Droits des héritiers : 28 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01242

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Droits des héritiers : 28 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01242

28 mars 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/01242

N° RG 21/01242 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KZC7

C3

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP CONSOM’ACTES

la SELARL EYDOUX MODELSKI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 28 MARS 2023

Appel d’un Jugement (N° R.G. 18/01906)

rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 16 novembre 2020

suivant déclaration d’appel du 11 mars 2021

APPELANTS :

M. [C] [J]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

S.C.I. PIER’LOIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 4]

représentés et plaidant par Me Régine PAYET de la SCP CONSOM’ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

S.A. LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.A. CNP ASSURANCES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentées par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Isabelle ALVES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR: LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 février 2023, madame [D] a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre acceptée le 12 décembre 2002, la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône Alpes (ci-après désignée la CERA) a accordé à M. [R] [J] un prêt immobilier Habitat Primo Report n°1490962 de 136.000€ remboursable en 240 mensualités au taux d’intérêt annuel de 5,05’%;’; celui-ci avait adhéré au contrat d’assurance groupe de la CNP Assurances n°7501 D le 8 novembre 2002.

La SCI Pier’Lois, représentée par M. [R] [J], a régularisé auprès de la CERA’le 8 novembre 2005 deux contrats de prêts :

un prêt immobilier in fine n° AMS3000674649 d’un montant de 120.000€ remboursable en 240 mensualités,

un prêt Primo Report n°1596279 d’un montant de 79.070€ remboursable en 240 mensualités.

M. [R] [J], pour garantir ces prêts immobiliers, a consenti deux nantissements sur des contrats d’assurance vie’:

un contrat d’assurance vie Nuances 3D n°858598348 souscrit auprès de CNP Assurances, avec modification de la clause bénéficiaire en cas de décès,

un contrat d’assurance Expantiel n°500052119403 souscrit auprès de Axa France Vie.

M. [R] [J] qui est décédé le [Date décès 8] 2015, a légué par testament à son fils [C] [J]’:

un appartement grevé du prêt immobilier n°1490962,

ses parts dans la SCI Pier’Lois qu’il avait acquises à l’aide d’un prêt garanti par un contrat d’assurance vie souscrit auprès de Axa Assurance Vie,

deux contrats d’assurance vie souscrits auprès de Avip'(aux droit de laquelle est venue Allianz Vie): contrat Tendance Plus n°EAE 00020 à concurrence de 70’% et contrat Liberté Top n°EAA 08329 à concurrence de 30’%.

Poursuivi en paiement des mensualités des prêts par la CERA et n’ayant pas obtenu le déblocage du contrat Expantiel souscrit avec Axa France Vie en garantie du prêt in fine de 120.000€ tout en s’étant vu opposer le 12 janvier 2018 par la CNP Assurances un refus d’exécution de la garantie décès fondé sur l’âge limite atteint prévu par le contrat d’assurance, M. [Y] [J] et la SCI Pier’Lois ont assigné par actes extrajudiciaires des 9 et 15 mai 2018, la CERA, la CNP Assurances et Axa France Vie devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour voir’, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, condamner CNP Assurances à prendre en charge le capital restant dû du prêt n°1490962 au jour du décès de M. [R] [J] et à lui rembourser les mensualités de ce prêt qu’il avait réglées depuis le décès de son père, et pour voir condamner Axa France Vie à débloquer l’assurance vie Expantiel du défunt, tout en demandant la condamnation de la CERA à lui communiquer diverses pièces, à procéder à la mainlevée du nantissement au titre du contrat Expantiel, à rembourser à la SCI Pier’Lois les mensualités de ses deux prêts qu’elle a payées depuis le décès de M. [R] [J], sans préjudice de dommages et intérêts pour manquement à son devoir d’information et dans le règlement de la succession du défunt.

