Droits des héritiers : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06170

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Droits des héritiers : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06170

5 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/06170

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 05 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06170 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNFD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Novembre 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 19/15124

APPELANT

Monsieur [F] [U] [V]

né le 07 Septembre 1953 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 13]

représenté par Me Cécilia CALVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1595

INTIMES

Madame [G], [J] [V]

née le 18 Février 1952 à [Localité 9] / MAROC

[Adresse 3]

[Localité 7]

Monsieur [H], [N] [V]

né le 07 Septembre 1953 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentés par Me Eric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

ayant pour avocat plaidant Me Corinne BITOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : A537

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

[B] [W] est décédée le 17 mai 2004, laissant pour lui succéder :

– [O] [V], son conjoint survivant,

– leurs trois enfants : [G], [F] et [H] [V].

[O] [V] est décédé le 21 février 2017, laissant pour lui succéder ses trois enfants.

Par acte notarié du 18 janvier 1988, [B] [W] et [O] [V] ont fait une donation-partage, avec réserve d’usufruit, de la nue-propriété de l’ensemble de leurs trois biens immobiliers, avec soultes payables par [F] [V] dans les six mois du décès du dernier donataire.

Ils les ont ainsi répartis :

– une maison située [Adresse 6],

– une maison située [Adresse 8],

– des lots de copropriété dans un immeuble situé [Adresse 5].

[B] [W] et [O] [V] ont ont par ailleurs mis à la disposition de leur fille [G] une somme de 420 000 francs ayant fait l’objet d’un acte sous seing privé du 18 février 1988.

Par acte d’huissier des 11 et 12 décembre 2019, M. [F] [V] a assigné ses frère et s’ur devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision résultant de la succession de leurs parents.

Par jugement réputé contradictoire du 2 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

– ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de la succession de [B] [W] et de [O] [V],

– dit qu’il sera procédé à un partage unique,

– désigné pour y procéder Me [K] [I], notaire à [Localité 11],

– dit que l’indivision successorale dispose d’une créance à l’encontre de Mme [G] [V] d’un montant de 42 685,72 euros au titre d’un prêt consenti le 18 février 1988,

– rejeté la demande de M. [F] [V] tendant à voir Mme [G] [V] condamnée à rapporter une libéralité de 140 000 francs reçue le 18 février 1988, à payer une indemnité d’occupation pour l’occupation d’un bien immobilier situé à [Localité 10] (89) et à payer à l’indivision successorale une somme au titre des travaux effectués depuis janvier 1988 dans ce même bien et acquittés par [O] [V],

– rejeté toutes les autres demandes de M. [F] [V].

M. [F] [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 31 mars 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2023, l’appelant demande à la cour de :

– le recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

en conséquence,

– infirmer le jugement du 2 novembre 2020 prononcé par la 2e chambre 2e section du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

* dit que l’indivision successorale dispose d’une créance à l’encontre de Mme [G] [V] d’un montant de 42 685,72 euros au titre d’un prêt consenti le 18 février 1988 (rejetant ainsi la demande de M. [F] [V] tendant à voir Mme [G] [V] condamnée à rapporter outre un don de 140 000 francs, un autre don de 280 000 francs reçu à la même date et correspondant à la transmission d’un Plan d’épargne logement (à l’exclusion d’un prêt), sommes qui ont toutes deux servi à financer l’acquisition le 13 avril 1987 de son bien immobilier situé au [Adresse 3], soit un montant global de 420 000 francs)

* rejeté la demande de M. [F] [V] tendant à voir Mme [G] [V] condamnée à rapporter une libéralité de 140 000 francs constatée par reconnaissance de dette du 18 février 1988, à payer une indemnité d’occupation pour l’occupation d’un bien immobilier sis à [Localité 10] et à payer à l’indivision successorale une somme au titre des travaux effectués depuis janvier 1988 dans ce même bien et acquittés par [O] [V],

* rejeté toutes les autres demandes de M. [F] [V],

statuant à nouveau :

– à titre principal, condamner Mme [G] [V] à rapporter à la succession la donation reçue de ses parents d’un montant de 420 000 francs dont elle a bénéficié en vue de l’acquisition de son bien immobilier sis [Adresse 3], donation à revaloriser en fonction de la valeur actualisée dudit bien immobilier,

