Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04224

·

·

Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04224

29 mars 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/04224

N° RG 21/04224 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I5NP

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 29 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

1119000722

Tribunal judiciaire de Rouen du 20 septembre 2021

APPELANT :

Monsieur [H] [C]

né le [Date naissance 6] 1976

[Adresse 8]

[Localité 5]

représenté et assisté par Me Sophie LE MASNE DE CHERMONT, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Marion DODEUR

INTIME :

Monsieur [N] [X], ès qualités d’ayant droit de [R] [B] épouse [X]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté et assisté par Me Claudie ALQUIER, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 25 janvier 2023 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l’audience publique du 25 janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [R] [B] épouse [X] était propriétaire d’un immeuble situé à [Adresse 8], voisin du fonds appartenant à M. [H] [C] sur lequel celui-ci a édifié de façon surélevée une maison d’habitation.

Par ordonnance du 1er février 2018, le juge des référés du tribunal d’instance de Rouen, saisi le 23 août 2017 par Mme [R] [B] épouse [X] se plaignant de l’écoulement sur sa propriété des eaux pluviales du fonds voisin, a fait droit à sa demande d’expertise et a désigné M. [O] [T] à cet effet. Celui-ci a établi son rapport d’expertise le 28 mai 2018.

Suivant acte d’huissier de justice du 7 mars 2019, Mme [R] [B] épouse [X] a fait assigner son voisin devant le tribunal d’instance de Rouen aux fins de réalisation sous astreinte des préconisations de l’expert judiciaire et d’indemnisation de ses préjudices.

Mme [R] [B] épouse [X] est décédée le [Date décès 2] 2019. Son fils et héritier unique, M. [N] [X] est intervenu volontairement à l’instance.

Par jugement du 20 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :

– déclaré recevable l’intervention de M. [N] [X],

– constaté l’applicabilité de la procédure orale au litige,

– condamné M. [H] [C] à faire intervenir un géomètre et un bureau d’études afin qu’il réalise les actions préconisées par l’expert, ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, durant soixante jours,

– enjoint à M. [H] [C] de réaliser un dispositif de rétention et d’infiltration des eaux pluviales dans sa propriété, conformément aux préconisations de l’expert, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, durant soixante jours,

– condamné M. [H] [C] à réaliser un ouvrage hydraulique sur sa propriété, en bas du versant du côté de la limite de propriété, conforme aux préconisations de l’expert, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision durant soixante jours,

– condamné M. [H] [C] à payer à M. [N] [X], venant aux droits de Mme [R] [X] née [B], la somme de 259,41 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

– condamné M. [H] [C] à payer à M. [N] [X], venant aux droits de Mme [R] [X] née [B], la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– condamné M. [H] [C] à payer à M. [N] [X], venant aux droits de Mme [R] [X] née [B], la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

– rejeté toute demande plus ample ou contraire,

– écarté l’exécution provisoire,

– condamné M. [H] [C] à payer à M. [N] [X], venant aux droits de Mme [R] [X] née [B], la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [H] [C] aux dépens, en ce compris les frais de la procédure de référé-expertise et les frais de l’expertise.

Par déclaration du 4 novembre 2021, M. [H] [C] a formé un appel contre le jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 16 juin 2022, M. [H] [C] demande de voir :

– infirmer le jugement dont appel en l’ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– vu les articles 31 et suivants du code de procédure civile, déclarer irrecevable M. [N] [X] en ses demandes pour défaut d’intérêt et de qualité à agir sauf en sa demande au titre du préjudice de jouissance, à tout le moins, constater qu’elles sont désormais sans objet, et débouter M. [N] [X] de ladite demande,

– à titre subsidiaire, vu les articles 640 et 641 du code civil, débouter M. [N] [X] ès qualités d’héritier de Mme [R] [B] épouse [X] de l’ensemble de ses demandes,

– à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a retenu une responsabilité à hauteur de 50 % de Mme [R] [B] épouse [X] dans la réalisation de ses préjudices,

– en tout état de cause, condamner M. [N] [X] ès qualités d’héritier de Mme [R] [B] épouse [X] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens de première instance et d’appel.

