Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08900

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Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08900

29 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/08900

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° 2023/ , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08900 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUSZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Avril 2021 – Tribunal judiciaire de BOBIGNY – RG n° 14/00752

APPELANT

Monsieur [S] [T] [C] [P]

né le 12 Juillet 1958 à [Localité 8] (93)

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0811

ayant pour avocat plaidant Me Alexandre PAUL-LOUBIERE, pour la SELARL ISALEX, avocat au barreau de CHARTRES

INTIME

Monsieur [N] [P]

né le 27 Décembre 1956 à [Localité 8] (93)

[Adresse 5]

[Localité 1]

représenté et plaidant par Me Valérie COLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0959

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[T] [P] est décédé le 8 octobre 2010, laissant pour lui succéder ses deux fils MM. [S] et [N] [P].

Il dépend de la succession outre divers meubles, un bien immobilier situé [Adresse 4] (93).

Par acte d’huissier du 21 novembre 2013, M. [S] [P] a assigné M. [N] [P] devant le tribunal de grande instance de Bobigny en partage de la succession de leur père, licitation du bien immobilier indivis et fixation d’une indemnité d’occupation.

Par jugement du 15 février 2016, le tribunal de grande instance de Bobigny a notamment :

-ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision née suite au décès de [T] [P],

-commis le Président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris ou son délégataire pour y procéder, à l’exclusion de Maître [H] [G], notaire à [Localité 8], -désigné le juge de la mise en état de la 7ème chambre civile section 3, en charge du présent dossier, en qualité de juge commis,

-débouté M. [N] [P] de sa demande de sursis à statuer ou d’expertise judiciaire du bien immobilier situé [Adresse 4] (93),

-préalablement à ces opérations et pour y parvenir, ordonné, à défaut d’accord des parties sur une vente amiable, aux requêtes et diligences de M. [S] [P], qu’il soit procédé à la vente sur licitation du bien indivis constitué par une maison située [Adresse 4] (93), cadastré section AG n°[Cadastre 2], d’une contenance de 2a 50 ca, à l’audience des criées de ce tribunal, sur le cahier des conditions de vente qui sera dressé et déposé par Me Noelhasbi, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, en un lot et sans expertise, sur une mise à prix de 200 000 euros, avec faculté de baisse du tiers, puis du quart,

-rejeté le surplus des demandes relatives à la vente du bien immobilier,

-dit n’y avoir lieu à condamner M. [N] [P] à payer une indemnité d’occupation du bien indivis,

-condamné M. [N] [P] à rembourser à l’indivision successorale les éventuels frais liés à son occupation du bien indivis, tels que les consommations d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone en lien avec son occupation personnelle, selon décompte qu’il appartiendra au notaire d’établir,

-débouté, en l’état, M. [N] [P] de ses demandes indemnitaires relatives à sa gestion du bien indivis,

-dit que les meubles issus de la succession seront partagés dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage devant le notaire, sans qu’une expertise judiciaire apparaisse à ce stade nécessaire.

Par jugement du 6 juin 2017, le tribunal de grande instance de Bobigny a prononcé l’adjudication du bien immobilier indivis au prix de 215 000 euros, outre les frais de vente taxés à 8 772,61 euros, le prix ayant été réglé par M. [S] [P] et étant actuellement séquestré entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de la Seine Saint-Denis.

Maître [Y] [E], notaire, a établi un projet d’état liquidatif et de partage.

Le 17 mai 2019, il a dressé un procès-verbal de dires, en raison du désaccord de M. [N] [P] sur le projet.

Par jugement du 1er avril 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué dans les termes suivants :

-dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes de « donner acte » formées par M. [S] [P],

-déboute M. [S] [P] de sa demande que M. [N] [P] rapporte à la succession de [T] [P] la somme de 96 290 euros,

-dit que M. [N] [P] devra rapporter à la succession de [T] [P] la somme de 23 390 euros au titre des dons manuels reçus de ce dernier,

-écarte la fin de non recevoir soulevée par M. [S] [P] à l’encontre de la demande formée par M. [N] [P] qu’il rapporte à la succession de [T] [P] la somme de 7 622 euros (50 000 francs) au titre du don manuel,

-déboute M. [N] [P] de sa demande de rapport à la succession de [T] [P], par M. [S] [P], de la somme de 7 622 euros (50 000 francs) au titre du don manuel,

-déclare irrecevables les demandes de M. [S] [P] de :

*condamner M. [N] [P], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à rapporter à l’actif les biens mobiliers et photographies qu’il détient,

*dire que le notaire désigné ou le commissaire-priseur qu’il mandatera à cet effet établira deux lots pour les biens mobiliers, deux lots pour les bijoux et deux lots pour les photographies et les souvenirs entreposés au domicile de M. [S] [P] à [Localité 7] (28) et chez M. [N] [P],

-dit que l’attribution des lots du mobilier, d’une part, et des bijoux, d’autre part, s’effectuera par tirage au sort, auquel le notaire, Me [Y] [E], procédera,

-déboute M. [N] [P] de ses demandes :

*d’ordonner le rapport à la succession par M. [S] [P] des meubles et objets indivis omis dans l’actif successoral tel que figurant au projet de partage de Me [Y] [E] pour une valeur totale de 22 610,82 euros,