– fixer la valeur du bien immobilier sis [Adresse 3] appartenant à Mme [G] [V] à la somme de 1 011 582 euros pour sa surface initiale de 78 m²,

– à titre uniquement subsidiaire, condamner Mme [G] [V] à rapporter à la succession sur la somme de 420 000 francs, celle de 140 000 francs,

– fixer la valeur des trois biens immobiliers visés par la donation-partage comme suit soit 695 937 euros s’agissant de la maison de [Localité 13], 837 666 euros s’agissant de l’appartement [Adresse 5] et 246 500 euros s’agissant de la maison de [Localité 10] en cas de revalorisation des soultes demandée par Mme [G] [V],

– écarter des débats « l’annexe du 15 mai 1999 (pièce n° 7) produite par Mme [G] [V] lors des discussions amiables entreprises sous l’égide de Me [L], notaire sis à [Localité 14] »,

– condamner Mme [G] [V] à payer à l’indivision successorale une indemnité d’occupation s’agissant de son occupation privative de la maison de [Localité 10] à compter de février 2014 et la condamner également à payer à l’indivision successorale une créance dont le montant reste encore à déterminer au titre du remboursement des travaux effectués depuis janvier 1988 dans la maison de [Localité 10] et acquittés par [O] [V] aux lieu et place de Mme [G] [V],

– débouter M. [H] [V] et Mme [G] [V] de leur demande incidente tendant à voir rapporter à la succession la valeur de la libéralité représentant 28 années d’occupation de [Localité 13] telle qu’il résultera des opérations liquidatives,

– condamner Mme [G] [V] et M. [H] [V] à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles outre aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, Mme [G] [V] et M. [H] [V], intimés, demandent à la cour de :

– les dire et juger recevables et biens fondés en leurs écritures d’intimés,

– confirmer le jugement du 2 novembre 2019 en ce qu’il a rejeté la demande de M. [F] [V] tendant à voir Mme [G] [V] condamnée à rapporter une libéralité de 140 000 francs reçue le 18 février 1988, à payer une indemnité d’occupation pour l’occupation d’un bien immobilier à [Localité 10] (89) et à payer à l’indivision successorale une somme au titre des travaux effectués depuis janvier 1988 dans ce même bien et acquittés par [O] [V],

– confirmer le jugement du 2 novembre 2019 en ce qu’il a dit n’y avoir lieu de donner acte à M. [F] [V] de la valeur des biens immobiliers objets de la donation-partage du 18 Janvier 1988,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] [V] de toutes ses autres demandes,

– confirmer le jugement du 2 novembre 2019 en ce qu’il dit que l’indivision successorale dispose d’une créance à l’encontre de Mme [G] [V] d’un montant de 42 685,72 euros au titre d’un prêt consenti le 18 février 1988,

– dire et juger que M. [F] [V] devra rapporter à la succession la valeur de la libéralité représentant 28 années d’occupation de la maison de [Localité 13], telle qu’elle résultera des opérations liquidatives à venir,

– condamner M. [F] [V] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par Me Eric Allerit, membre de la SELARL Taze-Bernard Allerit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera constaté que les intimés ne forment pas de demande tendant à remettre en question le montant des soultes fixées à la charge de M. [F] [V] dans l’acte de donation-partage du 18 janvier 1988.

La cour ne statuera donc pas sur la demande de l’appelant tendant à actualiser la valeur des trois biens immobiliers concernés par cet acte, qui n’est présentée qu’ « en cas de revalorisation des soultes demandée par Mme [G] [V] ».

Aucun chef de dispositif du jugement entrepris n’ayant dit n’y avoir lieu de donner acte à M. [F] [V] de la valeur des biens immobiliers objets de la donation-partage du 18 janvier 1988, il n’y a pas même lieu de le confirmer comme le sollicitent les intimés.

Sur la demande de rejet de pièce

L’appelant demande, au dispositif de ses conclusions, que soit écartée des débats la pièce n°7 produite par Mme [G] [V].

Il ne développe aucun moyen au soutien de cette demande.

En outre, la pièce n° 7 produite par les intimés, et non Mme [G] [V] seule, n’est pas « l’annexe du 15 mai 1999 » mais un courriel d’une collaboratrice de Me [L], notaire sis à [Localité 14], en date du 12 janvier 2018, avec ses pièces jointes, notamment une proposition d’accord émanant de M. [F] [V] datée du 2 janvier 2018.