Il fait valoir que M. [N] [X] n’a aucun intérêt à agir, sauf en ce qui concerne l’indemnisation d’un préjudice de jouissance, car il n’est plus le propriétaire de la maison de sa mère qui a été vendue même s’il a la qualité d’héritier de cette dernière ; que l’action dont celui-ci disposait a été transmise à l’acquéreur lequel atteste qu’il n’a subi aucune inondation.

Il indique ensuite sur le fond qu’étant chef de chantier dans une entreprise de travaux publics, il a accompli lui-même les travaux sollicités par l’expert judiciaire et fait réaliser une étude de définition du mode de gestion et d’évacuation des eaux pluviales ; que Mme [R] [B] épouse [X] n’a pas démontré la réalité de son préjudice, que les traces d’inondation dans la cave de celle-ci sont liées à une inondation exceptionnelle en 1997 ; qu’il n’est pas justifié la persistance d’un prétendu dommage après la réalisation de ses travaux qui sont conformes.

Il ajoute que Mme [R] [B] épouse [X] et son fils n’ont jamais réalisé les travaux mis à leur charge aux termes du rapport d’expertise judiciaire, ce qui participe incontestablement à la réalisation du préjudice de celle-ci ; que M. [N] [X] ès qualités ne démontre pas les conditions de mise en jeu de sa responsabilité ; que celui-ci ne justifie pas du préjudice moral invoqué, qu’au contraire, cette demande indemnitaire s’inscrit dans un contexte de rapports de voisinage excécrables depuis des années.

Par dernières conclusions notifiées le 21 juin 2022, M. [N] [X] ès qualités d’ayant droit de Mme [R] [B] épouse [X] sollicite de voir en vertu des anciens articles 1382 et suivants devenus 1240 et suivants, 640, 641 du code civil :

– débouter M. [H] [C] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement du 20 septembre 2021 du tribunal judiciaire de Rouen,

– condamner M. [H] [C] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il expose que l’intérêt à agir doit être apprécié au moment de l’engagement de l’action le 7 mars 2019 peu importent les circonstances postérieures ; qu’en sa qualité d’héritier de sa mère qui était propriétaire de son immeuble à ladite date, il bénéficie de plein droit de l’action de celle-ci ; que la qualité de propriétaire ou non de l’immeuble de sa mère au jour du jugement est sans incidence sur son intérêt à agir.

Il indique sur le fond que la responsabilité délictuelle de M. [H] [C] est engagée ; que l’expert judiciaire a conclu que l’habitation de celui-ci n’était pas conforme aux règles d’urbanisme de la commune applicables au moment de la construction de sa maison et actuellement ; que sa mère a été victime de plusieurs inondations et pas uniquement en 1997 ; que les conclusions de l’expert judiciaire ne sont pas utilement contredites ; que M. [H] [C], dont l’absence de compétence a été constatée par l’expert judiciaire, ne justifie pas avoir fait appel à un géomètre préalablement à la réalisation de l’étude qu’il invoque, ni avoir respecté les préconisations de l’expert judiciaire.

Il ajoute que sa mère, âgée de 70 ans et ayant des soucis de santé, a subi des préjudices de jouissance et moral jusqu’au 7 mars 2019.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 4 janvier 2023.

MOTIFS

Sur les demandes de M. [X] ès qualités

– Sur leur recevabilité

L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 31 du même code précise que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’intérêt à agir doit être apprécié au moment de l’engagement de l’action et ne peut pas dépendre de circonstances postérieures qui l’auraient rendue sans objet.

En l’espèce, à la date de l’assignation du 7 mars 2019 tendant à la réalisation des travaux préconisés par l’expert judiciaire pour remédier aux inondations dénoncées et à l’indemnisation de ses préjudices, Mme [B] épouse [X] était propriétaire de son fonds.

