Droits des héritiers : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03786

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Droits des héritiers : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03786

31 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/03786

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 31 MAI 2023

(n° /2023)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/03786 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFYX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2022 du Juge des contentieux de la protection de MEAUX – RG n° 22/03100

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

Madame [S] [P]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Morgane LAMBRET substituant Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX

à

DEFENDEUR

Monsieur [I] [E]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Delphine TERRONI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC131

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 18 Avril 2023 :

Par jugement du 21 décembre 2022 rendu entre d’une part, M. [E] et d’autre part Mme [P], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux a :

– constaté la nullité du contrat de bail en date du 7 janvier 2005;

– constaté la qualité d’occupante sans droit ni titre de Mme [P];

– ordonné l’expulsion de Mme [P] et de tout occupant avec le concours de la force publique le cas échéant;

– condamné Mme [P] à verser à M. [E] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant fixe de 975 euros, et ce jusqu’à la date de la libération excessive des lieux caractérisée par la remise des clés ou un procès-verbal d’expulsion;

– rejeté le surplus des demandes;

– débouté M. [E] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné Mme [P] aux dépens;

– dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 10 janvier 2023, Mme [P] a interjeté appel de cette décision.

Par acte d’huissier du 6 mars 2023, Mme [P] a fait assigné en référé M. [E] devant le premier président de cette cour afin d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 21 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Meaux, par l’application de l’article 514-3 du code de procédure civile, et pour le surplus, par application de l’article 917 du code de procédure, de fixer le jour où l’affaire sera appelée par priorité et désigner la chambre à laquelle elle sera attribuée, de condamner M. [E] à payer à Mme [P] la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux entiers dépens.

Mme [P] a maintenu ses demandes aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 18 avril 2023.

M. [E] a déposé des conclusions en défense à l’audience du 18 avril 2023, qu’il a soutenues oralement, selon lesquelles il a lieu de débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et donc de dire qu’il n’y a pas lieu de suspendre l’exécution provisoire du jugement rendu le 21 décembre 2022 ; de condamner Mme [P] à verser à Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.

SUR CE,

En vertu de l’article 514-3 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur le 1er janvier 2020, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Il ressort du texte précité que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que le premier président puisse suspendre l’exécution provisoire prononcée : il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision entreprise et l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

En l’espèce, l’assignation délivrée à Mme [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux est du 2 juin 2022, et les dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile ont bien vocation à s’appliquer à la présente situation. Mme [P] était comparante et représentée, et ne rapporte aucune observation de sa part lors de l’audience des plaidoiries. Il lui faut donc prouver que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Il ressort des pièces produites aux débats que M. [L] [E] a fait l’acquisition d’un bien immobilier le 30 juin 2004 au titre de sa résidence principale, et qu’il vivait en concubinage avec Mme [P]. M. [L] [E] est décédé le [Date décès 2] 2021, avec pour seul héritier son fils M. [I] [E]. Ce dernier est donc devenu propriétaire du bien par dévolution successorale. Ayant l’intention de le vendre le plus rapidement possible, il a averti Mme [P] lors du paiement des droits de mutation, puis lui a adressé un courrier en janvier 2022 du fait de son maintien dans les lieux. Mme [P] a répondu qu’il existait un contrat de location, dans lequel le défunt lui aurait donné à bail ce logement pour une durée de 20 ans à compter du 7 janvier 2005, pour un loyer de 0 euro. En contrepartie, Mme [P] devait exécuter certains travaux tels que la tonte du gazon ou le fleurissement des fenêtres. Considérant ce contrat de location comme nul, M. [E] a assigné Mme [P] afin de solliciter la nullité du contrat de location ainsi que son expulsion. Le jugement du 21 décembre 2022 a alors, entre autre, constaté la nullité du contrat de bail en date du 7 janvier 2005, la qualité d’occupante sans droit ni titre de Mme [P], son expulsion du logement, ainsi qu’une condamnation à verser à M. [E] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant fixe de 975 euros, et ce jusqu’à la date de la libération définitive des lieux caractérisée par la remise des clés ou un procès-verbal d’expulsion.

Sur les conséquences manifestement excessives du prononcé de l’exécution provisoire :

Mme [P] considère qu’au vu de sa situation, l’exécution provisoire entraînerait des conséquences manifestement excessives. Elle est en effet âgée de 78 ans, et ne percevant qu’une pension de retraite de 1 229,42 euros mensuels, il lui sera pas possible de se reloger. De plus, M. [E] ayant déjà entrepris de faire délivrer un commandement de quitter les lieux à Mme [P], signifiant donc son intention de mettre en mouvement la procédure sans délai, rend dès lors nécessaire la suspension de l’exécution provisoire du jugement de première instance.

En réponse, M. [E] soutient que pour être accueillie, Mme [P] doit prouver que la mise à exécution du jugement de première instance risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives devant s’être révélées postérieurement au jugement de première instance. Or, en l’espèce, ce n’est pas le cas puisque, selon lui, Mme [P] est effectivement âgée de 78 ans, perçoit une retraite de 1 229,42 euros selon ses revenus de 2021, vit seule et ne pourra pas se reloger si elle se fait expulser.

Cependant, ces éléments font état de la situation de Mme [P] telle qu’elle était antérieurement au jugement critiqué. De plus, M. [E] rappelle que Mme [P] n’a jamais eu l’occasion de quitter ce logement pour lequel elle ne paye pas de loyer, de sorte qu’elle doit indéniablement bénéficier d’économies, qu’elle ne justifie en aucun cas de sa situation financière et patrimoniale, à l’exception de ses revenus de 2019 et 2021, et qu’elle n’a fait aucune demande de relogement. M. [E] estime donc que Mme [P] ne démontre pas la preuve que l’expulsion risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement au jugement du 21 décembre 2022.

Il est de jurisprudence constante qu’une mesure d’expulsion ne constitue pas en elle-même une conséquence manifestement excessive (CA Paris 7 février 2023 / n° 22/17820 ; CA d’Amiens 16 mars 2023 / n°22/00154).

En outre, les éléments évoquant l’âge et la situation financière de Mme [P] caractérisent une situation qui préexistait au jugement entrepris. Par contre, Mme [P] n’évoque aucun élément postérieur à la décision dont appel qui serait susceptible de constituer des conséquences manifestement excessives attachée à l’exécution provisoire du jugement entrepris.

C’est ainsi que la demanderesse échoue à démontrer l’existence d’une conséquence manifestement excessive révélée postérieurement au jugement entrepris, en cas de poursuite de l’exécution provisoire.

Sur le moyen sérieux de réformation de la décision de première instance :

Dès lors que la condition de l’existence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au jugement critiqué n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’apprécier si la seconde condition est également remplie, puisque les deux conditions sont cumulatives.

Aussi, il y a lieu de rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement entrepris formulée par Mme [P].

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [P] ses frais irrépétibles et aucune somme ne lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [E] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens. Il lui sera alloué une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront laissés à la charge de Mme [P].

PAR CES MOTIFS,

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 21 décembre 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux présentée par Mme [P] ;

Rejetons la demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [P];

Condamnons Mme [P] à payer la somme de 1 500 euros à M. [E] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laissons à Mme [P] la charge des dépens de l’instance.

ORDONNANCE rendue par M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Président

 


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