Localité 22] : Section AB n°[Cadastre 16] lieudit « [Localité 28] », Section ZA n°[Cadastre 2] lieudit « [Localité 21] », Section ZD n°[Cadastre 6] lieudit « [Localité 27] », Section AB n°[Cadastre 13] lieudit « [Localité 28] », grange avec petite cour devant, Section ZI n°[Cadastre 4] lieudit « [Localité 26] », Section ZI n°[Cadastre 5] lieudit « [Localité 26] », tel qu’il résulte de la déclaration de succession de M. [A] [S],

au titre des immeubles propres de Mme [U] [K] veuve [S] : une parcelle sise à [Localité 22], section ZK n°[Cadastre 5] lieudit « [Adresse 30] », une parcelle sise à [Localité 22], section ZK n°[Cadastre 12] lieudit « sur [Adresse 24],

– juger que le notaire commis devra en tenir compte dans l’établissement du projet de partage des successions,

– réformer le jugement en ce qu’il lui a ordonné de rapporter à la succession une somme de 60 000 francs soit 9 146,94 euros, statuant nouveau sur ce point, débouter M. [L] [S] de sa demande présentée à ce titre,

– ordonner à M. [L] [S] de rapporter à la succession des époux [S] les éléments suivants :

un canapé,

deux armoires et deux lits anciens,

des alcools, eau de vie,

des fusils de chasse,

les bijoux de la mère de M. [S] et de sa grand-mère,

une montre en or qui appartenait à son père,

une machine à laver achetée en 2012,

des appareils ménagers électriques, tous ces éléments ont disparu,

vaisselle et couverts qui avaient une certaine valeur,

une machine à coudre qui ressemble fortement à la photo du journal du 29.04.2020

une enclume,

un motoculteur avec tous les accessoires (charrue, butoir, ou fraise) que M. [D] [S] avait entretenus jusqu’en 2018, ainsi que d’une remorque qui faisait partie du bilan de la société de fait et des éléments de tôle du bâtiment agricole et une scie circulaire achetée en 1992,

– juger que le notaire commis devra tenir compte de ce rapport en nature ou en valeurs pour l’établissement du projet de partage,

– confirmer le jugement dans ses dispositions relatives au rejet des demandes de M. [L] [S], s’agissant de ses demandes d’attribution préférentielle, de fixation d’une créance de salaire différé, de rapport à succession pour un montant de 10 761,05 euros, et 50 000 francs, soit 7 622,45 euros, de demandes d’expertise et évaluation des biens objet des donations des 25 octobre 1980, 23 janvier 1983, 23 janvier 1993, 16 août 2002 et de rapport de celles-ci et de toutes ses autres demandes,

– débouter M. [L] [S] de toutes ses demandes, et de sa demande de modification de la mission du notaire en ce qui concerne l’évaluation de la valeur des biens dépendant des successions de leurs parents,

– débouter M. [L] [S] de sa demande de voir juger que le notaire commis devra tenir compte pour la détermination de la valeur rapportable des biens donnés en avance sur succession telle que : pour la donation du 23 juillet 1993 de la préexistence d’un hangar sur la parcelle ZK[Cadastre 14], pour la donation du 28 janvier 1983 de l’état réel de la maison d’habitation donnée à M. [D] [S] au jour de la donation, à savoir un bâtiment rénové en 190 comprenant 210 m² habitable, un bucher, une ancienne écurie, une porcherie, un petit hangar, un jardin et une cave,

– débouter M. [L] [S] de sa demande d’expertise,

– débouter M. [L] [S] de sa demande de fixation d’une créance de salaires différés au profit de sa soeur, Mme [W] [S], qui n’est pas constituée dans la procédure,

– confirmer le jugement pour le surplus,

– condamner M. [L] [S] à lui payer la somme de 3 500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 octobre 2022, M. [L] [S], intimé, conclut à la confirmation partielle du jugement critiqué, et demande à la cour, ordonnant l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial ayant existé entre les époux [S] et des successions de M. [A] [S] et de son épouse Mme [U] [K], en désignant tel notaire qu’il plaira à la Cour pour y procéder, de :

– juger que bénéficieront d’une créance de salaires différés, payée exclusivement sur la succession de M. [A] [S] :

M. [L] [S] pour une période de 56 mois,

Mme [W] [S] pour une période de 42 mois,

M. [D] [S] pour une période de 76 mois,

à charge pour le notaire de procéder à l’évaluation du montant des salaires différés,