A l’issue de son décès, l’instance s’est poursuivie en présence de son ayant droit M. [X].

La vente postérieure du fonds de sa mère n’a pas eu pour effet d’éteindre l’intérêt de l’action en justice existant au jour de son engagement. Il en est de même de la déclaration du nouvel acquéreur, M. [V] selon laquelle il n’a subi aucune inondation depuis l’acquisition de l’immeuble le 3 novembre 2020, hormis une flaque d’eau dans la cave.

M. [X] ès qualités est donc recevable en ses demandes. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

– Sur leur bien-fondé

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 681 du même code précise que tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s’écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.

L’article 640 du même code prévoit que les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l’homme y ait contribué. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

L’article 641 du même code dans sa version applicable au jour de l’assignation indique enfin que tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds. Si l’usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d’écoulement établie par l’article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur. Les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations ne peuvent être assujettis à aucune aggravation de la servitude d’écoulement dans les cas prévus par les paragraphes précédents.

En l’espèce, M. [X], ès qualités justifie de l’existence des désordres dénoncés par sa mère. Il produit plusieurs clichés photographiques d’inondations du sous-sol semi-enterré de son habitation. Dans son rapport d’expertise amiable du 19 mai 2016, l’expert mandaté par l’assureur habitation de Mme [B] épouse [X] a indiqué, au vu de ces clichés, que le sous-sol était inondé à chaque épisode pluvieux important. Le 13 mars 2017, Me [J], huissier de justice, a constaté que les sols du garage et de la cave étaient humides dans leur ensemble.

En outre, à l’issue de ses investigations, l’expert judiciaire a précisé que :

– les désordres dont se plaignait Mme [B] épouse [X] se rapportaient à l’inondation régulière des locaux du sous-sol de son habitation. En période de fortes intempéries, elle se retrouvait avec 20 centimètres d’eau dans son sous-sol et son installation de pompage n’était pas en mesure d’évacuer cette importante quantité d’eau,

– l’implantation altimétrique de l’habitation de cette dernière était située à un niveau nettement plus bas que celle de M. [C], ce qui, en périodes de fortes intempéries, entraînait un ruissellement des volumes d’eaux directement vers l’habitation de Mme [B] épouse [X], laquelle était particulièrement exposée face aux risques d’inondations.

L’attestation de M. [S], autre voisin de Mme [B] épouse [X], ne vient pas contredire ces éléments. Celui-ci fait uniquement référence aux conséquences d’un seul événement climatique qu’a été l’orage du 17 juin 1997, à savoir l’inondation du garage et de la cave de la maison de celle-ci qui ont donné lieu à l’intervention des pompiers.

L’expert judiciaire a imputé ces désordres :

– pour M. [C], à l’absence de dispositif de rétention et d’infiltration des eaux pluviales dans le sol de sa propriété (pour les surfaces totalement imperméabilisées) et en bas de son terrain et de la pente qui dirige les eaux de ruissellement vers l’habitation de sa voisine. Sa maison n’est pas conforme aux règles d’urbanisme de la commune applicables au moment de sa construction et à celles actuellement en vigueur,

– pour Mme [B] époux [X], d’une part, au non-fonctionnement du réseau de drainage implanté entre la façade principale de son habitation et la limite de propriété avec M. [C], dont l’objet était de récupérer les eaux pluviales qui s’abattaient sur sa propriété et ruisselaient ensuite sur son terrain, et non celles provenant de la propriété de M. [C] et, d’autre part, à l’absence ou à l’insuffisance de rejet des eaux collectées dans le sous-sol de son habitation dans son puits d’infiltration.

M. [C] n’a pas respecté son obligation de non-déversement des eaux pluviales sur le fonds voisin et a aggravé la servitude naturelle d’écoulement. Sa faute a participé à la survenue des dommages subis par Mme [B] épouse [X] dans le sous-sol de son habitation.

