Droits des héritiers : 4 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/05696

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Droits des héritiers : 4 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/05696

4 avril 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
21/05696

1ère Chambre

ARRÊT N°103/2023

N° RG 21/05696 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SAFL

Mme [D] [K]

C/

Me [O] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 avril 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 21 mars 2023 à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [D] [K]

née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 12] (22)

[Adresse 2]

[Adresse 13]

[Localité 6]

Représentée par Me Lucie MARCHIX de la SELARL ALIX AVOCATS, avocate au barreau de RENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010824 du 17/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

Maître [O] [L]

né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 14] (59)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Caroline RIEFFEL de la SCP BG ASSOCIÉS, avocate au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [K] a été mariée à M. [Y] jusqu’à leur divorce prononcé par jugement du 14 janvier 1998, confirmé par un arrêt du 21 février 2000. M. [Y] a été condamné au versement d’une pension alimentaire pour chacun de ses trois enfants.

Par jugement du 3 juin 1998, celui-ci a été condamné au paiement d’une prestation compensatoire à son épouse d’un montant de 80.000 francs.

Par jugement du 8 novembre 2004, la cour d’appel de Rennes a condamné M. [Y] à payer à Mme [K] la somme de 400 € par mois et par enfant, au titre de sa contribution alimentaire. Cette décision a été signifiée à M. [Y] à son domicile, situé en [Adresse 9], le 22 mars 2005.

Celui-ci aurait cessé, selon son ex-épouse, de s’acquitter de son obligation alimentaire au cours de l’année 2005 où les paiements étaient irréguliers, pour ne plus rien payer à compter de l’année 2016.

M. [Y] a saisi le juge aux affaires familiales d’une requête en suppression de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de ses enfants en invoquant son impécuniosité, laquelle a été rejetée le 12 avril 2006 par jugement du juge aux affaires familiales de Guimgamp qui portait par ailleurs la contribution alimentaire due à [I] [Y] à la somme de 400 euros avec versement direct au profit de ce dernier, intervenu volontairement à la procédure. La cour d’appel a confirmé ce jugement dans son arrêt du 2 juillet 2007.

Entre novembre 2005, au moment où M. [Y] a cessé de régler son dû et septembre 2012, date à laquelle le plus jeune fils ([R]) est devenu autonome, Mme [K] a estimé qu’elle aurait dû percevoir de M. [Y] la somme de 48 298,04 € au titre des pensions alimentaires ordonnées au bénéfice de ses fils [E] et [R] [Y], outre le montant de la prestation compensatoire que lui devait M. [Y] à hauteur de 26 067,52 € qu’elle n’a jamais perçu.

C’est dans l’objectif de faire exécuter les différentes décisions de justice prononcées contre son ex-mari et de recouvrer ces sommes que Mme [D] [K] s’est rapprochée de Me [O] [L], avocate au barreau de Saint-Brieuc, revendiquant une spécialité en droit des mesures d’exécution.

Me [O] [L] a reçu Mme [K] en consultation le 2 octobre 2009. Celle-ci s’est fait remettre diverses pièces, notamment les décisions de justice successivement rendues en matière civile et pénale.

Mme [K] a réglé deux factures à son avocate d’un montant total de 2 207,90 euros, correspondant à l’analyse du dossier avec rédaction d’une note de synthèse, à six rendez-vous, à une enquête hypothécaire et aux honoraires de suivi de dossier de Me [C], huissier de Justice. Ces honoraires ont été contestés devant le bâtonnier de l’ordre des avocats de Saint-Brieuc qui les a, au contraire, estimés justifiés par décision du 26 septembre 2014, confirmée par le magistrat délégué du Premier président de la cour d’appel aux termes d’une ordonnance de taxe en date du 19 juillet 2016.

Considérant que son avocate n’avait accompli aucune démarche, elle a mis fin à sa mission par courrier du 28 janvier 2013 et lui demandait de transmettre son entier dossier à sa nouvelle avocate, ce que Me [L] a fait dès le 30 janvier 2013.