– juger que le notaire devra tenir compte pour la détermination de la valeur rapportable aux successions des biens donnés en avance sur succession :

pour Ia donation du 23 Juillet 1993 : de la préexistence d’un hangar sur Ia parcelle ZK [Cadastre 14],

pour la donation du 28 Janvier 1983 : de l’état réel de la maison d’habitation donnée à M. [D] [S] au jour de la donation, à savoir un bâtiment rénové en 1980, comprenant 210 m² habitables, un bucher, une ancienne écurie, une porcherie, un petit hangar, un jardin et une cave,

– ordonner une mesure d’expertise qui sera confiée à tel expert qu’il plaira à la cour de désigner, afin de déterminer sur pièces la valeur des actifs et du passif de la société de fait [S] [H] et Fils créée le 19 janvier 1975 et dissoute le 19 janvier 1985, leur provenance, et leur destination à la date de la dissolution,

– juger que l’avance des frais d’expertise sera partagée à part égale entre M. [L] [S] et M. [D] [S],

– A titre subsidiaire, relativement aux avantages perçus par M. [D] [S] sur la société de fait [S] [H] et Fils, juger que M. [D] [S] devra rapport à la succession de la somme de 36 459,81 euros,

– juger que le notaire instrumentaire devra également tenir compte des rapports à succession qui seront déterminés par la cour, dont notamment à ce stade de la procédure, et sous réserve des sommes à déterminer le cas échéant par les expertises à intervenir :

les fermages de 1985 à 2012 dont le montant devra être déterminé par le notaire en fonction des usages en vigueur,

le prix de vente d’un immeuble propre de M. [A] [S] (chèque de 60.000 francs) : 9.146,94 euros,

– juger que l’ensemble de ces sommes seront assorties d’un intérêt au taux légal à compter à titre principal de la date de leur perception, et à titre subsidiaire à compter de mai 2012, date du décès des de cujus,

– ordonner l’attribution au bénéfice de M. [L] [S] des parcelles suivantes : ZK [Cadastre 13] [Localité 20] pour 66 a 90 ca, ZK [Cadastre 15] [Localité 20] pour 2 ha 60 a 90 ca, comportant deux petites constructions, ZA 10 [Localité 21] pour 23 ha 46 a 90 ca, ZK [Cadastre 12] Sur la [Adresse 24] pour 4 ha 32 a 25 ca, ZK [Cadastre 5] [Adresse 30] pour 6 a 30 ca, AB [Cadastre 13] [Adresse 23] pour 1 a 25 ca, AB [Cadastre 16] Jardin pour 58 ca,

– à défaut, débouter l’ensemble des parties de leurs demandes d’attribution,

– débouter M. [D] [S] de toute demande plus ample ou contraire,

– condamner M. [D] [S] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire et juger que les dépens de l’instance seront employés en frais privilégiés de partage, et en prononcer distraction au profit des avocats de la cause.

Mmes [B] et [W] [S], intimées, régulièrement assignées chacune selon acte d’huissier du 20 juillet 2022 contenant signification de la déclaration d’appel et signification de conclusions, n’ont pas constitué avocat et n’ont pas conclu à hauteur de cour.

Par ordonnance du 10 novembre 202, le magistrat de la mise en état a ordonné une médiation, mais cette démarche n’a pu aboutir à un accord.

La clôture a été prononcée le 3 janvier 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 9 février 2023.

La cour fait référence, pour le surplus de l’exposé des moyens des parties et de leurs prétentions, à leurs dernières conclusions récapitulatives sus-visées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera liminairement observé que les parties ont fait le choix procédural de formuler des demandes liquidatives, avant même que le notaire commis ait procédé à ses opérations.

– Sur les demandes de créance de salaire différé

L’article L.321-3 du Code Rural dispose que :

« Les descendants d’un exploitant agricole qui âgés de plus de 18 ans participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices, ni aux pertes, et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire, pour la détermination des parts successorales, puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers.

Le taux annuel du salaire sera égal pour chacune des années de participation à la valeur de 2/3 de la somme correspondant à 2080 fois le taux du SMIC en vigueur, soit au jour du partage, soit au plus tard à la date du règlement de la créance. »

La preuve de la participation à l’exploitation agricole doit être apportée dans les conditions définies aux articles L. 321-13 à L. 321-18.

La loi exige une participation directe, effective et sans contrepartie du descendant à l’exploitation agricole de l’ascendant.

La charge de la preuve de la réunion de ces conditions, qui peut être apportée par tous moyens, incombe à celui qui prétend à une créance de salaire différé.

Le demandeur doit donc rapporter, outre la preuve de son âge et de sa qualité de descendant, la preuve de la participation directe et effective et celle de l’absence d’association aux bénéfices et aux pertes et de rémunération, alors que la seule inscription en qualité d’aide familial ne permet pas d’établir une participation directe, effective et gratuite à l’exploitation familiale.

