Droits des héritiers : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01500

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Droits des héritiers : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01500

27 juillet 2023
Cour d’appel de Caen
RG n°
22/01500

AFFAIRE : N° RG 22/01500 – N° Portalis DBVC-V-B7G-HADJ

ARRET N°

AB

ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de LISIEUX du 10 mars 2022

RG n° 20/00307

COUR D’APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 27 JUILLET 2023

APPELANTE :

Madame [Z], [W], [X] [T]

née le 08 Février 1964 à [Localité 23] (BELGIQUE)

Haras d'[Localité 7]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Me Emmanuelle DUVAL, avocat au barreau de LISIEUX

INTIME :

Monsieur [U], [P], [J] [V]

né le 21 Juillet 1977 à [Localité 16] (61)

[Adresse 20]

[Localité 18]

Représenté et assisté de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience du 13 juin 2023 prise en chambre du conseil, sans opposition du ou des avocats, Mme LEON, Présidente de chambre, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIERE : Mme GUIBERT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme LEON, Présidente de chambre,

Mme DE CROUZET, Conseiller,

Mme LOUGUET, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 27 juillet 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour et signé par Mme LEON, président, et Mme FLEURY, greffier

*****

M. [U] [V] et Mme [Z] [T] ont contracté mariage en date du 9 février 2008 par devant l’officier d’état civil de la commune de [Localité 7].

Un contrat de mariage fut régularisé préalablement à cette union en date du 28 janvier 2008 en l’étude de Me [H] notaire adoptant le régime de la participation aux acquêts.

Suivant requête en date du 16 juin 2014, Mme [T] saisissait le juge aux affaires familiales en application des dispositions de l’article 251 et suivant du code civil laquelle aboutissait au prononcé d’une ordonnance en date du 18 novembre 2014 qui entre autres dispositions procédait à la désignation de Me [N] notaire sur le fondement de l’article 255-10° du code civil.

Suivant jugement du 5 juin 2018 était prononcé le divorce des époux [V]-[T], décision confirmée par arrêt de la cour d’appel de CAEN du 6 juin 2019.

Suivant exploit en date du 25 mai 2020, M. [V] a saisi le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de Lisieux aux fins de voir ordonner judiciairement la liquidation du régime matrimonial.

Suivant jugement en date du 10 mars 2022, le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de LISIEUX va entre autres dispositions :

« – Déclarer les juridictions françaises compétentes et la loi française applicable.

– Ordonner la poursuite des opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux entre M. [U] [V] et Mme [Z] [T].

– Commettre pour y procéder Me [O] [N], Notaire à [Localité 21], et Anne-Sophie GIRET, vice-présidente du Tribunal Judiciaire de LISIEUX pour en surveiller le cour (ou tout juge désigné).

– Dire qu’en cas d’empêchement du notaire désigné, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête.

– Rappeler que le notaire commis pourra s’adjoindre, au vu de la valeur et de la consistance des biens, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis.

– Dire que M. [V] et Mme [B] doivent se communiquer et communiquer au notaire, aux experts et autres personnes désignées par lui, tous renseignements et documents utiles à l’accomplissement de leur mission.

– Dire que le notaire commis pourra sur simple présentation du jugement se faire communiquer par les administrations, banques ou offices notariaux ainsi que le fichier FICOBA, tous les renseignements concernant le patrimoine mobilier ou immobilier, ou le revenu des parties, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

– Rappeler que le notaire ainsi désigné dispose d’un délai d’un an après que le jugement sera passé en force de chose jugée pour achever les opérations de liquidation et de partage, sauf à en référé au juge commis de toute difficulté.

– Rappeler qu’en cas de défaillance d’une des parties lors des opérations de liquidation et de partage, un représentant devra lui être désigné.

– Rappeler que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable, et que si un acte de partage est établi, le notaire en informe le juge commis qui constate la clôture de la procédure.

– Rappeler qu’à défaut pour les parties de signer un état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et son projet d’état liquidatif comprenant une proposition de composition de lots.

