Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00790

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Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/00790

29 mars 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
21/00790

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 29 MARS 2023

N° RG 21/00790 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L5YK

Madame [U] [P]

Madame [F] [P]

Monsieur [X] [P]

c/

Monsieur [J] [S]

S.A.R.L. AFFICHAGE DYNAMIQUE TRADITIONNEL ET MULTIMEDIA (AD TM)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 décembre 2020 (R.G. 2020F00196) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 09 février 2021

APPELANTS :

Madame [U] [P], née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 10], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7] / FRANCE

Madame [F] [P], née le [Date naissance 5] 2003 à [Localité 10], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7] / FRANCE

Monsieur [X] [P], né le [Date naissance 6] 1999 à [Localité 10], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7] / FRANCE

représentés par Maître Laura LESTURGEON-CAYLA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [J] [S], né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 9] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

S.A.R.L. AFFICHAGE DYNAMIQUE TRADITIONNEL ET MULTIMEDIA (AD TM), prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentés par Maître Guerric BROUILLOU-LAPORTE, substituant Maître Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 15 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [V] [P] était, avec Monsieur [J] [S] et Monsieur [A] [K], associé de la société à responsabilité limitée Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia. Il est décédé le [Date décès 8] 2013, laissant pour lui succéder son épouse, Madame [U] [Y], son fils [X] né le [Date naissance 6] 1999 et sa fille [F] née le [Date naissance 5] 2003.

Le 22 février 2019, Madame [Y], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, et Monsieur [X] [P] ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d’expertise portant sur l’évaluation des parts sociales détenues par M. [P] au moment de son décès.

Monsieur [Z] [M], expert désigné par ordonnance du 7 mai 2019, a déposé le rapport de ses opérations le 13 décembre 2019.

Madame [Y], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, et Monsieur [X] [P] ont, le 7 février 2020, fait assigner Monsieur [S] et la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia devant le tribunal de commerce en paiement de diverses sommes.

Par jugement prononcé le 15 décembre 2020, le tribunal de commerce a statué ainsi qu’il suit :

– dit recevables les demandes présentées par Madame [U] [P], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] ;

– déboute Madame [U] [P], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] de leur demande de condamnation solidaire de la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia et de Monsieur [J] [S] à leur payer la somme de 122.210 euros correspondant à la valeur des parts sociales détenues par Monsieur [V] [P] au jour

de son décès ;

– déboute Madame [U] [P], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] de leur demande de condamnation solidaire de la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia et de Monsieur [J] [S] à leur payer la somme de 7.937,88 euros d’intérêts au taux légal sur la somme de 122.210 euros à compter du 24 mars 2018 et jusqu’au 30 juin 2020 ;

– déboute Madame [U] [P], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] de leur demande de condamnation solidaire de la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia et de Monsieur [J] [S] au paiement de la somme de 5.410,86 euros entre les mains de Madame [U] [P] en remboursement des frais d’expertise ;

– condamne solidairement la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia et Monsieur [J] [S] à payer à Madame [U] [P], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] les intérêts au taux légal sur la somme de 6.200 euros sur la période du 7 février 2020, date de l’assignation au 26 mai 2020, veille de la date du remboursement du compte-courant ;

– dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit ;

– dit qu’il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 euros du code de procédure civile ;

– condamne Madame [U] [P], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] aux dépens.

Madame [U] [P] -en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure [F], et Monsieur [X] [P] ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 9 février 2021.

M. [S] et la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia ont formé un appel incident.

***

Par dernières conclusions communiquées le 23 décembre 2022 par voie électronique, Madame [U] [Y], Madame [F] [P] -intervenante volontaire à la procédure- et Monsieur [X] [P] demandent à la cour de :

Vu les articles 68 et 329 du code de procédure civile,

Vu les articles 1870 et suivants du code civil,

Vu les articles L223-13 et suivants du code de commerce,

– déclarer recevable et bien fondée l’action entreprise par Madame [U] [P] agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure [F] [P] devenue majeure et dont elle entend aujourd’hui reprendre les demandes ;

Réformant le jugement de première instance et statuant à nouveau,

– condamner solidairement la société ADTM et Monsieur [J] [S] à payer à Madame [U] [P], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P], tous trois membres de l’indivision ‘[P]’ :

– la somme de 122.210 euros correspondant à la valeur des parts sociales détenues par Monsieur [P] au jour de son décès,

– la somme de 12.164,36 euros d’intérêts légaux sur la somme de 122.210 euros à compter du 24 mars 2018 et jusqu’au 31 mars 2021 à parfaire, ou à titre subsidiaire la somme de 4 375.49 euros,