Par jugement contradictoire du 16 novembre 2020, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire, a’:

constaté le désistement des demandes de M. [Y] [J] et de la SCI Pier’Lois à l’encontre de Axa France,

jugé recevable la demande de dommages et intérêts de M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois à l’encontre de la CERA,

débouté M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois de leur demande tendant à voir la CNP Assurances prendre en charge le capital restant dû au titre du prêt personnel n°1490962 souscrit par le défunt M. [R] [J] et de leurs demandes subséquentes visant à obtenir le remboursement des mensualités du prêt que l’héritier a été containt de payer depuis le décès de son père,

rejeté les demandes de M. [C] [J] et de la SCI Pier’Lois aux fins de communication et de justification au titre du contrat Nuance 3D,

enjoint la CERA de communiquer à M. [C] [J] le contrat de nantissement du contrat Tendance Plus n°EA0020 et ses justificatifs de significations, qui lui ont permis d’être désintéressée de la somme de 66.328,38€ au titre du prêt n°1490962,

débouté la CERA de sa demande d’injonction vis à vis de Axa France d’apporter toutes précisions utiles sur le versement des sommes disponibles au titre du contrat d’assurance vie Expantiel,

condamné la CERA à verser à M. [Y] [J] une indemnité de 18.703,97€, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement au titre de la perte de chance de rechercher une meilleure assurance,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

condamné in solidum M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois à verser à la CERA et à la CNP Assurances la somme de 1.000€ à chacune d’elle, au titre des frais irrépétibles,

condamné in solidum M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois aux entiers dépens,

ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration déposée le 11 mars 2021, M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois ont relevé appel.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 octobre 2022 sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1382 dans leur rédaction applicable devenus les articles 1104, 1231-1 et 1240 du code civil, L.140-4 du code des assurances (en vigueur en 2002), devenu l’article L.141-4, vu l’article L.112-4 du même code, L.212-1, L.241-1 et R.212-1 du code de la consommation, M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois demandent la cour de’:

d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il :

les a déboutés de leur demande tendant à voir la CNP Assurances prendre en charge le capital restant dû au titre du prêt personnel n°1490962 souscrit par le défunt M. [R] [J] et de leurs demandes subséquentes visant à obtenir le remboursement des mensualités du prêt que l’héritier a été containt de payer depuis le décès de son père,

a condamné la CERA à verser à M. [Y] [J] une indemnité de 18.703,97€, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement au titre de la perte de chance de rechercher une meilleure assurance,

a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

les a condamnés in solidum à verser à la CERA et à la CNP Assurances la somme de 1.000€ à chacune d’elle, au titre des frais irrépétibles, et aux entiers dépens,

statuant à nouveau,

dire et juger inopposable la clause de limitation de la durée de la garantie décès, non portée à la connaissance de l’assuré, et subsidiairement de dire et juger ladite clause abusive et donc réputée non écrite,

condamner en conséquence la CNP Assurances à prendre en charge le capital restant dû au titre du prêt personnel souscrit par M. [R] [J] sous le n°1490962, au jour de son décès survenu le [Date décès 8] 2015,

condamner la même à rembourser à M. [Y] [J] les mensualités du crédit qu’il a été contraint de payer depuis cette même date,

confirmer le jugement en ce qu’il a jugé recevable la demande de dommages et intérêts de M. [Y] [J] et la SCI Pier’Lois à l’encontre de la CERA,

infirmer le jugement sur le montant alloué et condamner la CERA à verser à M. [Y] [J] des dommages et intérêts d’un montant de 40.000€,

condamner les sociétés défenderesses in solidum au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel, à lui verser la somme de 5.000€,

condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens y compris ceux de première instance,

débouter la CERA de son appel incident.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 janvier 2023 fondées sur les articles 1134 et suivants du code civil dans leur version applicable, la CERA sollicite de la cour qu’elle réforme le jugement déféré en ce qu’il’:

l’a enjointe de communiquer à M. [C] [J] le contrat de nantissement du contrat Tendance Plus n°EAE0020 et ses justificatifs de significations, qui lui ont permis d’être désintéressée de la somme de 66.328,38€ au titre du prêt n°1490962,

l’a condamnée à verser à M. [C] [J] une indemnité de 18.703,97€ outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement au titre de la perte de chance de rechercher une meilleure assurance,

a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

et par voie de réformation,

juge qu’elle a communiqué toute information utile sur l’affectation des contrats d’assurance nantis,

juge qu’elle a restitué à la succession de M. [R] [J] la somme de 66.328,38 € qu’elle avait perçue au titre du contrat Tendance Plus n° EAE0020.