Courant 2007, la saisie des rémunérations de M. [Y] (en l’occurrence de ses pensions de retraite) a été ordonnée afin d’obtenir le règlement de la prestation compensatoire et des dommages-et-intérêts obtenus devant les juridictions pénales.

Considérant qu’en revanche, le manque de diligence de son avocate lui a fait perdre la possibilité de recouvrer les pensions alimentaires dues et non réglées entre 2005 et 2012 compte tenu de la prescription des échéances, Mme [K] a, suivant acte d’huissier du 16 octobre 2018, introduit devant le tribunal de grande instance de Rennes une action en responsabilité à l’encontre de Me [O] [L], aux fins d’être indemnisée de ses préjudices.

Par jugement en date du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à verser à Me [O] [L] la somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 6 septembre 2021, Mme [D] [K] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 21 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 al. 1er du code de procédure civile, pour l’exposé des moyens et prétentions Mme [D] [K] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 1er juin 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et condamné à payer une indemnité au titre des frais irrépétibles,

et, statuant à nouveau :

– juger que Mme [O] [L] a commis des fautes dans l’accomplissement de sa mission,

– juger que ces fautes lui ont occasionné des préjudices,

– juger que Me [O] [L] est responsable des préjudices qu’elle a subis,

– condamner Me [O] [L] à lui payer les sommes suivantes :

* 45 833.14 € au titre de la perte de chance de voir ses prétentions aboutir avec succès,

* 2 207.90 € au titre des frais inutilement exposés,

* 15 000 € au titre du préjudice moral subi,

– assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation initiale,

– débouter Me [O] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner Me [O] [L] à lui verser à la somme de 1.500 € en application de l’article 700-1 du Code de procédure civile,

– condamner Me [O] [L] à verser à Me Lucie Marchix la somme de 3 000 € en application de l’article 700-2 du Code de procédure civile et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

– condamner Me [O] [L] aux entiers dépens.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 13 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 al. 1er du code de procédure civile, pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Me [O] [L] demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes du 1er juin 2021,

en conséquence,

– débouter Mme [K] de son appel, de ses demandes, fins et conclusions, – condamner Mme [D] [K] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance dont distraction au profit de la SCP BG Associés.

MOTIVATION DE LA COUR

Il résulte de l’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il est constant que la mission d’assistance en justice comporte pour l’avocat un devoir de compétence et qu’à ce titre, il est tenu d’accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client. Il est par ailleurs tenu d’un devoir de conseil.

L’engagement de sa responsabilité suppose de démontrer l’existence d’une faute dont il est résulté un préjudice, lequel ne peut s’analyser que comme une perte de chance de voir prospérer la demande en justice.

1°/ Sur la responsabilité de Me [L]

En l’espèce, il est constant qu’en 2009, Mme [K] a chargé Me [L] de faire exécuter les décisions de justice obtenues à l’encontre de son ex-mari M. [X] [Y], en poursuivant le recouvrement des condamnations civiles et pénales mises à charge de ce dernier, demeurant en [Adresse 9].

Mme [K] reproche à Me [L] de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires au recouvrement des contributions alimentaires fixées pour ses fils [E] et [R], échues entre novembre 2005 et juillet 2012, non réglées par M. [Y]. Le montant de sa créance, selon ses calculs, s’élève à la somme de 48.298,04 euros.

Le débat sur la responsabilité de Me [L] ne concerne ni le recouvrement de la prestation compensatoire (par ailleurs, en cours de recouvrement au moyen d’une saisie des rémunérations) ni les contributions fixées pour [I] [Y], pour lequel aucune demande n’est formée.

Mme [K] a saisi son avocate en octobre 2009 et l’a déchargée en janvier 2013. Il est constant qu’aucune mesure de recouvrement, en exécution notamment de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes rendu le 8 novembre 2004, n’a été mise en oeuvre pendant cette période.

