Droits des héritiers : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00925

·

·

Droits des héritiers : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00925

4 juillet 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
21/00925

1ère Chambre

ARRÊT N°200/2023

N° RG 21/00925 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RK3W

M. [OG] [V] [UG] [OU]

C/

Mme [I] [UG] [TF] [OU] épouse [CS]

Mme [UG] [ME] [OU] épouse [J]

Mme [L] [CW] [I] [UG] [OU] épouse [D]

Mme [BR] [IT] [B] [UG] [OU] épouse [HE]

Mme [NT] [VH] [NF] [UG] [OU] épouse [HS]

Mme [M] [P] [ME] [UG] [OU] épouse [MS]

Mme [NT] [VH] [NF] [UG] [OU] épouse [HS]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 avril 2023 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 juillet 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 13 juin 2023 à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [OG] [V] [UG] [OU]

né le 28 Septembre 1956 à [Localité 11] (56)

[Adresse 19]

[Localité 11]

Représenté par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Nicolas MALLEBRERA de la SCP MORVANT – DAVID – MALLEBRERA-BRET-DIBAT, Plaidant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉES :

Madame [I] [UG] [TF] [OU] épouse [CS]

née le 05 Novembre 1953 à [Localité 11] (56)

[Adresse 15]

[Localité 11]

Représentée par Me Andréa THOMAS de la SCP Bernard BREZULIER – Frédéric LAROQUE-BREZULIER & Andréa THOMAS, avocat au barreau de VANNES

Madame [UG] [ME] [OU] épouse [J]

née le 03 Septembre 1955 à [Localité 11] (56)

[Adresse 14]

[Localité 9]

Représentée par Me Andréa THOMAS de la SCP Bernard BREZULIER – Frédéric LAROQUE-BREZULIER & Andréa THOMAS, avocat au barreau de VANNES

Madame [L] [CW] [I] [UG] [OU] épouse [D]

née le 25 Avril 1963 à [Localité 11] (56)

[Adresse 13]

[Localité 11]

Représentée par Me Andréa THOMAS de la SCP Bernard BREZULIER – Frédéric LAROQUE-BREZULIER & Andréa THOMAS, avocat au barreau de VANNES

Madame [BR] [IT] [B] [UG] [OU] épouse [HE]

née le 26 Janvier 1961 à [Localité 11] (56)

[Adresse 20]

[Localité 9]

Représentée par Me Andréa THOMAS de la SCP Bernard BREZULIER – Frédéric LAROQUE-BREZULIER & Andréa THOMAS, avocat au barreau de VANNES

Madame [M] [P] [ME] [UG] [OU] épouse [MS]

née le 23 Septembre 1964 à [Localité 11] (56)

[Adresse 15]

[Localité 11]

Représentée par Me Andréa THOMAS de la SCP Bernard BREZULIER – Frédéric LAROQUE-BREZULIER & Andréa THOMAS, avocat au barreau de VANNES

Madame [NT] [VH] [NF] [UG] [OU] épouse [HS],

née le 28 Octobre 1959 à [Localité 11] (56)

[Adresse 16]

[Localité 10]

agissant en son nom personnel et en sa qualité de tutrice de

Madame [N] [OU]

née le 21 novembre 1957 à [Localité 11] (56)

demeurant l’EPSM de [Localité 12]

[Localité 12]

Représentée par Me Andréa THOMAS de la SCP Bernard BREZULIER – Frédéric LAROQUE-BREZULIER & Andréa THOMAS, avocat au barreau de VANNES

EXPOSÉ DU LITIGE

[OG] [OU], né le 19 juillet 1926 à [Localité 11] est décédé en la même commune le 18 juin 2008.

Il était marié depuis le 9 novembre 1952, à [A] [S] [UG] [BO], née le 22 mars 1931, sous le régime légal de la communauté de meubles et d’acquêts.

Cette dernière est décédée le 13 novembre 2014.

