Droits des héritiers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00961

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Droits des héritiers : 29 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00961

29 juin 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
22/00961

FP/IC

[Z] [N] épouse [X]

[E] [N] épouse [U]

C/

[M] [W] veuve [G]-[N]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

3ème chambre civile

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

N° RG 22/00961 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GACF

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 13 juin 2022,

rendue par le tribunal judiciaire de Dijon – RG : 10/03685

APPELANTES :

Madame [Z] [N] épouse [X]

née le 20 Avril 1950 à [Localité 38] (21)

domiciliée :

[Adresse 6]

[Localité 29]

Madame [E] [N] épouse [U]

née le 22 Août 1954 à [Localité 38] (21)

domiciliée :

[Adresse 2]

[Localité 30]

représentées par Me Hervé PROFUMO, membre de la SCP PROFUMO HERVÉ ET PROFUMO SYLVAIN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 97

INTIMÉE :

Madame [M] [W] veuve [G]-[N]

née le 21 Février 1961 à [Localité 36] (37)

domiciliée :

[Adresse 11]

[Localité 35]

représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

assisté de Me Sophie BOUCHARD-STECH, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Frédéric PILLOT, Président de chambre, Président, ayant fait le rapport,

Anne SEMELET-DENISSE, Conseiller,

Cendra LEBLANC, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Frédéric PILLOT, Président de chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [S] [N] est décédé le 13 janvier 1997 et son épouse, Mme [C] [P] veuve [N] est décédée le 20 avril 2009, laissant pour leur succéder leurs trois enfants :

– Mme [Z] [N] épouse [X],

– Mme [E] [N] épouse [U],

– M. [D] [N].

Par jugement du 12 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Dijon a

– ordonné l’ouverture des opérations liquidatives de la communauté ayant existé entre les défunts et de leurs successions respectives,

– commis pour y procéder sous la surveillance d’un juge commis, Me [A] et Me [B],

– dit que la donation en paiement consentie par les défunts à leur fils par acte authentique du 12 mai 1995 au titre de la créance de salaire différé due à ce dernier s’analyse en donation rémunératoire et désigné M. [O] en qualité d’expert pour décrire le patrimoine, déterminer sa valeur et donner les éléments propres à apprécier la créance d’assistance de M. [D] [N] à l’égard de la succession.

L’expert a déposé son rapport le 24 octobre 2014.

Les biens immobiliers situés [Adresse 26] à [Localité 35] ont été vendus à deux acquéreurs le 12 septembre 2016 pour un prix total de 260 000 euros.

Par jugement du 6 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Dijon a :

– constaté l’absence de demande concernant la maison située [Adresse 11] à [Localité 35] et appartenant à M. [D] [N],

– débouté M. [D] [N] de sa demande de moins-value sur la dation en paiement,

– rejeté la demande de Mmes [X] et [U] de maintien dans l’indivision des parcelles exploitées par leur frère pour une durée de deux ans,

– attribué préférentiellement à M. [N] la totalité des parcelles exploitées situées [Adresse 1] à [Localité 35] en ce compris le bâti et la maison d’habitation sur la parcelle cadastrée AC [Cadastre 21] ainsi que les parcelles de terre situées sur les communes de [Localité 35], [Localité 39], [Localité 37], [Localité 41] et [Localité 40], telles qu’elles sont intégralement listées dans le rapport et contre versement d’une soulte calculée conformément aux valeurs retenues dans le rapport d’expertise judiciaire,

– constaté ne plus y avoir lieu d’ordonner la licitation des immeubles situés [Adresse 26] à [Localité 35],

– dit que M. [D] [N] est créancier d’une indemnité au titre de l’assistance apportée à sa mère pour un montant chiffré à 26 000 euros,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens, comprenant le coût de l’expertise judiciaire, seront employés en frais privilégiés de partage judiciaire.