juge en conséquence qu’elle s’est conformée à l’injonction que le jugement du 16 novembre 2020 lui avait faite,

statuant sur son appel incident formé à l’encontre de l’injonction faite par le jugement,

juge que la somme de 66.328,38€ ne lui a pas permis d’être désintéressée au titre du prêt n°1490962, puisque cette somme a été restituée,

juge qu’elle n’a pas commis de faute et que de surcroît M. [C] [J] ne justifie d’aucun préjudice qui lui soit imputable en l’absence de lien de causalité,

réforme en conséquence le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle avait été désintéressée à ce titre,

statuant sur son appel incident formé à l’encontre du jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [C] [J] une indemnité de 18.703,97€, outre intérêts au taux légal, au titre de la perte de chance de rechercher une meilleure assurance,

juge qu’elle a informé M. [R] [J] des conditions de l’assurance et du dépassement de l’âge assurable dès la remise de l’offre de prêt et lui a remis la notice d’assurance souscrite auprès de la CNP,

juge que M. [R] [J] a approuvé les conditions de cette notice d’assurance et a expressément approuvé le dépassement de la durée du contrat par rapport à l’âge jusqu’auquel la garantie était accordée,

juge en conséquence qu’elle a rempli ses obligations d’information et de conseil,

réforme en conséquence le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [C] [J] une indemnité de 18.703,97€,

déboute M. [C] [J] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,

déboute M. [C] [J] et la SCI Pier ‘Lois de l’ensemble de leurs demandes,

confirme le jugement prononcé le 16 novembre 2020 en ce qu’il a condamné in solidum

M. [C] [J] et la SCI Pier ‘Lois à lui payer la somme de 1.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a mis à leur charge les dépens de la procédure,

condamne en cause d’appel in solidum les mêmes à lui payer la somme de 4.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

les condamne in solidum aux dépens de première instance et d’appel,

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 janvier 2023, la CNP Assurances demande que la cour, statuant notamment au regard des dispositions des articles 1103 nouveau du code civil, du contrat d’assurance et de sa notice d’information et sous réserve de l’application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile,

déboute M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois de l’ensemble de leurs

demandes fins et conclusions dirigées à son encontre,

en conséquence,

confirme le jugement dont appel en ses dispositions prise à son égard et :

débouter M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois de leur demande visant à la voir prendre en charge le capital restant dû au titre du prêt personnel n° 1490962 souscrit par le défunt M. [R] [J] et leurs demandes subséquentes visant à obtenir le remboursement des mensualités du prêt que l’héritier a été contraint de payer depuis le décès de son père,

rejeter les demandes de M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois de communication et de justification au titre du contrat Nuances 3D,

condamner in solidum M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois à lui verser la somme de 1.000€ au titre des frais irrépétibles,

condamner in solidum M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois aux dépens,

juge que M. [R] [J] a fait le choix intentionnel de la garantie souscrite,

débouter M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois de leurs demandes tendant à voir déclarer abusive la clause « Durée de la Garantie » prévue à l’article 6 de la notice d’information et dire cette clause opposable,

ajoutant au jugement de première instance confirmé,

condamner solidairement M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois au paiement d’une somme complémentaire de 4.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement les mêmes aux dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2023.

MOTIFS

Il est rappelé que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur la clause de limitation de la durée de la garantie décès

Le contrat d’assurance garantie décès de la CNP Assurances contient une clause 6’»durée de la garantie’» ainsi rédigée’:

«’La garantie prend fin au terme initialement prévu au contrat de prêt et en tout état de cause, au plus tardivement

à la première échéance de remboursement qui suit le 75ème anniversaire de l’assuré, s’il a souscrit à la garantie personne âgée,

à la première échéance de remboursement qui suit le 70 ème anniversaire de l’assuré s’il n’a pas souscrit à cette garantie.’»