De leur union sont nés neuf enfants :

– Mme [I] [OU] épouse [CS], née le 05 novembre 1953,

– Mme [UG] [ME] [OU] épouse [J], née le 03 septembre 1955,

– M. [OG] [V] [UG] [OU], né le 28 septembre 1956,

– Mlle [N] [OU], née le 21 novembre 1957,

– Mme [NT] [OU] épouse [HS], née le 28 octobre1959,

– Mme [BR] [OU], épouse [HE], née le 26 janvier 1961,

– Mme [L] [OU] épouse [D], née le 25 avril 1963,

– Mme [M] [OU] épouse [MS], née le 23 septembre 1964,

– [K] [OU] né le 12 novembre 1958 et décédé le 31 juillet 1959, sans postérité.

Viennent donc à la succession des de cujus les huit enfants précités.

Par acte des 14, 20 et 22 octobre 1977, M. [OG] [OU] ‘ls a hérité de Mme [Z] [PV] [UG] [Y] veuve [KH], qui lui a légué la moitié des terres composant la ferme de «[Adresse 19] » dont les parents [OU] étaient locataires. M. [OG] [OU] ‘ls est donc devenu propriétaire des parcelles ZS [Cadastre 4], ZW [Cadastre 6], ZX [Cadastre 5]-[Cadastre 7] et [Cadastre 8] pour une surface de 9ha 36a71ca et bailleur de ses propres parents.

Par acte en date du 7 décembre 1977, reçu par Me [ZU], notaire à [Localité 17], [OG] [OU] père a fait donation à son épouse de l’usufruit de l’universalité de tous les biens meubles et immeubles, droits et actions mobiliers et immobiliers lui appartenant au jour de son décès et composant sa succession.

Selon testament en la forme authentique, reçu par Me [ZU], notaire à [Localité 17], le 13 mars 2008, [OG] [OU] a entendu priver son fils de tout droit sur la quotité disponible de sa succession.

[A] [BO] a également établi un testament en la forme authentique reçu par Me [ZU], le 18 février 2009, comportant une disposition identique.

Après le décès des époux [OU], Me [F], notaire à [Adresse 18], successeur de Me [ZU] a été saisie du règlement amiable des successions mais a dû dresser un procès-verbal de difficultés le 29 juin 2017 compte tenu des désaccords existant entre les héritiers.

C’est ainsi que suivant exploit en date du 3 octobre 2017, M. [OG] [OU] a fait citer ses cohéritières devant le tribunal de grande instance de Vannes en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de leurs parents.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Vannes a :

-Ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale résultant du décès de [OG] [OU], né le 19 juillet 1926 à [Localité 11] et décédé en la même commune le 18 juin 2008, de Madame [A] [S] [UG] [BO], née le 22 mars 1931 à [Localité 11] et décédée le 13 novembre 2014, avec liquidation préalable du régime matrimonial de communauté desdits époux,

-Désigné Me [F], notaire à [Localité 17], pour y procéder,

-Désigné Mme Élodie Gallot-Legrand, vice-présidente au tribunal judiciaire de Vannes, pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté,

-Dit qu’en cas d’empêchement des notaire ou juge commis, ils seront remplacés par simple ordonnance sur requête rendue à la demande de la partie la plus diligente,

-Déclaré irrecevable comme prescrite la demande de paiement d’une créance de salaire différé de M. [OG] [OU],

-Débouté Mme [L] [OU] de sa demande d’attribution de la parcelle cadastrée YM[Cadastre 1],

-Déclaré irrecevable la demande de Mme [L] [OU] de désenclavement de sa parcelle YM [Cadastre 2],

-Débouté les parties du surplus de leurs demandes, sauf à leur donner acte de ce que les biens dépendant des successions litigieuses pourront être vendus, amiablement ou sur licitation le cas échéant, en l’étude du notaire et sur la base d’un cahier des charges par lui établi,

-Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

-Dit n’y avoir lieu à allocation d’aucune indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

-Dit que les dépens seront frais privilégiés de liquidation partage.