*de dire que ces biens et objets ont été attribués à M. [S] [P],

-dit que M. [S] [P] a recelé le lingot d’or dépendant de la succession de [T] [P], vendu au prix de 39 039 euros,

-ordonne la restitution à la succession de [T] [P], par M. [S] [P], de la somme de 39 039 euros, correspondant aux fruits du lingot d’or, soit son prix de vente, sans que ce dernier ne puisse prétendre à aucune part dans le bien recelé,

-déboute M. [N] [P] de ses demandes :

*d’ordonner à M. [S] [P] de fournir les listes des objets et meubles vendus ou conservés, accompagné de photographies,

*d’ordonner à M. [S] [P] de justifier de la réalité de la numérotation de la montre Jaegger-Lecoultre et le cas échéant, de son prix de vente,

*de fixer une créance à son profit à l’encontre de la succession de [T] [P] au titre :

>du travail effectué pour valoriser le bien immobilier indivis situé [Adresse 4] (93) entre 2011 à 2017,

>de ses frais de voyage entre la maison indivise à [Localité 8] (93) et son domicile, en Ardèche (07) (2 000 euros, à parfaire),

-fixe la créance de M. [N] [P] à l’encontre de la succession de [T] [P] à raison de :

*1 500 euros au titre des démarches que le premier a accomplies à l’encontre de M. [W] [O]

*1 203,04 euros au titre des frais d’entretien du bien immobilier indivis

-déclare irrecevable la demande de M. [S] [P] au titre des dépenses qu’il aurait engagées pour le compte de l’indivision,

-déboute M. [N] [P] de sa demande de dommages et intérêts,

-condamne chaque partie à régler ses propres dépens,

-déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-déboute M. [S] [P] de sa demande d’exécution provisoire.

M. [S] [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, l’appelant demande à la cour de :

-débouter M. [N] [P] de toutes ses demandes,

-déclarer irrecevable M. [N] [P] quant à sa demande sollicitée par conclusions n°2 signifiées par RPVA le 10 janvier 2023 et qui sollicite la condamnation de M. [S] [P] à devoir rapporter à la succession la somme de 55 970 euros correspondant à la valeur actuelle du lingot d’or puisqu’il s’agit d’une demande nouvelle en cause d’appel,

-infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [S] [P] que soit rapportée à la succession de M. [T] [P] par M. [N] [P] la somme de 96 290 euros,

-juger que M. [N] [P] doit rapporter à la succession de M. [T] [P] la somme de 96 290 euros,

-infirmer le jugement par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu’il a considéré que la vente du lingot correspondait à du recel et en conséquence, avait jugé que M. [S] [P] ne pourrait prétendre à aucun fruit concernant le produit de cette vente,

-juger que la vente du lingot n’a pas été dissimulée et que la qualification de recel est erronée,

-infirmer la décision du tribunal judiciaire de Bobigny qui a fixé la créance de M. [N] [P] à l’encontre de la succession de M. [T] [P] à raison de 1 500 euros au titre des démarches accomplies à l’encontre du voisin, M. [W] [O], ainsi que la somme de 1 203,04 euros au titre des soi-disant frais d’entretien,

-infirmer le jugement qui a débouté M. [S] [P] au titre des dépenses qu’il a engagées dans l’intérêt de l’indivision,

-juger qu’il devra être mis à la charge de l’indivision la somme de 1 526,17 euros au titre des dépenses afférentes au bien immobilier engagées par M. [S] [P] ainsi que la somme de 3 400 euros au titre des honoraires exposés pour parvenir à la vente sur licitation du bien immobilier,

-condamner M. [N] [P] à verser à M. [S] [P] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [N] [P] aux entiers dépens de la procédure d’instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2023, M. [N] [P], intimé, demande à la cour de :

-dire M. [N] [P] recevable et bien fondé en son appel incident et en ses demandes,

-infirmer le jugement du 1er avril 2021 en ce qu’il :

*a condamné M. [N] [P] à rapporter à la succession la somme de 23 390 euros au titre des dons manuels reçus de son père,

*l’a débouté de sa demande tendant au rapport par M. [S] [P] à la succession de M. [T] [P] de la somme de 7 622 euros au titre d’un don manuel,

*l’a débouté de sa demande de rapport à succession des meubles et objets indivis omis dans l’actif successoral tel que figurant au projet de partage et d’attribution de ces biens à M. [S] [P],

*l’a débouté de ses demandes tendant à ce qu’il soit ordonné à M. [S] [P] de :

>fournir la liste et les photographies des meubles et objets dépendant de la succession qu’il a conservés ou vendus,

>justifier de la réalité de la numérotation de la montre Jaegger-Lecoultre et le cas échéant de son prix de vente,

*l’a débouté de ses demandes tendant à voir fixer sa créance à l’encontre de la succession de [T] [P] à la somme de 30 000 euros au titre du travail effectué pour valoriser le bien immobilier,

*a chiffré à 1 500 euros sa créance envers la succession au titre de ses frais et démarches à l’encontre de M. [O],

*et l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts et d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

-ordonner le rapport à la succession par M. [S] [P] de la somme de 7 622 euros perçue en 1984 à titre de don manuel,

-ordonner le rapport à la succession par M. [S] [P] des meubles et objets indivis omis dans l’actif successoral tel que figurant au projet de partage de Maître [Y] [E] pour une valeur totale de 22 610,82 euros,