Par arrêt du 11 avril 2019, la cour, statuant sur l’appel de Mmes [U] et [X], a :

– confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dijon le 6 novembre 2017 sauf quant au montant de la créance d’assistance de M. [D] [N],

– statuant à nouveau, dit que M. [D] [N] est créancier d’une indemnité contre la succession au titre de l’assistance portée à sa mère d’un montant de 20 000 euros,

– ajoutant,

débouté Mmes [X] et [U] de leur demande de rapport à la succession de la maison sise [Adresse 11] à [Localité 35],

condamné in solidum Mmes [X] et [U] à verser la somme de 2 000 euros à M. [D] [N] au titre de |’article 700 du code de procédure civile,

condamné Mmes [X] et [U] à partager par moitié les dépens de la procédure d’appel.

Mmes [X] et [U] se sont pourvues en cassation le 10 mai 2019 à l’encontre de cet arrêt, pourvoi dont elles se sont désistées ainsi que cela fut constaté par ordonnance du 12 septembre 2019.

Par ordonnance du 15 octobre 2018, le juge commis a désigné Me [Y] en remplacement de Me Misserey, précédemment désigné.

Par ordonnance du 6 mars 2020, le même magistrat a désigné Me [V] [B] en remplacement de Me [J] [B], notaire précédemment désigné.

Par requête reçue au greffe le 14 mai 2020, M. [D] [N] a saisi le juge commis aux fins de le voir, statuant en application des dispositions de l’article 1371 du code de procédure civile, enjoindre à Mmes [U] et [X] d’avoir à signer l’acte de partage rédigé par les notaires commis et ce à peine d’astreinte de 1 000 euros par jour de retard et de les condamner à payer les intérêts sur la somme bloquée chez le notaire outre 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 23 juin 2020, les notaires commis ont donné lecture aux parties de l’état liquidatif dressé en application des décisions de justice rendues, faute d’accord sur le projet d’acte de partage, les notaires ont recueilli les dires des cohéritiers et dressé un procès-verbal de difficultés.

Par ordonnance du 9 juillet 2020, le juge commis a débouté M. [D] [N] de toutes ses demandes et dit qu’il sera procédé à la convocation des parties, conformément aux dispositions de l’article 1373 du code de procédure civile, à réception du procès-verbal de difficultés dressé le 23 juin 2020.

M. [D] [N] est décédé le 15 octobre 2020 laissant pour lui succéder son épouse Mme [M] [I] [W] ainsi que cela ressort de l’attestation de dévolution de succession dressée par Me [H], notaire à [Localité 38], lequel précise que Mme [M] [W], conjoint survivant se trouve :

bénéficiaire d’un droit de jouissance gratuite pendant une année sur le logement et le mobilier et garnissant, qu’elle occupait avec le défunt au jour de son décès conformément aux dispositions de l’article 763 du code civil,

donataire de la pleine propriété des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de la succession du défunt, aux termes d’une donation entre époux reçue par acte authentique du 29 avril 2009,

héritière de la totalité des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de la succession conformément aux dispositions de l’article 757-2 du code civil,

légataire universelle de la totalité des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de la succession ainsi qu’il résulte d’un testament authentique du 12 juin 2020,

ces droits se confondant avec l’avantage plus étendu résultant de la libéralité précitée.

Mme [M] [W] venant aux droits de son époux a, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 28 décembre 2020 déclaré intervenir volontairement à l’instance et sollicité le renvoi de l’affaire devant le tribunal aux fins d’homologation de l’acte de partage.

Par jugement du 13 juin 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a, notamment :

– déclaré Mme [M] [W] recevable en son intervention volontaire,

– débouté Mmes [X] et [U] de toutes leurs demandes,

– homologué l’état liquidatif dressé par Me [B] et Me [Y], notaires commis judiciairement dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et des successions de M. [S] [N] décédé le 13 janvier 1997 et de Mme [C] [P] veuve [N] décédée le 20 avril 2009 et annexé par ces notaires au procès-verbal de lecture dresse le 23 juin 2020,

– dit que cet état liquidatif sera publié à l’initiative de la partie la plus diligente,

– dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de Mme [W] aux fins de renvoi devant le notaire et d’injonction d’avoir à signer l’acte sous astreinte,

– condamné Mmes [X] et [U] à payer à Mme [M] [W] veuve [N] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– dit que les dépens seront compris en frais privilégiés de partage.