Suivant déclaration du 9 février 2021, M. [OG] [OU] a relevé appel de ce jugement seulement en ce qu’il a déclaré irrecevable comme étant prescrite sa demande en paiement au titre d’une créance de salaire différé et dit n’y avoir lieu à l’allocation d’aucune indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les consorts [OU] font quant à eux grief au premier juge d’avoir omis de statuer sur la demande de prise en compte par le notaire des testaments et se sont portés appelants incidents des chefs du jugements relatifs à l’attribution préférentielle de la parcelle YM [Cadastre 1] et à la demande subsidiaire tendant à la reconnaissance d’une servitude de passage.

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 4 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [OG] [OU] demande à la cour de :

-Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré sa créance de salaire différé prescrite et l’en a débouté et en ce qu’il a écarté sa demande de frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

-Déclarer la demande de créance de salaire différée de M. [OG] [OU] recevable et bien fondée,

-Dire et juger que M. [OG] [OU] est fondé à solliciter une créance de salaire différé de 52 193 € et sauf à parfaire au jour du partage en fonction de l’évolution du SMIC,

-Condamner les parties intimées in solidum à verser à M. [OG] [OU], la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles d’appel,

-Condamner in solidum les parties intimées aux entiers dépens et ordonner la distraction de ceux d’appel au profit de la Selarl Luc Bourges en application de l’article 699 du Code de procédure civile,

– Débouter les intimées de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 20 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [I] [OU] épouse [CS], Mme [UG] [OU] épouse [J], Mme [N] [OU] (représentée par sa tutrice Mme [NT] [HS]), Mme [NT] [OU] épouse [HS], Mme [BR] [OU] épouse [HE], Mme [L] [OU] épouse [D], Mme [M] [OU] épouse [MS] (ci-après les consorts [OU]) demandent à la cour de :

-Dire et juger les concluants recevable et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,

-Débouter M. [OG] [OU] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-Confirmer le jugement prononcé le 17 novembre 2020 en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de paiement d’une créance de salaire différé de M. [OG] [OU] et à titre subsidiaire, l’en débouter,

-Recevoir les concluants en leur appel incident,

En conséquence,

-Réformer le jugement en ce qu’il a omis de statuer sur la demande des concluants de prise en compte des testaments dans les opérations de comptes liquidation et partage,

Statuant à nouveau,

-Dire et juger que le notaire devra tenir compte des testaments déposés par les de cujus,

-Décerner acte à M. [OG] [OU] qu’il en demande l’application,

-Réformer le jugement en ce qu’il a débouté et déclaré irrecevable Mme [L] [OU] en ses demandes sur les parcelles,

Statuant à nouveau,

-Dire et juger que la parcelle cadastrée commune de [Localité 11], section YM [Cadastre 1], sera attribuée à Mme [L] [OU] épouse [D] pour une valeur de 600 € avec son chemin d’accès,

-Dire et juger que nul n’est tenu de rester enclavé et ainsi, à titre subsidiaire, si la parcelle YM [Cadastre 1] n’est pas attribuée à Mme [OU] [L], dire et juger qu’une servitude de passage sur la parcelle YM [Cadastre 3] doit lui être accordée pour permettre l’accès à sa parcelle YM [Cadastre 2],

-Condamner M. [OG] [OU] à verser aux concluants la somme de 3 000€ pour les frais irrépétibles de première instance et la somme de 4 000 € pour les frais irrépétibles d’appel,

-Dire et juger les dépens en frais privilégiés de partage.

MOTIVATION DE LA COUR

1°/ Sur la demande de créance de salaire différé

Selon l’article L. 321-13 alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime : « les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé, sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers.

Le taux annuel du salaire sera égal pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l’exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l’exploitant ».

Aux termes de l’article L321-17 alinéa 1 du Code rural et de la pêche maritime: ‘le bénéficiaire de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l’exploitant et au cours du règlement de la succession’ .

A défaut de règles spécifiques à la créance de salaire différé, l’action est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du Code civil, depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 18 juin 2008.

Dès lors, toute action en paiement d’une créance de salaire différé pour des successions ouvertes avant cette date doit être introduite avant le 19 juin 2013 sous peine d’être prescrite.

