Droits des héritiers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00606

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Droits des héritiers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00606

30 mai 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/00606

30/05/2023

ARRÊT N°23/329

N° RG 21/00606 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N64P

MLA/MCC

Décision déférée du 20 Janvier 2021 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 20/01845

M. [K] [I]

[Y] [U]

C/

[C] [U]

[H] [U]

[X] [U]

[E] [U]

[V] [U]

ASSOCIATION TUTELAIRE DE GESTION

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [Y] [U]

[Adresse 4]

[Localité 12]

Représenté par Me Anne-laure DERRIEN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [C] [U] représenté dans les actes de la vie courante par son épouse [U] [B], selon habilitation générale prononcée par le jugement du juge des tutelles de Toulouse

le 16 avril 2014

[Adresse 2]

[Localité 9]

Monsieur [H] [U]

[Adresse 6]

[Localité 10]

Monsieur [X] [U]

[Adresse 7]

[Localité 11]

Madame [E] [U],

[Adresse 3]

[Localité 13]

Représentés par Me Martine ALARY de la SELARL ALARY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [V] [U]

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représenté par Me Christine NADALIN-BLANC, avocat au barreau de TOULOUSE

ASSOCIATION TUTELAIRE DE GESTION Es-qualité de curateur de Madame [E] [U]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Martine ALARY de la SELARL ALARY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. DUCHAC, présidente, M.C. CALVET, conseiller, chargés du rapport, Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. DUCHAC, présidente

C. PRIGENT-MAGERE, conseiller

M.C. CALVET, conseiller

Greffier, lors des débats : C. CENAC

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par C. DUCHAC, présidente, et par C. CENAC, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

De son mariage avec M. [Z] [U], Mme [L] [F], née le 12 septembre 1931 à Gissi (Italie) a eu sept enfants :

– M. [C] [U],

– M. [V] [U],

– M. [X] [U],

– M. [H] [U],

– M. [A] [U],

– Mme [E] [U],

– M. [Y] [U].

M. [A] [U], né le 2 juin 1962, est décédé à [Localité 17] (Haute-Garonne) le 13 janvier 2015 sans laisser de descendance, de sorte qu’il laissait comme héritiers sa mère, [L] [F], et ses frères et s’urs selon l’acte de notoriété dressé le 21 juin 2019 par Maître [D] [R], notaire associé à [Localité 15] (Haute-Garonne).

Mme [L] [F], veuve non remariée de M. [Z] [U], est décédée à [Adresse 18] (Haute-Garonne) le 29 septembre 2018, laissant comme héritiers réservataires ses six enfants selon l’acte de notoriété dressé le 21 juin 2019 par Maître [D] [R], notaire associé à [Localité 15].

Les héritiers n’ont pu partager amiablement les successions.

Par acte d’huissier du 25 mai 2020, M. [C] [U], représenté par son épouse en vertu d’un jugement d’habilitation générale du juge des tutelles de Toulouse du 16 avril 2014, Mme [E] [U], assistée par son curateur l’Association Tutelaire de Gestion, M. [T] [U] et M. [X] [U] ont assigné M. [Y] [U] et M. [V] [U] devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de partage des successions de Mme [L] [F] veuve [U] et de M. [A] [U], de rapport de libéralités par les deux défendeurs et d’application de la sanction du recel à l’encontre de ces derniers sur le fondement des articles 815, 840, 843 et 778 du code civil ainsi que des articles 1360 et 1364 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 20 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– ordonné le partage des successions de [L] [F] et de [A] [U] ;

– désigné pour y procéder Maître [W] [O], sous la surveillance du juge coordinateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse ;

– dit que le notaire pourra :

– interroger le Ficoba, Ficovie et le fichier de l’agira,

– recenser tous contrats d’assurance vie, en déterminer les bénéficiaires, et se faire remettre l’historique de tous les mouvements de capitaux (versements, rachats) de chacun de ces contrats en identifiant le patrimoine donnant ou recevant les fonds,