-ordonner à M. [S] [P] de fournir les listes des objets et meubles vendus ou conservés, accompagné de photographies afin de permettre leur valorisation exacte,

-ordonner à M. [S] [P] de justifier de la réalité de la numérotation de la montre Jaegger-Lecoultre et du prix auquel elle a été vendue, si elle l’a été, ou sa restitution à la succession,

-dire que ces biens et objets ont été attribués à M. [S] [P],

-fixer la créance de M. [N] [P] envers la succession au titre du travail effectué pour valoriser la maison à la somme de 30 000 euros,

-fixer la créance de M. [N] [P] à la somme de 5 000 euros au titre des frais de la procédure engagée contre M. [O],

-confirmer le jugement du 1er avril 2021 pour le surplus,

-concernant le lingot d’or diverti par M. [S] [P] faire application des sanctions du recel successoral, et dire que M. [S] [P] devra rapporter à ce titre à la succession la somme de 55 970 euros correspondant à la valeur d’un lingot d’or d’un kg au 9 janvier 2023 ou subsidiairement la somme de 39 039 euros outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 28 août 2012,

-fixer la créance de M. [N] [P] à la somme de 1 203,04 euros au titre des frais assumés dans l’intérêt de l’indivision,

-débouter M. [S] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner M. [S] [P] à verser M. [N] [P] la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rétention des objets lui appartenant personnellement,

-condamner M. [S] [P] à verser M. [N] [P] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en vertu de l’alinéa 2 de l’article 954 du code de procédure civile les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. En application de son alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils ont été invoqués dans la discussion.

Sur la recevabilité de la demande nouvelle au titre du lingot d’or

Monsieur [N] [P] demande à la cour, concernant le lingot d’or prétendument diverti par Monsieur [S] [P], de faire application des sanctions du recel successoral, et de dire que Monsieur [S] [P] devra rapporter à ce titre à la succession la somme de 55 970 euros correspondant à la valeur d’un lingot d’or d’un kg au 9 janvier 2023 ou subsidiairement la somme de 39 039 euros outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 28 août 2012.
L’appelant soulève l’irrecevabilité de cette demande au visa de l’article 564 du code de procédure civile.

Il fait cependant valoir que cette demande nouvelle signifiée par conclusions n°2 n’apparaissait pas dans ses conclusions d’appel incident n°1 régularisée par RPVA le 19 octobre 2021 de sorte qu’il se fonde en réalité sur l’article 910-4 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile « Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait »

Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile « A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905- et 98 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802 demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.  »

En matière de partage, il résulte des dispositions de l’article 1373 du code de procédure civile que les demandes faites entre les mêmes parties, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu’une seule instance de sorte que les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif et que toute demande doit être considérée comme une défense à la prétention adverse.
La demande de Monsieur [N] [P] est une demande en réponse à la demande de l’appelant qui demande l’infirmation du jugement qui a dit qu’il avait recelé le lingot d’or et qu’il devait restituer à la succession la somme de 39 039 euros. La demande est par suite recevable.

Sur le recel du lingot d’or par Monsieur [S] [P]

L’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu’il a considéré que la vente du lingot correspondait à du recel et en conséquence, a jugé que Monsieur [S] [P] ne pourrait prétendre à aucun fruit concernant le produit de cette vente et soutient que la vente du lingot n’a pas été dissimulée et que la qualification de recel est erronée.

Monsieur [S] [P] reconnaît avoir pris possession du lingot d’or litigieux, dont il ne conteste pas qu’il dépend bien de la succession du défunt, mais prétend l’avoir vendu en accord avec son frère [N].

Monsieur [N] [P] conteste avoir donné son accord pour cette vente.

Pour être qualifié de recel, trois éléments doivent être réunis :

– un élément matériel, soit la dissimulation d’un bien ou d’un droit faisant partie d’une succession ou d’une donation rapportable ;

– un élément moral, une intention frauduleuse d’un héritier voulant s’assurer un avantage supérieur à l’encontre des autres cohéritiers ;

– l’absence de repentir.

Le tribunal a relevé que Monsieur [S] [P] produisait une facture intégralement illisible, à l’exception du tampon de l’émetteur de la facture, à savoir ‘Groupe Gemmeco…/…Luxembourg’ et de la mention suivante : ‘Je certifie être propriétaire et connaître la provenance des bijoux-montres-or cédés ce jour. Signature :’ et un chèque de 39.039 euros à l’ordre de M. [S] [P] émanant de Groupe Gemmeco à Luxembourg daté du 28 août 2012, et que la correspondance entre les éléments lisibles apparaissant sur la facture (émetteur et nature des objets), d’une part, et le destinataire du chèque, d’autre part, ainsi que le prix de vente, correspondant approximativement à la valeur alléguée par les parties confirmaient la vente, par Monsieur [S] [P], du lingot d’or litigieux dépendant de la succession du défunt au prix de 39.039 euros.

Le tribunal a estimé le recel constitué faute de justificatif d’un quelconque accord de Monsieur [N] [P] pour cette vente, ni du versement, même bien après la vente, de la quote-part du prix de vente de cet objet revenant à ce dernier, par Monsieur [S] [P], ce qui n’est, au demeurant, pas même allégué, et compte tenu de l’information donnée par ce dernier à Monsieur [N] [P] de cette vente, bien après celle-ci, dans le courant de la procédure.

