Droits des héritiers : 28 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/02597

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Droits des héritiers : 28 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/02597

28 mars 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/02597

ARRET

[D]

C/

[B]

FLR

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 MARS 2023

N° RG 22/02597 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IOSF

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 27 AVRIL 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [X] [D], ès qualités de fils unique de Mme [M]-[T] [S] [F]

Maître [E] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Comparant

Représenté par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 33

ET :

INTIME

Maître [U] [B], ès qualités d’administrateur provisoire du fond de commerce de Mme [M]-[T] [S] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant

DEBATS :

A l’audience publique du 24 Janvier 2023 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD, en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile [K], Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 28 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile [K], Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par ordonnance du 8 décembre 2020 du président du tribunal de commerce d’Amiens, maître [B] a été désigné en qualité d’administrateur provisoire du fonds de commerce de Mme [M] [T]-[S] [F] épouse [C] avec pour mission de gérer le fonds et d’en estimer la valeur aux fins d’en favoriser la cession.

Mme [F] épouse [C] est décédée le 2 avril 2021.

Par ordonnance du 8 mars 2022 le président du tribunal de commerce d’Amiens a mis fin à la mission de maître [B] rétroactivement au jour de la cession du fonds de commerce.

Par ordonnance du 27 avril 2022 le président du tribunal de commerce d’Amiens a arrêté les honoraires de maître [B] à la somme de 7 733,19 € ht et 278,61 € ttc pour les frais de duplication et d’affranchissement.

[X] [D] fils unique et héritier de Mme [F] [C] a formé un recours contre cette ordonnance.

Ce recours a été enregistré au greffe de la cour d’appel le 24 mai 2022.

L’affaire a été fixée à l’audience du 29 novembre 2022 et renvoyée à celle du 24 janvier 2023 à la demande de maître Rongeot.

Dans ses dernières conclusions reprises oralement M. [X] [D] assisté de maître [E] [K] de la Scp [K] Hertault, demande à la cour d’infirmer l’ordonnance dont appel de réduire à de plus justes proportions la rémunération de l’administrateur provisoire, d’ordonner en tout état de cause la compensation avec la somme de 5 000 € déjà prélevée, de le débouter de sa demande reconventionnelle et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par une note remise à la cour soutenue oralement par maître [B] présent en personne, ce dernier demande de fixer sa rémunération à la somme de 9 400 € ht outre remboursement de frais à hauteur de 278,61 € et de condamner M. [X] [D] au paiement de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur interrogation de la cour il se désiste de sa demande reconventionnelle en majoration de ses honoraires et demande la confirmation de l’ordonnance dont appel les ayant arrêtés à la somme de 7 733,19 € ht.

L’affaire a été mise en délibéré au 28 mars 2023 par mise à disposition.

SUR CE :

L’appelant conteste le montant des honoraires arrêtés par le président du tribunal de commerce motifs pris qu’ils ne peuvent être arrêtés comme en matière de procédure collective et que maître [B] n’a que très partiellement rempli sa mission telle que prévue par l’ordonnance le désignant.

Il explique que les honoraires de l’administrateur provisoire ne peuvent être fixés en application de l’article R.663-5 du code de commerce et qu’ils doivent être fixés en fonction de l’importance et de la nature des activités de l’auxiliaire de justice, des difficultés présentées et la responsabilité qu’elles peuvent entraîner.

Il précise que maître [B] n’a rempli que très partiellement la mission confiée dans la mesure où il n’a pas procédé à l’évaluation du fonds de commerce et qu’il n’a pas été diligent dans la gestion du fonds. Il déplore un certain laxisme dans cette dernière.

Il précise que les charges n’ont pas été payées régulièrement ou mal réglées et que la situation financière de l’activité s’est aggravée par sa faute, que le nombre de courriers envoyés (18) caractérise le peu d’attention apportée à la gestion courante.

Il indique notamment que les cotisations dues à l’Urssaf, en attente antérieurement à sa désignation n’ont pas été payées.

Il explique que maître [B] n’a pas discuté les sommes à payer aux créanciers dont la banque Crédit du nord et qu’il a dû s’associer les services d’un conseil pour parer à ces carences.