– procéder à l’établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice,

– procéder à l’ouverture de tout coffre bancaire, en faire l’inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l’indivision ;

– rappelé que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission ;

– rappelé que le notaire devra dresser un projet d’état liquidatif dans un délai d’un an à compter de sa désignation et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations ;

– dit que le notaire financera son travail sur les fonds indivis avec l’accord des parties et qu’à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail ;

– dit que la partie qui bénéficie ou bénéficiera de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, sera dispensée de verser une provision au notaire ;

– dit qu’en cas d’empêchement du notaire il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête ;

– dit qu'[Y] [U] doit rapporter 65.548,91 euros à la succession de sa mère, sans pouvoir y prétendre à aucune part ;

– rejeté la demande de dommages et intérêts ;

– condamné [Y] [U] à payer 4.000 euros à [C] [U], [E] [U], [H] [U] et [X] [U] au titre des frais de défense ;

– rejeté les autres demandes ;

– condamné [Y] [U] aux dépens et dit que les frais du partage judiciaire seront supportés par les copartageants proportionnellement à leurs parts ;

– écarté l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

Par déclaration électronique du 9 février 2021, M. [Y] [U] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– dit qu'[Y] [U] doit rapporter 65.548,91 euros à la succession de sa mère, sans pouvoir y prétendre à aucune part ;

– condamné [Y] [U] à payer 4.000 euros à [C] [U], [E] [U], [H] [U] et [X] [U] au titre des frais de défense ;

– condamné [Y] [U] aux dépens et dit que les autres frais du partage judiciaire seront supportés par les co-partageants proportionnellement à leurs parts.

Dans ses dernières conclusions d’appelant du 22 septembre 2022, M. [Y] [U] demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

– confirmer les dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 20 janvier 2021 en ce qu’il a : ordonné le partage des successions de [L] [F] et [A] [U] ; désigné pour y procéder Maître [W] [O], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse ; dit que le notaire pourra : interroger le Ficoba, le Ficovie et le fichier de l’Agira, recenser tous contrats d’assurance-vie, en déterminer les bénéficiaires, et se faire remettre l’historique de tous les mouvements de capitaux (versements, rachats) de chacun de ces contrats en identifiant le patrimoine donnant ou recevant les fonds, procéder à l’établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice, procéder à l’ouverture de tout coffre bancaire, en faire l’inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l’indivision ; rappelé que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission ; rappelé que le notaire devra dresser un projet d’état liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation, et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations ; dit que le notaire financera son travail sur les fonds indivis, avec l’accord des parties, et qu’à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail ; dit que la partie qui bénéficie ou bénéficiera de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, sera dispensée de verser une provision au notaire ; dit qu’en cas d’empêchement du notaire il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête ; rejeté la demande dommages et intérêts,

– réformer les dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 20 janvier 2021 en ce qu’il a :

– dit qu'[Y] [U] doit rapporter 65.548,91 euros à la succession de sa mère, sans pouvoir y prétendre à aucune part ;

– condamné [Y] [U] à payer 4.000 euros à [C] [U], [E] [U], [H] [U] et [X] [U] au titre des frais de défense ;

– condamné [Y] [U] aux dépens et dit que les autres frais du partage judiciaire seront supportés par les co-partageants proportionnellement à leurs parts ;

Statuant à nouveau,

– accueillir les demandes de l’appelant ;

– rejeter les conclusions adverses comme injustes et infondées ;

– débouter messieurs [C] [U], [H] [U], [X] [U] et Mme [E] [U] de leurs demandes ;

– condamner in solidum les consorts [U] à régler la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum messieurs [C] [U], [H] [U], [X] [U] et Mme [E] [U] aux entiers dépens.

Messieurs [C] [U] représenté par son épouse, [H] [U], [X] [U] et Mme [E] [U] représentée par son tuteur l’Association Tutélaire de Gestion ont entendu former un appel incident par conclusions du 23 juillet 2021.