Si Monsieur [S] [P] fait valoir que puisque Monsieur [N] [P] a versé à la procédure la liste de cachettes de [T] [P], se vantant qu’elle lui avait été remise à lui et qui précise en point II : « Dans plafond cuisine par la cour sous [XXX] verre et morceau de tuile cassé, à hauteur de la descente d’eau à gauche : LINGOT et POT » de sorte qu’il avait parfaitement connaissance de l’existence ce lingot, il n’établit aucunement que la vente qu’il en a réalisée l’a été avec l’accord de son frère non plus qu’il ne justifie, ni même n’allègue, lui en avoir reversé la moitié du prix.

Il a donc dissimulé, non le bien mais le produit de sa vente dans l’intention de s’assurer un avantage supérieur, à l’encontre de son frère, et, en ne proposant pas de restituer la moitié du prix obtenu, ne manifeste aucun repentir.

Par suite le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu le recel.

La pénalité applicable est destinée, d’une part, à reconstituer la masse partageable au moyen de l’indemnité de rapport, d’autre part, à priver le receleur de tous droits sur le produit de cette restitution.
Par suite, le jugement sera infirmé ce qu’il a dit que M. [S] [P] a recelé le lingot d’or dépendant de la succession de [T] [P], vendu au prix de 39 039 euros, mais il sera ordonné la restitution à la succession de [T] [P], par M. [S] [P], de la valeur du lingot d’or réactualisée à la somme de 55.970 € au 9 janvier 2023 ainsi qu’il en a été justifié, sans que ce dernier ne puisse prétendre à aucune part dans le bien recelé.

Sur les dons manuels

Sur les dons manuels reçus par Monsieur [N] [P]

Le projet d’état liquidatif et de partage établi par Me [Y] [E], notaire, mentionne, au titre de la masse à partager et de l’actif de l’indivision, la somme de 119.680 euros, au titre du rapport des dons manuels dont Monsieur [N] [P] a bénéficié.

Le tribunal a débouté Monsieur [S] [P] de sa demande tendant au rapport par son frère à la succession de la somme de 96.290 € en retenant que cette somme avait été donnée à Monsieur [N] [P] hors part successorale, au sens de l’article 843 du code civil, et dit que Monsieur [N] [P] devra rapporter à la succession de [T] [P] la somme de 23 390 euros au titre des dons manuels reçus de ce dernier.

L’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement sur ce point et de juger que Monsieur [N] [P] doit rapporter à la succession de [T] [P] la somme de 96 290 euros, tandis que l’intimé demande l’infirmation sur le second point.

Monsieur [N] [P] ne conteste pas avoir perçu la somme de 119 680 € du vivant de son père.

Il fait valoir que la somme de de 96.290 € correspond à des dons familiaux récoltés à compter de 1984 provenant du défunt et d’autres membres de la famille (sa mère, sa tante) et que la somme de 23.390 € correspond à des versements, conformément aux articles 205 et 207 du code civil, à lui apporter une aide, en raison de sa situation personnelle difficile puisqu’il a perçu l’allocation adulte handicapé pour la période du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2010.

Il se prévaut d’un courrier écrit par lui-même mais signé par son père, qui en raison de son âge avait des difficultés à écrire, le 26 janvier 2009 en ces termes :

« J’atteste que la somme de 100.000 € actuellement sur mon compte chèques n°00001777705 et sur mon LDD n° 00075703248 de la BNP PARIBAS de [Localité 8], [Adresse 6], revient à mon fils [N] [P], né le 23 décembre 1956 pour l’achat d’un bien. Cette somme est à considérer hors succession. »

L’appelant répond que pour qu’une donation entre vifs soit considérée comme étant hors succession, elle doit avoir été été effective et ne pas être une simple promesse ou intention libérale future et elle doit porter mention expresse de la volonté du donataire d’effectuer cette libéralité « hors part successorale » alors que dans son courrier du 26 janvier 2009, bien que [T] [P] entendait faire une donation à son fils [N] de la somme de 100.000 €, rien n’indique que cette donation soit effectivement intervenue.

Aux termes de l’article 843 du code civil, « tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt par donation entre vifs directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ».

La volonté exprimée par le défunt dans sa lettre du 26 janvier 2009 de transmettre à son fils [N], hors part successorale, la somme de 100.000 € incluant des sommes versées par des tiers qui avaient été versées sur son compte, et les différents versements en faveur de Monsieur [N] [P] à hauteur de 96.290 € est démontrée par :

– le document manuscrit aux termes duquel [T] [P] indiquait que le plan d’épargne logement était « destiné à [N] à compenser avec [S] qui a eu le sien de 50 000 Fr. »,

– le courrier manuscrit de Madame [J] [A] en date du 31 octobre 2002 : « [T], [N] m’a demandé de t’envoyer la somme que je lui destinais »,

– l’attestation signée par [T] [P] confirmant que le chèque de 13 725 € déposé le 12 novembre 2002, avait bien été envoyé par Madame [J] [A] et les mentions manuscrites apposées sur un relevé de compte par [T] [P] lui-même « ta mère : 13 725 € »,

– le document rédigé le 24 mars 2008 par [T] [P] intitulé « compte [N] » récapitulant :

– sur mon compte 90 076

– plus l’écureuil 2100

– Codevi ([T]) 5243,70 ———————- 97 419,70

– je compléterai par 2580,30

– Total 100 000,00

– A venir [D] 27 300 ————— 127 300,00 »