Aucune mention de confidentialité ne figure dans ce courriel ou l’une de ses pièces jointes.

Il sera au surplus constaté que l’appelant ne demande pas que soient également écartées des débats les pièces n°8 et 9 des intimés qui font expressément référence à la proposition d’accord du 2 janvier 2018.

Sa demande portant sur la pièce n°7 de la partie adverse sera par conséquent rejetée.

Sur la demande de rapport dirigée contre Mme [G] [V]

Il est constant qu’après le décès de [O] [V], Mme [G] [V] a produit un document intitulé « Reconnaissance de dette » daté du 18 février 1988 et portant sa signature ainsi que celles de ses parents, dont il résulte qu’ « une avance de 420 000 francs » lui a été « consentie » par ces derniers, « en dernier lieu à l’occasion de l’achat de l’appartement en copropriété sis [Adresse 3] ». L’acte comprend les mentions suivantes : « [G] [V] reconnait qu’à concurrence de 140.000,00 francs (cent quarante mille francs) cela représente un don pur et simple de ses parents ; pour le reste, [G] [V] se reconnait débitrice de 140.000,00 francs (cent quarante mille francs) à l’égard de chacun de ses frères [F] et [H] [V].

Le règlement de cette dette devra intervenir lors de la liquidation de la succession de [O] et [B] [V], par l’extinction de l’usufruit au dernier vivant, résultant de la donation entre époux du 9 mars 1972 auprès de Me [A], notaire à [Localité 14]. Le tout, indépendamment de la part des autres dans les dites successions. »

L’appelant demande que sa s’ur, Mme [G] [V], soit alors condamnée à rapporter à la succession la somme de 420 000 francs dont elle a bénéficié en vue de l’acquisition de son bien immobilier sis [Adresse 3].

Le premier juge a distingué la somme de 140 000 francs, qu’il a qualifiée de don non rapportable, de celle de 280 000 francs qu’il a qualifiée de dette envers les successions confondues de [O] et [B] [V].

M. [F] [V] conteste le caractère non rapportable du don manuel de 140 000 francs, d’autant que la donation n’a pas fait l’objet d’un acte notarié conforme aux prescriptions de l’article 931 du code civil mais d’un acte à l’intitulé impropre, et soutient que la somme de 280 000 francs correspond à une donation déguisée elle aussi rapportable.

Les intimés s’approprient les motifs du premier juge et consacrent des développements conséquents à la définition des donations résultant de l’article 894 du code civil pour affirmer qu’il « ne fait aucun doute » que [O] et [B] [V] ont fait donation à leur fille [G] de la somme de 140 000 francs alors que ce dernier point n’est pas contesté.

S’agissant du caractère rapportable de cette donation, les intimés se bornent à reproduire la motivation du jugement entrepris.

Le premier juge a déduit l’intention des donateurs de consentir une libéralité non rapportable des mentions relatives au « don pur et simple » et du rappel du fait que les droits des parties dans la succession ne sont pas affectés.

Il convient au contraire d’interpréter ces mentions comme se référant aux dispositions de principe régissant les donations et les droits successoraux subséquents de leurs trois enfants auxquelles les donateurs n’ont pas entendu apporter exception.

Or selon l’article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Ainsi, sauf dispense expresse et non équivoque de rapport, les dons manuels et donations indirectes sont rapportables.

Cette interprétation est en outre confortée par l’usage du terme « avance », même si celui-ci concerne l’intégralité de la somme de 420 000 francs.

Il n’est pas allégué que le don de cette somme de 140 000 francs ait pu relever d’un don d’usage.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [F] [V] tendant à voir Mme [G] [V] condamnée à rapporter la libéralité de 140 000 francs reçue le 18 février 1988.

Selon l’article 860-1 du code civil, le rapport d’une somme d’argent est égal à son montant ; toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l’article 860.

L’appelant, qui demande à la cour, au dispositif de ses conclusions de « revaloriser la donation en fonction de la valeur actualisée » du bien immobilier dont elle a servi à financer l’acquisition, ne chiffre pas le montant du rapport, mais sollicite que la valeur du bien immobilier sis [Adresse 3] appartenant à Mme [G] [V] soit fixée « à la somme de 1 011 582 euros pour sa surface initiale de 78 m² ».