Il importe donc de rechercher si l’absence de recouvrement sur les biens et revenus possédés par M. [Y], en [Adresse 10] ou en [Adresse 9], est imputable à un manque de diligences de Me [L].

S’agissant du recouvrement en [Adresse 9]

Sur la faute

Mme [K] considère que des diligences auraient pu être entreprises par son avocate pour tenter d’exécuter en [Adresse 9] les décisions rendues par les juridictions françaises. Elle reproche plus particulièrement à Me [L], d’une part, de n’avoir effectué aucune démarche en vue d’obtenir une exequatur ou un titre exécutoire européen et, d’autre part, de ne pas avoir contacté l’avocat espagnol, ce malgré plusieurs relances.

Mme [K] conteste avoir chargé Me [U], avocat à la cour de Grenade en [Adresse 9], de procéder au recouvrement de ses créances sur les biens et les revenus de M. [Y] situés en [Adresse 9]. Elle produit en ce sens un courrier non daté dans lequel cet avocat atteste ne pas avoir été mandaté par Mme [K] et qu’il s’attendait à être contacté par sa cons’ur française, Me [O] [L].

Cependant, ce courrier est en totale contradiction avec le contenu d’un courriel adressé à Me [U] le 22 janvier 2010 dans lequel Mme [K] écrit « Je vous confirme l’échange que nous avons eu tout à l’heure au téléphone. Je vous demanderai de me représenter en [Adresse 9] dans une affaire de saisie sur comptes bancaires et/ou sur un patrimoine immobilier. (‘)Les jugements munis des formules exécutoires étant en la possession de Me [L], je dois lui parler d’abord, car elle doit intervenir également en [Adresse 10], sur un bien à l'[Localité 11]. (‘) ».

Dans un courrier du 28 janvier 2010, Mme [K] informait son avocate de l’intervention de Me [U] en lui indiquant : « J’ai téléphoné à Me [U] et lui ai demandé s’il peut intervenir, il m’a dit oui, sans problème, il fera un exequatur et les frais seront à la charge de [X] [Y] mais il me demandera des provisions ».

À cet égard, par courrier du 10 juin 2010, Mme [K] demandait à Me [U] de lui faire connaître le montant de ses honoraires et de lui adresser un devis approximatif concernant le coût d’une enquête hypothécaire en [Adresse 9]. Elle l’informait par ailleurs avoir demandé à son avocate, Me [O] [L], de se mettre en rapport avec lui, notamment concernant l’enquête hypothécaire sur les biens dont M.[X] [Y] serait propriétaire ou héritier sur la commune d’Almunecar. 

Le mandat confié à l’avocat espagnol est encore confirmé par un courriel adressé par Mme [K] à Me [L] le 16 juin 2011indiquant : « Me [U] propose que vous preniez contact avec lui par mail pour lui expliquer ce que nous voulons, il dira ce qu’il peut faire. (‘) pour ce qui est de ses honoraires, il m’a confirmé que c’est le débiteur qui en aura la charge. Je voudrais qu’il s’occupe aussi de la saisie sur compte bancaire, pour la pension alimentaire de [R], car les 5 huissiers que j’ai contactés depuis hier disent ne pas savoir faire. Ils n’ont jamais eu affaire à ce genre de procédure dans ce secteur (‘) ».

Enfin, en page 15 de ses conclusions, Mme [K] écrit que Me [V] [U] devait « coordonner » les opérations avec Me [L] afin d’exécuter les jugements à l’encontre de M. [Y]. 

Il se déduit de ces correspondances, que Mme [K] entendait dissocier les voies d’exécution à mener en [Adresse 10] et en [Adresse 9] en confiant à Me [L] la mission principale de tenter de recouvrer sa créance sur les droits que M. [Y] détenait dans un immeuble indivis situé sur l'[Localité 11] et en confiant à un avocat espagnol, les voies d’exécution forcées sur les biens et revenus de M. [Y] en [Adresse 9].