Par déclaration du 27 juillet 2022, enregistrée le 28 juillet 2022, Mmes [X] et [U] ont interjeté appel de tous les chefs de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions, transmises par voie électronique le 20 octobre 2022, Mmes [X] et [U], appelantes, demandent à la cour, réformant le jugement, de :

– dire et juger que la valeur des parcelles ci-après sera évaluée à partir du barème de la Chambre d’agriculture :

[Localité 35], à savoir [Adresse 1] à [Localité 35], en ce compris le bâti et la maison d’habitation sur la parcelle cadastrée AC n°[Cadastre 21] ainsi que les parcelles AB n°[Cadastre 33] ; ZA n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 15], [Cadastre 19], [Cadastre 3] ; [Cadastre 42] n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 28], [Cadastre 34] ; ZD n°[Cadastre 20], [Cadastre 24] ; AC n°[Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25]

[Localité 39], à savoir les parcelles ZE n° [Cadastre 9], [Cadastre 16] et ZH n°[Cadastre 32]

[Localité 41], à savoir un tiers de la parcelle ZI n°[Cadastre 8]

[Localité 40], à savoir la parcelle ZO n°[Cadastre 18]

[Localité 37], à savoir les parcelles ZB n°[Cadastre 16], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et ZD n° [Cadastre 17]

– ordonner la rédaction d’un nouvel acte de partage qui devra :

1°) apporter une réponse aux questions posées dans le procès-verbal de difficultés du 23 juin 2020 et qui seront ici tenues pour reprises,

2°) évaluer le foncier et le bâti à la date la plus proche du partage en se fondant sur le barème de la Chambre d’agriculture,

– dire et juger que les parcelles exploitées à :

[Localité 35], à savoir [Adresse 1] à [Localité 35], en ce compris le bâti et la maison d’habitation sur la parcelle cadastrée AC n°[Cadastre 21] ainsi que les parcelles AB n°[Cadastre 33] ; ZA n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 15], [Cadastre 19], [Cadastre 3] ; [Cadastre 42] n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 28], [Cadastre 34] ; ZD n°[Cadastre 20], [Cadastre 24] ; AC n°[Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25]

[Localité 39], à savoir les parcelles ZE n°[Cadastre 9], [Cadastre 16] et ZH n°[Cadastre 32]

[Localité 41], à savoir un tiers de la parcelle ZI n°[Cadastre 8]

[Localité 40], à savoir la parcelle ZO n°[Cadastre 18]

[Localité 37], à savoir les parcelles ZB n°[Cadastre 16], [Cadastre 7], [Cadastre 8],[Cadastre 13], [Cadastre 14] et ZD n° [Cadastre 17]

seront partagées à valeur égale entre les héritiers au moyen de lots à composer par les notaires et, à défaut, seront vendues pour permettre un partage en argent,

– dire et juger que Mme [M] [G]-[N] devra indemniser l’indivision pour avoir exploité les terres indivises depuis le décès de M. [D] [N],

– condamner Mme [M] [G]-[N] à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire et juger que les dépens de l’instance seront utilisés en frais privilégiés de partage.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 janvier 2023, Mme [M] [W] veuve [G]-[N], intimée, conclut à la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et demande à la cour, pour le surplus, de :

– statuer ce que de droit sur l’amende civile prévue par l’article 559 du code de procédure civile,

– condamner Mmes [X] et [U] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

– condamner Mmes [X] et [U] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil en cause d’appel,

– dire que les dépens seront passés en frais privilégiés de partage.

La clôture a été prononcée le 25 avril 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 11 mai 2023.