M. [R] [J] a coché la case selon laquelle il n’adhérait pas à la garantie «’personnes âgées’».

Les appelants soutiennent l’inopposabilité de la clause n°6 au motif que la limite d’âge qui y est prévue «’ne figure nulle part dans les contrats remis’» à M. [R] [J], que celui-ci n’en avait pas eu connaissance ainsi qu’en atteste le fait que dans son testament rédigé alors qu’il avait 72 ans, il avait indiqué que le prêt était «’couvert par une assurance’».

Ils dénient toute pertinence à l’exemplaire du bulletin d’admission dans l’assurance signée par M. [R] [J] le 8 novembre 2002 tel que communiqué par la CNP Assurances au motif qu’il s’agit de l’exemplaire destiné à l’assureur, et que seule la première page de ce document est annexée à l’offre de prêt’; ils ajoutent qu’à supposer que les principales dispositions du contrat d’assurance ont été remises à l’intéressé, elle ne l’ont été que le 30 novembre 2002, sans qu’elles comportent la clause selon laquelle il aurait «’reconnu avoir reçu et pris connaissance des conditions générales du contrat valant notice d’information’», quand bien même une telle clause aurait été insuffisante à justifier de la remise effective’; enfin, ils indiquent qu’il importe peu que M. [R] [J] a signé ce document dès lors qu’aucun exemplaire ne lui a été laissé.

Les appelants soutiennent ensuite que la clause n°6 est une clause abusive’; ils font valoir que cette clause qui porte sur la durée du contrat et non pas sur son objet, a pour effet de réduire la durée de garantie à un terme inférieur à la durée de l’obligation de paiement et entraîner une cessation des garanties souscrites alors même que les primes sont dues jusqu’au terme du contrat, ce qui crée un déséquilibre au sens de l’article R.212-1 du code de la consommation’; ils ajoutent qu’une clause peut être claire, précise et compréhensible et être néanmoins abusive au sens de l’article L.132-1 du code précité.

La CNP Assurances répond que la notice d’information a été communiquée à M. [R] [J] lors de son adhésion et qu’il l’a signée, que celui-ci avait le choix d’opter pour la garantie supplémentaire ce qu’il n’a pas fait en cochant la case «’non’», que la clause litigieuse n’est pas une clause d’exclusion mais une clause de garantie.

Elle soutient que la remise de la notice d’information, dont aucune disposition légale n’impose qu’elle soit paraphée par l’assuré, est suffisante dès lors que les clauses sont claires, précises et non équivoques, que la preuve de cette remise résulte de la signature apposée par M.[R] [J] au bas de cette notice précisant qu’il reconnaissait l’avoir reçue’;

Elle conteste la qualification de clause abusive attribuée à la clause n°6 en faisant valoir que celle-ci définit l’objet principal du contrat , à savoir le risque décès, et ne relève donc pas des dispositions de l’article L.132-1 du code de la consommation’; elle soutient également que cette clause est claire, précise et compréhensible de sorte que M. [R] [J] a été en mesure d’en comprendre la portée et d’y renoncer en toute connaissance de cause.

Elle souligne enfin que le déséquilibre dénoncé par les appelants entre les droits et obligations des parties au détriment de M. [R] [J] ne peut résulter de la seule limitation de garantie dans le temps, du fait de la survenance du 70ème anniversaire de l’assuré alors que les primes d’assurance sont versées jusqu’au terme du contrat, en répondant que le paiement de la prime d’assurance décès a été calculée et tenait compte de la limite de la garantie décès souscrite jusqu’à l’âge de 70ans et qu’une garantie au-delà de cet êge aurait exigé une prime supplémentaire, de sorte que le paiement de la prime avait bien une cause.