Le premier juge a retenu qu’il n’était pas nécessaire de déterminer la valeur actuelle de l’appartement situé [Adresse 3] parce que la demande de rapport était alors rejetée.

Bien que le rapport soit désormais ordonné, il convient de rappeler que l’article 860-1 du code civil précité n’écarte le principe du nominalisme monétaire que dans l’hypothèse où la somme d’argent donnée « a servi à acquérir un bien ».

En l’espèce, il n’est pas établi que le don de 140 000 francs, qui est intégré à la somme globale de 420 000 francs sans particularisation possible, ait servi à financer l’acquisition par Mme [G] [V] de son appartement parisien situé [Adresse 3] alors qu’il résulte des termes de l’acte du 18 février 1988 que l’achat de l’appartement situé [Adresse 3] n’est que l’un des usages faits par Mme [G] [V] de plusieurs sommes mises à sa disposition par ses parents.

Par conséquent, le rapport pour le don de 140 000 francs est égal à son montant, soit 21 342,86 euros et il n’est toujours pas utile de déterminer la valeur actuelle de l’appartement situé [Adresse 3].

La demande de l’appelant sur ce point sera donc rejetée.

Pour la part de cette somme excédant le don de 140 000 francs, soit 280 000 francs, une obligation de rembourser est expressément prévue à la charge de Mme [G] [V].

M. [F] [V] fait valoir, pour contester pourtant la qualification de prêt, que ni son frère ni lui-même ne sont intervenus à l’acte du 18 février 1988 alors qu’ils sont expressément cités pour recevoir le remboursement de leur s’ur, de sorte que l’obligation de remboursement aurait pu rester ignorée et, par conséquent, inexécutée ; il en conclut que cette obligation n’était donc pas réelle.

La cour constate qu’une telle allégation, qui contredit les termes de l’acte du 18 février 1988, manque par ailleurs de cohérence avec l’acte du 15 mai 1999 signé par [O] [V] et rédigé comme suit :

« Depuis cette reconnaissance de dette, [F] est entré en possession de la maison de [Localité 13] en 1989 et il l’habite à titre gratuit. En 10 ans, cela représente déjà, même avec une estimation de loyer très favorable, un montant comparable à l’avance faite à [G], majorée des intérêts pour une semblable période.

Pour [H], l’avance pour son studio en 1988 est nettement moins importante, mais on peut retenir que l’appartement du [Adresse 5] reçu en partage, sera immédiatement réalisable par vente ou location lors de la succession définitive.

Cela permet de proposer que l’égalisation des parts de la donation-partage de 1988 se fasse comme il est prévu dans l’acte notarié, lors de la succession mobilière à venir. »

M. [F] [V] conteste l’authenticité et la sincérité de cet acte du 15 mai 1999, mais en tout état de cause, un tel acte aurait été inutile s’il était acquis pour son signataire, ou pour celle qui s’en prévaut, que l’obligation de rembourser la somme de 280 000 francs était fictive, puisque cet acte, ou du moins sa production dans le cadre des opérations de liquidation de la succession des époux [V], a justement vocation à dispenser Mme [G] [V] de son obligation de remboursement.

Les circonstances de conservation et de révélation de l’acte du 18 février 1988 sont dès lors sans incidence.

Enfin, même si, d’un commun accord entre elle et ses parents, l’exécution de l’obligation de rembourser a été reportée à la liquidation de la succession de [O] et [B] [V], soit après le décès du dernier d’entre eux, l’existence de cette obligation exclut la qualification de donation soutenue par l’appelant pour la somme de 280 000 francs.

Comme l’a retenu le premier juge, cette somme est due pour son montant nominal, soit 42 685,72 euros, sans qu’il y ait lieu de la réévaluer au vu de la valeur de l’appartement financé puisque la qualification de donation rapportable est écartée.

La cour constate que, nonobstant les termes de l’acte, qui prévoient que Mme [G] [V] devra verser 140 000 francs à chacun de ses frères, sa dette de 280 000 francs correspond à une créance de l’indivision issue des successions confondues de [O] et [B] [V], sur lequel Mme [G] [V] dispose également de droits à hauteur d’un tiers. En effet, la débitrice ne saurait devoir davantage que la somme effectivement prêtée et il n’est pas allégué qu’elle ait perçu plus que la somme de 420 000 francs.

