Droits des héritiers : 30 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00809

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Droits des héritiers : 30 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00809

30 juin 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
18/00809

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre de la famille

ARRET DU 30 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/00809 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NRC2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 JANVIER 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 16/00461

APPELANT :

Monsieur [O] [U]

né le 14 Décembre 1971 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

VILLE DE [Localité 1]

Prise en la personne de son Maire en exercice

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre CHARPY de la SCP BLANQUER/CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE

Ordonnance de clôture du 14 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées de cette mise à disposition au 09/06/2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 30/06/2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 12 mars 2013, M. [V] [U] décédait à [Localité 1], en laissant à sa survivance son fils unique, M. [O] [U], héritier réservataire, et après avoir désigné la ville de [Localité 1] en qualité de légataire de la quotité disponible suivant testament authentique reçu par Me [K] [T]-[P] [Z], notaire à [Localité 5], le 30 mai 2011.

Antérieurement au legs, M. [V] [U] avait été victime de deux accidents en 1982 et le 26 février 1996. Il avait bénéficié d’une mesure de tutelle convertie en curatelle le 24 avril 1986 qui n’était pas reconduite par jugement du 27 juin 1989. Par décision notifiée le 4 mars 1999, la COTOREP lui avait attribué une carte d’invalidité valable 10 ans à compter du 1er novembre 1999 avec un taux d’incapacité de 90%.

Par acte d’huissier en date du’16 mars 2016, M. [O] [U] assignait la ville de [Localité 1] aux fins de’voir prononcer la nullité du testament authentique pour insanité d’esprit.

Par jugement rendu le’11 janvier 2018, le Tribunal de Grande Instance de Narbonne déboutait M. [O] [U] de l’ensemble de ses demandes, disait n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, et condamnait M. [O] [U] aux entiers dépens.

M. [O] [U] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du’13 février 2018 aux fins de réformation de chacun de ses chefs.

Les dernières écritures de l’appelant ont été déposées le’13 mars 2023 et celles de l’intimée le’20 juillet 2018.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le’14 mars 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [O] [U], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du’13 mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles’901 et 414-1 du code civil et de l’article Annexe 2-4 du Code de l’action sociale et des familles, d’infirmer le jugement déféré des chefs critiqués par sa déclaration d’appel:

* à titre principal :

annuler le testament authentique en date du 30 mai 2011

condamner la Ville de [Localité 1] à lui régler une somme de 2’500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel

* à titre subsidiaire

désigner tel expert, médecin neurologue, avec pour mission d’examiner le dossier médical complet de M. [V] [U], et préciser si, en l’état des atteintes relevées de son vivant, il pouvait être médicalement ‘ sain d’esprit ” le 30 mai 2011

surseoir à statuer sur ses demandes, dans l’attente du rapport d’expertise.

La Ville de [Localité 1], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du’20 juillet 2018 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour de:

rejeter toutes demandes contraires comme injustes et mal fondées

débouter M. [O] [U] de l’ensemble de ses demandes

le condamner sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à lui verser la somme de 5’000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel et sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile, à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des moyens des parties.

SUR QUOI LA COUR

* expertise et sursis à statuer

En application des articles 9 et 147 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Le juge doit limiter le choix de la mesure d’instruction à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

M. [U] est décédé en 2013, de nombreuses pièces médicales sont versées en procédure qui suffisent à éclairer la cour pour trancher le litige, en conséquence de quoi, les demandes d’expertise et de sursis à statuer seront rejetées.

* annulation du testament

‘ Pour les premiers juges, M. [O] [U] ne démontre pas l’insanité de son père le 30 mai 2011 motifs pris :

au jour du testament, M. [V] [U], testateur, ne faisait plus l’objet d’une mesure de protection, la permanence de l’altération des facultés mentales de ce dernier n’est donc pas démontrée

si M. [V] [U] a été victime d’un accident en janvier 1982 et placé d’abord sous tutelle, puis sous curatelle en 1986 jusqu’au jugement du 27 juin 1989, à cette date, il était sain d’esprit, sauf preuve contraire

le rapport d’expertise du 8 juillet 1996 réalisée après un second accident survenu en 1996 précise que ‘ les troubles neuropsychiatriques décrits lors de l’expertise du 18 septembre 1984 sont retrouvés sans changement significatif, excepté une irritabilité majorée et quelques thèmes phobiques”, le sujet est décrit comme ‘physiquement et intellectuellement apte sur le plan médical à reprendre les quelques activités personnelles qu’il avait lors de l’accident’

les divers courriers et notes prises par M. [V] [U] versés aux débats ne démontrent pas l’existence d’une insanité d’esprit et les troubles caractériels et la grande défiance à l’égard de son entourage ne permettent pas d’établir l’existence d’une altération de ses facultés mentales.

la case ‘ symptômes neurologiques et neuro-psychiatriques” cochée dans une grille d’inclusion rédigée le 15 mars 2011 lors de la prise en charge de l’intéressé en soins palliatifs ne permet pas de conclure avec certitude à l’insanité d’esprit de M. [V] [U], ce dans un temps proche de la conclusion de son testament.

la note du Docteur [L], qui se prononce le 27 octobre 2015 sur la personnalité et la capacité de M. [V] [U], plus de deux ans après sa mort sans l’avoir rencontré, après examen des documents écrits et du témoignage du requérant, ne saurait démontrer l’insanité d’esprit de M. [V] [U].