A hauteur d’appel, il est communiqué par les appelants et la CNP Assurances sous leurs pièces respectivement numérotées 17 et 6 «’les principales dispositions du contrat d’assurance’» comprenant 11 clauses dont la clause litigieuse n°6 et la clause n°11 «’conditions d’admission’» aux termes de laquelle l’assuré «’déclare accepter d’être assuré pour le prêt ci-dessus pour les risques décès, PTIA, ITT suivant les modalités du contrat d’assurance collective dont un exemplaire m’a été remis par le prêteur et sous les éventuelles réserves mentionnées ci-dessous(…)’».

Or, ce document a été daté et signé le 30 novembre 2002 par M. [R] [J] qui a donc pris connaissance et accepté la clause n°6 lui offrant le choix entre une garantie décès expirant à 70 ans ou une garantie décès expirant à 75 ans en cas d’adhésion à l’option «’garantie personne âgée’».

A cet égard, la circonstance que dans son testament rédigé à l’âge de 72 ans, M. [R] [J] a dit que ce prêt était garanti par une assurance n’induit pas qu’il ignorait cette clause, alors même qu’il bénéficiait toujours après ses 70 ans des autres garanties PTIA et ITT.

L’objection des appelants selon laquelle l’exemplaire du bulletin de demande d’admission dans l’assurance signée par M. [R] [J] le 8 novembre 2002 tel que communiqué avec les pièces précitées 17 et 6, est l’exemplaire destiné à l’assureur, et que seule la première page de ce document soit annexée à l’offre de prêt, s’avère être sans emport.

En effet, ce bulletin d’admission qui comporte trois séries de questionnaires destinés à l’assureur (identification du candidat à l’assurance,caractéristiques du prêt devant être assuré et questionnaire de santé) a été signé et daté par l’assuré et les appelants ne contestent pas que cette signature est celle de M. [R] [J].

Ensuite, l’offre de prêt précise en page 5 que le bulletin individuel d’admission contenant l’adhésion à l’assurance est joint en annexe’; or, l’examen attentif de cette offre de prêt telle que communiquée en l’état par les appelants en pièce 4 révèle qu’elle contient en annexe une photocopie du bulletin de demande d’admission dans l’assurance signée le 8 novembre 2002 (avec l’occultation du questionnaire médical par respect du secret médical) mais surtout qu’il y figurait également à la suite d’autres pages dont celle contenant la clause n°11 des «’principales dispositions du contrat d’assurance’» relative à l’adhésion à l’assurance ainsi qu’en atteste en bas de cette photocopie la trace d’un bout de page replié dont le graphisme correspond à la clause n°11′; ainsi , n’est donc pas fondée l’affirmation des appelants selon laquelle M. [R] [J] n’aurait pas reçu un exemplaire de cette notice d’assurance.

En définitive, l’ensemble de ces constatations et considérations établit que la clause litigieuse n°6 était opposable à M. [R] [J] qui en a pris connaissance alors qu’il était âgé de 60 ans et qui a opté pour la non-souscription de cette garantie personne âgée en signant le 30 novembre 2002 les conditions d’assurance, et elle est donc opposable à son héritier ,M. [C] [J].

S’agissant de la qualification de clause abusive, c’est à bon droit que le premier juge a dit que la clause n°6 portait sur l’objet principal du contrat, à savoir la garantie du risque décès, et qu’elle était rédigée sans aucune ambigüité, à savoir qu’il s’en déduisait clairement qu’à défaut de souscription de la garantie personne âgée, la garantie décès prenait fin à la première échéance de remboursement suivant le 70ème anniversaire de l’assuré.

Ainsi, conformément à l’aliéna 7 de l’article L.132-1 du code de la consommation selon lequel «’l’appréciation du caractère abusif des clauses au titre du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération du bien vendu ou du service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible’», il n’y a pas lieu à rechercher le caractère abusif de cette clause comme sollicité par les appelants.

Le jugement déféré est donc confirmé sur ces points.

Sur le devoir d’information et de conseil de la CERA

M.[C] [J] s’oppose à l’appel incident de la CERA portant sur l’indemnisation de la perte de chance pour son père de souscrire à une meilleure assurance en faisant valoir que cet établissement financier n’a pas donné les informations suffisantes à celui-ci en n’attirant pas son attention sur le terme de l’assurance décès, compte tenu de son âge et de la durée du prêt.