– les intérêts légaux sur la somme de 6.200 euros à compter du 24 mars 2018 jusqu’au 26 mai 2020 soit 453,67 euros ;

– condamner solidairement la société ADTM et Monsieur [J] [S] à payer à Madame [U] [P] la somme de 5.410.86 euros en remboursement des frais d’expertise ;

– condamner solidairement la société ADTM et Monsieur [J] [S] à payer à Madame [U] [P] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure

civile concernant la première instance ;

Y ajoutant,

– condamner solidairement la société ADTM et Monsieur [J] [S] à payer à Madame [U] [P] la somme de 3.500 euros entre les mains de Madame [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement la société ADTM et Monsieur [J] [S] à payer les dépens ;

– prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

– débouter les intimés de toutes demandes plus amples et contraires.

***

Par dernières écritures communiquées le 1er avril 2022 par voie électronique, la société Affichage Dynamique Traditionnel (ADTM) et Multimédia et Monsieur [J] [S] demandent à la cour de :

– in limine litis, déclarer Madame [U] [Y], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] irrecevables en leurs demandes ;

– les débouter en conséquence intégralement de toutes les demandes présentées tant à l’encontre de la société ADTM que de Monsieur [J] [S] ;

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 21 décembre 2020, en ce qu’il a débouté Madame [U] [Y], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] de leur demande de condamnation solidaire de la société ADTM et de Monsieur [J] [S] à leur payer :

– la somme de 122.210 euros correspondant à la valeur des parts sociales détenues par [V] [P] au jour de son décès,

– la somme de 7.937,88 euros d’intérêts au taux légal sur la somme de 122.210 euros à compter du 24 mars 2018 jusqu’au 30 juin 2020,

– la somme de 5.410,86 euros entre les mains de Madame [U] [P] en remboursement des frais d’expertise ;

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la société ADTM et Monsieur [J] [S] à payer à Madame [U] [Y], à Monsieur [X] [P] et à Madame [F] [P] les intérêts au taux légal sur la somme de 6.200 euros sur la période du 7 février, date de l’assignation, au 26 mai 2020, veille de la date de remboursement du compte courant ;

En conséquence,

– débouter les consorts [P] de leur demande de paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 6.200 euros ;

– débouter les consorts [P] de leur demande de paiement des intérêts légaux sur le paiement de la somme de 122.210 euros ;

– débouter les consorts [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– condamner Madame [U] [Y], Monsieur [X] [P] et Madame [F] [P] à payer solidairement à la société ADTM et Monsieur [J] [S] une indemnité de 10.000 euros au visa des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de la procédure et aux frais d’expertise judiciaire.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la fin de non recevoir

1. L’article 122 du code de procédure civile dispose :

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.»

Selon l’article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

2. Au visa de ces textes, M. [S] et la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia (ci-après ADTM) font grief au jugement déféré d’avoir écarté la fin de non recevoir qu’ils soutenaient, tirée du défaut de droit d’agir de l’indivision [P] au nom de laquelle les demandes ont été présentées, une indivision n’ayant pas de personnalité morale.

Les appelants lui opposent le fait qu’il s’agit d’une fiction juridique consacrée par le code civil qui évoque l’indivision comme étant capable de détenir des fonds, d’avoir un représentant, des débiteurs et des créanciers. Madame [U] [Y], Madame [F] [P] et Monsieur [X] [P] (ci-après les consorts [P]) ajoutent que leurs écritures ont été régularisées et que la précision ainsi apportée ne contrevient pas aux dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile en vertu desquelles les parties doivent présenter dès leurs premières conclusions l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

3. La cour relève que l’acte d’appel mentionne expressément que les appelants sont Madame [U] [Y], Madame [F] [P] -alors représentée par sa mère- et Monsieur [X] [P] et que les premières conclusions des appelants, communiquées par voie électronique le 25 mars 2021, réclament le paiement de sommes « aux membres de l’indivision [P] » et non à la seule indivision [P], lesquels membres sont expressément désignés à l’en-tête de ces conclusions comme étant Madame [U] [Y], Madame [F] [P] -représentée par sa mère- et Monsieur [X] [P].

Enfin, c’est sans méconnaître les dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, particulièrement en son deuxième alinéa, que les appelants ont précisé, au dispositif de nouvelles écritures, le nom de chacun des membres de l’indivision successorale de Monsieur [V] [P].