– Sur la demande de M. [D] [S]

Le jugement critiqué déboute M. [D] [S] de sa demande aux motifs qu’il n’apportait pas la preuve d’avoir participé de manière effective et directe à l’exploitation sans perception de salaire en argent en contre partie de sa participation.

Il maintient sa demande à hauteur de cour pour la période du 25 juin 1967 au 31 août 1969 puis du 1er octobre 1970 au 31 décembre 1974 pour un montant de 84 979,80 euros, invoquant sa qualité d’aide-familial selon la MSA, outre les attestations qu’il verse aux débats

M. [L] [S] indique que son frère, sa s’ur et lui-même ont tous trois travaillé sur l’exploitation de leurs parents et qu’il y a lieu de prévoir le même mode de calcul pour les trois héritiers concernés, afin de tenir compte du droit à salaire différé pour 56 mois le concernant, pour 76 mois concernant son frère, et de 42 mois pour sa s’ur.

En l’espèce, après examen des pièces produites, soit notamment l’attestation MSA, le justificatif de libération anticipée des obligations militaires, l’attestation de M. [I] [C] et celle de M. [X] [C], c’est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge, retenant que M. [D] [S] n’apporte pas la preuve, dont il a la charge, d’avoir participé de manière effective du 25 juin 1967 au 31 août 1969, ni du 1er octobre 1970 au 31 décembre 1974 directement et effectivement sur l’exploitation agricole, et ce sans avoir perçu de contrepartie de sa collaboration, preuve qui lui incombe spécifiquement alors que l’affiliation à la MSA d’un descendant d’exploitant agricole en tant qu’aide familial ne crée pas une présomption de paiement d’un salaire, et l’a débouté de sa demande de fixation de créance de salaire différée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur la demande de M. [L] [S]

Le jugement critiqué déboute M. [L] [S] de sa demande en retenant qu’il ne démontre pas l’absence de contrepartie financière.

M. [L] [S] soutient avoir travaillé sur l’exploitation familiale pendant 18 mois suite à un accident de sa mère, puis pendant deux autres périodes,de novembre 1974 jusqu’au 9 mai 1976, et du 11 août 1968 au 19 septembre 1971, outre du 1er au 24 juin 1973, soit au total pendant 56 mois, et ajoute que sa s’ur [W] a également travaillé pendant 42 mois sur l’exploitation, et reprochant à son frère sa mauvaise foi, il souligne que M. [D] [S] ne s’opposait pas initialement à sa demande de créance de salaire différé.

Il précise encore qu’à l’époque la majorité était fixée à 21 ans, sans que cela ne remette en cause son droit à salaire différé à compter de ses 18 ans, invoquant le fait que des trimestres ont été pris en compte par le régime agricole retraite le concernant, sans salaire déclaré, sans autre cotisation au régime général sur la même période. Il ajoute que seul M. [A] [S] ayant eu la qualité d’exploitant agricole, c’est sur sa seule succession que les salaires différés doivent être payés.

M. [D] [S] s’oppose à la demande formée par son frère au même titre, estimant qu’il ne justifie pas d’un relevé de carrière complet, que les attestations qu’il communique ne sont pas circonstanciées, et qu’il a par ailleurs travaillé comme maçon, ainsi qu’auprès d’autres entreprises, n’aidant ses parents sur l’exploitation que de façon très ponctuelle pendant quelques week-ends suite à l’accident de leur mère.

Il ajoute qu’il est impossible de cumuler le statut d’aide familial avec un emploi et que la déclaration d’apprentissage agricole de son frère ne peut démontrer qu’une qualité d’apprenti, c’est-à-dire de salarié.

Si M. [L] [S], qui verse différentes attestations (P 13 à 18) de voisins et de proches, les avis de cotisations MSA pour 1976 et 1977, le justificatif d’exemption du service militaire pour 1970, un relevé CRAM et un relevé MSA, démontre effectivement qu’il a été aide familial sur l’exploitation agricole familiale, il ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’absence de contrepartie financière, les relevés MSA étant insuffisants à ce titre, de sorte que c’est par une juste appréciation que le premier juge a rejeté sa demande.

Alors que la demande de M. [L] [S] de créance de salaire différé pour le compte de sa s’ur [W], entre dans une saine volonté d’équité successorale, cette demande, comme relevé par le premier juge, formulée pour autrui, est irrecevable, cette dernière n’étant par ailleurs pas constituée.

Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

– Sur la fixation d’une créance au titre du paiement des fermages et d’une créance au titre des sommes prises en charge par M. [A] [S] au titre des dépenses courantes de ses parents

Le jugement entrepris déboute M. [D] [S] de sa demande de fixation de créance au titre des fermages pour une somme de 51 639,58 euros.