Les intimés, même s’ils évoquent l’acte du 15 mai 1999 signé par [O] [V], ne contestent pas l’inscription de cette créance à l’actif de l’indivision successorale puisqu’ils sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a dit que l’indivision successorale dispose d’une créance à l’encontre de Mme [G] [V] d’un montant de 42 685,72 euros au titre du prêt consenti le 18 février 1988.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef, sans qu’il soit utile d’examiner davantage la portée de l’acte du 15 mai 1999.

Sur les demandes de l’appelant liées à la jouissance exclusive du bien de [Localité 10] par Mme [G] [V]

L’appelant réitère devant la cour les demandes rejetées par le tribunal d’indemnité d’occupation et de remboursement des travaux effectués depuis janvier 1988 sur ce même bien qui auraient été payés par [O] [V].

Le premier juge a rappelé que selon l’article 815-9 du code civil, un héritier n’est redevable envers l’indivision successorale d’une indemnité d’occupation que pour autant qu’il jouit privativement d’un bien indivis et a souligné que, dès lors que la nue-propriété de la maison de [Localité 10] a été donnée à Mme [G] [V] par la donation-partage du 18 janvier 1988 et qu’elle en est devenue seule propriétaire au décès du dernier donataire, la maison de [Localité 10] n’a jamais été en indivision entre les héritiers de sorte qu’aucune indemnité d’occupation n’est due à l’indivision successorale, et que celle-ci ne peut détenir de créance pour des travaux réalisés sur un bien qui n’a jamais fait partie de son actif.

Comme le relèvent à juste titre les intimés, M. [F] [V] ne fait valoir aucun moyen en critique de cette décision.

Il se borne à réaffirmer qu’il est apparu dans le cadre des discussions engagées devant le notaire en charge de la succession que de nombreux travaux et dépenses afférents à la maison de [Localité 10] ont été financés par [O] [V].

Ces éléments de fait, à les supposer établis, ne sont pas de nature à combattre l’absence de fondement juridique à la demande d’indemnité d’occupation formée par l’appelant.

Le courriel du notaire, Me [P] [L], en date du 21 juillet 2017, indiquant qu’une indemnité d’occupation « peut être due à l’indivision » dans la mesure où Mme [G] [V] admet que son père, qui était encore usufruitier de la maison de [Localité 10], ne pouvait plus s’y rendre depuis 2014, et qu’elle en a donc eu la jouissance privative, ne fournit aucune explication quant à l’absence de droits indivis sur ce bien.

La cour, adoptant les motifs pertinents du premier juge, confirme donc le rejet de la demande de M. [F] [V] tendant au paiement par Mme [G] [V] d’une indemnité d’occupation à l’indivision successorale pour son occupation privative de la maison de [Localité 10] à compter de février 2014.

Par ailleurs, M. [F] [V] ne justifie pas des travaux dont il se borne à alléguer qu’ils ont porté sur le bien de [Localité 10] et ont été financés par son père ; la liste qu’il a lui-même établie est à cet égard dépourvue de force probante et les mentions portées sur les souches de chèques dont la copie est fournie par l’appelant ne permettent pas de rattacher ces paiements à des travaux effectués sur la maison de [Localité 10]. En outre, il convient de rappeler que les époux [V] s’étaient réservés l’usufruit de cette maison et que M. [F] [V] indique lui-même, dans la note récapitulative accompagnant les pièces relatives aux « travaux assumés à [Localité 10] par [son] père après la donation-partage », que les usufruitiers occupaient eux-mêmes le rez-de-chaussée et le premier étage de la maison de sorte qu’ils avaient un intérêt direct aux travaux mentionnés, concernant par exemple la toiture, le ravalement, un puisard, l’entrée extérieure, etc.

Le jugement entrepris sera par conséquent également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [F] [V] tendant au paiement à l’indivision successorale d’une créance d’un montant non déterminé au titre du remboursement des travaux effectués depuis janvier 1988 dans la maison de [Localité 10] qui auraient été acquittés par [O] [V].

Sur la demande de rapport à la succession de la valeur de l’occupation de la maison de [Localité 13] par M. [F] [V]

Il est constant que M. [F] [V] a emménagé en juillet 1989, avec sa famille, dans la maison de [Localité 13] dont il avait acquis la nue-propriété par l’acte de donation-partage du 18 janvier 1988 et dont ses parents conservaient l’usufruit.