Il est admis que lorsque deux époux peuvent être qualifiés de co-exploitants ou d’exploitants successifs, le créancier de salaire différé doit être réputé titulaire d’un seul contrat pour sa participation à l’exploitation et qu’il peut exercer son droit de créance sur l’une ou l’autre des successions.

En l’espèce, M. [OG] [OU] poursuit la reconnaissance d’une créance de salaire différé l’égard de la succession de sa mère, [A] [BO] épouse [OU], décédée le 13 novembre 2014.

La qualité d’ exploitant agricole de [OG] [OU] père n’est pas contestée. La question est de savoir si la cour peut, d’après les preuves produites, retenir ce même statut pour son épouse, étant précisé que les intimées le contestent.

Il ressort de la reconstitution de carrière datée du 27 mai 2016 et de l’attestation du 30 janvier 2018 établies par la MSA des Portes de Bretagne, que [A] [BO] épouse [OU] avait le statut de conjointe de chef d’exploitation entre le 1er janvier 1953 et le 31 décembre 1986 et qu’elle a pris la suite de son mari comme chef d’exploitation du 30 juin 1986 au 31 décembre 1990.

M. [OG] [OU] revendique quant à lui un contrat de travail à salaire différé pour la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1980.

Il est certain qu’à cette époque, d’un point de vue légal, Mme [BO] ne pouvait avoir le statut de co-exploitante. Il convient de rappeler que le statut de conjoint collaborateur n’a été créé qu’en 1999.

Il peut cependant être admis que deux époux qui ont mis en valeur ensemble et pour leur compte une même exploitation agricole soient présumés avoir été des co-exploitants, si le mari et la femme participaient ensemble et de façon effective aux travaux et à la direction de l’exploitation, en se partageant les tâches et les rôles.

Il importe donc d’examiner les éléments de preuve susceptibles de caractériser des faits de co-exploitation, c’est à dire une participation effective, égalitaire et non occasionnelle de Mme [BO], non seulement aux travaux d’exécution de la ferme mais également, à la direction de l’exploitation, entre 1976 et 1980.

Pour justifier la qualité de co-exploitante de sa mère, M. [OU] produit divers actes notariés, des actes d’état civil ainsi que des actes relatifs au remembrement dans lesquels les époux [OU] sont désignés comme « agriculteurs » ou « cultivateurs ».

Toutefois, ces énonciations procèdent essentiellement des déclarations des parties et n’ont pas vocation à refléter une situation juridique avérée. Par ailleurs, elles ne démontrent en rien le rôle effectif de Mme [BO] en qualité d’exploitante aux côtés de son mari.

De même, le fait que le bail rural consenti en 1978 aux époux [OU] par Mme [Y] désigne Mme [BO] épouse [OU] en qualité de co-preneuse et les époux [OU] comme « cultivateurs », ne saurait faire la preuve de la co-exploitation effective de la défunte, dés lors qu’il n’est pas exclu que cette mention traduise seulement la volonté d’un double engagement des époux sans renvoyer à une réalité concrète.

De fait, il ne peut être tiré aucune preuve des actes notariés dont les énonciations sont fluctuantes.

A titre d’exemple, l’acte authentique de vente de parcelles appartenant aux époux [R], aux époux [OU], publié le 21 février 1979 mentionne «Monsieur [OG] [O] [UG] [OU] propriétaire cultivateur et Madame [A] [S] [UG] [BO], son épouse », sans mention de sa qualité d’agricultrice ou de cultivatrice.

Au surplus, cet acte reproduit l’arrêté préfectoral du 7 décembre 1978 portant autorisation d’exploiter à M. [OU] [OG], seul, sans mention de son épouse.

S’agissant de la participation effective de Mme [BO] aux travaux de la ferme, M. [OG] [OU] ne produit strictement aucune pièce de nature à justifier de l’activité agricole de sa mère sur l’exploitation, pendant la période 1976-1980, ni postérieurement d’ailleurs.

Au contraire, les attestations qu’il produit pour justifier de son statut d’aidant familial n’évoque que l’exploitation de et par M. [OU] père. Il n’est fait aucune mention de [A] [BO].