M. [D] [S] invoque à titre principal la prescription quinquennale de la demande formée par son frère par assignation du 10 mai 2017 relativement à la période 1985 – 2012.

A titre subsidiaire, il maintient sa demande de créance, faisant valoir qu’il a été convenu entre ses parents et lui-même que les sommes dues au titre des fermages par lui-même, titulaire des baux des parcelles appartenant à ses parents et exploitées dans le cadre d’une société de fait avec son père, puis par la SCEA à laquelle les parcelles étaient mises à disposition, étaient compensées par la prise en charge des dépenses régulières des époux [S] par ses propres soins, indiquant ainsi avoir payé 110 843,95 euros alors qu’il aurait dû verser 59 204,33 euros, faisant ainsi valoir la compensation.

Il rappelle qu’il a en réalité pris à sa charge des montants de dépenses pour ses parents, en compensation des fermages, dans des proportions supérieures au montant des loyers, s’agissant d’un dépassement qu’il chiffre à 51 639,58 euros. Il sollicite ainsi de voir fixer, dans le cadre de la succession de ses parents, et de la liquidation de leur communauté, une créance à son profit d’un montant de 51 639,58 euros.

M. [L] [S] s’oppose à cette demande, en estimant que son frère n’a jamais payé aucun fermage à ses parents, malgré l’existence d’un bail, et il estime qu’il existait une intention libérale de la part des défunts, compte tenu de la modicité de leurs revenus et de leur appauvrissement corrélatif. Il ajoute que le paiement de sommes dont se prévaut son frère ne portait pas sur les charges de la vie courante de leurs parents, mais sur des charges de l’exploitation agricole, qu’il n’existait pas de contrepartie à l’absence de paiement des fermages, et que l’accord de leurs parents pour une compensation n’est pas démontré, les fermages représentant une somme liquide et exigible à chaque terme échu. Il estime enfin que les déclarations de revenus de leurs parents n’ont pas fait apparaître de fermages perçus depuis 1985 alors que le paiement, même par compensation, aurait dû entraîner la déclaration de ce revenu.

En droit, l’article 1347 du code civil, ancien article 1289, prévoit que la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes, s’agissant de dettes liquides et exigibles.

En l’espèce, M. [D] [S] communique un décompte détaillé des fermages dus et des sommes payées par ses soins pour le compte de son père, soit par son propre compte, soit par celui de la SCEA, mais, comme relevé pertinemment par le premier juge, ces éléments, par ailleurs au moins partiellement constitués par le demandeur, ne permettent pas d’établir l’accord des parties quant à la prise en charge par M. [D] [S] desdites factures en contrepartie du non paiement des fermages, les déclarations de revenus des défunts étant par ailleurs taisantes à ce titre.

Alors que les sommes versées par M. [D] [S] au delà de ce qu’il affirme avoir été convenu avec ses parents, sont soit d’origine indéterminée, soit concernent en partie des charges afférentes à sa propre exploitation agricole, soit ne permettent pas d’établir le bénéfice pour ses parents, il échoue à rapporter la preuve de son appauvrissement et de l’enrichissement des défunts, de sorte qu’il ne peut à ce titre prétendre à créance sur la succession.

Dans ces conditions, c’est par une juste appréciation que le premier juge a rejeté la demande de M. [D] [S] en compensation et en fixation de créance à son bénéfice sur la succession au titre des fermages.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Concernant la prescription, M. [D] [S] demande à ce que le principe de créance de fermage, sollicité par assignation du 10 mai 2017 de M. [L] [S], soit déclaré prescrit pour ceux antérieurs au 10 mai 2012, le jugement entrepris ayant, selon lui, à tort retenu le principe de cette créance pour la période de 1985 à 2012.

Alors que l’exploitation gratuite d’un bien par un cohériter constitue un avantage qui doit être retenu comme une libéralité, et le défaut de règlement des fermages dus ayant nécessairement appauvri les défunts au profit de leur fils, le montant des fermages impayés entre 1985 et 2012 constitue une donation rapportable par M. [D] [S] aux successions de ses parents, et dés lors que la prescription ne s’applique pas au rapport à donation, il appartiendra au notaire de chiffrer le montant du fermage pour l’ensemble de la période de 1985 à 2012.

Le jugement sera donc sur ce point confirmé.

– Sur les demandes d’attribution préférentielle

Le jugement entrepris rejette la demande de M. [D] [S] pour cause de superficie totale trop importante, et rejette également les demandes de M. [L] [S] portant sur les parcelles ZK [Cadastre 13] et [Cadastre 15] lieudit [Localité 20].