– Rappeler que les parties ne seront plus recevables, sauf si le fondement est né ou s’est révélé postérieurement, en des demandes qu’elles n’auraient pas exprimées antérieurement au rapport du juge commis.

– Renvoyer les parties les parties devant Me [N], notaire à [Localité 21], pour établissement de l’état liquidatif définitif.

– Débouter M. [U] [V] de sa demande de communication de pièces (liste de chevaux et relevés bancaires).

– Débouter M. [U] [V] de sa demande visant à retenir la somme de 122.437,91 € d’avoirs bancaires dans son patrimoine originaire.

– Débouter M. [U] [V] de sa demande visant à retenir la somme de 229.750 € pour la valorisation des parts de la SCI Palami dans le patrimoine originaire de Mme [T].

– Dire que la valorisation du cheval Quendal de Loujo dans le patrimoine originaire de Mme [T] sera retenue pour la somme de 10.000 €.

– Surseoir à statuer sur la valorisation des terres situées à [Localité 18] cadastrées section B n° [Cadastre 8] [Cadastre 10] [Cadastre 15] [Cadastre 4].

– Dire que les dettes non acquittées au titre des prêts n° AI8913 références 00154310666, n° BB6331 référence 00161741771 et BO27812 références 0016864899 seront intégrés au passif tant du patrimoine final de Mme [Z] [T] et celui de M. [U] [V] pour moitié chacun.

– Surseoir à statuer sur la valorisation du haras et du fonds agricole dans le patrimoine final de Mme [Z] [T].

– Rejeter les demandes de provision à valoir sur la créance de participation.

– Rejeter les demandes d’attribution préférentielle de Mme [Z] [T].

– Rejeter les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– Dire que les dépens de l’instance seront partagés par moitié entre M. [U] [V] et Mme [Z] [T] et autoriser Me LEJARD à recouvrer directement contre la partie condamnée conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

– Préciser que la présente décision est exécutoire à titre provisoire. »

Mme [T] a relevé appel de la décision précitée le 17 juin 2022.

M. [V] a constitué avocat le 6 juin 2022.

Par ses dernières écritures en date du 24 mai 2023, l’appelante conclut en ces termes :

– CONFIRMER le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lisieux le 10 mars 2022, en ce qu’il a :

– déclaré les juridictions francaises compétentes et la loi francaise applicable,

– ordonné la poursuite des opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux entre M. [U] [V] et Mme [Z] [T],

– commis pour y procéder Me [O] [N], notaire à [Localité 21], et Anne-Sophie Giret, vice-présidente du tribunal judiciaire de Lisieux, pour en surveiller le cours (ou tout juge désigné),

– dit qu’en cas d’empêchement du notaire désigné, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

– rappelé que le notaire commis pourra s’adjoindre, au vu de la valeur ou de la consistance des biens, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut désigné par le juge commis,

– dit que M. [V] et Mme [T] doivent se communiquer et communiquer au notaire, aux experts et autres personnes désignées par lui, tous renseignements et documents utiles à l’accomplissement de leur mission,

– dit que le notaire commis pourra, sur simple présentation du présent jugement, se faire communiquer par les administrations, banques ou offices notariaux ainsi que le fichier Ficoba tous les renseignements concernant le patrimoine mobilier ou immobilier, ou le revenu des parties, sans que ne puisse lui être opposé le secret professionnel,

– rappelé que le notaire ainsi désigné dispose d’un délai d’un an après que le jugement sera passé en force de chose jugée pour achever les opérations de liquidation et de partage, sauf à référer au juge commis de toute difficulté,

– rappelé qu’en cas de défaillance d’une des parties lors des opérations de liquidation et de partage, un représentant devra lui être désigné,

– rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable, et que si un acte de partage est établi, le notaire en informe le juge commis qui constate la clôture de la procédure,

– rappelé qu’à défaut pour les parties de signer un état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et son projet d’état liquidatif comprenant une proposition de composition de lots,

– rappelé que les parties ne seront plus recevables, sauf si le fondement est né et s’est revelé postérieurement, en des demandes qu’elles n’auraient pas exprimées antérieurement au rapport du juge commis,