La cour fait référence, pour le surplus de l’exposé des moyens des parties et de leurs prétentions, à leurs dernières conclusions récapitulatives sus-visées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

– Sur l’acte de partage, les prétentions des appelantes, et l’attribution préférentielle

Le jugement critiqué déboute Mmes [X] et [U] aux motifs d’une part qu’aucune prétention n’est articulée au dispositif, s’agissant des questions soulevées dans le corps de leurs écritures, et d’autre part que le droit à attribution préférentielle contestée, confirmé par arrêt du 11 avril 2019, est définitivement entré dans le patrimoine de [D] [N] pour être transmis à son héritière, laquelle n’a pas à justifier remplir les conditions légales d’une telle attribution.

Au soutien de leur appel, Mmes [X] et [U] font valoir qu’aucune des questions qu’elles ont formées dans le cadre de leurs dires reçus par le notaire n’a reçu de réponse satisfaisante de la part de Mme [W], alors qu’elles devront être tranchées et prises en compte pour la rédaction d’un nouvel acte de partage.

Elles demandent aux termes du dispositif de leurs conclusions de voir « Ordonner la rédaction d’un nouvel acte de partage qui devra : 1°) apporter une réponse aux questions posées dans le procès-verbal de difficultés du 23 juin 2020 et qui seront ici tenues pour reprises ; ».

Dans le corps de leurs écritures, elles relatent l’extrait du procès-verbal de difficultés reprenant les points alors contestés, puis les questions restant encore à élucider selon elles : absence de paiement de fermages par leur frère, justification de l’assurance des biens, interrogation concernant l’absence de couverture des frais relatifs au dégât des eaux par l’assurance, absence de justification des factures acquittées concernant des travaux, revalorisation des fermages, calcul de la créance de leur frère pour avoir été logé et nourri, justification des travaux de toiture, justificatifs du sinistre et du remboursement de l’assurance en 2012.

Pour prétendre à la nécessité de faire rédiger par les notaires un nouvel acte de partage, Mmes [X] et [U] font valoir que le décès de leur frère remet en cause l’attribution préférentielle opérée avant sa disparition, et que s’agissant d’un droit personnel, Mme [W] ne peut bénéficier des attributions préférentielles accordées à son défunt époux, faute pour elle de remplir les conditions légales pour bénéficier d’une telle attribution.

Les Cts [U] [X] arguent également de l’extinction du bail rural suite au décès de leur frère, et du fait que le bénéficiaire de l’attribution préférentielle ne devient propriétaire qu’au jour du partage, et qu’ainsi, sans bail et sans droit de propriété, leur belle-s’ur ne peut justifier de la capacité à exploiter.

Elles concluent qu’il est nécessaire de dresser un nouvel acte de partage opérant l’attribution des parcelles à valeurs égales au profit de chacune des parties, en nature ou en argent si la composition des lots était impossible, ne souhaitant pas en obtenir l’attribution préférentielle, mais en sollicitant la vente, sans toutefois indiquer cette dernière au dispositif de leur conclusions.

Mme [W] veuve [G]-[N] rappelle qu’il a été statué sur le partage par un jugement du 6 novembre 2017 confirmé par l’arrêt rendu par la cour d’appel de Dijon le 11 avril 2019 qui est définitif et irrévocable, le juge commissaire ayant seulement renvoyé devant le tribunal pour qu’il statue sur les points de désaccord subsistants concernant le projet d’état liquidatif établi par les notaires.

Elle souligne que Mmes [X] et [U] ne forment aucune demande si ce n’est la rédaction d’un nouvel acte de partage, qu’en réalité elles contestent le compte de l’indivision successorale mais qu’elles se sont contentées de question auxquelles il a été répondu et qu’elles n’ont jamais formulé aucune prétention financière, alors que la cour ne peut pas trancher un différend sans avoir l’exposé d’une prétention claire.

Elle leur reproche de ne viser aucunement à régler des points de désaccord concernant l’état liquidatif mais à retarder l’issue de la procédure.