Aux termes de leurs conclusions d’intimé déposées le 23 juillet 2021, ces derniers demandent à la cour de :

Vu les articles 815, 840, 843 et 778 du code civil,

Vu l’article 1360 et 1364 du code de procédure civile,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

– déclarer recevable mais non fondé l’appel interjeté par M. [Y] [U] à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 20 janvier 2021 ;

En conséquence,

– l’en débouter ;

Accueillant l’appel incident des intimés,

– dire que [V] [U] sera tenu au rapport de la somme de 65.548,91 euros, solidairement avec [Y] [U], sans pouvoir y prendre part ;

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant,

– condamner messieurs [Y] [U] et [V] [U] à payer à messieurs [C] [U], [H] [U], [X] [U] et à Mme [E] [U] représentée par son tuteur, l’Association Tutélaire de Gestion la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Dans ses dernières conclusions d’intimé déposées le 19 juillet 2021, M. [V] [U] demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal fondées,

– confirmer le jugement dont appel en ce que M. [V] [U] a été mis hors de cause ;

– donner acte de ce que M. [Y] [U] en cause d’appel ne formule aucune demande à l’encontre de M. [V] [U] ;

– condamner in solidum messieurs [Y] [U], [C] [U], [H] [U], [X] [U] et Mme [E] [U] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2023 et l’audience de plaidoiries fixée le 4 avril 2023 à 14 heures.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’étendue de la saisine de la cour :

Selon l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend à la réformation du jugement rendu par une juridiction du premier degré ou à son annulation par la cour d’appel.

L’article 562 du même code dispose que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L’article 954 du même code énonce que la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées et les prétentions énoncées au dispositif.

Il résulte de la combinaison de ces textes que la partie qui entend voir infirmer le chef de jugement qu’elle critique et accueillir sa demande à ce titre doit solliciter l’infirmation ou la réformation du jugement attaqué dans le dispositif de ses dernières conclusions d’appel.

Or, la cour constate que l’unique jeu de conclusions de messieurs [C] [U], [H] [U], [X] [U] et Mme [E] [U], intimés, par lesquelles ils ont formé appel incident, déposées le 23 juillet 2021, ne comportent aucune demande d’infirmation ou de réformation, de sorte que la cour n’est pas saisie de la demande formée contre [V] [U], solidairement avec [Y] [U].

*

Il résulte de l’article 562 du code de procédure civile précité que la cour n’est saisie que par les chefs critiqués dans l’acte d’appel formalisé par la partie appelante ou, ensuite, par l’appel incident relevé par la partie intimée.

En l’espèce la cour n’est saisie que de l’appel principal de M. [Y] [U] portant sur le rapport à la succession de Mme [L] [F] veuve [U] auquel il a été condamné et le recel successoral retenu à son encontre en première instance, de sorte qu’il n’y a pas lieu de confirmer comme demandé par celui-ci les autres dispositions.

Sur le rapport à la succession de Mme [L] [F] veuve [U] :

En matière successorale, le rapport des libéralités est régi par les articles 843 à 863 du code civil. Il intéresse la composition de la masse partageable.

L’article 843 du code civil dispose que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

L’article 894 de ce code énonce que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte.

Selon l’article 1315 alinéa 1, devenu 1353 alinéa 1 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Il appartient aux cohéritiers qui demandent le rapport de libéralités par l’un de leurs copartageants de prouver l’existence d’une libéralité dans tous ses éléments constitutifs, tant matériel, en démontrant l’appauvrissement du disposant et l’enrichissement du gratifié, que moral, en démontrant l’intention libérale du disposant.

M. [Y] [U] conclut à l’absence des libéralités rapportables invoquées par les demandeurs initiaux à la procédure et retenues par le premier juge.