S’agissant des saisies sur les comptes bancaires détenus par son ex-mari en [Adresse 9], il n’est question dans aucune des correspondances précitées, d’une éventuelle intervention de Me [L] puisque Mme [K] entendait manifestement confier cette mission à des huissiers français avant d’envisager de désigner Me [U].

Par ailleurs, avant d’envisager une saisie en [Adresse 9] sur le patrimoine de M. [Y], encore fallait-il identifier les biens dont celui-ci pouvait être propriétaire ou héritier (suite au décès de sa mère, Mme [H]) sur le territoire espagnol. Tel était l’objet de l’enquête hypothécaire. Or, c’est bien Me [U] qui était chargé de procéder à l’enquête hypothécaire préalable, ainsi qu’il résulte de la demande de devis précitée (courrier du 10 juin 2010).

Il n’est pas démontré que pour réaliser cette enquête hypothécaire en [Adresse 9], Me [U] avait besoin des décisions de justice rendues en [Adresse 10] ni d’un contact particulier avec Me [L] dès lors qu’il avait été mandaté par Mme [K].

Ainsi, le fait que Me [L] se soit abstenue de contacter son confrère espagnol en dépit des demandes réitérées de Mme [K] ne pouvait avoir aucune incidence sur la mission confiée à ce dernier, laquelle se limitait dans un premier temps à réaliser une enquête hypothécaire.

Or, il n’est fait état d’aucune enquête hypothécaire diligentée par Me [U] avant le dessaisissement en 2013 de Me [L], sans que cela ne puisse être imputé à cette dernière.

En outre, dans la mesure où il n’est pas démontré qu’au moment de son intervention (entre 2009 et 2013), Me [L] disposait d’éléments suffisants d’information sur les biens et revenus détenus par M. [Y] en [Adresse 9] (notamment en l’absence d’enquête hypothécaire), il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir mis en ‘uvre les procédures d’exequatur ou de titre exécutoire européen, lesquelles ne se justifiaient qu’en présence de biens ou de revenus saisissables en dehors du territoire national.

L’issue de telles procédures étaient d’autant plus incertaine que les décisions de justice que Me [L] avait en sa possession (jugement de Guingamp du 12 avril 2006 et arrêt de la cour d’appel de Rennes du 8 novembre 2004) faisaient état du manque de transparence du débiteur quant à sa situation financière, laissant suspecter une organisation de son insolvabilité.

Ainsi, dès lors que sa cliente a entendu confier les procédures de recouvrement à mener en [Adresse 9] à un confrère espagnol et qu’au surplus, elle ne disposait d’aucun élément sur la situation financière et patrimoniale du débiteur lui permettant d’évaluer la pertinence de la mise en ‘uvre de mesures d’exécution transfrontalières, il doit être considéré qu’aucun manquement de Me [L] à ses obligations professionnelles ne peut être retenu.

Sur le lien de causalité

Le premier juge a rappelé à juste titre que l’avocat est tenu à une obligation de diligence et non de résultat.

À cet égard, Mme [K] produit en pièce n°43, divers documents émanant du registre de la propriété de la commune d’Almunecar dont la traduction révèle qu’il s’agit des résultats d’une « enquête juridico-économique sur le crédit, la solvabilité et la responsabilité », sollicitée auprès des services de la commune par Me [U], vraisemblablement dans le courant de l’année 2020 (le document ne porte trace ni de la date de la demande de renseignements hypothécaires, ni de celle de son établissement, mais il est indiqué que les données qui y sont mentionnées se réfèrent à la date du 3 mars 2020).

Il ressort de ces documents, assimilables à une enquête hypothécaire, que M. [X] [Y] n’est propriétaire d’aucun bien immobilier en [Adresse 9]. Sa mère, pourtant décédée depuis le [Date décès 3] 2008, apparait toujours propriétaire en 2020 de plusieurs immeubles et locaux commerciaux.