– renvoyé les parties devant Me [N], notaire à [Localité 21], pour établissement de l’état liquidatif définitif,

– débouté M. [U] [V] de sa demande de communication de pièces (liste de chevaux et relevés bancaires),

– débouté M. [U] [V] de sa demande visant à retenir la somme de 122.437,91 euros d’avoirs bancaires dans son patrimoine originaire,

– débouté M. [U] [V] de sa demande visant à retenir la somme de 229.750,00 euros pour la valorisation des parts de la Sci Palami dans le patrimoine originaire de Mme [T],

– sursis à statuer sur la valorisation des terres situées à [Localité 18] cadastrées section B n°[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 15],[Cadastre 19],

– sursis à statuer sur la valorisation du haras et du fonds agricole dans le patrimoine final de Mme [Z] [T],

– rejeté les demandes de provision à valoir sur la créance de participation,

– rejeté les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’instance seront partagés par moitié entre M. [U] [V] et Mme [Z] [T] et autorisé Me Noel Lejard à recouvrer directement contre la partie condamnée conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– précisé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire,

– dit que le présent jugement sera signifié par acte d’huissier à la diligence des parties.

INFIRMER les dispositions du jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lisieux le 10 mars 2022 en ce qu’il a :

– dit que la valorisation du cheval Quendal de Lojou dans le patrimoine originaire de Mme [T] sera retenue pour la somme de 10.000 euros,

– dit que les dettes non encore acquittées au titre des prêts n°AI8913 références 00154310666,n°BB6331références00161741771etn°BO2782références 00168664899 seront intégrées au passif tant du patrimoine final de Mme [Z] [T] que de celui de M. [U] [V] pour moitié chacun,

– rejeté les demandes d’attribution préférentielle de Mme [Z] [T] ;

STATUANT A NOUVEAU sur les dispositions du jugement infirmées :

– ORDONNER que la valorisation du cheval Quendal de Loujo dans le patrimoine originaire de Mme [T] sera retenue à titre principal, pour la valeur au jour de la

liquidation du régime matrimonial des nouveaux biens subrogés au bien aliéné dont le montant sera déterminé dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial ; à titre subsidiaire, pour la somme de 285.000,00 euros correspondant à la valeur nominale des subrogations ; à titre très subsidiaire, à la somme de 285.000,00 euros correspondant au montant de l’aliénation du cheval,

– ORDONNER que les dettes au titre des prêts n°AI8913 références 00154310666, n°BB6331 références 00161741771 et n°BO2782 références 00168664899 seront intégrées au passif du seul patrimoine final de Mme [Z] [T] à l’exclusion de

celui de M. [U] [V] ;

– ATTRIBUER à titre préférentiel au profit de Mme [T] les parcelles suivantes: ” Terres de [Localité 7] n°[Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 14] (acquisition [S] du 21/02/2008) moyennant le versement d’une soulte de 67.400,00 euros par Mme [T] au profit de M. [V] ;

A titre subsidiaire,

Dans l’hypothèse où la cour infirmait le jugement en ce qu’il a debouté M. [V] de sa demande visant à retenir une somme de 122.437,91 euros au titre de ses avoirs bancaires dans son patrimoine originaire,

– RÉDUIRE à la somme de 114.138,04 euros,

– ORDONNER au notaire en charge de la liquidation du régime matrimonial de retenir

le montant des avoirs bancaires de M. [V] à hauteur de 114.138,04 euros,

Dans l’hypothèse où la cour infirmait le jugement en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande visant à retenir la somme de 229.750,00 euros pour la valorisation des parts de la Sci Palami dans le patrimoine originaire de Mme [T],

– RETENIR dans le patrimoine originaire Mme [T] les deux subrogations et un

solde de 92 354,00 euros résultant de l’aliénation de ses 50% de parts sociales dont elle était détentrice dans la SCI Palami avant le mariage, comme il sera ci-après démontré.