Il soutient qu’aucun virement bancaire n’a été effectué depuis le compte de dépôt de sa mère vers son propre compte, qu’il n’a pas tiré profit des dépenses de sa mère ni détourné de fonds et que la preuve des libéralités n’est pas rapportée pour la période de 2015 à son décès le 29 septembre 2018.

M.[Y] [U], M.[C] [U], M.[H] [U], M.[X] [U] et Mme [E] [U] soutiennent que les avoirs bancaires de leur mère, qui s’élevaient au montant de 61.522 euros au 17 mars 2015, augmenté du capital décès de 4.050 euros à la suite du décès de [A], étaient de 550 euros au jour de son décès, que les dépenses effectuées depuis son compte de dépôt représentaient une moyenne de 2.500 euros par mois, voire excédaient ce montant certains mois, et ne correspondaient pas à ses besoins, certaines opérations étant réalisées selon des virements web n’ayant pu être le fait de la défunte.

Il ressort du relevé de synthèse des comptes détenus par Mme [F] veuve [U] au Crédit Agricole, daté du 17 mars 2015, que celle-ci disposait d’avoirs bancaires s’élevant à 61.468,91 euros, montant reconnu par l’appelant, dont le détail est le suivant :

– compte chèque : 57.778,07 euros

– livret A : 1.400,71 euros

– livret d’épargne populaire : 2.290,13 euros.

Le relevé de compte chèque de Mme [F] veuve [U] arrêté au 17 avril 2015 fait apparaître que celle-ci a perçu de Pro Btp Prestations France un capital décès de 4.050 euros à la suite du décès de son fils [A].

Ainsi, le total de ses avoirs au Crédit Agricole s’élevait à 65.518,91 euros à cette période.

Le relevé du compte chèque du 17 avril 2015 mentionne une écriture de 30.000 euros au débit de ce compte. Selon la lettre du Crédit Agricole datée du 1er août 2019, ces fonds ont été versés sur un contrat d’assurance sur la vie souscrit par Mme [F] veuve [U] auprès de Predica le 23 mars 2015.

Ce même relevé bancaire mentionne au débit de ce compte la somme de 12.000 euros versée sur un compte de placement Carré Bleu et la somme de 6.600 euros versée sur le Livret A.

Il mentionne enfin au débit de ce compte une somme de 5.409,87 euros avec l’intitulé ‘Virement Ag Mme [U] [L]’ pour laquelle les intimés indiquent ne disposer d’aucune information.

Le solde du compte chèque, qui était de 57.778,07 euros le 17 mars 2015, s’élevait après ces débits à 3.768,20 euros.

Il est établi que Mme [F] veuve [U] a donné procuration à son fils [Y] [U] le 19 septembre 2014 sur son compte chèque, son livret A et son livret d’épargne populaire détenus au Crédit Agricole.

Ce dernier le reconnaît et indique avoir aidé sa mère dans l’accomplissement de ses dépenses nécessaires à la vie courante depuis 2008.

Mme [F] veuve [U] disposait d’un revenu mensuel de 1.174,11 euros constitué par ses pensions de retraite, montant non contesté par les parties, versé sur son compte chèque.

Comme l’a souligné justement le premier juge, elle vivait dans sa maison dont elle était propriétaire, n’avait pas de charge d’emprunt.

Au vu des relevés bancaires produits, elle supportait des charges fixes chaque mois qui étaient les suivantes :

– mutuelle : 159,70 euros

– Axeo services (entretien jardin) : 150 euros

– Amfpad prestataire : 26,01 euros

– impôts : 32 euros

– assurance habitation : 47,78 euros

– couches : 253 euros

– Predica : 70,34 euros

– total : 738,83 euros

S’ajoutent l’abonnement et la consommation au titre du téléphone fixe Orange d’un montant variant entre 40 et 80 euros par mois, de l’électricité de 280 euros par an, de l’eau de 142 euros par an ainsi que les frais de chauffage (fioul) de 1.190 euros par an et d’entretien de la fosse septique de 200 euros par an au vu des factures justifiées par l’appelant.