Dans le cadre de leur appel incident, les intimés demandent que leur frère rapporte à la succession « la valeur de la libéralité représentant 28 années d’occupation de la maison de [Localité 13], telle qu’elle résultera des opérations liquidatives à venir » en se fondant sur un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 18 janvier 2012, n°09-72.542) pour soutenir qu’en hébergeant le nu-propriétaire dans un immeuble dont ils s’étaient réservé l’usufruit, sans aucune contrepartie, qu’il s’agisse de loyers ou de dépenses au profit des donataires et alors qu’eux-mêmes n’ont plus eu la jouissance de ce bien, les donataires ont manifesté une intention libérale qui s’analyse en une donation rapportable par son bénéficiaire.

Alors que le tribunal a retenu que les époux [V] n’ont manifestement demandé à exercer l’usufruit qu’ils s’étaient réservés aux termes de la donation-partage sur aucun des trois biens immobiliers concernés par cet acte, les intimés affirment qu’ils ont continué à résider dans l’appartement parisien du [Adresse 5] dont la nue-propriété avait été attribuée à M. [H] [V] et qu’ils se rendaient encore dans la maison de Joigny dont la nue-propriété avait été attribuée à Mme [G] [V] à titre de résidence secondaire de sorte que c’est sur le seul bien de [Localité 13] que les donataires ont été privés de leur usufruit.

Pour s’opposer à cette demande, M. [F] [V] fait valoir que les attributions prévues par la donation-partage correspondent aux aspirations de chacun et que la maison de [Localité 13] lui est échue parce qu’il était le seul à pouvoir s’y installer avec sa famille en prenant en charge les travaux à y faire.

Il soutient qu’eu égard aux nombreuses dépenses qu’il a exposées, il n’y a pas lieu de considérer que son occupation a été gracieuse et, en se référant à cet égard à l’arrêt cité par les intimés, qu’il convient d’exclure la qualification de libéralité.

Il ajoute qu’il bénéficiait d’un commodat, lequel serait confirmé par l’autorisation donnée par sa mère en 1991 d’« effectuer dans cette maison tous les travaux d’entretien, de réparations et d’amélioration utiles ».

Il conteste tout appauvrissement de ses parents à son profit. Il prétend en effet que ses parents ne souhaitaient plus tirer de revenus de la maison de [Localité 13], parce qu’ils n’avaient pas besoin de revenus locatifs, dont le bénéfice était résiduel après impôt, et qu’ils ne souhaitaient plus assumer les contraintes d’une mise en location impliquant des travaux de mise aux normes.

S’il estime que sa s’ur, au regard des avantages dont qu’elle a elle-même bénéficié, « est bien mal venue à formuler de telles prétentions, bien au-delà de la prescription quinquennale », il ne soulève pas l’irrecevabilité de la demande de rapport des intimés.

D’une part il sera rappelé que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

D’autre part l’hébergement du donataire de la nue-propriété d’un immeuble par le donateur, qui s’est réservé l’usufruit de celui-ci, ne constitue pas une libéralité rapportable à la succession si, nonobstant l’absence de paiement de loyers, le règlement par le donataire de diverses dépenses au bénéfice du donateur constituait la contrepartie de son hébergement, excluant ainsi toute libéralité, dont la reconnaissance exige, en outre, la preuve d’une intention libérale.

En l’espèce, les travaux que M. [F] [V] affirme avoir financés ne sauraient s’analyser comme des dépenses effectuées au bénéfice de ses parents puisque, ceux-ci lui ayant déjà donné la nue-propriété du bien, l’hypothèse d’une plus-value dont ils auraient pu bénéficier en cas de vente de ce bien était improbable, et que les travaux engagés, qui ne sont pas contestés, avaient surtout pour objet d’entretenir, réparer ou améliorer le cadre de vie de M. [F] [V] et de sa famille puisque le précédent occupant atteste, par une lettre adressée à Mme [G] [V] le 20 août 2021, que la maison et le jardin étaient parfaitement entretenus et offraient un « cadre apprécié, élégant et confortable ».

Ensuite, dans la mesure où il est constant qu’avant l’installation de ces derniers, la maison de [Localité 13] était louée, fût-ce à d’autres membres de la famille, le montant du loyer étant de 5 500 francs par mois, l’appauvrissement des usufruitiers résultant de la perte de cette source de revenus, même réduite par l’effet de la fiscalité, est certain.