4. La cour confirmera donc le jugement déféré de ce chef et, y ajoutant, déclarera les demandes des consorts [P] recevables.

2. Sur la demande principale en paiement

5. L’article 1870 du code civil dispose :

« La société n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu’ils doivent être agréés par les associés.

Il peut toutefois être convenu que ce décès entraînera la dissolution de la société ou que celle-ci continuera avec les seuls associés survivants.

Il peut également être convenu que la société continuera soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée par les statuts ou, si ceux-ci l’autorisent, par disposition testamentaire.

Sauf clause contraire des statuts, lorsque la succession est dévolue à une personne morale, celle-ci ne peut devenir associée qu’avec l’agrément des autres associés, donné selon les conditions statutaires ou, à défaut, par l’accord unanime des associés.»

Selon l’article 1870-1 du même code :

« Les héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés n’ont droit qu’à la valeur des parts sociales de leur auteur. Cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation.

La valeur de ces droits sociaux est déterminée au jour du décès dans les conditions prévues à l’article 1843-4.»

6. Au visa de ces textes, les appelants font grief au jugement déféré de les avoir déboutés de leur demande en paiement de la somme de 122.120 euros, valeur des parts telle que déterminée par les conclusions de M. [M], expert judiciaire.

Les intimés leur opposent les termes des articles 11 et 12 des statuts de la société ADTM qui imposent aux héritiers de l’associé décédé de demander leur agrément en qualité d’associés et ne peuvent prétendre au versement de la valeur des droits sociaux de leur auteur qu’en cas de refus d’agrément.

M. [S] et la société ADTM ajoutent que ces stipulations sont conformes à l’article L.223-13 du code de commerce, qui dispose :

« Les parts sociales sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants.

Toutefois, les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant ne peut devenir associé qu’après avoir été agréé dans les conditions prévues à l’article L. 223-14. A peine de nullité de la clause, les délais accordés à la société pour statuer sur l’agrément ne peuvent être plus longs que ceux prévus à l’article L. 223-14, et la majorité exigée ne peut être plus forte que celle prévue audit article. En cas de refus d’agrément, il est fait application des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 223-14. Si aucune des solutions prévues à ces alinéas n’intervient dans les délais impartis, l’agrément est réputé acquis.

Les statuts peuvent stipuler qu’en cas de décès de l’un des associés la société continuera avec son héritier ou seulement avec les associés survivants. Lorsque la société continue avec les seuls associés survivants, ou lorsque l’agrément a été refusé à l’héritier, celui-ci a droit à la valeur des droits sociaux de son auteur.

Il peut aussi être stipulé que la société continuera, soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée par les statuts ou, si ceux-ci l’autorisent, par dispositions testamentaires.

Dans les cas prévus au présent article, la valeur des droits sociaux est déterminée au jour du décès conformément à l’article 1843-4 du code civil.»

7. La cour observe que, le 19 janvier 2018, la société ADTM a rappelé à Mme [Y] les termes de l’article 12 des statuts et l’a invitée à faire connaître l’identité des héritiers de Monsieur [V] [P].

Maître [H], notaire chargé de la succession auquel ce courrier a été confié, s’est étonné le 14 mars 2018 d’une telle demande en rappelant que des contacts avaient été noués quatre ans auparavant avec le Conseil et l’expert comptable de la société et qu’il avait écrit au représentant légal d’ADTM le 5 juin 2014.

M. [S], gérant de la société, lui a répondu en ces termes le 24 mars 2018 :

« Je vous rappelle que ma lettre avait pour objet de savoir si la succession souhaitait l’agrément pour devenir éventuellement associée de notre société. Les termes de votre réponse me laissant supposer que, jusqu’à plus ample informé, ce n’est pas le cas. A partir de ce constat, je m’autorise à organiser la répartition du capital comme l’entendent les associés actuels. Demeure bien entendu l’indemnisation de la succession pour laquelle je demeure attentif. J’établis ma proposition à la somme de 43.000 euros. (…)»

La cour relève de plus que les articles 11 et 12 des statuts de la société ADTM organisent la situation des héritiers qui souhaitent expressément succéder à leur auteur en qualité d’associés et les conditions de leur indemnisation en cas de refus d’agrément par les associés survivants.

Toutefois, ces stipulations ont pour objet la continuation de la société elle-même en cas de décès d’un associé et ne font pas du refus d’agrément des héritiers la condition préalable et indispensable de l’indemnisation des droits sociaux de leur auteur ; ceux-ci restent libres de réclamer directement cette indemnisation dans le cadre des dispositions des articles 1870 et 1870-1 du code civil visés à juste titre par les appelants, s’ils n’entendent pas devenir associés.