‘ Au soutien de son appel, M. [O] [U] fait valoir que son père présentait une altération de ses facultés lors de la rédaction du testament authentique du 30 mai 2011 puisqu’il souffrait d’oligophrénie majeure, soit d’un état d’arriération mentale importante, et de paranoïa. Il précise que l’oligophrénie, permanente par nature, dont attestent les conclusions du Dr [J] [I], a interdit tout intervalle de lucidité à M. [V] [U] et que les expertises judiciaires de [Localité 6] (pièces 3 et 5) indiquent ‘ une capacité physiologique résiduelle de 20%, tant sur le plan psychique que physique”. Il ajoute que la Caisse Primaire de l’Assurance Maladie de l’Aude a validé, en 1992, les diagnostics répétitifs du docteur [W], créditant M. [V] [U] d’affections de longue durée, notamment des séquelles cérébrales lourdes et de l’épilepsie, et a relevé, comme affection psychiatrique de longue durée, la paranoïa. Il explique que l’analyse du docteur [L] n’a pour objet que d’illustrer cette paranoïa. Enfin, il rappelle que M. [V] [U] a souffert suite à l’accident d’un coma de type 3, sans rémission et selon le docteur [W] ‘sans possibilité d’amélioration” (pièce 16). Il soutient que le rapport du Dr [D] [N] délivré au tribunal le 22 mars 1989, par anticipation et sans concertation, qui a fondé la mainlevée de la curatelle, n’a pas été corroboré par un neurologue expert assermenté alors que M. [V] [U] souffrait de polyhandicaps.

‘ En réplique, la Ville de [Localité 1] soutient que M. [O] [U] ne rapporte pas plus la preuve de l’altération des facultés de M. [V] [U] et d’insanité d’esprit au jour de la signature du testament.

S’agissant de l’état permanent d’altération, elle fait valoir que les mesures de tutelle et curatelle ont été levées en 1986 et 1989, bien avant 2011, dans cet intervalle de 22 ans des mesures de protection auraient été prises si M. [V] [U] avait présenté un état permanent d’insanité d’esprit. Elle ajoute que les certificats médicaux versés aux débats ont été établis en mars et mai 2018, ‘à la demande de M. [O] [U] pour faire valoir ce que de droit ” soit ultérieurement au décès du testateur.

Enfin, elle précise que, si la charge de la preuve ne lui incombe pas et que l’authenticité de l’acte ne couvre pas l’état d’esprit du testateur, la preuve de l’insanité d’esprit de M. [V] [U] au moment de l’établissement du testament n’est pas rapportée puisque le notaire, Me [T], a reçu le testament de celui-ci, en présence de deux témoins, qu’aucun n’a contesté la capacité de tester de M. [V] [U], lequel était conscient de ne lui léguer que la quotité disponible.

‘ Réponse de la cour

Les parties font valoir les mêmes moyens que ceux exposés aux premiers juges, l’appelant ajoute aux pièces examinées par les premiers juge deux certificats médicaux de 2018 établis par les docteurs [I] et [A].

En application de l’article 901 du code civil, il faut être sain d’esprit pour faire une libéralité.

L’article 414-1 du même code dispose que pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

L’article 414-2 précise qu’après la mort du testateur, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :

si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental

s’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice

si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.

Le testateur, décédé au jour de la saisine du premier juge, avait pris le soin d’établir la donation par acte authentique, recueilli par un notaire, en présence de deux témoins, qui n’ont pas constaté l’insanité d’esprit de M. [V] [U].

Ni l’identité du testateur, les modalités de rédaction de l’acte authentique, dicté par le testateur, relu par le notaire en présence de deux témoins, signé et daté, ne sont pas contestées par l’appelant qui argue de l’insanité d’esprit de son père au jour de la rédaction de l’acte, ce alors qu’il est indiqué dans l’acte que M. [V] [U] était ‘sain d’esprit, ainsi qu’il est apparu au notaire et au témoin”.

La cour relève que le testateur a clairement précisé léguer la quotité disponible, ce qui démontre qu’il n’entendait pas déshériter son fils et avait conscience de ses droits.

Les premiers juges ont exactement rappelé les règles de droit applicables au litige et n’ont pas inversé la charge de la preuve comme le soutient l’appelant auquel en application des articles précités, il appartient de rapporter la preuve de l’insanité d’esprit de son père au jour de l’acte. Ils ont écarté l’altération permanente de l’état de santé du testateur en relevant qu’il ne bénéficiait plus de mesure de protection depuis 1989, soit 22 ans avant le testament de 2011, que les pièces versées par M. [O] [U] ne démontraient pas une altération permanente des capacités de son père, que les attestations des médecins très postérieures au décès ne pouvaient constituer une preuve décisive.

La cour ajoute que les certificats des docteur [I] et [A] de 2018, soit 7 ans après le legs, qui sont produits en cause d’appel, ne peuvent démontrer l’insanité d’esprit au jour de l’acte.

Pour la cour, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de tous les documents médicaux versés par M. [U].

Les correspondances versées par l’appelant font certes apparaître les tensions qui ont existé entre le testateur et ses enfants et les troubles caractériels dont il souffrait en fin de vie sans pour autant démontrer une perte totale de lucidité de celui-ci. Au contraire, le legs en la forme authentique démontre qu’il avait des connaissances certaines en matière de gestion de son patrimoine, différenciait la réserve héréditaire et la quotité disponible dont il entendait faire bénéficier la Ville de [Localité 1] sans que sa volonté puisse être contestée, de telle sorte que, si son caractère laissait à désirer, il n’en était pas de même de ses facultés intellectuelles, qui demeuraient entières.

En conséquence de quoi, c’est par une juste appréciation des faits, par des motifs pertinents et à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [O] [U] de ses demandes, le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

* frais et dépens

L’équité commande de rejeter les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelant, succombant en cause d’appel, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y AJOUTANT

Déboute M. [O] [U] de sa demande d’expertise et de sursis à statuer

Déboute les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [O] [U] aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

SR/CK

 


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