Il précise que le positionnement de maître [B] et les rares réactions de sa part ont ralenti l’établissement du bilan et donc des déclarations fiscales et le paiement de la Tva.

Il affirme qu’il a dû réaliser lui-même de nombreuses démarches, que dorénavant il a apuré l’ensemble des dettes du fonds de commerce, qu’il a transigé avec la banque qui avait surfacturé les frais bancaires de 5 260,55 €.

Il conteste le nombre annoncé de 1 000 photocopies dont il ignore l’objet.

Enfin il fait remarquer que dorénavant maître [B] revient sur son mode de calcul et demande des honoraires en fonctions du temps passé à un taux de 100 € de l’heure et que la preuve du nombre d’heures accordées au traitement du dossier n’est pas rapportée.

Quoiqu’il en soit il demande qu’une somme de 5 000 € déjà prélevée par maître [B] soit déduite du montant des honoraires qui seront arbitrés.

Maître [B] demande la confirmation de l’ordonnance dont appel mais fait liminairement remarquer qu’il s’interroge sur la compétence matérielle de la cour alors que selon lui il appartient au président du tribunal judiciaire de statuer en cas de contestation des ordonnances arrêtant les taxes des administrateurs.

Sur le fond il fait valoir qu’il ne demande pas l’application de l’article R.663-5 du code de commerce pour fonder sa demande de fixation d’honoraires mais qu’il y fait uniquement référence à défaut de barème en matière d’administration provisoire. Il soutient que la somme dont il demande paiement, ramenée à une tarification à l’heure et non dans les termes de l’article R.663-5 du code de commerce, soit entre 82 et 100 € de l’heure, est minime en comparaison avec les sommes allouées classiquement par les juridictions de l’ordre de 350 € et au regard des diligences réalisées sur 47 semaines d’administration.

Il fait remarquer qu’il n’a pas demandé d’honoraires proportionnels sur le prix de cession du fonds ni sur la réalisation de l’actif.

Il reconnaît ne pas avoir procédé à l’évaluation du fonds de commerce mais soutient avoir géré ce dernier en toutes diligences, en réalisant de nombreuses démarches informelles dont il n’a pas gardé trace et qu’il a véritablement eu le souci de sa cession dans les meilleures conditions qu’il soit et alors que ce dernier selon lui n’avait plus aucune valeur et qu’il aurait dû procéder à une déclaration de cessation des paiements du fait de l’importance du passif ce qu’il a renoncé à faire pour éviter la liquidation du fonds et de son seul héritier notamment.

Il précise avoir été mis devant le fait accompli à savoir que le prix de cession avait déjà été défini avant sa désignation, que l’acquéreur était déjà choisi, ce dernier ayant d’ailleurs remis une avance de 40 000 € sur le prix de 120 000 € pour garantir la transaction.

Il explique que lorsqu’il a été désigné de nombreux créanciers institutionnels n’étaient pas payés dont l’Urssaf, que suite au décès de l’exploitante le compte Urssaf a été radié et qu’il a rencontré les plus grandes difficultés à ré immatriculé le fonds pour les besoins de la cession.

Il affirme être passé de façon bi hebdomadaire à la boutique et avoir fait des comptes rendu oraux de ses visites à M. [D], avoir assisté aux réunions avec le notaire en charge de la cession même s’il déplore les conditions financières de cette dernière et l’approximation des éléments financiers (modalités de paiement) contenus dans l’acte qu’il a refusé de signer dans ces circonstances.

Il précise que s’agissant du compte ouvert à la caisse des dépôts et consignation il a provisionné 5 000 € au titre des honoraires du comptable non payés de longue date et afin qu’une comptabilité puisse être présentée, qu’il n’a pas gardé par devers lui et à titre personnel cette somme comme le soutient l’appelant au même titre que le recouvrement du compte client. Il précise qu’après perception de ses frais et honoraires le solde sera transmis au notaire en charge de la succession de l’administrée et que les encaissements des clients réalisés en 2022 et la déclaration de Tva pourront être déposées à bonne date.

