Droits des héritiers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02778

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Droits des héritiers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02778

30 mai 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/02778

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/02778 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FT4Z

Minute n° 23/00130

[J] NEE [O]

C/

[B] NÉE [T]

Cour d’Appel de NANCY

11 Décembre 2017

Cour d’appel de Nancy

Arrêt du 11 Décembre 2017

Cour de cassation

Arrêt du 30 Septembre 2020

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

RENVOI APRES CASSATION

ARRÊT DU 30 MAI 2023

DEMANDERESSE A LA REPRISE D’INSTANCE:

Madame [X] [O] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002441 du 14/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

DEFENDERESSE A LA REPRISE D’INSTANCE:

Madame [K] [T] épouse [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022000746 du 24/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 08 Décembre 2022 , l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 30 Mai 2023, en application de l’article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

[W] [O] est décédé le 13 janvier 2005 à [Localité 6], laissant pour lui succéder :

sa fille Mme [X] [O] épouse [J]

selon les termes de trois testaments des 15 novembre 2000, 17 novembre 2000 et 24 septembre 2003 : Mme [K] [T] divorcée [B], en qualité de légataire universelle.

Une première procédure a opposé les parties au sujet de la validité des testaments de [W] [O].

Par un arrêt du 25 mars 2008 la cour d’appel de Nancy, infirmant le jugement du tribunal de grande instance de Nancy, a rejeté la demande formée par Mme [J] en annulation des testaments litigieux. La cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l’encontre de cette décision par arrêt du 15 décembre 2010.

Par acte d’huissier du 13 octobre 2014, Mme [K] [T] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nancy Mme [X] [J], aux fins de voir, principalement, ordonner les opérations de partage de l’indivision existant entre les parties, ordonner la licitation de l’immeuble indivis sis [Adresse 2], dire qu’il sera tenu compte dans les opérations de compte, liquidation, partage, du fait que Mme [J] est redevable d’une indemnité d’occupation de l’immeuble de 400 € par mois et de l’intégralité des dépenses liées à l’occupation de la maison.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 octobre 2015 Mme [T] a en outre demandé au Tribunal la délivrance du legs universel à elle fait par M. [O].

Mme [J] a opposé la prescription de l’action en délivrance du legs.

Par jugement du 23 mai 2016, le tribunal de grande instance de Nancy a :

Constaté que Mme [K] [T] a sollicité délivrance de son legs dans le délai de la prescription, en interjetant appel de la décision qui avait annulé les testaments litigieux;

Constaté qu’elle a été reconnue dans ses droits de légataire par arrêt de la cour d’appel du 25 mars 2008 ;

Ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision existant entre Mme [K] [T] et Mme [X] [J] née [O] ;

Désigné Maître [F] Notaire à [Localité 5], avec pour mission de faire le compte de l’indivision et de dresser l’acte liquidatif ;

Préalablement aux opérations de compte

Ordonné la licitation de l’immeuble indivis selon cahier des conditions de vente établi par le notaire désigné et sur une mise à prix de 90.000 €, avec possibilité de baisse d’un quart puis d’un tiers à défaut d’enchères ;

Dit que les parties peuvent toujours, avant la vente aux enchères, se mettre d’accord sur une vente amiable ou sur une attribution préférentielle de l’immeuble indivis à l’une ou l’autre des indivisaires ;

Dit que Mme [X] [J] est redevable au profit de l’indivision d’une indemnité d’-occupation, dans les limites de la prescription de 5 ans, à hauteur de 400€ par mois, jusqu’à son départ des lieux ;

Dit que Mme [X] [J] est redevable au profit de l’indivision de la moitié des charges liées à l’entretien de l’immeuble ;

Désigné Martine Capron, lère vice-présidente du tribunal de grande instance de Nancy pour surveiller lesdites opérations ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Pour statuer ainsi le tribunal a écarté l’argument tiré de la prescription de l’action en délivrance du legs, en relevant que Mme [T] avait interjeté appel de la décision du tribunal de grande instance de Nancy qui, dans la première procédure ayant opposé les parties, avait déclaré nuls les testaments litigieux. Il a considéré qu’en interjetant appel Mme [T] avait demandé à être reconnue dans ses droits de légataire universelle, ce qui lui a été accordé par la cour d’appel, qui a rejeté la demande d’annulation des testaments litigieux.