– l’attestation entièrement manuscrite de [T] [P] du 25 mars 2008 indiquant « je soussigné Monsieur [T] [P] (‘) met à la disposition de mon fils [N] [P] la somme de 96 000 € valeur ce jour (‘) le complément de cette somme sera complété jusqu’à 127 000 € une fois le dédit versé » ,

– le courrier de [T] [P] à son fils [N] du 13 mai 2009 : « voici ton chèque en € de 13 325 € il restera 86 275 € pour ta fête je pensais envoyer librement 26 275 € ‘ il te restera 60 000 € sur ton compte en €. Tu aurais ainsi un peu d’argent sous la main, et tu seras tranquille. De toute façon ces 100 000 € sont sous mon nom (‘) tu n’as rien à craindre ».

– un dernier chèque émis par [T] [P] complétant les 96.290 € au profit de son fils [N] en 2010 n’a pas pu être encaissé avant son décès.

Comme l’a à juste titre relevé le tribunal, la rédaction de la phrase figurant dans le courrier du 26 janvier 2009 ne permet pas de considérer que ‘l’achat d’un bien’ est une condition à la libéralité faite par le défunt à Monsieur [N] [P] et n’est que la destination prévue ou le but recherché.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [S] [P] de sa demande de rapport à succession de la somme de 96 290 euros. S’agissant de la somme de 23 390 euros, conformément aux articles 205 et 207 du code civil et à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, une aide alimentaire ne doit pas donner lieu à un rapport à succession.

Monsieur [N] [P] indique qu’il ne bénéficiait que de l’allocation adulte handicapé à taux plein et d’un complément de ressources, qu’il n’explicite pas, et n’était pas imposable et en justifie par un courrier de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du 2 février 2009, indiquant qu’elle s’est réunie le 30 mars 2006, et lui a reconnu un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80 %, justifiant l’attribution de l’allocation adulte handicapé, avec effet rétroactif pour la période du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2010.

Les versements effectués par [T] [P] à son fils pour un total de 23 390 euros relevaient donc de l’obligation alimentaire familiale. Par suite, par infirmation du jugement, Monsieur [S] [P] sera débouté de sa demande de rapport à succession par Monsieur [N] [P] de la somme de 23 390 euros.

Sur les dons manuels reçus par Monsieur [S] [P]

Monsieur [N] [P] ayant demandé le à la succession par son frère [S] de la somme de 7 622 euros perçue en 1984 à titre de don manuel, en faisant valoir que, en 1984, [T] [P] a versé à son fils [S] une somme de 50 000 francs (soit 7.622 €) lui permettant de financer partiellement et d’obtenir un prêt pour acquérir une maison au [Adresse 3] (au prix de 150 000 francs), le tribunal a rejeté cette demande au motif qu’il ne serait pas démontré que Monsieur [S] [P] aurait perçu cette somme.

En effet, pour s’opposer à la demande de rapport, Monsieur [S] [P] soutient que cette somme a été versée non pas à lui mais à sa concubine, Madame [K] [L] et produit une attestation sur l’honneur de cette dernière en date du 10 juin 2019 ainsi rédigée : ‘Je…/…certifie avoir reçu de [P] [T] la somme de 50.000 Francs(cinquante mille francs) en juin 1984 qui a été déposé sur mon compte personnel à la BNP.’

Si [T] [P] a bien indiqué dans un document manuscrit que le « plan épargne logement est pour [N] pour sa maison (‘) à compenser avec [S] qui a eu le sien de 50 000 ‘ équilibrer la différence » et si l’on peut supposer que les fonds versés à Madame [K] [L] par le défunt ont pu servir à l’acquisition d’un bien immobilier par les concubins, il n’en demeure pas moins que les comptes respectifs de ces derniers leurs ont propres de sorte que c’est à juste titre que le tribunal a estimé que la preuve n’était nullement rapportée que Monsieur [S] [P] ait bénéficié d’un don manuel de 7 622 euros.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le rapport à la succession par Monsieur [S] [P] des meubles et objets indivis et la demande d’ordonner à Monsieur [S] [P] de fournir les listes des objets et meubles vendus ou conservés, accompagné de photographies

Monsieur [N] [P] demande à la cour d’ordonner le rapport à la succession par Monsieur [S] [P] des meubles et objets indivis omis dans l’actif successoral tel que figurant au projet de partage de Maître [Y] [E] pour une valeur totale de 22 610,82 euros, et d’ordonner à Monsieur [S] [P] de fournir les listes des objets et meubles vendus ou conservés, accompagné de photographies afin de permettre leur valorisation exacte.

Il fait valoir que c’est à tort que le tribunal l’a débouté de sa demande au titre des meubles et objets emportés par son frère qui n’apparaissent pas à l’état liquidatif ; que Monsieur [S] [P] s’est approprié la presque totalité des meubles et objets garnissant la maison de 140 m² de [T] [P], n’y abandonnant que les objets dépourvus de valeur ; que la liste des meubles et objets dépendant de la succession figurant au projet de partage est incomplète en comparaison de la liste des objets de valeur établie de la main du défunt, et que le forfait de 22.610,82 € est très inférieur à la valeur des objets mobiliers.