Ainsi, l’attestation de la MSA indique t-elle que M. [OU] fils a été affilié en tant qu’aide familial mineur du 01/10/1973 au 31/12/1974 et en tant qu’aide familial majeur du 01/01/1975 au 16 /05/1976 « sur l’exploitation de M. [OG] [OU] ».

Il ressort également de l’attestation de M. [GD] [IF] que « [OG] effectuait le travail pour son père. »

M. [E] [G] atteste que « jusqu’au début des années 80 (…) M. [OG] [OU] (fils) effectuait, les travaux agricoles sur l’exploitation de son père (…) »

Mme [W] [UU] se souvient que ses parents possédaient du matériel en commun avec des agriculteurs du secteur dont [OU] [OG] et que « celui-ci handicapé était aidé par son fils, [OG], aide familial. »

L’attestation de M. [CE] [C], produite par les intimés, se souvient avoir vu [I] ([I] [CS]) et [ME] ([UG] [ME] [J]) « travailler sur l’exploitation de leur père pendant leur scolarité et les années qui ont suivi ».

S’agissant de la participation effective de [A] [BO] à la direction de l’exploitation, M. [OG] [OU] ne produit pas davantage de pièces susceptibles de démontrer une implication dans la gestion de l’exploitation, auprès de fournisseurs ou de clients.

Aucun bon de commande, aucune facture établie ou signée par Mme [BO] n’est produite.

De leur côté, les intimées produisent des factures d’entreprises de travaux agricoles (établissements  [U] [H]  et [X] [T]) datées de 1976 et de 1978, établies au nom de [OG] [OU], ce qui n’est toutefois pas surprenant dans la mesure où [OG] [OU] père était alors le chef d’exploitation.

En revanche, ces factures sont annotées. La cour constate que M. [OU] ne soutient pas que ces annotations, pas plus que les mentions manuscrites figurant sur les talons de chèques également produits, émaneraient de sa mère.

Au total, les éléments de preuve sont insuffisants pour retenir l’existence d’une co-exploitation par les deux époux entre 1976 et 1980.

Comme l’a relevé le tribunal, il s’évince des pièces produites qu’en réalité, chacun des parents a été successivement exploitant de la même exploitation, [A] [BO] devenant chef d’exploitation en 1986.

C’est du reste ce que confirmait la défunte elle-même dans son testament en indiquant « je ne veux pas qu’il réclame [son fils] un salaire différé à ses s’urs, car il n’a pas toujours travaillé avec mon mari, il n’a jamais travaillé avec moi lorsque j’étais à mon compte et lorsque mon mari était à son compte, il a travaillé ailleurs bien que nous ayons payé de la mutualité pour lui. J’estime que mon mari et moi lui avons donné assez de choses en nature et que son salaire différé est déjà récupéré. »

En définitive, il importe peu que M. [OG] [OU] ait travaillé en tant qu’aide familial dans l’exploitation agricole de son père entre 1976 et 1980, dès lors que la qualité de co-exploitante de sa mère ne peut être retenue sur cette période. Par ailleurs, celle-ci n’a acquis la qualité d’exploitante agricole qu’à compter de l’année 1986, date à laquelle M. [OU] ne travaillait déjà plus sur l’exploitation. Il s’en déduit que le contrat de travail à salaire différé, à le supposer établi, n’a pu reçevoir exécution que durant la période d’exploitation du défunt père, [OG] [OU], auquel la créance de salaire différé doit donc être rattachée.

Il appartenait en conséquent à M. [OG] [OU] de faire valoir la totalité de sa créance de salaire différé sur la succession de son père (décédé le 18 juin 2008) soit avant le 19 juin 2013. L’assignation délivrée le 3 octobre 2017 est manifestement tardive.

Le jugement ayant déclaré la demande en paiement au titre d’une créance de salaire différée irrecevable comme étant prescrite sera confirmé.