En appel, M. [D] [S] maintient sa demande en attribution préférentielle des biens suivants :

– au titre des biens immobiliers de communauté, 3 parcelles de terre sises à [Localité 22] :

Parcelle ZK n°[Cadastre 5] [Adresse 30],

Parcelle ZK n°[Cadastre 13] lieudit « [Localité 20] »

Parcelle ZK n°[Cadastre 15] lieudit « [Localité 20] »

– au titre des biens propres de Monsieur [A] [S], diverses parcelles sises à [Localité 22] :

Section AB n°[Cadastre 16] lieudit « [Localité 28] »,

Section ZA n°[Cadastre 2] lieudit « [Localité 21] »,

Section ZD n°[Cadastre 6] lieudit « [Localité 27] »,

Section AB n°[Cadastre 13] lieudit « [Localité 28] », grange avec petite cour devant,

Section ZI n°[Cadastre 4] lieudit « [Localité 26] »,

Section ZI n°[Cadastre 5] lieudit « [Localité 26] »,

– au titre des immeubles propres de Madame [U] [K] veuve [S],

une parcelle sise à [Localité 22], section ZK n°[Cadastre 5] lieudit « [Adresse 30]»,

une parcelle sise à [Localité 22], section ZK n°[Cadastre 12] lieudit « sur [Adresse 24] »

Il rappelle ne détenir que 34,55 % des parts de la Scea des Meulots, et qu’en appliquant ce ratio à la superficie en cause, il ne dépasse pas la superficie de 80 ha fixée par arrêté du 22 août 1975 et remplit ainsi les conditions de l’attribution préférentielle de droit.

Concernant l’attribution préférentielle de droit commun, il rappelle sa qualité d’héritier, ayant, à compter du 1er janvier 1975, exploité dans le cadre d’une société de fait avec son père les parcelles objet de la succession qui constituent une exploitation agricole, aujourd’hui exploitée par son fils sous la forme d’une SCEA dont il reste associé, et à la disposition de laquelle les biens dépendant de la succession sont mis à disposition, aucun autre héritier n’étant agriculteur.

Il estime que son frère ne s’oppose à cette demande que par méchanceté, avec intention de nuire.

Concernant les demandes d’attribution préférentielle formulées par son frère [L], il rappelle que son frère n’est pas exploitant agricole, et que les parcelles sont exploitées par lui-même et son fils M. [F] [S] au sein de la SCEA.

Il affirme que la parcelle ZK [Cadastre 13] [Localité 20] n’est pas attenante à la propriété de son frère, mais à sa propre maison et au hangar de son fils. Il explique qu’il existe un poulailler et un atelier attenants au hangar cadastré AB [Cadastre 7], propriété de M. [D] [S], ledit poulailler lui appartenant pour 1/5ème en pleine propriété et dépendant seulement de l’indivision successorale pour ¿, en raison de sa construction à cheval sur la limite séparative, ces bâtiments ayant été construits par lui-même et son père pour partie sur la parcelle ZK [Cadastre 15], sur cette parcelle, existant d’ailleurs une ligne électrique et une conduite d’eau qui relient les deux bâtiments, qui sont accolés à sa propre maison. Il soutient que son frère s’est approprié ce poulailler et lui en a interdit l’accès.

Pour s’y opposer, M. [L] [S] précise que l’exploitation au bénéfice de laquelle son frère demande l’attribution préférentielle se situe dans la région visée par la limitation à 80ha, alors que la Scea exploite déjà 212ha 98a 17ca (ou 158ha 99a 17ca déduction faite des 53ha 99a de l’indivision successorale) et qu’en dépassant ainsi le seuil de 80 ha, l’attribution préférentielle n’est pas de droit.

Il ajoute que les factures d’aménagement foncier présentées par son frère ne précisent pas le lieu d’exécution des travaux, s’agissant de travaux effectués chez des tiers.

Il indique que pour les parcelles autres que les ZA [Cadastre 2], ZK [Cadastre 12], ZK [Cadastre 5], AB [Cadastre 13] et AB [Cadastre 16], il ne s’oppose pas à leur attribution au bénéfice de son frère.

Il rappelle avoir travaillé sur l’exploitation de ses parents et qu’ainsi les terres représentent une valeur particulière à ses yeux, s’estimant recevable et fondé à formuler la même demande que son frère.

Il ajoute que les parcelles ZK [Cadastre 13] et [Cadastre 15] sur lesquelles il forme sa demande sont attenantes à celle sur laquelle est édifiée sa maison. Il explique demeurer au n°10 de la rue et son frère au n°8 et que la parcelle sur laquelle est édifiée sa maison est englobée dans la parcelle ZK [Cadastre 15], sur laquelle leur père l’avait autorisé à construire une piscine et un chenil, et qu’il entretient cette parcelle. M. [L] [S] estime ne porter aucun préjudice à l’exploitation de son neveu. Il conclut que s’il n’était pas fait droit à sa demande, il y aurait lieu de débouter l’ensemble des parties de leurs demandes à ce titre, en l’absence de privilège de plein droit pour l’un ou pour l’autre.