Toutefois, il est établi que M. [R] [J] a eu connaissance des «’principales dispositions du contrat d’assurance’» valant notice d’information au moment de son adhésion à l’assurance le 30 novembre 2002’et a été informé dès l’offre de prêt des conditions d’assurance, la mention «’dépassement de l’âge assurable’» étant portée dans l’offre de prêt et dans la notice d’assurance à l’emplacement «’restriction de garantie’».

Considérant que la CERA lui avait ainsi communiqué les informations sur l’assurance groupe CNP, il ne peut être reproché à celle-ci un manquement à son devoir d’information et de conseil à l’égard de M. [R] [J] qui étant âgé de 60 ans au jour de l’adhésion à cette assurance, a fait librement le choix de prendre cette assurance et de renoncer à la garantie personne âgée, alors même que la durée du prêt était de 240 mois.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné la CERA à payer à M.[C] [J] une indemnité de 18.703,97€ au titre de la perte de chance de souscrire une meilleure assurance.

Sur le contrat de nantissement du contrat Tendance Plus n°EAE0020

Il résulte des écritures des parties en cause d’appel que la CERA a perçu au titre de ce contrat d’assurance vie une somme de 66.238,35€ qu’elle a restitué à la succession du défunt dès lors que ce contrat d’assurance vie n’avait pas été donné en nantissement pour le prêt immobilier Habitat Primo Report n°1490962 , mais pour un autre prêt échu.

Il n’y a donc lieu d’ajouter au jugement déféré en disant cette restitution’sans pour autant juger que la CERA n’a pas été désintéressée pour ce montant du titre du prêt en cause, cette prétention n’étant pas reprise au dispositif de ses dernières conclusions d’appel.

Sur les contrats d’assurance vie Nuances 3D et Expantiel

M. [C] [J] n’a pas mentionné au dispositif de ses dernières conclusions d’appel ses prétentions concernant le contrat Nuance 3D dont il a été débouté en première instance, sa demande indemnitaire portée au dit dispositif à hauteur de 40.000€ se rapportant uniquement à la perte de chance de rechercher une meilleure assurance (la seule demande indemnitaire jugée recevable par le premier juge) ainsi qu’en témoigne la formulation «’confirmer le jugement en ce qu’il a jugé recevable la demande de dommages et intérêts …’».

La cour n’est donc pas saisie de ce chef de prétention relatif au contrat Nuances 3D’; pour les mêmes motifs, elle ne l’est pas davantage à l’égard des fautes reprochées par M. [C] [J] à la CERA concernant une absence de demande de déblocage du contrat d’assurance vie Expantiel, observation étant faite que la CERA ne discute pas dans le cadre de son appel incident le rejet par le premier juge de sa demande concernant ce dernier contrat.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ses dispositions relatives à ces deux contrats d’assurance vie.

Sur les mesures accessoires

Parties succombantes, M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois sont condamnés in solidum aux dépens d’appel et conservent leurs frais irrépétibles exposés devant la cour’; ils sont condamnés in solidum à verser une indemnité de procédure à chacun des intimés en cause d’appel.

Les dispositions du jugement déféré du chef de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens sont par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l’octroi de dommages et intérêts pour perte de chance de rechercher une meilleure assurance,

Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,

Déboute M. [C] [J] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la perte de chance de rechercher une meilleure assurance formée à l’encontre de la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône Alpes,

Prend acte de ce que la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône Alpes a restitué à la succession de M. [R] [J] la somme de 66.238,35€ versée au titre du contrat d’assurance vie Tendance Plus n°EAE0020,

Condamne in solidum M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois à verser à la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône Alpes et à la CNP Assurances une indemnité de 1.000€ à chacune au titre des frais irrépétibles d’appel,

Déboute M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois de leur demande présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [C] [J] et la SCI Pier’Lois aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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