C’est d’ailleurs le sens du courrier du 24 mars 2018 cité supra par lequel le gérant de la société ADTM prend acte du fait que les membres de l’indivision successorale n’envisagent pas de demander leur agrément en qualité d’associés et présente sa proposition d’indemnisation.

En conséquence, la cour infirmera le jugement déféré en ce qu’il a considéré que la demande d’agrément et le refus de cet agrément étaient une exigence préalable à la demande en paiement des consorts [P].

3. Sur la valeur des droits sociaux de Monsieur [V] [P]

8. Les appelants rappellent que l’expert désigné par le président du tribunal de commerce a évalué les droits sociaux du défunt à la somme de 122.210, dont ils réclament donc le paiement aux intimés.

Ceux-ci leur opposent les termes des articles 1870-1 du code civil qui prévoient que la valeur de ces droits sociaux est déterminée au jour du décès et objectent que M. [M] a valorisé les parts de M. [P] au jour de son expertise.

9. A l’examen du rapport d’expertise de M. [M], il apparaît d’une part que celui-ci a pris en considération l’ensemble des précédentes valorisations estimées le 28 novembre 2013 par l’expert comptable de la société (51.946 euros), le 26 novembre 2014 par le Cabinet Soregor (126.678 euros) à destination du juge des tutelles mineurs et le 24 mars 2018 par M. [S], gérant et associé de la société ADTM (43.000 euros).

M. [M] a expressément cité l’article 1870-1 du code civil et a indiqué qu’il fondait son estimation sur les comptes établis à la date la plus proche du décès de M. [P], soit le 31 mars 2014.

Les intimés ne peuvent donc sérieusement soutenir qu’une telle valorisation aurait été proposée pour l’année 2019.

La cour retiendra les conclusions de M. [M] et condamnera en conséquence la société ADTM à payer aux consorts [P] la somme de 122.120 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2018, date de la mise en demeure.

Les consorts [P] soutiennent également la condamnation de Monsieur [J] [S] à ce titre. Toutefois, ils n’articulent aucun moyen contre l’intimé à titre individuel, comme associé ayant manifesté une intention de rachat des droits ou comme gérant susceptible d’avoir commis une faute. Or la seule débitrice du prix des droits sociaux de l’associé décédé est la personne morale, peu important que M. [S] en soit désormais le seul associé.

Les appelants seront déboutés de leurs demandes formées contre Monsieur [J] [S].

10. Madame [U] [P] réclame de plus la prise en charge par les intimés du coût des opération d’expertise nécessitée par leurs atermoiements et le refus de prendre en compte la valorisation du Cabinet Soregor dans le cadre des négociations amiables.

Toutefois, en vertu des dispositions de l’article 695 du code de procédure civile, la rémunération de l’expert est comprise dans les dépens, au paiement desquels la cour condamnera donc la société ADTM, partie succombante.

11. Les appelants tendent de plus au paiement des intérêts courus entre le 24 mars 2018, date à laquelle la société a admis être débitrice de la somme de 6.200 euros au titre du compte courant d’associé du défunt, et le 26 mai 2020, date à laquelle les consorts [P] soutiennent avoir reçu le remboursement de compte.

Toutefois, ainsi que le rappellent les intimés, en application de l’article 1231-6 alinéa 1er du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Faute de disposer d’une mise en demeure à ce titre, la cour déboutera les consorts [P] de cette demande.

12. Enfin, la cour, infirmant le jugement déféré de ces chefs et y ajoutant, condamnera la société ADTM à payer les dépens de première instance et d’appel et à verser à Madame [U] [P] la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles en appel.

La cour ne statuera pas sur la demande relative à l’exécution provisoire, le présent arrêt n’étant pas susceptible d’un recours suspensif.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 15 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de Madame [U] [Y] veuve [P], Madame [F] [P] représentée par sa mère et Monsieur [X] [P].

Infirme pour le surplus le jugement prononcé le 15 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Madame [U] [Y] veuve [P], Madame [F] [P] et Monsieur [X] [P] de leurs demandes formées contre Monsieur [J] [S].

Condamne la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia à payer à Madame [U] [Y] veuve [P], Madame [F] [P] et Monsieur [X] [P] la somme de 122.120 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2018.

Condamne la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia à payer à Madame [U] [Y] veuve [P] la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Affichage Dynamique Traditionnel et Multimédia à payer les dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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