La déclaration d’appel ayant été effectuée le 24 février 2006, le tribunal en a conclu que le délai de prescription quinquennal de droit commun n’était pas expiré lors de la demande en délivrance du legs.

Il a également fait droit au surplus des demandes, en relevant que le légataire à titre universel qui sollicite la délivrance de son legs devient indivisaire avec l’héritier réservataire, qu’en application de l’article 815 du code civil nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision, qu’il y avait donc lieu de faire droit à la demande en ouverture de partage, et que dès lors que Mme [J] occupe le bien indivis depuis l’ouverture de la succession elle est redevable d’une indemnité d’occupation. Il a de même fait droit à la demande de licitation de l’immeuble, réservant toutefois l’hypothèse d’une vente amiable sur un prix librement convenu entre les parties ou d’une attribution préférentielle à charge de soulte.

Mme [J] ayant interjeté appel de cette décision, la cour d’appel de Nancy par arrêt du 11 décembre 2017 a confirmé le jugement entrepris, et y a joutant a débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné Mme [X] [O] épouse [J] à payer à Mme [K] [T] épouse [B] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens étant employés en frais privilégiés de partage.

Pour statuer ainsi, la cour a relevé au préalable que les parties ne critiquaient pas le jugement en ce qu’il avait ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre elles, a désigné Me [F] pour faire le compte de l’indivision et dresser l’acte liquidatif, et a désigné le magistrat chargé de surveiller les opérations, de sorte qu’il a confirmé le jugement entrepris sur ce point.

Sur la prescription la cour a considéré que Mme [T] ne pouvait agir en délivrance de son legs tant que son droit de légataire universelle n’était pas définitivement établi, ce qui n’était intervenu que par le prononcé de l’arrêt rendu par la cour de cassation le 15 septembre 2010, rejetant le pourvoi formé contre le précédent arrêt de la cour d’appel de Nancy. La cour en a conclu que le délai de prescription n’avait commencé à courir qu’à compter du 15 décembre 2010, qu’en suite de l’intervention de la loi du 17 juin 2008 le délai de prescription applicable était un délai quinquennal, et que ce délai n’était pas expiré lors des conclusions récapitulatives du 29 octobre 2015 de sorte que la demande était recevable.

La cour a donc confirmé le premier juge sur ce point et l’a également confirmé concernant la disposition relative à l’indemnité d’occupation, en considérant que l’appelante occupait l’immeuble en cause depuis l’ouverture de la succession et non depuis le 3 novembre 2015.

La cour a également considéré comme recevables les demandes présentées à titre subsidiaire à hauteur d’appel, mais les a rejetées.

Mme [J] ayant effectué un pourvoi à l’encontre de la décision de la cour d’appel de Nancy, la cour de cassation par arrêt du 30 septembre 2020, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 11 décembre 2017 par la cour d’appel de Nancy, a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Metz.

Pour statuer ainsi, la cour de cassation a énoncé que l’action en nullité du testament engagée par un héritier réservataire, qui n’empêche pas le légataire universel d’exercer l’action en délivrance de son legs au sens de l’article 2234 du code civil, n’en suspend pas la prescription.

Elle en a conclu qu’en déclarant recevable la demande de Mme [T] en délivrance de son legs, formulée dans ses conclusions du 29 octobre 2015, au motif que celle-ci ne pouvait agir judiciairement en délivrance tant que son droit de légataire universel n’était pas définitivement établi, ce qui n’était intervenu que lors du prononcé de l’arrêt de la cour de cassation du 15 décembre 2010, alors que le délai de l’action en délivrance du legs, qui avait commencé à courir le jour du décès de [W] [O], n’avait pas été suspendu par l’action en nullité des testaments engagée par Mme [O], la cour d’appel avait violé les dispositions des articles 1004 et 2234 du code civil.