– ORDONNER au notaire en charge de la liquidation du régime matrimonial d’évaluer

les biens subrogés au jour où le régime matrimonial sera liquidé.

En tout état de cause,

– DÉBOUTER M. [V] de l’ensemble de ses demandes au vu de l’équité ;

Y AJOUTANT :

– CONDAMNER M. [U] [V] à régler à Mme [Z] [T] une somme de 15.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions en date du 25 avril 2023 l’intimé, appelant incident conclut en ces termes :

– Déclarer recevable mais non fondé l’appel inscrit par Mme [T] à l’endroit du jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de Lisieux en date du 10 mars 2022,

– Voir confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit que la valorisation du cheval Quendal De Loujo devait figurer dans le patrimoine originaire de Mme [T] à hauteur de la somme de 10.000 €,

– dit que les dettes non encore acquittées au titre des prêts n° AI8913 références 0015431066, n° BB6331 références 00161741771 et n° BO2782 références 0016864899 seront intégrées au passif tant du patrimoine final de Mme [T] que de celui de M. [V] pour moitié chacun,

– débouté Mme [Z] [T] de sa demande d’attribution préférentielle de parcelles terres et notamment de celles situées sur la commune de [Localité 7] cadastrées section [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 12],

– Recevoir M. [V] en son appel incident,

– Voir réformer, en conséquence, le jugement entrepris en ce qu’il a :

– débouté M. [V] de sa demande visant à retenir la somme de 122.437,91 € d’avoirs bancaires dans son patrimoine originaire,

– débouté M. [V] de sa demande visant à retenir la somme de 229.750 € pour la valorisation des parts de la SCI Palami dans le patrimoine originaire de Mme [T],

– débouté M. [V] de sa demande tendant à l’allocation d’une provision d’un montant de 100.000 € sur sa créance de participation.

Statuer à nouveau,

– Voir dire et juger que devra figurer dans le patrimoine originaire de M. [V] la somme de 122.437,91 € d’avoirs bancaires,

– Dire et juger que devra figurer dans le patrimoine originaire de Mme [T] la somme de 229.750 € pour la valorisation des parts de la SCI Palami,

– Voir condamner Mme [T] au paiement d’une somme de 100.000 € à titre de provision à valoir sur la créance de participation dont elle est débitrice,

– Voir confirmer le jugement entrepris pour le surplus de ses autres dispositions,

– Voir, quoiqu’il en soit, débouter Mme [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– Voir condamner Mme [T] au paiement d’une somme de 4.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mai 2023 avant l’ouverture des débats à l’audience du 13 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les éléments d’extranéité :

Le présent litige présente des éléments d’extranéité liés à la nationalité belge de l’ex-épouse.

En matière de droits indisponibles, il appartient au juge de soulever d’office la question de la compétence internationale du juge français et celle de la loi applicable au litige.

Le couple résidant en France, le premier juge a fait une exacte application des instruments communautaires et internationaux pour déterminer que la juridiction française est compétente et la loi française applicable, étant observé que ces points ne font l’objet d’aucune contestation de la part des parties.

Sur l’étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de la déclaration d’appel et des dernières conclusions des parties, l’appel est limité à l’évaluation des patrimoines et des valorisations à savoir :

– la valorisation du cheval Quendal de Lojou,

– l’évaluation des avoirs bancaires de M. [V] dans son patrimoine originaire,

– la valorisation des parts de la Sci Palami dans le patrimoine originaire de Mme [T],

– l’intégration dans les patrimoines des dettes non encore acquittées au titre des prêts n°AI8913 références 00154310666, n°BB6331 références 00161741771 et n°BO2782 références 00168664899,

– les demandes d’attribution préférentielle de Mme [Z] [T],

– l’allocation à M. [V] d’une provision d’un montant de 100.000 € sur sa créance de participation.