La cour ne dispose cependant d’aucun élément relatif aux droits de M. [Y] dans la succession de cette dernière.

En tout état de cause, il n’est justifié par aucune pièce du patrimoine effectivement détenu par M. [Y] entre 2009 et 2013.

Par ailleurs, il n’est pas démontré ni même allégué qu’une saisie immobilière aurait eu lieu dans les suites du dessaisissement de Me [L] (soit depuis 2013), confirmant ainsi qu’en l’absence de patrimoine, toute procédure d’exécution en [Adresse 9] était vouée à l’échec.

Ainsi, il y a lieu de retenir comme le premier juge, que l’absence de recouvrement en [Adresse 9] est liée soit à l’absence de patrimoine de M. [Y] soit à l’organisation de son insolvabilité. En tout état de cause, la perte de chance pour Mme [K] de recouvrer ses créances en [Adresse 9] doit être considérée comme inexistante.

S’agissant du recouvrement en [Adresse 10]

Mme [K] estime que Me [L] n’a accompli aucune démarche en vue de poursuivre l’exécution des décisions de justice sur les éventuels biens et liquidités dont disposait M. [Y] en [Adresse 10], alors qu’elle était informée que suite au décès de sa mère, celui-ci était héritier pour 1/6e d’un bien immobilier situé sur l'[Localité 11].

La cour observe cependant que ne figure au dossier ni attestation de dévolution successorale ni acte de notoriété. Contrairement à ce que prétend Mme [K], le fait que M. [Y] soit héritier pour 1/6 d’un bien immobilier situé à l'[Localité 11], consécutivement au décès de sa mère, n’est donc nullement établi.

En outre, il n’est pas justifié que Me [L] avait connaissance d’éléments relatifs à l’ouverture en [Adresse 10] de la succession de Mme [H], résidente espagnole, décédée en [Adresse 9] le [Date décès 3] 2008, ni de la consistance du patrimoine éventuellement transmis à son fils M. [Y].

Mme [K] se contente d’affirmer en page 17 de ses conclusions : « une succession avait certainement été ouverte auprès d’une étude notariale française », sans plus de précisions.

Si effectivement, dans un courrier daté du 28 janvier 2010, Mme [K] indique à son avocate avoir retrouvé les coordonnées du notaire qui s’occupait habituellement des affaires de [W] [H], la mère de son ex-mari en [Adresse 10], rien ne démontre que ce notaire était bien celui en charge de la succession.

L’existence même d’une succession ouverte en [Adresse 10] avant le dessaisissement de Me [L] est plus qu’incertaine, dès lors que dans un courrier daté du 18 novembre 2011, Mme [S] (copropriétaire indivise du bien situé à l'[Localité 11]) indiquait à Mme [K] qu’elle n’était pas informée du décès de Mme [H] et qu’elle la remerciait de bien vouloir lui transmettre les coordonnées de M. [Y] « afin de pouvoir provoquer l’ouverture de la succession ».

Enfin, il est observé que devant la cour d’appel d’Aix en Provence ayant statué par un arrêt du 9 juillet 2020 sur l’appel de M. [Y] à l’encontre d’un jugement ayant ordonné la saisie de ses rémunérations, Mme [K] exposait que M. [X] [Y] avait hérité de sa mère Mme [A], de deux appartements situés à [Adresse 8] et d’une maison en indivision située sur l'[Localité 11].

La cour en déduit qu’en 2020, alors que Me [L] était dessaisie depuis janvier 2013 et que plusieurs conseils se sont succédés au soutien des intérêts de Mme [K], aucun partage ni mesure d’exécution forcée n’a manifestement pu aboutir sur la maison située à l'[Localité 11] (à l’instar des immeubles situés en [Adresse 9]).

Il s’en infère que l’absence de recouvrement ne peut être rattachée à d’éventuels manquements de Me [L] mais bien à l’impossibilité de saisir un quelconque bien appartenant à M. [Y].