L’existence d’un commodat ne peut se déduire du document manuscrit, signé par [B] [W] seule, le 7 mars 1991, portant seulement autorisation donnée à M. [F] [V] et son épouse d’effectuer dans la maison de [Localité 13] tous les travaux d’entretien, de réparations ou d’amélioration utiles.

S’il ressort en revanche de ce document que [B] [W] avait accepté l’occupation de ce bien par son fils [F] et sa famille, ce document ne rapporte pas la preuve qu’elle avait consenti à une occupation gratuite traduisant une intention libérale.

De même, il résulte de la lettre de M. [M] [X], qui louait auparavant la maison, qu’il a libéré les lieux en juillet 1989 « en accord avec » les parents des parties, alors qu’il aurait pour sa part souhaité continuer à y vivre. Il est donc établi que [O] [V] et [B] [W] ont voulu que leur fils [F] puisse s’y installer avec sa famille, mais il n’est pas démontré qu’ils entendaient que cette occupation soit gracieuse.

En outre, la cour relève que, pour faire échec à la demande de rapport des sommes octroyées à Mme [G] [V] en 1988, les intimés déduisent de l’acte du 15 mai 1999 signé par [O] [V] que ce dernier souhaitait compenser l’avantage dont aurait bénéficié son fils [F] en ne réglant pas de loyer, ce qui contredit une intention libérale de sa part. Les intimés sont donc malvenus à soutenir l’inverse pour les besoins de leur propre demande de rapport.

Ils échouent donc à rapporter la preuve, qui leur incombe, d’une intention libérale de leur mère et de leur père au bénéfice de M. [F] [V].

Il y a lieu de les débouter de leur prétention.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Aux termes de l’article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision ; la partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

Il convient, eu égard à la nature du litige et alors qu’aucune des parties ne voit ses prétentions intégralement accueillies, de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage.

A défaut de condamnation d’une partie aux dépens, il ne saurait être fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

En l’absence de partie ‘condamnée aux dépens’, il n’y a pas non plus lieu de faire application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit n’y avoir lieu à actualiser la valeur des trois biens immobiliers visés par l’acte de donation-partage du 18 janvier 1988, à savoir :

– la maison située [Adresse 6],

– la maison située [Adresse 8],

– l’appartement situé [Adresse 5] ;

Infirme le jugement prononcé le 2 novembre 2020 par la 2e chambre du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a rejeté la demande de M. [F] [V] tendant à voir Mme [G] [V] condamnée à rapporter le don de 140 000 francs reçu selon acte sous seing privé du 18 février 1988 ;

Statuant à nouveau,

Ordonne le rapport à la succession de [B] [W] et de [O] [V], par Mme [G] [V], du don de 140 000 francs reçu conformément à l’acte sous seing privé du 18 février 1988, pour son montant de 21 342,86 euros ;

Confirme le jugement prononcé le 2 novembre 2020 par la 2e chambre du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

– dit que l’indivision successorale dispose d’une créance à l’encontre de Mme [G] [V] d’un montant de 42 685,72 euros au titre d’un prêt consenti le 18 février 1988,

– rejeté la demande de M. [F] [V] tendant à voir Mme [G] [V] condamnée à payer une indemnité pour la jouissance du bien immobilier situé à [Localité 10] (89) et à payer à l’indivision successorale une somme au titre des travaux effectués depuis janvier 1988 dans ce même bien et acquittés par [O] [V] ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de M. [F] [V] tendant à voir écarter des débats « l’annexe du 15 mai 1999 (pièce n° 7) produite par Mme [G] [V] lors des discussions amiables entreprises sous l’égide de Me [L], notaire sis à [Localité 14] » ;

Rejette la demande de M. [F] [V] tendant à voir actualiser la valeur du bien immobilier sis [Adresse 3] appartenant à Mme [G] [V] à la somme de 1 011 582 euros pour sa surface initiale de 78 m² ;

Déboute Mme [G] [V] et M. [H] [V] de leur demande de rapport à la succession, par M. [F] [V], de la valeur de 28 années d’occupation de la maison de [Localité 13] ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de M. [F] [V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de Mme [G] [V] et M. [H] [V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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