Enfin il ajoute que la photographie du dossier permet d’apprécier son volume, le nombre de courriers, de courriels et de photocopies que ses services ont dû réaliser.

L’évaluation des honoraires de l’administrateur en cas d’administration provisoire n’étant pas prévue par des dispositions réglementaires du code de commerce il est fait application de l’article 721 du code de procédure civile qui dispose que dans ce cas le juge statue suivant la nature, l’importance des activités de l’auxiliaire de justice ou de l’officier public ou ministériel, les difficultés qu’elles ont présentées et la responsabilité qu’elles peuvent entraîner. Il mentionne s’il y a lieu les sommes déjà perçues soit à titre de provision soit à titre de frais ou honoraires.

Selon l’article R.814-27 du code de commerce la rémunération des administrateurs judiciaires au titre des mandats qui leur sont confiés est fixée sur justification de l’accomplissement de leur mission par le président de la juridiction les ayant désignés. Cette décision est susceptible de recours selon les règles des articles 714 à 718 du code de procédure civile.

L’article 714 prévoit que l’ordonnance de taxe rendue par le président d’une juridiction de première instance peut être frappée par tout intéressé d’un recours devant le premier président de la cour.

En l’espèce la première présidente de la cour d’appel d’Amiens a délégué compétence à la présidente de la chambre économique et financière pour statuer sur les contestations des ordonnances de taxes prises en application de l’article R.663-5 du code de commerce, l’ordonnance dont appel a été rendue en application de ce texte de sorte que la chambre économique est compétente pour connaître de ce recours.

Dans la requête déposée au président du tribunal de commerce afin de fixer ses honoraires et frais maître [B] a intégré un tableau dans lequel il vise l’article R. 663-5 du code de commerce et les pourcentages sur chiffre d’affaires à appliquer pour déterminer ses honoraires. Retenant un chiffre d’affaires annuel de 398 030 €, il a appliqué sur la première tranche jusque 150 000 € 1,881 % et pour le surplus 0,941€ soit au total 5 155,46 € somme majorée de 2 577,73 €.

Il a également intégré un tableau dans lequel il facture les frais d’affranchissement pour 18 courriers adressés et 1 000 photocopies au titre des frais de duplication.

Les dispositions de l’article R.663-5 du code de commerce prévoyant l’allocation d’émoluments aux administrateurs judiciaires en cas d’assistance au cours d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, n’étant pas applicable à l’espèce maître [B] était mal fondé à demander la fixation de ses honoraires dans le cadre de l’administration provisoire de Mme [C] en application de ce texte, ce qu’il ne conteste pas réellement devant la cour.

Pour justifier du montant des honoraires dont il demande la fixation et caractériser les diligences réalisées, il produit la copie du rapport déposé au président du tribunal de commerce, une liasse de 18 pièces comprenant les échanges avec l’Urssaf, le notaire, différentes caisses et le compte ouvert en son étude comportant la liste chronologique des écritures du dossier « [C] » outre une photographie du dossier.

L’extrait de compte au sein de l’étude recense 74 écritures en ce compris :

Au crédit : l’encaissement de l’acompte sur prix de cession le 22 janvier 2021 à hauteur de 40 000 €, 6 écritures créditant les intérêts dus à l’administrée, 3 écritures relatives à des provisions sur compte à hauteur de 5 000 €, une cinquantaine d’écritures correspondant au recouvrement du compte client.

Au passif : le transfert de l’acompte sur prix de cession au notaire le 26 novembre 2021, les règlements au titre des formalités au greffe du tribunal de commerce, de la gazette, le remboursement des sommes perçues à tort d’interflora.

Ce document renseigne sur le fait que le compte d’administration est créditeur de 15 110, 47 €.

Les échanges avec l’Urssaf suite au décès de l’administrée afin de ré immatriculer l’entreprise, renseignent sur le fait que cet organisme fournit à l’administrateur les informations portant sur les démarches à réaliser auprès du centre de formalité des entreprises par l’établissement d’une liasse P22 « décès de l’exploitant avec reprise de l’exploitation » afin de pouvoir poursuivre l’exploitation et faciliter la reprise de l’entreprise par la salariée qui avait d’ores et déjà payé comptant une somme de 40 000 € entre ses mains pour sécuriser la cession.