De son côté, cette dernière n’a pas entretenu son réseau d’évacuation des eaux du sous-sol de son immeuble et de drainage des eaux pluviales tombant sur son fonds. L’expert judiciaire a ainsi indiqué que les réseaux d’évacuation du sous-sol, en mauvais état et encrassés, ne pouvaient pas remplir correctement leur fonction de recueillement des eaux d’infiltration et d’évacuation dans des conditions satisfaisantes. Il a aussi relevé que le réseau d’épandage réalisé en 1983 n’avait pas été régulièrement entretenu, qu’il était encrassé, et recouvert par la terre végétale. Enfin, il n’a pas pu vérifier la présence du regard situé en aval du caniveau figurant sur le plan communiqué par Mme [B] épouse [X], ni celle du puits filtrant, ni encore les équipements du système d’épandage.

Ce défaut d’entretien de la part de Mme [B] épouse [X] a concouru à la production de son dommage.

En conséquence, la responsabilité délictuelle de M. [C] est engagée partiellement à hauteur de 50 %, comme l’a retenu le premier juge.

1) Sur la réalisation de travaux sous astreinte

L’expert judiciaire a conseillé les travaux nécessaires suivants pour remédier aux désordres :

– dans la propriété de M. [C] :

* l’intervention préalable d’un géomètre pour mesurer la dénivellation entre le sol en pignon de son habitation et le bas de sa propriété au niveau de la clôture, avec l’établissement d’un profil de la dénivellation et de l’emprise de la zone qui rejette des eaux de ruissellement vers la propriété de Mme [B] épouse [X],

* l’intervention préalable d’un bureau d’études spécialisé pour déterminer le type de filière à mettre en oeuvre pour assurer la rétention et l’infiltration des eaux pluviales sur les surfaces imperméabilisées, ainsi que la nature et le dimensionnement de l’ouvrage à réaliser en bas de pente du côté de la limite de propriété,

* la réalisation d’un dispositif de rétention et d’infiltration des eaux pluviales correctement dimensionné par référence aux quantités d’eaux collectées sur les surfaces imperméabilisées,

* la réalisation d’une noue en partie basse de la pente du côté de la limite de propriété pour récupérer les eaux de ruissellement des surfaces d’espaces verts faiblement imperméabilisées et qui devra être correctement dimensionnée par rapport à la réalité physique du terrain et aux exigences règlementaires applicables en la matière,

– dans la propriété de Mme [B] épouse [X] :

* l’intervention préalable d’un géomètre pour mesurer la dénivellation entre les niveaux du sous-sol, celui de l’accès au rez-de-chaussée, et le haut de sa propriété, avec l’établissement d’un profil de la dénivellation,

* la nécessité de faire procéder à des investigations techniques pour localiser précisément le puits filtrant et le réseau d’épandage, de contrôler l’état de ces ouvrages, de les remettre en état et d’autoriser leur mise en fonctionnement,

* la nécessité de contrôler l’étanchéité des réseaux d’eaux pluviales reliés aux descentes jusqu’au puits filtrant,

* l’examen, à la suite de ces investigations, de la possibilité de supprimer l’installation provisoire de pompage mise en place et de contrôler si le fonctionnement gravitaire des réseaux de collecte des eaux pluviales au sous-sol peut permettre de diriger les eaux collectées directement vers le puits filtrant,

* la nécessité de remettre en service le réseau de drainage réalisé en 1983.

Sans solliciter l’avis préalable de l’expert judiciaire, M. [C] a réalisé lui-même deux tranchées d’épandage reliées chacune à chaque descente d’eaux pluviales, un champ d’épandage des eaux pluviales sans débit de fuite, et une noue sans présence de débit de fuite.