Ainsi les charges mensuelles supportées par Mme [F] veuve [U] s’élevaient à environ 1.000 euros par mois et non à 396,49 euros comme l’allèguent les intimés.

Au vu des relevés du compte chèque produits depuis janvier 2009, ses dépenses globales mensuelles se sont élevées en moyenne à :

– 1.200 euros en 2009

– 1.400 euros en 2010

– 1.800 euros en 2011

– 1.600 euros en 2012

– 1.800 euros en 2013

– 1.900 euros en 2014

– 2.900 euros en 2015 (avec une dépense exceptionnelle de 3.913,07 euros en février correspondant aux frais de Pompes funèbres à la suite du décès de M. [A] [U] et en soustrayant les fonds ayant transité par le compte chèque pour être placées à hauteur de 30.000 euros, 12.000 euros, 6.600 euros, 5.409,87 euros)

– 3.400 euros en 2016

– 2.150 euros en 2017

– 2.090 euros en 2018.

Au regard du montant moyen des dépenses mensuelles en 2009 et 2010 correspondant aux besoins réels de Mme [F] veuve [U], le montant de 1.300 euros par mois retenu par le premier juge apparaît justifié.

Comme le soutiennent les intimés et comme l’a souligné à juste titre le premier juge, les dépenses mensuelles globales de Mme [F] veuve [U] ont connu une augmentation particulièrement nette à compter de 2015.

Le compte chèque ne présentait plus qu’un solde de 207,58 euros selon le relevé bancaire daté du 17 décembre 2018.

Les intimés établissent en outre par la production du relevé de synthèse des comptes au 17 décembre 2018 que le livret A détenu par Mme [F] veuve [U] au Crédit Agricole, alimenté au mois d’avril 2015 à hauteur de 6.600 euros et sur lequel M. [Y] [U] avait procuration, présentait à cette date un solde nul.

Par la production des relevés afférents à ce Livret A, les intimés démontrent que des virements web ont été opérés au profit de [L] [U] à compter du mois de mai 2015, de sorte que les fonds placés ont été versés sur son compte chèque comme il ressort des écritures bancaires et permis des dépenses excédant les ressources de celle-ci.

Le mode opératoire par Internet permet de considérer que ces virements ne sont pas imputables à Mme [F] veuve [U] compte tenu de son âge mais à une tierce personne.

M. [Y] [U] oppose que son frère M. [A] [U] a vécu avec sa mère jusqu’à son décès le 13 janvier 2015, que celui-ci percevait un revenu mensuel de 1.758 euros et participait financièrement aux charges, de sorte que les dépenses de sa mère ont augmenté après le décès de ce dernier puisqu’elle ne bénéficiait plus de cette aide financière.

Cependant, la cour constate à l’examen des relevés du compte chèque de Mme [F] veuve [U] qu’après le mois de janvier 2015 et jusqu’au décès de cette dernière, les dépenses dans divers supermarchés se sont accrues de façon conséquente, sans correspondre aux besoins alimentaires d’une personne âgée, avec des achats successifs réalisés parfois le même jour ou à dates très rapprochées.

Des dépenses de bricolage ainsi que des dépenses auprès de Maison de la presse, [Localité 16] de fumer, Intersport, Jd Sports, Sport 2000, Cdiscount [Localité 14], Yves Rocher, de restauration rapide, cette liste n’étant pas exhaustive, sont apparues, lesquelles ne correspondaient pas aux dépenses habituelles de Mme [F] veuve [U].

Dans une lettre datée du 30 septembre 2019 adressée à Maître Martine Alary, conseil des intimés, le conseil de M. [Y] [U] a reconnu que les frais de cigarette électronique avaient bien été exposés dans l’intérêt de son client et qu’il s’agissait de cadeaux réguliers depuis plusieurs années de la mère à son fils qui s’occupait d’elle.

De plus, si M. [Y] [U] invoque des dons manuels à hauteur de 1.400 euros par an au profit des huit petits-enfants et six arrière petits-enfants, il n’établit nullement leur existence.