2°/ Sur la demande de prise en compte des testaments par le notaire

En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les consorts [OU], le tribunal n’a pas omis de répondre à cette demande. Cette dernière a en effet été rejetée par l’effet de la disposition du jugement ayant débouté les parties du surplus de leurs demandes.

En second lieu, dans la mesure où la validité des testaments n’est pas remise en cause par M. [OG] [OU], qui n’a saisi aucune juridiction d’une demande de nullité, la cour ne voit pas à quel titre le notaire les écarterait dans le cadre des opérations successorales.

Il n’y a pas lieu de trancher un litige qui n’existe pas, ni de dire au notaire ce qu’il doit faire.

C’est donc de manière parfaitement justifiée que le tribunal a débouté les consorts [OU] de leur demande de « dire et juger  que le notaire devra tenir compte des testaments déposés par les de cujus».

De même, il n’y a pas lieu de « décerner acte » à M. [OU] qu’il demande l’application de ces testaments.

3°/ Sur la demande d’attribution préférentielle de la parcelle YM [Cadastre 1]

Aux termes de l’article 831 du Code civil : « le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l’héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants ».

Mme [L] [OU] épouse [D] fonde cette demande sur la disposition testamentaire de sa mère [A] [BO] indiquant : « Je souhaite que la terre avec l’étang soit proposée à ma fille [L], sur son héritage de la terre et elle recevra le reste en argent comme les autres, si elle est d’accord. Je veux que la terre de l’étang soit évaluée sans l’étang car c’est son mari qui l’a fait aménagé. »

L’estimation de cette parcelle YM [Cadastre 1] (sans l’étang) a été faite par le notaire à hauteur de 600 euros.

Il est constant que cette parcelle YM [Cadastre 1] était un bien appartenant en propre à [OG] [OU] père, lequel n’a consenti à son épouse qu’une donation de l’usufruit de l’universalité de tous les biens meubles et immeubles composant sa succession.

En vertu de l’article 895 du Code civil, le testateur de peut disposer que de ses biens. Il s’ensuit que [A] [BO] ne pouvait par ce testament constituer un legs particulier au profit de sa fille [L].

C’est d’ailleurs sans nul doute la raison pour laquelle cette dernière ne revendique pas un legs mais forme une demande d’attribution préférentielle, sans toutefois expliciter ni justifier par aucune pièce le bien fondé de cette demande, au regard des conditions limitatives énumérées par l’article 831 du Code civil.

Le jugement ayant rejeté cette demande ne pourra qu’être confirmé.

4°/ Sur la demande de reconnaissance d’une servitude légale de passage pour cause d’enclave

Mme [D], propriétaire de la parcelle AY[Cadastre 2], estime être enclavée et que son désenclavement suppose soit l’attribution préférentielle de la parcelle AY [Cadastre 1] soit la reconnaissance d’une servitude de passage légale sur la parcelle YM [Cadastre 3].

Toutefois cette demande n’intéresse pas les parties en tant que co-héritiers à la succession de leur parents mais en tant que propriétaires de parcelles voisines. Elle tend à la constitution d’un droit réel, sans aucun lien avec les opérations de compte, liquidation partage des successions de M. [OU] et de Mme [BO].

C’est par conséquent à juste titre, que le tribunal a jugé en application de l’article 70 du Code de procédure civile, que cette demande reconventionnelle était irrecevable comme ne se rattachant pas par un lien suffisant aux prétentions originaires.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

5°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que les dépens seront utilisés en frais privilégiés de partage.

Succombant à nouveau en appel, M. [OG] [OU] sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de le condamner sur ce même fondement à régler aux intimées la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Les dépens d’appel seront utilisés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Vannes en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute M. [OG] [OU] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M. [OG] [OU] à payer à Mme [I] [OU] épouse [CS], Mme [UG] [OU] épouse [J], Mme [N] [OU] (représentée par sa tutrice Mme [NT] [HS]), Mme [NT] [OU] épouse [HS], Mme [BR] [OU] épouse [HE], Mme [L] [OU] épouse [D], Mme [M] [OU] épouse [MS] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ,

Dit que les dépens d’appel seront utilisés en frais privilégiés de partage.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x