Elle souligne que son défunt époux avait bénéficié de l’attribution préférentielle avant son décès au moyen de décisions judiciaires définitives, et qu’elle hérite de ces biens en sa qualité de légataire.

Elle ajoute que sa qualité ou non d’exploitante est sans incidence sur le partage.

En droit, il résulte de l’article 1373 du code de procédure civile qu’ « en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif.

Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat.

Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation.

Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants.

Il est, le cas échéant, juge de la mise en état. »

L’article 446-2 du code de procédure civile prévoit que le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En droit, aux termes de l’article 831 du code civil, « le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement.

Dans le cas de l’héritier la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.

S’il y a lieu, la demande d’attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l’application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d’une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers ».

Aux termes de l’article 831-2 du code civil, « le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l’attribution préférentielle :

1 ° De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa résidence à l’époque du décès, et du mobilier le garnissant, ainsi que du véhicule du défunt des lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante ;

2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l’exercice de sa profession et des objets mobiliers nécessaires à l’exercice de sa profession ;

3 ° De l’ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l’exploitation d’un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu’un nouveau bail est consenti à ce dernier ».

L’article 832 du même code précise que l’attribution préférentielle visée à l’article 831 est de droit pour toute exploitation agricole qui ne dépasse pas les limites de superficie fixées par décret en Conseil d’Etat, si le maintien dans l’indivision n’a pas été ordonné.

En l’espèce, il a déjà été statué sur le partage par le jugement du 6 novembre 2017 et par l’arrêt de la cour du 11 avril 2019, désormais définitifs et revêtus de l’autorité et de la force de la chose jugée.

Alors que le premier juge les a déboutées sur ce motif, Mmes [X] et [U] ne présentent pas plus à hauteur de cour de prétentions claires et chiffrées au dispositif de leurs écritures, de sorte que la Cour, uniquement saisie par les prétentions qui y sont reprises, ne peut valablement statuer sur des points de désaccords subsistants.

Au surplus, il apparaît encore, à la lecture du corps de leurs écritures, que leurs contestations ne portent pas tant sur le partage mais sur le compte d’indivision, « pour apporter une réponse à des questions posées dans le PV de difficultés du 23 juin 2020 », ce qui est pour le moins flou, et ne permet pas de déterminer l’objet exact du litige.

Il a également déjà été statué sur l’attribution préférentielle, accordée à M. [D] [N], par le jugement du 6 novembre 2017 et par l’arrêt de la cour du 11 avril 2019, confirmant cette attribution.

Ces décisions sont devenues définitives, et ont été revêtues de l’autorité et de la force de la chose jugée, ce dès avant le décès de M. [D] [N], survenu le 15 octobre 2020.

Il résulte de l’existence du bail rural conclu entre M. [D] [N] et ses parents, lequel s’est renouvelé tacitement, puis suite au décès de M. [D] [N] que Mme [W], héritière de son époux, lequel a bénéficié de l’attribution préférentielle, verra se confondre sur sa tête les qualités de preneur et de bailleur.

Dans ces conditions, le droit d’attribution préférentielle est définitivement entré dans le patrimoine de feu [D] [N], et s’est donc transmis à son épouse en tant qu’héritière, laquelle n’a pas désormais à justifier qu’elle remplit personnellement les conditions légales requises par les articles 831 et suivants du code civil.

C’est donc par une juste appréciation que le premier juge a rejeté la demande de Mmes [X] et [U].

Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.

– Sur la valeur des biens

Pour débouter Mmes [U] et [X], le premier juge a relevé qu’elles n’apportent aucun élément concret au soutien de leurs considérations d’ordre général, ne fournissant aucun début de preuve de leur allégation selon laquelle la valeur des parcelles indivises a été modifiée.