Il ajoute que la parcelle sur laquelle est édi’ée sa maison est littéralement englobée dans la parcelle ZK [Cadastre 15], et que surtout, M. [A] [S] l’avait autorisé en 1995 à construire un chenil et une piscine sur la parcelle ZK [Cadastre 15], et à en faire usage, ce qui est toujours le cas actuellement pour la partie accueillant les deux constructions.

En droit, aux termes de l’article 831 du code civil, « le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement.

Dans le cas de l’héritier la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.

S’il y a lieu, la demande d’attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l’application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d’une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers ».

Aux termes de l’article 831-2 du code civil, « le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l’attribution préférentielle :

1° De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa résidence à l’époque du décès, et du mobilier le garnissant, ainsi que du véhicule du défunt des lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante ;

2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l’exercice de sa profession et des objets mobiliers nécessaires à l’exercice de sa profession ;

3° De l’ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l’exploitation d’un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu’un nouveau bail est consenti à ce dernier ».

L’article 832 du même code précise que l’attribution préférentielle visée à l’article 831 est de droit pour toute exploitation agricole qui ne dépasse pas les limites de superficie fixées par décret en Conseil d’État, si le maintien dans l’indivision n’a pas été ordonné.

L’arrêté du 22 août 1975 relatif aux limites de superficie donnant droit à l’attribution préférentielle des exploitations agricoles dans le département de la Haute-Marne, prévoit une limitation de superficie sur le Plateau [Localité 25], [Localité 17], [Localité 18], [Localité 29], de 52 hectares, Champagne humide de 70 hectares, sur le Plateau [Localité 25] montagne de 100 hectares et pour les autres régions de 80 hectares.

En l’espèce, à juste titre, le premier juge a, compte tenu du relevé d’exploitation faisant état d’une superficie excessive, a rejeté la demande d’attribution préférentielle de droit formulée par M. [D] [S].

Sur l’attribution facultative, M. [D] [S] est héritier, il justifie effectivement que les parcelles données à bail et dépendant de la succession forment une entreprise agricole exploitée, antérieurement dans le cadre d’une société de fait avec son père, puis aujourd’hui sous la forme d’une SCEA, avec son fils, et dans laquelle il est associé à concurrence de 34,55 %, de sorte que justifiant qu’il a participé, et que ses descendants participent à ladite exploitation agricole, il convient, compte tenu de l’intérêt économique du regroupement des parcelles pour l’unité de production agricole de M. [D] [S], de faire droit à sa demande d’attribution préférentielle, hors parcelles ZK [Cadastre 15] et ZK [Cadastre 13] [Localité 20], lesquelles n’ont pas été exploitées par ses soins, puisque contiguës à la maison d’habitation de M. [L] [S], lequel a été autorisé par son père courant 1995 à y construire un chenil et une piscine.

M. [L] [S], qui ne justifie pas avoir exploité les parcelles ZK [Cadastre 15] et ZK [Cadastre 13] [Localité 20], ni les autres parcelles revendiquées, ne peut prétendre à attribution.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

– Sur les rapports à succession

Aux termes de l’article 843 du code civil, « tout hériter, même ayant accepté à concurrence de l’actif venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément, hors part successorale ».

L’article 924 de ce même code précise que « lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent. Le paiement de l’indemnité par l’héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d’imputation sur ses droits dans la réserve. »

Ne peut être rapportable à la succession qu’une libéralité, laquelle suppose nécessairement l’existence d’une intention libérale dument constatée.

– Sur la demande d’expertise sur pièces ou d’un rapport à succession par M. [D] [S] soit 36 459,81 euros

Le jugement critiqué déboute M. [L] [S] de sa demande d’expertise.

Rappelant l’existence de la société de fait [S] père et fils, M. [L] [S] rappelle que son frère n’a effectué aucun apport, la totalité des actifs ayant été apportée par leur père, que lors de la cessation de la société, un « acte innomé » a été établi entre leurs parents et son frère [D], visant à répartir les actifs et les passifs, soulignant le caractère partiel et incomplet de cet acte et l’impossibilité de retracer tout l’historique du compte bancaire de la société.

Il estime qu’il y manque des actifs ou alors non valorisés, de même que le passif n’est pas valorisé dans cet acte innomé, ne permettant pas de vérifier si son frère n’a pas bénéficié d’une donation déguisée par l’attribution d’actifs supérieurs au passif qu’il était censé reprendre.