Sur les demandes relatives aux patrimoines originaires :

Sur la valeur du cheval Quendal de Lojou

Mme [T] soutient qu’elle avait repéré le fort potentiel de ce cheval et qu’elle a fait le nécessaire pour qu’il améliore ses performances.Elle fait valoir que puisque le cheval a été aliéné et qu’elle justifie par les pièces versées au débat des subrogations, il doit être pris en compte à titre principal, pour la valeur au jour de la liquidation du régime matrimonial des nouveaux biens subrogés au bien aliéné dont le montant sera déterminé dans le cadre des opérations de liquidation du regime matrimonial et ce d’autant que cette subrogation a été expressément prévue dans le contrat de mariage.Elle demande à titre subsidiaire qu’il soit évalué à la somme de 285.000,00 euros (281.543,07 euros – prix des subrogations – + 3456,93 euros ‘ solde du prix de vente dudit cheval -) correspondant à la valeur nominale des subrogations et à titre très subsidiaire, à la somme de 285.000,00 euros correspondant au montant de l’aliénation du cheval.

M. [V] quant à lui, répond que cette évolution dans une logique autonomiste constitue un enrichissement objectif devant être pris en compte dans la détermination des acquêts nets de Mme [T] et partant dans la créance de participation de M. [V]. Il précise avoir sollicité l’intervention de M. le doyen de la faculté de droit de [Localité 17] lequel a procédé à l’établissement d’un rapport permettant de valider la nécessité de prendre en considération l’augmentation de valeur du cheval au cours du mariage.

Il s’appuie sur les articles 1571 et suivants du code civil pour en déduire que l’on ne peut intégrer dans le patrimoine originaire les changements d’état que le bien a pu connaître pendant le régime matrimonial dans la mesure où lesdits changements sont pris en compte dans le patrimoine final.

Il constate que Mme [T] se prévaut d’un moyen nouveau qu’elle s’était abstenue d’invoquer en première instance tiré de la notion de subrogation mais considère que cette approche ne saurait être retenue motif pris que le mécanisme de subrogation dont la réalité n’est pas rapportée (notamment s’agissant des acquisitions immobilières dont elle se prévaut) ne peut être envisagé qu’en considération de la valeur du cheval au jour de son aliénation en fonction de son état originaire en faisant abstraction de l’industrie de M. [V] et de Mme [T] ayant permis sa transformation d’un animal sans valeur réelle à un cheval de compétition. Selon lui un tel raisonnement ne peut que s’imposer dès lors que le propre d’un régime de participation aux acquêts est de permettre à chaque époux de profiter de tout enrichissement survenu au cours du mariage que le bien soit originaire ou acquêt.

Le tribunal a accueilli la demande de M. [V] au motif suivant

parties s’accordent sur la propriété par l’épouse de ce cheval au jour du mariage, et sur sa vente en cours de mariage. Il n’est pas davantage contesté que le cheval a connu un changement d’état entre son acquisition initiale et son aliénation durant le mariage, plus-value résultant de l’industrie de l’épouse. En l ‘absence de subrogation invoquée par Mme [T], la valeur au moment de cette aliénation doit étre intégrée au patrimoine originaire et il sera tenu compte de l’état originaire du cheval, c’est-à-dire au jour du mariage de quelques mois postérieur à l’acquisition et sans changement d ‘état évoqué à ce stade >>.

En vertu des dispositions de l’alinéa 1 de l’article 1571 du code civil, les biens originaires sont estimés d’aprés leur état au jour du mariage ou de l’acquisition, et d’après leur valeur au jour où le régime matrimonial est liquidé. S’ils ont été aliénés, on retient leur valeur au jour de l’aliénation. Si de nouveaux biens ont été subrogés aux biens aliénés, on prend en considération la valeur de ces nouveaux biens.

Il est constant et non contesté que, avant le mariage en date du 9 février 2008, Mme [T], à la tête d’une exploitation agricole, spécialisée dans le cheval, bien personnel , était propriétaire également à titre personnel de 50 % du cheval Quendal de Lojou, les autres 50 % appartenant à M. [R] [L]. Ce cheval a été acquis pour la somme de 20.000 euros et revendu en date du 6 avril 2012 pour un montant de 620.600 € TTC.