***

Par déclaration du 19 novembre 2021 Mme [X] [J] née [O] a saisi la cour d’appel de Metz.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 septembre 2022 Mme [X] [J] demande à la cour de :

« Dire et juger l’appel interjeté par Madame [J] à l’encontre du jugement du Tribunal de Grande Instance de Nancy du 23 mai 2016 recevable en la forme et bien fondé,

En conséquence, y faire droit,

Rejeter le moyen d’irrecevabilité des conclusions soulevé par Madame [B],

Infirmer le jugement en ce qu’il a :

constaté que Madame [B] avait sollicité la délivrance de son legs dans le délai de prescription en interjetant appel de la décision qui avait annulé les testaments litigieux et avait été reconnue dans ses droits de légataire par arrêt de la Cour d’Appel de Nancy en date du 25 mars 2008,

ordonné l’ouverture des opérations de compte,liquidation, partage de l’indivision existant entre les parties,

désigné Me [F], Notaire à [Localité 5], avec mission de faire le compte de l’indivision et de dresser l’acte liquidatif,

dit que Madame [J] est redevable à l’indivision d’une indemnité d’occupation de 400 euros par mois, dans la limité de la prescription et de la moitié des charges liées à l’entretien de l’immeuble,

dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Et statuant à nouveau,

Constater que Madame [B] ne justifie pas avoir formé une action en délivrance de son legs avant le 17 juin 2013,

Dire et juger la demande prescrite,

Déclarer irrecevables les demandes de Madame [B] à l’encontre de Madame [J],

Débouter Madame [B] de l’ensemble de ses demandes,

Condamner Madame [B] au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700-2 du CPC,

Condamner Madame [B] aux frais et dépens de l’ensemble des procédures ».

Mme [J] maintient que la demande de Mme [T] épouse [B] est prescrite, dès lors que l’action en délivrance du legs court à partir du décès, et que le délai de prescription n’a pas été suspendu par l’action en nullité des testaments.

Elle ajoute qu’étant elle-même en sa qualité d’héritière saisie de plein droit de la succession, elle est en droit d’occuper privativement l’immeuble de ses parents, et qu’il n’y a pas lieu à licitation non plus qu’à paiement à Mme [T] épouse [B] d’une indemnité d’occupation.

Elle observe que tout en soutenant que la délivrance du legs n’est soumise à aucun formalisme particulier, Mme [T] ne vise aucune pièce au soutien de cette affirmation, et qu’elle ne justifie ni d’une demande amiable ni d’une remise volontaire du legs susceptible d’interrompre la prescription.

Sur l’irrecevabilité alléguée par Mme [T], elle indique avoir déposé ses conclusions dans les deux mois de la reprise d’instance conformément aux dispositions de l’article 1037 du code de procédure civile, et expose qu’à cette date soit le 19 janvier 2022, Mme [T] n’avait pas constitué avocat ce qui lui laissait un délai supplémentaire d’un mois pour procéder à la signification des conclusions, Me Rigo s’étant cependant constitué pour Mme [T] dès le lendemain 20 janvier 2022. Elle indique avoir alors notifié au conseil de Mme [T] le 20 janvier 2022, la déclaration de saisine, l’avis de fixation à bref délai et ses conclusions justificatives d’appel.

Par ses dernières conclusions du 05 avril 2022 Mme [K] [T] épouse [B] demande à la cour de :

« Vu la reprise d’instance de Madame [J],

Vu l’absence de toute signification dans les deux mois de la déclaration de reprise d’instance de ces conclusions à Madame [O],

Déclarer toutes conclusions de Madame [J] devant la Cour d’Appel de METZ irrecevables ;

En toute hypothèse

Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nancy du 23 mai 2016 en toutes ses dispositions.

Débouter Madame [J] de ses demandes fin et conclusions.

Condamner Madame [J] aux entiers frais et dépens de l’instance ».

Mme [T] fait tout d’abord valoir que le 28 décembre 2021 Mme [J] lui a fait signifier une déclaration de saisine de la cour d’appel de Metz, et l’avis de fixation de l’affaire à bref délai du 22 décembre 2021, mais qu’il lui appartenait en application de l’article 1037-1 du code de procédure civile, de notifier à son adversaire ses conclusions dans un délai de deux mois suivant la déclaration de saisine, ce qu’elle n’a pas fait.

Elle en conclut que toutes conclusions déposées par Mme [J] devant la cour d’appel de Metz doivent être déclarées irrecevables.

Subsidiairement au fond, elle réplique tout d’abord que la délivrance n’est soumise à aucune forme particulière et que c’est à juste titre que le tribunal a jugé qu’en interjetant appel du jugement du 30 décembre 2005 Mme [T] avait contesté l’annulation des testaments, et ce faisant avait demandé à être reconnue dans ses droits de légataire à titre universel.