Pour solliciter l’actualisation de la valeur des parcelles, Mmes [U] et [X] exposent que les biens doivent être évalués à la date la plus proche du partage, que les valorisations retenues proviennent de l’expertise du 14 octobre 2014, que ces valeurs ont évolué depuis cette date dans la mesure où la localisation de ces parcelles et le développement favorable de l’urbanisme permettra de dégager une plus-value très importante lors de la revente de ces terrains.

Elles concluent qu’ainsi le nouvel acte de partage doit tenir compte de l’évaluation la plus récente des parcelles, le montant de la soulte devant également être réévalué.

S’opposant à cette demande, Mme [W] veuve [G]-[N] rappelle que le partage a été opéré de façon définitive par l’arrêt du 11 avril 2019, et qu’ainsi les parcelles attribuées à son défunt époux ne sont plus dans l’indivision.

En droit, il résulte de l’article 829 du code civil qu’en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte, s’il y a lieu, des charges les grevant.

Cette date est la plus proche possible du partage.

Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité.

En l’espèce, à hauteur de cour, Mmes [X] et [U] ont abandonné leur demande d’expertise présentée devant le premier juge, sollicitant une actualisation de la valeur des biens dans l’acte de partage.

Certes, l’expertise de M. [O] a été rendue au mois d’octobre 2014.

Mais les deux expertises, de M. [O], judiciairement désigné, et de M. [F], saisi postérieurement et unilatéralement par Mmes [X] et [U], concluent pareillement que la parcelle de St Julien est inondable.

La cour, dans son arrêt du 11 avril 2019, rejetant une demande d’expertise, a déjà statué sur la question de l’évaluation des parcelles litigieuses.

Il sera rappelé que par acte notarié du 12 mai 1995, [D] [N] a obtenu le règlement d’une créance de salaire différé par l’attribution de 10 parcelles à [Localité 35] (parmi celles faisant l’objet du bail), au titre de sa participation active dans l’exploitation agricole sans être associé et sans avoir reçu de salaire entre le 10 avril 1960 et le 1er janvier 1983, hormis une année de service militaire, l’acte mentionnant une valeur de 28.203 euros (185.000 francs), l’expert retenant une valeur de 22.700 € avec occupation et de 29.500 euros en libre.

Mme [C] [N] a vendu à son fils [D] une maison située [Adresse 10] (= [Adresse 11]) à [Localité 35] le 15 novembre 1996 pour 68.602,05 euros (450.000 francs). L’expert judiciaire a estimé la valeur actuelle de ce bien d’une contenance de 7a 72ca, à 260.000 euros, soit 18 ans après, compte tenu des nombreux travaux et aménagements effectués par Monsieur [N]. Il précise que le prix de vente en 1996 correspond au marché de l’époque, en tenant compte de l’état ancien de la propriété.

L’expert a estimé la valeur des terrains non bâtis à 87.645 euros, la valeur de la maison sise [Adresse 31] louées à un tiers à 72.000 euros, la maison et la grange (cette dernière est louée à un tiers) située [Adresse 27] à 165.600 euros et la maison de Madame [N] située [Adresse 1] à 203.700 euros.

L’expert désigné a estimé les parcelles par référence aux prix des terres retenus par la SAFER et en fonction du fichier PERVAL des ventes actées par les notaires, en appliquant des abattements de 30 % pour occupation (bail à terme de Monsieur [N]), et pour certains des abattements pour servitudes ou zone inondable de 20 %, pour les estimer à 87.645 euros pour une surface totale de 32 ha 67a 97ca.

M. [N] avait fait l’acquisition le 4 mai 2018 de 7 hectares de terres agricoles à [Localité 39] pour un prix de 2.768 euros l’hectare, ce qui correspond à l’estimation effectuée par l’expert judiciaire [O], qui avait retenu 2.790 euros l’hectare, aucune évolution significative n’étant alors caractérisée.