L’appelant répond que les meubles qui ont été conservés et entreposés à son domicile l’ont été à la demande de son frère qui ne disposait pas de suffisamment de place pour les stocker ; qu’il n’entend pas les conserver à titre personnel puisqu’en plus, ces derniers ont été ajoutés au projet de partage ; que l’affirmation de Monsieur [N] [P] selon laquelle cette liste serait incomplète n’est établie par aucun élément.

Le projet d’état liquidatif et de partage établi par Me [Y] [E], notaire, mentionne, dans son exposé que ‘tous les meubles décrits à la déclaration de succession du 22 avril 2011 ont été partagés, à l’exception des meubles et objets mobiliers décrits dans un état ci-joint, descriptif mais non estimatif, dressé par M. [S] [P] et de la moto Harley Davidson et au titre de la masse à partager et de l’actif de l’indivision, les meubles meublants et objets mobiliers détenue par M. [S] [P] et la moto Harley Davidson détenue par ce dernier et la somme représentant le prix de vente de certains meubles détenue par M. [S] [P]’.

Le 17 mai 2019, le notaire a dressé un procès-verbal de dires, en raison du désaccord de Monsieur [N] [P] sur le projet d’état liquidatif et de partage.

Les dires de ce dernier concernant le caractère incomplet de l’actif mobilier à partager sont:

– certains meubles étant restés en la possession de son frère et certains figurant sur la liste qu’il fournit, devant être valorisés,

– d’autres ayant été vendus par Monsieur [S] [P] sans son consentement, ni justificatif de valeur,

– d’autres, enfin, étant restés dans la maison lors de la vente aux enchères, dont certains lui appartenant et pour lesquels il sollicite une indemnisation.

La demande de rapport présentée par Monsieur [N] [P] nécessairement fondée sur l’article 843 du code civil suppose que le défunt se soit dépossédé, de son vivant, de façon irrévocable d’un élément de son patrimoine, par le biais d’une libéralité ou d’un testament puisqu’en application de ce texte il est établi que sauf dispense expresse de rapport, les dons manuels et donations indirectes sont présumés rapportables.

C’est à juste titre que le tribunal, ayant analysé l’ensemble des pièces produites par l’intimé, en a conclu qu’il n’en résultait nullement que les meubles et objets qu’il déclare avoir été emportés indûment par son frère lui auraient été donnés par leur défunt père qui se serait ainsi appauvri dans une intention libérale.

Il a en outre opportunément souligné qu’en l’absence d’inventaire notarié ou de procès-verbal établi par un huissier dressant la liste des objets et mobiliers figurant au domicile du défunt le jour du décès voire peu de temps avant et/ou après, aucune des pièces visées par M. [N] [P] au soutien de sa demande ne permet de démontrer que les éléments apparaissant sur les photographies et les objets et biens mobiliers qu’il déclare manquants étaient au domicile du défunt à son décès et figuraient donc à l’actif successoral.

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner le rapport à la succession par Monsieur [S] [P] des meubles et objets indivis prétendument omis dans l’actif successoral.

Pour demander à la cour d’ordonner à Monsieur [S] [P] de fournir les listes des objets et meubles vendus ou conservés, accompagné de photographies afin de permettre leur valorisation exacte, Monsieur [N] [P] ne formule aucun moyen, pas plus qu’il ne l’avait fait devant les premiers juges.

Cette demande sera donc également rejetée et, par suite, le jugement sera confirmé en ce qui concerne les meubles.

Sur la demande de dire que ces biens et objets ont été attribués à M. [S] [P]

Il y a lieu de rappeler que l’article 826 du code civil dispose « “L’égalité dans le partage est une égalité en valeur.

Chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision.

S’il y a lieu à tirage au sort, il est constitué autant de lots qu’il est nécessaire.

Si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte. »

En application de ce texte, il est établi qu’à défaut d’entente entre les héritiers majeurs et maîtres de leurs droits, les lots doivent obligatoirement être tirés au sort, les tribunaux ne pouvant, en aucun cas, procéder par voie d’attribution.

La demande sera donc rejetée.

Sur la créance de Monsieur [N] [P] au titre des démarches accomplies à l’encontre du voisin, M. [W] [O]

L’appelant demande à la cour d’infirmer la décision en ce qu’elle a fixé la créance de Monsieur [N] [P] à l’encontre de la succession de [T] [P] à raison de 1 500 euros au titre des démarches accomplies à l’encontre du voisin, M. [W] [O], tandis que l’intimé lui demande de porter cette créance à la somme de 5 000 euros au titre des frais de la procédure engagée contre M. [O].

Monsieur [N] [P] dit avoir assumé les dépenses occasionnées par le litige l’opposant à Monsieur [W] [O], propriétaire de l’immeuble voisin, et fait valoir que les agissements de ce dernier (travaux illégaux et incivilités récurrentes), qui avaient débuté du vivant du défunt, ont finalement profité à son frère, M. [S] [P], en décourageant des acquéreurs potentiels et finalement, en permettant la vente sur licitation et le rachat de la maison par celui-ci.

L’appelant soutient que Monsieur [N] [P] a pris l’initiative d’engager une action judiciaire à l’égard du voisin, par une procédure dont il est coutumier à l’égard de l’ensemble des personnes qu’il est amené à côtoyer, sans aucune concertation avec lui, qui s’y serait opposé puisque selon lui cette procédure était totalement inutile.