L’expert judiciaire a estimé que M. [C] n’avait pas fait réaliser préalablement une mesure de perméabilité du sol afin de déterminer sa capacité d’infiltration et le type de filière à mettre en oeuvre et qu’il ne s’était pas fait assister par un professionnel compétent pour déterminer le dimensionnement et l’implantation des ouvrages à réaliser. Il n’a pas validé le champ d’épandage des eaux pluviales de l’habitation et la noue en partie basse du terrain réalisés par M. [C].

Postérieurement à l’établissement du rapport d’expertise judiciaire, M. [C] a fait effectuer une étude de définition du mode de gestion et d’évacuation des eaux pluviales le 21 mars 2019 par la société Anc-Conseils recouvrant une étude de sol et une estimation des volumes. Elle a conclu, pour la dispersion des eaux pluviales, à la mise en place d’une noue d’infiltration plantée peu profonde d’une surface de 25 m², d’un volume de 8 m3, d’une profondeur des tranchées de ‘0,35 mètres minimum/TN/TF, et un fond de fouille horizontal.

Dans son procès-verbal du 3 septembre 2019, Me [W], huissier de justice, a constaté l’existence :

– de deux descentes d’eaux pluviales situées à l’ouest de la maison de M. [C],

– d’un tuyau en pvc dans le regard au pied de chacune de ces deux descentes, ces deux tuyaux traversant le sol de la pelouse,

– d’une noue au sud de la propriété où se déversent les eaux provenant de ces deux tuyaux et où sont recueillies les eaux de ruissellement et dont la profondeur a été mesurée de 49,20 à 49,50 centimètres et la largeur à 1 mètre,

– de deux drains dans le sol,

– d’une noue située à l’ouest le long de la clôture séparative du fonds voisin, d’une largeur d’environ 1,30 à 1,40 mètres, d’une profondeur de 43 à 52 centimètres, et d’une distance de 62,40 mètres.

M. [C] ne conteste pas l’absence d’intervention d’un géomètre. M. [X], ès qualités démontre en outre que les prescriptions de l’expert judiciaire n’ont pas été complètement respectées (notamment, capacité de rétention de la noue, volume d’eau à stocker par noue, absence de prise en compte des résultats des pluies à la station météo de [Localité 7], estimation des quantités d’eaux pluviales sur la propriété de M. [C]).

Toutefois, M. [X], ès qualités ne démontre pas la persistance des inondations après les travaux réalisés par M. [C]. Au contraire, M. [V] atteste de l’absence d’inondation depuis son arrivée dans les lieux le 3 novembre 2020.

M. [X], ès qualités ne justifie pas davantage avoir accompli ou fait accomplir les démarches et les travaux mis à la charge de sa mère par l’expert judiciaire dans sa propriété.

En conséquence, la nécessité de faire effectuer le surplus des travaux conseillés par l’expert judiciaire n’est pas prouvée. La demande présentée en ce sens par M. [X], ès qualités sera rejetée. La décision du premier juge y ayant fait droit sera infirmée.

2) Sur l’indemnisation du préjudice matériel

M. [X], ès qualités justifie que sa mère a exposé les frais suivants en lien avec les désordres :

– débouchage d’une canalisation d’eaux pluviales de 257,02 euros TTC selon la facture de la Sarl Halbourg du 20 juin 2018,

– achat de matériels pour 41,80 euros selon les tickets de caisse Brico Marché du 15 août 2015 et de deux batteries d’un véhicule électrique pour 220 euros suivant la facture de la Sarl Electro-Scoot du 22 mars 2016, qui ont été dégradés par l’humidité.

En revanche, le montant du devis pour la réparation de deux bosses formées dans la descente de garage de 792 euros établi par l’entreprise de maçonnerie Alain Amouret sera écarté. Le lien de causalité avec la faute de M. [C] n’est pas établi. Cette entreprise a d’ailleurs précisé qu’un supplément était possible en fonction de ce qu’elle trouverait en-dessous des pavés autobloquants de la descente de garage pour savoir qui avait créé les bosses, évoquant l’hypothèse d’une plaque cassée. Enfin, l’expert judiciaire a précisé que le plan du sous-sol communiqué par Mme [B] épouse [X] indiquait la présence d’un équipement d’assainissement sous la descente de garage dont le mauvais état était probablement à l’origine des déformations affectant le revêtement en pavés bloquants.