Enfin, au cours de la période 2009-2013, il était tout aussi impossible de saisir d’éventuels revenus de M. [Y] en [Adresse 10]. En effet, la procédure de paiement direct initiée en 2004 a été mise en échec dès 2005, M. [Y] n’étant plus bénéficiaire à compter de cette date, d’aucun revenu de remplacement, selon l’Assédic. Il n’était même plus connu des services fiscaux (pièce appelante n°41). Mme [K] explique avoir introduit une requête en saisie des rémunérations à compter de l’année 2017, date à laquelle M. [Y] a perçu des pensions de retraite en [Adresse 10]. Il s’en déduit qu’entre 2005 et 2017, celui-ci ne disposait d’aucun revenu susceptible d’être saisi, sur le territoire national. Si tel avait été le cas, il est certain que les huissiers avec lesquels Mme [K] étaient en contact (Me [T], Me [C]) auraient été mandatés pour relancer la procédure de paiement direct ou une saisie des rémunérations.

Au total, à l’instar du tribunal, il doit être considéré que l’absence d’exécution en [Adresse 10] est liée soit à l’absence de revenus ou de patrimoine de M. [Y] sur le territoire national, soit à l’organisation de son insolvabilité, laquelle à ce jour, malgré les consultations de divers professionnels, n’a pu être contournée par Mme [K].

Ainsi, quelles qu’aient pu être les diligences de l’avocate, il n’existait au moment où celle-ci est intervenue, aucune perspective réelle et certaine de recouvrement en [Adresse 10]. La perte de chance doit être considérée comme inexistante.

S’agissant de la prescription

Au surplus, Mme [K] fait valoir que l’inertie de Me [L] lui a fait perdre toute chance de recouvrer les pensions dues entre novembre 2005 et septembre 2012, en exécution des arrêts de la cour d’appel de Rennes du 8 novembre 2004 (signifié le 22 mars 2005) et du 2 juillet 2007 (signifié le 12 septembre 2007) en raison de la prescription.

Toutefois, il y a lieu de considérer que les constitutions de parties civiles de Mme [K] du 3 décembre 2007 et du 6 octobre 2008 du chef d’abandon de famille, s’analysent en des actions en recouvrement dès lors qu’elles tendaient à l’exécution par la contrainte pénale de décisions civiles lui octroyant une pension alimentaire, de sorte qu’elles ont interrompu la prescription jusqu’au 21 juin 2016, l’arrêt de la cour d’appel de Rennes mettant fin à l’instance pénale étant intervenu le 21 juin 2011.

En outre, comme l’a relevé le premier juge, cet arrêt du 21 juin 2011 mentionne des paiements spontanés de M. [Y] au titre des pensions alimentaires entre novembre et décembre 2003, ce qui valant reconnaissance de dette, a interrompu la prescription jusqu’en décembre 2013, compte tenu du délai de prescription décennal alors applicable.

Me [L] a été dessaisie à compter du 28 janvier 2013 au profit de Me [M] à qui elle a immédiatement adressé le dossier. Par conséquent, Mme [K] ne peut reprocher à Me [L] d’être à l’origine de la prescription de sa créance d’arriérés de pensions alimentaires.

*****

Au regard de l’ensemble de ces éléments, Mme [K] échoue à démontrer que les conditions d’engagement de la responsabilité de Me [L] sont réunies. Il y a donc lieu de la débouter de l’ensemble de ses demandes indemnitaires, y compris celles relatives au règlement à Me [L] de ses honoraires, étant observé que ceux-ci ont fait l’objet d’une procédure de taxation ayant donné lieu à une ordonnance du Premier président de la cour d’appel de Rennes en date du 19 juillet 2016.

Le jugement sera confirmé.

2°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant à nouveau en appel, Mme [K] sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

En équité, il n’y a pas lieu de condamner Mme [K] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Me [L] sera donc déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rennes le 1er juin 2021,

Y ajoutant :

Déboute Mme [D] [K] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Déboute Me [O] [L] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Mme [D] [K] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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