M. [L] [S] ajoute qu’après le départ en retraite de leur père, M. [D] [S] a profité seul des actifs (matériel, bétail, stocks, semences, engrais) sans contrepartie à l’égard de leurs parents, qu’il a également bénéficié du paiement par la société de fait des primes d’un contrat d’épargne représentant des versements de 32 092,32 francs, et qu’il semble encore avoir effectué des encaissements et des virements sur son compte personnel de fonds revenant à la société de fait (vente de bétail Sicabev notamment).

En appel, il estime qu’il s’agit d’avantages dont M. [D] [S] doit rapport à la succession, et qu’il y a lieu de voir ordonner une expertise sur pièces afin de valorise de façon contradictoire l’ensemble de ces éléments, ou a minima de juger qu’au moins les montants justifiés sus-visés doivent faire l’objet d’un rapport à succession par M. [D] [S] soit 36 459,81 euros.

M. [D] [S] conclut au débouté de la demande d’expertise formée par son frère.

En l’espèce, le premier juge a, par de justes motifs que la cour adopte, considéré qu’il entre dans la mission du notaire désigné sur le fondement de l’article 1364 du code de procédure civile compte tenu de la complexité des opérations successorales, de reconstituer la masse partageable, de sorte qu’il n’y avait pas lieu à désigner, au surplus, un expert judiciaire.

Concernant la demande de rapport à succession de la somme de 36 459,81 euros, cette demande est prématurée, le notaire devant procéder aux vérifications et évaluations utiles.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

– Sur le rapport à succession des biens meubles

Le jugement critiqué déboute M. [L] [S] de sa demande de rapport de meubles.

M. [D] [S] reproche réciproquement à son frère de s’être approprié les clés de la maison familiale et de son mobilier, ainsi que de matériel et d’outils agricoles, dont il sollicite le rapport par M. [L] [S].

M. [L] [S] estime que son frère ne démontre pas qu’il se soit approprié des objets, rappelant que leurs parents n’étaient propriétaires d’aucun bien de valeur.

En l’espèce, alors que M. [L] [S] n’apporte ni la preuve de l’existence des meubles, ni de leur appropriation par M. [D] [S], c’est par une juste appréciation que le premier juge a rejeté la demande de rapport des biens meubles.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

– Sur le rapport à succession du prix de vente d’un immeuble propre de M. [A] [S]

Le jugement critiqué ordonne le rapport par M. [D] [S] de la somme de 60 000 francs, en lien avec la vente d’un immeuble propre de M. [A] [S].

M. [D] [S] conteste avoir encaissé un chèque de 60 000 francs qui aurait été libellé au nom de son père, estimant que son frère ne rapporte pas la preuve de ses allégations.

Concluant à la confirmation du jugement, M. [L] [S] soutient que leur père a vendu un bien propre pour 60 000 francs, que le notaire lui a adressé un chèque de ce montant le 29 juillet 1981 et que M. [D] [S] a encaissé sur son compte personnel un chèque de ce montant le 11 août 1981.

En l’espèce, la vente d’un immeuble par M. [A] [S] pour la somme de 60.000 francs le 30 juin 1981 est justifiée par la déclaration des plus-values 1981 et par la lettre du notaire du 29 juillet 1981, mentionnant le chèque de 60 000 francs.

Il est également justifié que M. [D] [S] a encaissé sur son compte personnel un chèque de ce même montant de 60.000 francs le 11 Août 1981, soit quelques jours après la transmission du notaire.

Dans ces conditions, c’est par une juste appréciation que le premier juge a ordonné le rapport à la succession de la somme de 60 000 francs, soit 9 146,94 euros par M. [D] [S].

Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

– Sur la demande de rapport de la somme de 10 761,05 euros

Le jugement critiqué déboute M. [L] [S] de sa demande de rapport de la somme de 10 761,05 euros au titre des créances de la société encaissées postérieurement au 1er janvier 1985 par M. [D] [S].

A hauteur de cour, M. [L] [S] maintient sa demande, et rappelant l’existence de la société de fait [S] père et fils, il expose que lors de la cessation de la société, un « acte innomé » a été établi entre leurs parents et son frère [D], visant à répartir les actifs et les passifs, soulignant le caractère partiel et incomplet de cet acte et l’impossibilité de retracer tout l’historique du compte bancaire de la société. Il estime que son frère a perçu seul les créances de la société qui n’ont fait l’objet d’un versement qu’après le 1er janvier 1985 (prix de vente de récolte, aides, primes payées en 1985 mais au bénéfice de la société agricole).

M. [D] [S] explique que cette somme correspond à des aides et a été encaissée dans le cadre professionnel de la société [S] [H] et fils. Il estime qu’aucun élément n’établit qu’il en ait fait un usage personnel et que cela constitue une donation déguisée rapportable.