M. [C] sera condamné à payer à M. [X], ès qualités la somme de

259,41 euros à ce titre (518,82 euros × 50 %). La décision du tribunal sera confirmée sur ce point.

3) Sur l’indemnisation du préjudice moral

Le tribunal a justement apprécié la réparation de ce préjudice, directement en lien avec les inondations et non pas avec les difficultés de voisinage alléguées par M. [C], à la somme de 1 000 euros (2 000 euros × 50 %). Son jugement sera confirmé sur ce point.

4) Sur l’indemnisation du préjudice de jouissance

L’expert judiciaire a indiqué que Mme [B] épouse [X] avait subi un trouble dans la jouissance du sous-sol de son habitation du fait de ses inondations lors de fortes intempéries et de l’insuffisance de l’évacuation de l’ensemble des eaux pluviales provenant de sa propriété et de celle de M. [C]. Il a précisé que ce dommage était né à compter de la mise en demeure adressée à M. [C] par l’assureur habitation de Mme [B] épouse [X] le 7 novembre 2016 et allait perdurer jusqu’à la date d’achèvement des travaux préconisés dans la propriété de M. [C].

M. [X], ès qualités réclame l’indemnisation de ce préjudice jusqu’à l’assignation du 7 mars 2019 et la confirmation de l’indemnité de 2 000 euros allouée par le tribunal.

Le 16 août 2018, la Sas Capi a évalué le loyer de la maison de Mme [B] épouse [X] d’une surface habitable de 210 m² à 1 600 euros par mois hors charges. La surface du sous-sol, composé d’un garage, d’une chaufferie, d’un atelier et d’une cave n’est pas mentionnée, à l’exception de celle du garage de 63,94 m².

Eu égard à l’intermittence des inondations survenues uniquement dans son sous-sol, la gêne supportée par Mme [B] épouse [X] est égale à 1 866,62 euros

(1 600 euros × 1/12ème = 133,33 euros × 28 mois = 3 733,24 euros × 50 %). Le montant accordé par le premier juge sera infirmé.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure.

Partie perdante même s’il obtient une infirmation partielle du jugement, M. [C] sera condamné aux dépens d’appel.

Il n’est pas inéquitable de le condamner également à payer à l’intimé la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés pour cette procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

– condamné M. [H] [C] à faire intervenir un géomètre et un bureau d’études afin qu’il réalise les actions préconisées par l’expert, ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, durant soixante jours,

– enjoint à M. [H] [C] de réaliser un dispositif de rétention et d’infiltration des eaux pluviales dans sa propriété, conformément aux préconisations de l’expert, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, durant soixante jours,

– condamné M. [H] [C] à réaliser un ouvrage hydraulique sur sa propriété, en bas du versant du côté de la limite de propriété, conforme aux préconisations de l’expert, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision durant soixante jours,

– condamné M. [H] [C] à payer à M. [N] [X], venant aux droits de Mme [R] [X] née [B], la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [N] [X] ès qualités d’ayant droit de Mme [R] [B] épouse [X] de sa demande de condamnation de M. [H] [C] à faire intervenir un géomètre et un bureau d’études sous astreinte et de sa demande d’injonction à la réalisation d’un dispositif de rétention et d’infiltration des eaux pluviales et d’un ouvrage hydraulique dans sa propriété, conformément aux préconisations de l’expert et sous astreinte,

Condamne M. [H] [C] à payer à M. [N] [X] ès qualités d’ayant droit de Mme [R] [B] épouse [X] la somme de 1 866,62 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

Condamne M. [H] [C] à payer à M. [N] [X] ès qualités d’ayant droit de Mme [R] [B] épouse [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne M. [H] [C] aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x