La différence entre le montant mensuel moyen des dépenses globales engagées tel que retenu ci-dessus au cours des années 2015 à 2018 et le montant mensuel moyen qui aurait dû être exposé par Mme [F] veuve [U] de 1.300 euros au cours de cette période s’élève à 64.080 euros.

Doivent être déduites de cette sommes les dépenses inhabituelles exposées dans l’intérêt de la défunte ou de son fils [A] au vu des justificatifs produits par M. [Y] [U] et le relevé de compte chèque, à savoir :

– menuiseries volets roulant : 3.622,19 euros au mois de juin 2015,

– four Electro dépôt : 229,94 euros au mois de décembre 2015,

– fauteuil électrique élévateur : 114 euros au mois de février 2016,

– facture d’aide à domicile pour [A] : 479,90 euros au mois d’avril 2016,

– lave-linge Electro dépôt : 199,98 euros au mois d’août 2016,

– réfrigérateur Electro dépôt : 259,97 euros au mois de décembre 2016

– location d’engin pour abattages d’arbres : 298,01 euros au mois de février 2017

– abattage d’arbres : 1.200 euros au mois de février 2017

– location de bennes à déchets : 140 euros aux mois de février et septembre 2017

– frais de repas à domicile août et septembre 2018 : 299,75 euros

total : 6.843,74 euros.

Concernant les soins dentaires prodigués à Mme [F] en 2016, non remboursés, invoqués par l’appelant à hauteur de 1.141,29 euros, la cour relève que les intimées mettent en cause nombre de dépenses réglées par chèques tirés sur le compte chèques de la défunte sans toutefois avoir obtenu de la banque une copie de ces chèques permettant de déterminer à quelles dépenses ils se rapportent. A défaut de preuve que les dépenses litigieuses n’auraient pas été réalisées dans l’intérêt de la défunte, ces frais dentaires seront admis pour ce montant et déduits.

Les autres dépenses invoquées par l’appelant seront écartées à défaut d’être justifiées.

La somme de 3.913,07 euros réglée au mois de février 2015, correspondant aux frais de Pompes funèbres à la suite du décès de M. [A] [U], sera également soustraite.

C’est donc une somme totale de 52.181,90 euros qui a bénéficié à M. [Y] [U] (64.080 euros – 6.843,74 euros – 1.141,29 euros – 3.913,07 euros).

Il n’est pas contesté que Mme [F] veuve [U] a conservé sa lucidité jusqu’à son décès et qu’elle a consenti à la gestion de ses deniers effectuée par son fils par le biais de la procuration bancaire, de sorte qu’il est établi qu’elle a fait preuve d’une intention libérale à son égard qui permet de qualifier ces dépenses dont il a bénéficié de dons manuels.

Concernant le contrat Predissime souscrit auprès de Predica le 23 mars 2015, il ressort de la lettre du Crédit Agricole datée du 1er août 2019 que le capital restant à la date du décès s’élevait à 10.985,13 euros.

La clause bénéficiaire est libellée comme suit ‘ à mes enfants à parts égales, la part d’un prédécédé revenant à ses héritiers, à défaut mes héritiers’.

Les intimés n’allèguent ni ne démontrent des rachats partiels qui auraient profité à M. [Y] [U].

Ils admettent n’avoir aucune information sur le compte Carré Bleu sur lequel la somme de 12.000 euros a été placée au mois d’avril 2015 ni sur la somme de 5.409,87 euros débitée du compte chèque à la même période avec l’intitulé ‘Virement Ag Mme [U] [L]’. Ainsi la preuve n’est pas rapportée que ces sommes auraient bénéficié à M. [Y] [U].

En conséquence, le jugement attaqué sera infirmé de ce chef mais seulement sur le montant de la somme rapportable.

Statuant à nouveau, il convient de dire que M. [Y] [U] doit rapporter la somme de 52.181,90 euros à la succession de sa mère.