En cause d’appel Mme [T] soutient qu’il y a eu subrogation à la vente de ce cheval par l’achat d’autres chevaux et de biens immobiliers sis à [Localité 18].

Il ressort des pièces produites notamment les relevés de compte de Mme [T] ouverts au Crédit Agricole que le produit de la vente du cheval Quendal de Lojou soit 310.300 euros a été versé sur son compte [XXXXXXXXXX01] le 2 avril 2012, que déduction faite du paiement de la TVA, d’une commission et de 35.000 euros restés sur ce compte, le solde soit 250.000 euros a été viré le même jour sur un compte à terme n° 00164949961 ouvert également le 2 avril 2012.

Mme [T] justifie en effet par la production d’extraits de ses relevés du compte [XXXXXXXXXX01] que l’acquisition de chevaux pour un montant total de 62.355 euros a bien eu lieu au moyen de deniers figurant au crédit de ce compte.

Elle produit également l’historique des mouvements de fonds ayant eu lieu sur le compte à terme précité dont il ressort qu’un premier retrait anticipé d’un montant de 10 000 euros a eu lieu le 5 octobre 2012 et un deuxième le 20 novembre 2012 pour 40 000 euros. Or d’une part les extraits du compte courant produits ne permettent pas de retrouver ces virements, il n’est donc pas établi que ces montants -issus du compte à terme sur lequel l’essentiel du prix de vente du cheval Quendal de Lojou a été versé -ont bien servi à alimenter le compte courant sur lequel le montant des achats de chevaux a été prélevé, d’autre part les premiers achats de chevaux ont eu lieu avant le premier rachat partiel et le solde du compte courant figurant à la date de ceux-ci étant très inférieur à la somme de 35 000 euros laissée sur le compte suite à la vente, il ne peut en être déduit que les fonds provenant de la vente du cheval Quendal de Lojou ont servi à ces acquisitions.

Dès lors la preuve n’est pas rapportée qu’il y a eu subrogation de l’aliénation du cheval Quendal de Lojou dans l’achat d’autres chevaux.

S’agissant de l’achat en date du 29 décembre 2015 du bien sis à [Localité 18], [Adresse 22], moyennant le prix de 120000 euros hors taxe. Il s’avère que l’acompte de 13 000 euros réglé le 16 mai 2012 a bien été prélevé sur le compte courant de Mme [T] mais également à une date antérieure au premier rachat sur le compte à terme, il ne peut donc être établi non plus que c’est le prix de vente du cheval Quendal de Lojou qui a servi à payer cet acompte.

En revanche le solde soit 116 100 euros réglé le 27 décembre 2012 a bien été prélevé le 27 décembre 2012 sur le compte courant de Mme [T] et un retrait partiel anticipé du compte à terme alimenté par le seul versement de 250 000 euros provenant de la vente du cheval a été effectué pour la même somme le même jour.

Le rapprochement des dates et de la somme permet d’établir que c’est bien l’argent de la vente du cheval qui a servi dans cette transaction.

Dès lors la subrogation à hauteur de cette somme dans l’acquisition du bien immobilier sis à [Localité 18] est avérée.

Toutefois s’agissant de l’acquisition de la parcelle [F] datant du 22 décembre 2012 pour un prix de 8000 euros net vendeur, d’une part le décompte du notaire (pièce 28) fait état d’une somme de 9820 euros et c’est une somme de 9750 euros dont Mme [T] justifie le débit sur son compte courant postérieurement à la vente puisque le 28 décembre 2012, d’autre part rien ne permet de relier ce paiement aux fonds provenant de la vente de Quendal de Lojou versés sur le compte à terme.

La preuve de la subrogation n’est donc pas rapportée.

Enfin s’agissant des travaux d’amélioration du haras pour un total de 80 338,07 euros, outre qu’il ne s’agit pas d’une acquisition, il ne peut, au travers des pièces produites, être fait le lien entre les fonds provenant de la vente du cheval Quendal de Lojou et ces dépenses figurant au débit du compte courant professionnel de Mme [T] puisque la preuve n’est pas rapportée du versement des rachats partiels anticipés sur le compte courant et il n’existe pas de concordance entre les dates et les montants. Il ne peut donc s’en déduire que ce sont bien ces fonds qui ont financé les dits travaux.