Monsieur [N] [P] justifie avoir a entrepris de nombreuses démarches, entre 2013 et 2017, auprès du voisin mitoyen de la maison indivise, Monsieur [W] [O], de la mairie de [Localité 8] (93), de la Préfecture de la Seine [Localité 9] et d’un avocat, afin de faire régulariser les désordres occasionnés par ce voisin mitoyen.

Ces démarches visaient à protéger le bien indivis de ces désordres, empiétement et nuisances sonores, et ont entraîné des dépenses nécessaires de conservation du bien immobilier indivis, entrant le champ d’application de l’article 815-13 du code civil et pouvant être acccomplies sans autorisation de l’autre co-indivisaire.

Au vu des pièces produites dont la dernière est datée de 2017 (nombreuses lettres, dont plusieurs recommandées avec accusé de réception, constitution d’un dossier avec lettre et pièces pour l’avocat, paiement d’honoraires d’avocat pour une consultation), le tribunal a fait une exacte appréciation des dépenses engagées en fixant la créance de Monsieur [N] [P] à 1 500 euros et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la créance de Monsieur [N] [P] au titre des frais assumés dans l’intérêt de l’indivision

Monsieur [N] [P] sollicitait, au titre des frais assumés dans l’intérêt de l’indivision, la somme de 4 270,30 euros.

Le tribunal ayant fixé sa créance à ce titre à 1203,04 euros, Monsieur [N] [P] en demandant à la cour de fixer sa créance à cette somme, ne fait que conclure à la confirmation du jugement sur ce point, tandis que l’appelant demande à la cour d’infirmer la décision sur ce point.

Au vu des contestations portées par Monsieur [S] [P], les premiers juges ont retenu :

– au titre des dépenses intitulées ‘frais d’entretien de la maison’, les sommes de 1.153,04 euros (383,25 + 769,79 euros),

– au titre des dépenses intitulées ‘frais de transfert de courrier’ et ‘frais de réexpédition du courrier’, la somme totale de 50 euros (24,50 + 25,50 euros).

Monsieur [S] [P], à hauteur de cour, poursuit l’infirmation de ce chef en se fondant sur l’absence de preuve alors qu’il résulte de la décision entreprise qu’il n’avait pas contesté ces dépenses en première instance.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la créance de Monsieur [N] [P] au titredu travail effectué pour valoriser la maison

Monsieur [N] [P] demande au titre du travail effectué pour valoriser la maison indivise entre 2011 à 2017 la somme de 30.000 euros, soit 869,56 euros par mois en moyenne.

Il fait valoir  :

– qu’à partir de 2011, il a personnellement travaillé à des réparations dans la maison, ainsi qu’à la reconstitution du jardin paysager traditionnel (entretien du jardin, remise en état des robinetteries, des évacuations, descentes d’eaux usées, des arrivées d’eau, nettoyage régulier de l’évacuation des eaux pluviales de la cour, réparation de la treille, nettoyage et rangement, réparation de la chaudière et de la porte d’entrée, surveillance du bon déroulement des multiples travaux de voirie, accueil des agents relevant les compteurs…), afin de la vendre dans les meilleures conditions possibles, engageant des dépenses et multipliant les trajets entre son domicile de l’Ardeche (07) et [Localité 8] (93)

– que Monsieur [S] [P] n’a pas participé à cet entretien.

L’appelant, qui ne conteste pas les dépenses engagées, répond que la création/reconstitution d’un jardin paysager ne constitue nullement une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis, au sens de l’article 815-13 du code civil et que les travaux exécutés n’ont nullement amélioré le bien mais ont constitué des moyens dilatoires pour retarder la vente du bien.

C’est à juste titre que le tribunal a retenu que si l’entretien et la mise en valeur du jardin nécessitent un investissement indéniable, de telles dépenses ne sauraient être considérées comme des dépenses nécessaires de conservation, n’étant pas indispensables à la conservation du bien, d’une part, ou d’amélioration, en l’absence d’éléments sur le fait qu’elles auraient conduit à une plus-value du bien, au sens de l’article 815- 13 du code civil, d’autre part.

Les divers petits travaux d’entretien évoqués par ailleurs sont courants et ne sont pas de nature à avoir créé de plus-value. Par ailleurs, Monsieur [N] [P] ne verse aux débats aucune pièce sur la nature, le coût, le paiement des dépenses d’entretien invoquées, fondant essentiellement sa demande sur le temps passé qui selon lui justifierait d’être indemnisé à hauteur d’un demi SMIC par mois, alors qu’il insiste sur le fait qu’il résidait toujours en Ardèche et non sur place.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande.

Sur la créance de Monsieur [S] [P] au titre des dépenses afférentes au bien immobilier

Le tribunal l’ayant jugé irrecevable dans ces demandes faute d’avoir exprimé des dires sur le projet de partage, Monsieur [S] [P] demande à la cour d’infirmer le jugement qui l’a débouté au titre des dépenses qu’il a engagées dans l’intérêt de l’indivision et de juger qu’il devra être mis à la charge de l’indivision la somme de 1 526,17 euros au titre des dépenses afférentes au bien immobilier qu’il a engagées ainsi que la somme de 3 400 euros au titre des honoraires exposés pour parvenir à la vente sur licitation du bien immobilier.