Dans son rapport maître [B] explique avoir découvert une situation économique dégradée à savoir que si les fournisseurs étaient payés régulièrement il existait des dettes importantes auprès de l’Urssaf et de l’expert-comptable, qu’il a accepté d’accéder à la volonté du fils de l’administré tendant à vendre le fonds de commerce à la salariée qui exploitait le fonds dans les faits depuis des années en raison de l’incapacité de l’administré à le faire depuis 2008 et que dans ces circonstances il lui est apparu inutile de procéder à l’évaluation du fonds et à une recherche active d’acquéreur. Il explique avoir refusé d’intervenir à l’acte de cession qui selon lui comportait des incohérences et avoir appris que le président du tribunal de commerce avait mis fin à sa mission à la date de l’acte.

De ces éléments il ressort que l’administrateur n’a pas évalué le fonds, qu’il a réalisé différentes démarches de formalités auprès de tribunal de commerce, enregistré des opérations au crédit du compte de l’administré et au débit, réglé quelques difficultés avec l’Urssaf, cette dernière ayant dû lui expliquer comment réaliser une ré immatriculation en cas de décès pour que l’exploitation puisse se poursuivre, échangé de façon non constructive avec le notaire sur les modalités de la cession, refusant d’intervenir à l’acte tout en soutenant que le fonds n’avait aucune valeur voir que l’activité était en état de cessation des paiements sans en tirer les conséquences en qualité de professionnel.

L’appelant a dû se rapprocher d’un conseil pour contester les sommes réclamées à tort par le Crédit du nord que l’administrateur conseillait de payer sans discussion et il ressort d’une attestation du notaire que pour le compte de la succession représentée par le fils de l’administrée il a réglé les salaires, cotisations diverses, impôts divers.

Tenant compte de la nature de la mission (évaluation et gestion du fonds de commerce de vente de fleurs de Mme [C]) d’une durée de 47 semaines, des difficultés rencontrées avec l’Urssaf en raison du décès de l’administrée, des différentes écritures comptables à enregistrer et des formalités à réaliser, mais tenant compte également que le fils de la défunte et son conseil ont géré les négociations avec la banque pour limiter substantiellement sa créance contre l’avis de l’administrateur, avec le notaire en charge de la rédaction d’acte afin de finaliser la cession du fonds de commerce que l’administrateur n’a pas eu de son propre aveu à évaluer, il y a lieu de fixer ses honoraires à la somme de 3 500 € ht.

Les frais d’affranchissement sont admis pour 38,61 €.

Les diligences sus décrites ne justifient pas la réalisation de 1 000 photocopies dont le nombre est ramené à 150 soit 30 € au lieu des 200 € réclamés.

Au total les honoraires et frais de maître [B] pour administrer l’entreprise de Mme [C] sont arrêtés à :

3 500 € au titre des honoraires ;

68,60 € au titre des frais de duplication et d’affranchissement.

S’il apparaît au compte d’administration une somme de 5 000 € provisionnée pour faire face au coût de la mesure, il n’y a pas lieu d’ordonner la compensation avec les honoraires comme le demande l’appelant, la décision rendue ne statuant qu’en matière de fixation des honoraires et des frais de l’administrateur provisoire en application de l’article 721 du code de procédure civile sans pouvoir intervenir sur le compte d’administration provisoire.

Maître [B] qui succombe supporte les dépens d’appel. Les circonstances ne justifient pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

Déclare l’appel recevable ;

Infirme l’ordonnance du président du tribunal de commerce d’Amiens du 27 avril 2022 ;

Statuant à nouveau :

Fixe les honoraires de maître [B] à la somme de 3 500 € ht et à 68,60 € les frais d’affranchissement et de duplication ;

Déboute M. [D] de sa demande de compensation ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne maître [B] à supporter les dépens d’appel.

Le Greffier, La Présidente,

 


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