En conséquence seule la preuve de la subrogation de la vente du cheval Quendal de Lojou à la seule hauteur de 116 100 euros dans l’acquisition du bien sis à [Localité 18] [Adresse 22], est rapportée.

La valeur à retenir dans le patrimoine initial de Mme [T] est celle du profit subsistant conformément à l’article 1469 du code civil et rappelé dans le contrat de mariage des parties.

Toutefois en l’absence de tout élément permettant ce calcul et au vu des prétentions dont la cour est saisie, il sera dit que la valeur des nouveaux biens subrogés au bien aliéné au jour de la liquidation du régime matrimonial sera à déterminer dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial.

En revanche pour la partie du prix dont la subrogation n’est pas démontrée, il conviendra en application de la clause du contrat de mariage qui stipule que ‘si les biens dépendant du patrimoine originaire ont été aliénés à titre onéreux sans que le prix d’aliénation ait été utilisé dans les conditions ci-après (à savoir de la subrogation), on retiendra leur valeur au jour de l’aliénation, cette valeur étant appréciée d’après l’état du bien au jour du mariage ou de son acquisition ,’de calculer la proportion de la subrogation à savoir 116100/ 285 000 soit 40.7 % , en conséquence le surplus sera évalué à 59.3 % de la valeur du cheval dans son état original (10 000 euros) soit à la somme de 5926 euros.

Sur les avoirs bancaires de M. [V] :

M. [V] critique le raisonnement retenu par Me [N], notaire commis, dès lors que la liquidation d’un régime de participation aux acquêts impose de déterminer la consistance du patrimoine de chaque époux non seulement au jour du mariage mais également au jour de la dissolution du régime matrimonial. Il en résulte que la détermination du patrimoine originaire existant au jour du mariage interdit de procéder à une modification de sa consistance ou de sa valorisation à raison d’opérations postérieures sous l’exception de leur éventuelle aliénation. Il soutient qu’il convient de s’en tenir au montant de ses avoirs au jour le plus proche du mariage soit en date du 8 février 2008, un montant total de 122.437,91 € dont il ne doit pas être déduit 56.694,70 € correspondant à des sommes que M. [V] aurait prélevées sur ces avoirs afin de procéder à l’acquisition par subrogation de parcelles de terre.

Mme [T] en sollicite le rejet, estime que le montant est inexact et souligne qu’en tout état de cause ses propres avoirs n’ont pas été pris en compte lors de l’établissement du patrimoine initial et doivent donc être déduits.

Le tribunal a rejeté sa demande en raison de l’application du mécanisme de la subrogation dans les termes suivants : M. [V] en conteste le raisonnement mais ne conteste pas les acquisitions invoquées par Mme [T], peu important que les

mêmes biens se retrouvent dans le patrimoine originaire et dans le patrimoine final, la question résidant alors dans l’évaluation de ces biens au jour de la liquidation dans

leur état originaire et dans leur état final.

En vertu des dispositions de l’article 1571 du code civil, les biens originaires sont estimés d’aprés leur état au jour du mariage ou de l’acquisition, et d’aprés leur valeur

au jour ou le régime matrimonial est liquidé. S’ils ont été aliénés, on retient leur valeur

au jour de l’aliénation. Si de nouveaux biens ont été subrogés aux biens aliénés, on prend en considération la valeur de ces nouveaux biens.

De l’actif originaire sont déduites les dettes dont il se trouvait grevé, reévaluées, s’il y a lieu, selon les règles de l’article 1469, troisième alinéa. Si le passif excède l’actif cet excédent est fictivement réuni au patrimoine final.

Si Mme [T] sollicite dans le corps de ses écritures la prise en compte de ses propres avoirs bancaires lors du mariage, elle ne fournit aucun chiffre mais ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses conclusions lequel lie, seul, la cour.