Mme [T] ajoute qu’elle était toujours dans les délais pour sollicite cette délivrance, dès lors qu’en application des articles 2224 et 2234 du code civil la prescription ne peut courir que contre le titulaire d’un droit, alors qu’en l’espèce son droit de légataire universel ne lui a été définitivement reconnu que suite à l’arrêt de la cour de cassation du 15 décembre 2010 de sorte que la prescription n’a pu commencer à courir avant cette date et a été valablement interrompue par l’assignation délivrée le 13 octobre 2014.

Elle ajoute encore que selon certains auteurs, l’action en délivrance de legs peut être qualifiée d’action mixte, de sorte que la prescription applicable serait trentenaire.

Elle soutient que la question n’est pas tant celle de la suspension de la prescription que celle de son point de départ, lequel n’a pas été tranché par l’arrêt de la cour de cassation.

Elle maintient par conséquent que tant que le droit du légataire est contesté, la prescription ne peut commencer à courir à l’encontre d’une personne qui ne peut l’invoquer.

De même elle fait valoir que la question de la durée du délai de prescription n’a pas été tranchée, et maintient que l’action du légataire peut être identifiée à l’action en délivrance dirigée contre le vendeur d’immeuble, relevant d’un délai de prescription de 30 ans, et qu’il est également possible de se référer au délai applicable pour opter, lequel était de 30 ans pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007.

Elle fait en outre valoir que Mme [O] a formulé devant la cour d’appel de Nancy de nouvelles demandes, qui doivent être déclarées irrecevables en application de l’article 564 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur la recevabilité des conclusions de Mme [J]

Aux termes de l’article 1037-1 du code de procédure civile,

« En cas de renvoi devant la cour d’appel, lorsque l’affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l’article 905. En ce cas, les dispositions de l’article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l’avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l’auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’auteur de la déclaration.

La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l’article 911 et les délais sont augmentés conformément à l’article 911-2.

Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé ».

Il est observé que par le jeu du renvoi aux dispositions de l’article 911 du code de procédure civile, renvoyant lui-même à l’article 905-2, la sanction d’un éventuel non-respect des délais de dépôt et notification des conclusions de l’auteur de la saisine, serait la caducité de la déclaration de saisine et non l’irrecevabilité des conclusions.

En tout état de cause, il est indiqué par Mme [T] que la déclaration de saisine ainsi que l’avis de fixation à bref délai lui ont été signifiés par acte du 28 décembre 2021, et il est constant que Mme [J] a déposé ses conclusions par le biais du RPVA le 19 janvier 2022 soit dans le délai imparti par le texte précité.

A cette date, Mme [T] n’avait pas constitué avocat de sorte qu’aucune notification ne pouvait être faite à son conseil, et que Mme [J] disposait, conformément aux dispositions de l’article 911 du code de procédure civile, d’un délai d’un mois suivant l’expiration du précédent délai de deux mois, pour signifier ses conclusions à Mme [T].

Il résulte des messages entrants au RPVA que Mme [T] a constitué avocat le 20 janvier 2022, et le conseil de Mme [J] a procédé le même jour à la notification des conclusions, ainsi que de la déclaration de saisine et de l’avis de fixation, au conseil de Mme [T].

La procédure est donc régulière et les conclusions de Mme [J] sont recevables.

II- Au fond

Sur la recevabilité de la demande en délivrance du legs

Aux termes de l’article 1004 du code civil, « lorsqu’au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament ».

La délivrance du legs a pour objet de reconnaître les droits du légataire, et à défaut pour celui-ci d’agir à cette fin, il peut se trouver déchu de ses droits. Elle consiste en une vérification du titre de celui qui prétend bénéficier de dispositions testamentaires, mais est une mesure essentiellement provisoire qui n’enlève aux héritiers et autres intéressés aucun des moyens de forme et de fond qu’ils peuvent avoir à proposer pour faire établir leurs droits dans la succession.

Si effectivement la demande en délivrance d’un legs n’est soumise à aucune condition de forme particulière et peut même le cas échéant être tacite, encore faut-il que l’acte ou les conclusions visés à ce titre permettent par leurs termes ou par le but qu’ils recherchent, d’en déduire que leur auteur demande la délivrance de son legs.

Tel ne peut être le cas d’un simple acte d’appel effectué à l’encontre d’une décision annulant des testaments, qui n’exprime rien d’autre que la volonté de son auteur de contester cette annulation. Il ne peut nullement en être déduit que par ce biais Mme [T] aurait entendu exercer une autre action, distincte et précise, en l’occurrence une demande de délivrance de son legs.