Sur le recel successoral :

L’article 778 du Code civil dispose que « Sans préjudice de dommages-intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier qui est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recélés (‘).

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelé dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de succession’».

Le recel suppose la démonstration d’un élément matériel et d’un élément intentionnel, ce qui implique, pour le premier, que soit établie l’existence d’un fait positif de recel, pour le second, que soit démontrée une véritable intention frauduleuse. Il appartient à celui qui invoque l’existence d’un recel de rapporter la preuve de la réunion de ces deux éléments constitutifs.

Il résulte de ce qui précède que la preuve est rapportée de l’utilisation par M. [Y] [U] de fonds propres de sa mère dans son intérêt personnel, ce qui a eu pour effet de rompre l’égalité entre les copartageants.

L’utilisation des fonds propres de Mme [F] veuve [U] par M. [Y] [U] a été faite à l’insu des copartageants qui ont découvert les libéralités en analysant les relevés bancaires de la défunte.

Après la révélation de ces donations rapportables, l’appelant a persisté dans son attitude de dissimulation, soutenant qu’il s’agissait de dépenses correspondant aux besoins de sa mère.

Ainsi, il ressort de la lettre de Maître [N] [J], notaire, adressée Maître Martine Alary, conseil des intimés, le 18 juillet 2019, que messieurs [V] [U] et [Y] [U] ont sollicité le partage du prix de vente de la maison sise à [Adresse 18] et fait préciser qu’à défaut de recevoir des éléments probants permettant de justifier le blocage des fonds avant la fin du mois d’août, ils engageraient une action en partage judiciaire.

M. [Y] [U] a maintenu sa position à la suite de la lettre recommandée avec avis de réception du 4 septembre 2019 qui lui a été envoyée par Maître Martine Alary, conseil des intimés. Il a fait répondre par son conseil le 5 septembre 2019 qu’il était très surpris des accusations portées à son encontre et le 30 septembre 2019 qu’il contestait ces accusations, que les dépenses litigieuses étaient en rapport avec les besoins de sa mère qui vivait seule dans une grande maison et qu’il n’entendait rapporter aucune somme à la succession.

Or, il a été démontré ci-dessus que des dépenses conséquentes et à des fréquences ne pouvant correspondre aux besoins alimentaires d’une personne âgée ont été réalisées dans divers supermarchés, de sorte que l’argumentation développée par M. [Y] [U] recèle en elle-même une dissimulation frauduleuse.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que M. [Y] [U] s’était rendu coupable de recel et le jugement attaqué sera confirmé de ce chef et en ce qu’il a prononcé la sanction du recel, à savoir que celui-ci ne pourra prétendre à aucune part après rapport des libéralités sur les sommes d’argent recelées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens d’appel :

M. [Y] [U], qui succombe pour l’essentiel en son appel sera condamné aux dépens d’appel.

En considération de l’équité, il convient de considérer qu’il n’y a pas lieu à paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. [C] [U],

[H] [U], [X] [U] et Mme [E] [U] seront en conséquence déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

la Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort.

Statuant dans la limite de sa saisine,

Constate que la cour n’est pas saisie de la demande des intimés formée contre [V] [U].

Infirme partiellement le jugement attaqué en ce qu’il a dit qu'[Y] [U] doit rapporter 65.548,91 euros à la succession de sa mère sur le quantum de la somme à rapporter;

Statuant à nouveau,

Dit que M. [Y] [U] doit rapporter la somme de 52.181,90 euros à la succession de sa mère ;

Confirme le jugement attaqué en ce qu’il a fait application contre M. [Y] [U] des sanctions du recel et dit qu’elles porteront sur la somme de 52.181, 90 euros ;

Dit n’y avoir lieu à paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute en conséquence [C] [U], [H] [U], [X] [U] et Mme [E] [U] de leur demande à ce titre ;

Condamne M. [Y] [U] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

C. CENAC C. DUCHAC

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