Après 11 années de litige, alors qu’une variation significative des valeurs n’est pas démontrée par les requérantes, et compte tenu de l’intensité et de l’ancienneté du litige existant entre les parties, il est de l’intérêt des parties de régulariser l’acte de partage dans les meilleurs délais, sans créer de nouvelle source de contestations, le délai courant depuis la dernière évaluation étant du fait de Mmes [X] et [U], demanderesses aux procédures judiciaires postérieures à l’arrêt du 11 avril 2019.

Dans ces conditions, la demande de Mmes [X] et [U] en actualisation de la valeur des biens dans l’acte de partage sera rejetée.

– Sur la demande en indemnisation de l’indivision

Mmes [X] et [U] demandent à ce que Mme [M] [G]-[N] soit condamnée à indemniser l’indivision pour avoir exploité les terres indivises depuis le décès de [D] [N].

Mme [X] et [U] ne justifiant pas de l’exploitation des terres indivises par Mme [M], laquelle bénéficie par ailleurs de l’attribution préférentielle, la demande sera rejetée.

– Sur l’amende civile et les dommages et intérêts

Mme [W] demande la condamnation des appelantes à une amende civile, et sollicite une somme de 5 000 euros au titre de l’appel abusif.

Mme [W] estime que depuis le début de la procédure en 2010, les consorts [U] [X] ont tout fait pour retarder l’issue du partage, ayant clairement pour but d’empêcher leur frère d’hériter, et qu’alors que leur frère est décédé depuis 2020, elles n’ont fait qu’utiliser des procédés dilatoires pour arriver à leurs fins, et considère cet appel comme mu par la volonté de faire durer coûte que coûte ce procès.

Elle souligne qu’il a été clairement rappelé dans le jugement dont appel qu’en l’absence de prétention concernant l’état liquidatif, leur action était vouée à l’échec et que le partage étant définitif et irrévocable, elles ne pouvaient plus former aucune demande à ce titre, et qu’ainsi, l’appel interjeté par Mmes [X] et [U], dans le simple but de retarder le dénouement d’un litige qui remonte à 1997, est abusif et justifie leur condamnation au paiement d’une amende civile en application de l’article 559 du code de procédure civile.

Mme [W] estime avoir subi un préjudice dès lors qu’elle a assisté son mari durant sa maladie et qu’elle l’a accompagné dans ses démarches pour faire aboutir la succession de ses parents et être finalement obligée d’intervenir en son nom alors que rien ne justifiait le maintien de cette procédure si ce n’est par malveillance.

Mmes [X] et [U] n’ont pas conclu sur ce point.

En droit, aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 559 du code de procédure civile prévoit que :

« En cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d’enregistrement de la décision qui l’a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l’amende puisse y faire obstacle. »

En l’espèce, alors que Mmes [U] et [X] ont exercé des recours pour la défense de leur droit, même vainement, Mme [W] ne rapporte pas la preuve d’une intention dilatoire, d’une volonté de nuire, ni d’une légèreté blâmable, de sorte qu’à défaut de faute caractérisée faisant dégénérer le droit d’ester en justice en abus, lequel ne peut simplement résulter du rejet de l’appel, sa demande en indemnisation sera rejetée.

Dés lors il ne peut non plus y avoir d’amende civile.

– Sur frais irrépétibles et les dépens

Parties succombantes à titre principal, Mmes [U] et [X] seront condamnées in solidum à verser à Mme [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil en cause d’appel, et seront condamnées aux entiers dépens d’appels, lesquels seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande de Mme [Z] [N] épouse [X] et de Mme [E] [N] épouse [U], au titre de l’indemnisation de l’exploitation des terres indivises par Mme [M] [G]-[N],

Rejette les demandes au titre de l’appel abusif,

Condamne in solidum Mme [Z] [N] épouse [X] et Mme [E] [N] épouse [U] à verser à Mme [M] [W] veuve [G]-[N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil en cause d’appel,

Condamne in solidum Mme [Z] [N] épouse [X] et Mme [E] [N] épouse [U] aux entiers dépens d’appels, lesquels seront employés en frais privilégiés de partage,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,

 


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