Monsieur [S] [P] soutient qu’il a réglé seul pour le compte de l’indivision l’assurance habitation du bien indivis pour les années 2014, 2015 et 2016, soit la somme totale de 761,93 €, et a par ailleurs dû assumer diverses dépenses relatives au coût de résiliation des contrats d’eau et d’électricité du bien indivis et assurer les factures relatives au débarras de la maison du bien indivis.

Il demande également à voir figurer, dans le compte d’administration du notaire, les dépenses qu’il a exposées pour le compte de l’indivision, afin qu’il soit procédé à la vente sur licitation du bien immobilier, à savoir deux factures de 2.400 et 1.000 euros, soit 3.400 euros au total, au bénéfice de Me Jean-Claude Guibere, avocat au barreau de la Seine St-Denis, qui a mis en ‘uvre la procédure de vente sur licitation du bien immobilier, conformément au jugement définitif du jugement du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Bobigny.

Il ne répond pas sur l’irrecevabilité et ne critique donc pas le jugement sur ce point.

Monsieur [N] [P] répond qu’à plusieurs reprises, la Cour de cassation a rappelé que la demande qui n’a pas été présentée au notaire désigné, ni au juge commis, est irrecevable.

En matière de partage judiciaire, selon les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile, toute demande distincte de celles portant sur les points de désaccord subsistants dont le juge commis a fait rapport au tribunal, est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à ce rapport.

Or en l’espèce, le 1er juillet 2019, le juge commis a établi un rapport reprenant notamment les dires exprimés par le seul Monsieur [N] [P] et les demandes de Monsieur [S] [P] ne trouvent pas leur source dans des événements postérieurs.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a estimé ces demandes irrecevables.

Sur la montre Jaegger-Lecoultre

Monsieur [N] [P] demande à la cour d’ordonner à Monsieur [S] [P] de justifier de la réalité de la numérotation de la montre Jaegger-Lecoultre et du prix auquel elle a été vendue, si elle l’a été, ou sa restitution à la succession.

Il fait valoir que la montre revendiquée était une montre finement ciselée, dotée de 2 poussoirs, de grande valeur (au moins 40.000 €) et que Monsieur [S] [P] l’a clairement divertie.

Monsieur [S] [P] soutient qu’il a communiqué le numéro de série de la montre (n°16019) ; que ce numéro n’a pas été reconnu par la société Jaegger-Lecoultre et que la montre a été évaluée par un commissaire priseur.

Il appartient à Monsieur [N] [P] de rapporter la preuve de l’existence de la montre Jaegger-Lecoultre et à défaut, il sera, par confirmation du jugement, débouté de sa demande.

Sur la demande dommages et intérêts de 7 000 euros formée par Monsieur [N] [P] au titre des objets lui appartenant personnellement et qui ne lui ont jamais été restitués par son frère

L’intimé fait valoir que la maison indivise a été vendue sans qu’il ait pu reprendre les meubles et objets lui appartenant personnellement qui y étaient restés :

– une caisse à outils de peintre décorateur

– un amplificateur

– une table de chevet

– un encadrement de tableau, doré à la feuille

– une table (bureau) de style campagnard lorrain en chêne massif et sa chaise paillée, don du défunt à chacun de ses enfants

– trois panneaux peints en trompe-l”il

– un panneau peint en trompe-l”il, évalué à 30.000 Fr. soit 4.573 € en 1990

– une table (bureau) style Louis XIV en chêne massif ayant appartenu au grand-père de Messieurs [P], don de Mme [U] [P] à M. [N] [P],

– une chaise, adossoir en loupe

– une petite table basse, style empire, pieds à roulettes, don de Mme [U] [P]

– une table de style Louis-Philippe

– et un siège ouvragé de style médiéval, don de Mme [U] [P].

Monsieur [S] [P] s’oppose à la demande.

Faute d’établir l’existence de ces meubles, leur valeur et encore moins son droit de propriété, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande de Monsieur [N] [P].

Sur les demandes accessoires

L’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou de l’autre des parties.

Eu égard à la nature du litige, il convient d’ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Dit recevable la demande nouvelle au titre du lingot d’or ;

Infirme le jugement en ce qu’il a :

-dit que M. [S] [P] a recelé le lingot d’or dépendant de la succession de [T] [P], vendu au prix de 39 039 euros,

-ordonne la restitution à la succession de [T] [P], par M. [S] [P], de la somme de 39 039 euros, correspondant aux fruits du lingot d’or, soit son prix de vente, sans que ce dernier ne puisse prétendre à aucune part dans le bien recelé,

-dit que M. [N] [P] devra rapporter à la succession de [T] [P] la somme de 23 390 euros au titre des dons manuels reçus de ce dernier ;

Y substituant,

Dit que Monsieur [S] [P] a recelé le prix de vente du lingot d’or dépendant de la succession de [T] [P], vendu au prix de 55.970 € valeur au 9 janvier 2023 ;

Ordonne la restitution à la succession de [T] [P], par Monsieur [S] [P], de la somme de 55.970 € au 9 janvier 2023 sans que ce dernier ne puisse prétendre à aucune part dans le bien recelé ;

Déboute Monsieur [S] [P] de sa demande de rapport à succession par Monsieur [N] [P] de la somme de 23 390 euros ;

Confirme le jugement des autres chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de dire que ces biens et objets ont été attribués à Monsieur [S] [P] ;

Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.

Le Greffier, Le Président,

 


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