De même, l’assignation délivrée le 13 octobre 2014 par Mme [T] à Mme [J] ne peut être considérée comme une demande en délivrance du legs, puisque, selon les termes de l’arrêt de la cour d’appel de Nancy, cette demande n’y figurait pas et a au contraire été expressément ajoutée dans des conclusions récapitulatives en date du 29 octobre 2015 déposées pour l’audience de mise en état du 3 novembre 2015.

Le premier acte par lequel la délivrance du legs a été sollicitée, et qui peut par conséquent être interruptif de prescription, est donc constitué par les conclusions du 29 octobre 2015.

A supposer même qu’il puisse être considéré, nonobstant les termes des conclusions du 29 octobre 2015, que l’assignation délivrée le 13 octobre 2014 ait contenu implicitement une demande de délivrance du legs fait à Mme [T], il convient de vérifier si le délai pour solliciter cette délivrance lui était encore ouvert à cette date.

S’agissant du délai de prescription, il avait été retenu sous l’empire des anciens textes relatifs à la prescription, que l’action en délivrance était soumise au délai de droit commun édicté à l’ancien article 2262 du code civil, soit un délai de prescription trentenaire.

Le délai de prescription de droit commun est depuis l’intervention de la loi du 17 juin 2008 le délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Mme [T] ne peut revendiquer une prescription trentenaire relative aux actions réelles immobilières, dès lors qu’elle n’est pas légataire particulière d’un immeuble, mais légataire universelle.

De même Mme [T] ne peut revendiquer à son profit le délai de prescription réservé au délai d’option successorale : L’action en délivrance d’un legs est une action entièrement distincte, et en l’absence de disposition spécifique concernant le délai de prescription de cette action, seul le délai de droit commun de la prescription a vocation à s’appliquer, en l’occurrence le délai quinquennal de l’article 2224 du code civil tel qu’il résulte de la loi du 17 juin 2008.

En application de l’article 26 II de cette loi, « les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi », soit le 19 juin 2008, ce dont il résulte que le délai de prescription de l’action en délivrance du legs expirait le 19 juin 2013.

Mme [T] avait connaissance de ses droits par le décès de M. [O], elle ne soutient pas que la teneur des trois testaments lui aurait été cachée. Le délai de son action en délivrance de son legs avait donc commencé à courir le 13 janvier 2005 et elle ne peut soutenir qu’elle n’aurait eu connaissance de son droit qu’à l’issue de la procédure en nullité des testaments diligentée par Mme [J], qui n’a fait que conforter un droit à se prévaloir d’un testament dont elle avait déjà connaissance.

De même l’existence de cette action en nullité ne faisait pas obstacle à ce que Mme [T] introduise parallèlement une action judiciaire en délivrance du legs, compte tenu du caractère provisoire de cette délivrance et n’a donc pas suspendu le cours de la prescription.

Il n’y a donc lieu, ni de reculer le point de départ du délai de prescription, ni de considérer que ce délai a été suspendu.

L’action de Mme [T] en délivrance de son legs est donc prescrite depuis le 19 juin 2013.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté que Mme [T] avait sollicité la délivrance de son legs dans le délai de la prescription, et de déclarer sur ce point Mme [T] irrecevable en sa demande.

Mme [T] étant irrecevable à solliciter la délivrance de son legs, elle n’a pu acquérir la qualité d’indivisaire dans la succession de [W] [O] et est donc également irrecevable pour défaut de qualité à solliciter, tant l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage, que la licitation de l’immeuble et le paiement à son profit d’une indemnité d’occupation. Elle doit donc être déclarée irrecevable dans l’ensemble de ses demandes.

Il est équitable de prévoir que Mme [T] s’acquittera d’une somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant sur renvoi après cassation,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Nancy,

Statuant à nouveau,

Constate la prescription de l’action de Mme [K] [T] épouse [B], en délivrance de son legs,

Déclare en conséquence irrecevable l’ensemble des demandes de Mme [K] [T] épouse [B]

Condamne Mme [K] [T] épouse [B] à verser au conseil de Mme [X] [O] épouse [J], en application de l’article 700 2° du code de procédure civile, une somme de 1.000 €,

Condamne Mme [K] [T] épouse [B] aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.

La Greffière La Présidente de chambre

 


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