En l’espèce, alors que les pièces produites, dont l’acte innommé, montrent que les sommes litigieuses correspondent à des aides, encaissées dans le cadre de la société [S] père et fils et donc dans le cadre de leur activité professionnelle, aucun élément produit ne permettant en l’état de prouver que M. [D] [S] a fait usage de cette somme, à titre personnel.

Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

– Sur la demande de rapport de la somme de 50 000 francs

Le jugement critiqué déboute M. [L] [S] de sa demande de rapport à la succession de la somme de 50 000 francs au titre d’un prélevement de M. [D] [S] sur le compte bancaire de la société agricole en date du 15 février 1985.

M. [L] [S] maintient sa demande, et soutient que son frère a prélevé la somme de 50 000 francs le 15 février 1985 sur le compte bancaire de la société, les sommes restantes sur ledit compte n’ayant jamais été versées à leur père mais ayant servi à payer des factures ainsi que la première échéance de prêt de M. [D] [S] selon l’acte innomé.

M. [D] [S] expose que le demandeur ne justifie pas de l’existence d’un tel prélèvement par ses soins sur le compte bancaire de la société agricole, soulignant que M. [L] [S] lui a pris ses documents personnels et qu’aucune intention libérale n’est démontrée.

En l’espèce, M. [L] [S], demandeur au rapport, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne démontre pas l’existence du prélèvement litigieux de la somme de 50 000 francs, de sorte que le jugement déféré sera confirmé.

– Sur les biens donnés en avancement d’hoirie

Le jugement critiqué déboute M. [L] [S] de sa demande de rapport des biens reçus en avancement d’hoirie par M. [D] [S] suivant actes notariés des 25 octobre 1980, 28 janvier 1983, 23 juillet 1993 et 16 août 2002 en tenant compte de la pré existence d’un hangar sur la parcelle ZK [Cadastre 14] et de l’état réel de la maison d’habitation donnée à M. [D] [S] au jour de la donation.

M. [L] [S] estime que la fixation de la valeur de la parcelle donnée en 1993 doit tenir compte de la préexistence du hangar construit en 1981 et que nonobstant les mentions de l’acte de donation de 1983, visant un immeuble à rénover, la maison était déjà rénovée et habitée depuis 1980, son frère ayant souscrit un prêt à cet effet, et les travaux ayant été en majeur partie financés par la société de fait [S] père et fils.

M. [D] [S] explique que le bâtiment agricole édifié sur la parcelle ZK [Cadastre 14], l’a été de ses propres deniers, tel qu’indiqué dans l’acte de donation et qu’il n’y a ainsi pas lieu de tenir compte du hangar dans l’évaluation.

Concernant la maison qu’il habite, il indique que les travaux d’aménagement ont été financés par le salaire de son épouse, qui a emprunté, et que l’évaluation de la maison doit être faite selon l’état du bien, hors travaux d’amélioration qui ont pu être faits avant la donation de la maison.

En l’espèce, l’acte de donation du 28 janvier 1983 mentionnant expressément un immeuble à rénover, et M. [L] [S] ne justifiant pas que les travaux ait été financés par la société de fait [S] et fils, il n’y a pas lieu à rapport, rien n’établissant au surplus que le hangar n’ait pas été pris en compte au titre de l’évaluation.

Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

– Sur les autres demandes

L’équité commande de rejeter les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes d’attributions préférentielles de M. [D] [S],

Et statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que M. [D] [S] bénéficie de l’attribution préférentielle de biens dépendant des successions de M. [A] [S] et Mme [U] [K] et désignés comme suit :

Au titre des biens immobiliers de communauté :

– une parcelle de terre sises à [Localité 22] :

– Section ZK n°[Cadastre 5] [Adresse 30],

Au titre des biens propres de M. [A] [S] :

– diverses parcelles sises à [Localité 22] :

– Section AB n°[Cadastre 16] lieudit « [Localité 28] »,

– Section ZA n°[Cadastre 2] lieudit « [Localité 21] »,

– Section ZD n°[Cadastre 6] lieudit « [Localité 27] »,

– Section AB n°[Cadastre 13] lieudit « [Localité 28] », grange avec petite cour devant,

– Section ZI n°[Cadastre 4] lieudit « [Localité 26] »,

– Section ZI n°[Cadastre 5] lieudit « [Localité 26] »,

Au titre des immeubles propres de Madame [U] [K] veuve [S],

– deux parcelles sises à [Localité 22],

– Section ZK n°[Cadastre 5] lieudit « [Adresse 30] »,

– Section ZK n°[Cadastre 12] lieudit « sur [Adresse 24] »,

Y ajoutant,

Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de partage,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,

 


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