En l’espèce les avoirs bancaires de M. [V] font incontestablement partie de l’actif originaire.

Il est établi que dans le contrat de mariage du 28 janvier 2008 des époux [V]/[T], il a été retenu la somme de 117 843,66 euros au titre des avoirs bancaires de M. [V] (pièce 77 de Mme [T]).

Le fait que celui-ci ne se prévale pas d’une subrogation partielle de ses avoirs pour acquérir des parcelles de terre conduit à prendre en compte la seule valeur nominale de ces avoirs au moment du mariage et ne saurait justifier une déduction des sommes employées dans l’acquisition par subrogation dans l’actif originaire.

Toutefois s’agissant du montant de 8299,87 euros figurant sur le compte chèque n°[XXXXXXXXXX03] ouvert au Crédit agricole, non mentionné lors de rédaction du contrat de mariage et de l’établissement de la liste des actifs originaires le 28 janvier 2008 mais retenu en 2015 par Me [N] dans son rapport comme figurant dans les avoirs de M. [V] au 8 février 2008, il existe un réel doute quant à la propriété des fonds.

En effet en dépit du fait qu’elle ne verse pas le relevé du mois de février 2008, Mme [T] produit aux débats en pièces 79 et 80 ceux de janvier 2008 et de février 2009 dont il ressort que ce même compte était bien un compte personnel de cette dernière à la date du 31 janvier 2008 avant de devenir entre février 2008 et février 2009, un compte joint des deux parties.

Dès lors seul le montant de 117 843,66 euros figurant dans l’acte de mariage doit être intégré au titre des avoirs bancaires de M. [V] dans l’actif originaire.

Sur la valorisation des parts de la Sci Palami

Mme [T] indique qu’elle produit en cause d’appel les pièces justifiant de la vente de la SCI Palami et du remploi pour partie de ces sommes dans l’acquisition de biens immobiliers subrogés, le surplus devant figurer en solde dans son patrimoine d’origine.

Elle rappelle que les parties ont joint à leur contrat de mariage un état descriptif de leur patrimoine originaire comprenant les 50 % de parts détenues par Mme [T] dans la SCI Palami évalués à 170.000,00 euros, qu’il est donc incontestable que les parts de la SCI Palami constituent des biens présents dans le patrimoine originaire de Mme [T] au jour du mariage de même qu’il est constant que le 27 février 2009, Mme [T] a vendu ses 50 % de parts sociales au GFA Haras St James pour la somme de 229.274,94 euros nette pour elle.

M. [V] critique le fait qu’il ait été retenu par Me [N] dans le patrimoine originaire de Mme [T] une somme d’un montant de 13.055,50 € correspondant au solde du prix de cession des parts sociales de ladite SCI alors que le prix de réalisation de ces parts s’est élevé à la somme de 229.750 € montant devant être nécessairement retenu sauf à considérer qu’il conviendrait d’appliquer le mécanisme de la subrogation. Il fait valoir que Mme [T] se contente de produire des relevés bancaires qui sont parfaitement inexploitables puisque faisant ressortir diverses opérations tant en débit que crédit qui ne permettent nullement de démontrer l’origine des fonds affectés à l’acquisition des terres de [Localité 7], de [Localité 18] ou de [Localité 24] indépendamment de l’inexistence de quelque clause de subrogation insérée aux actes d’acquisition. Il relève le fait qu’elle n’a pu, comme elle le prétend, acquérir au moyen de la cession des parts de la SCI, les terres de [Localité 7] dite acquisition [S] puisqu’elle a été réalisée suivant acte reçu par-devant Me [H] en date du 21 février 2018 alors même que la cession des parts de la SCI Palami ne s’est réalisée qu’en 2019.

Le Tribunal a estimé que la demande de M. [V] tendant à l’intégration de la somme de 229.750 € au patrimoine originaire de Mme [T] ne pouvait être retenue, les documents produits étant imprécis mais les parties ayant convenu devant Me [N] que les acquisitions précitées auraient été financées au moyen de fonds provenant pour Mme [T] de la vente des parts sociales de la SCI Palami.

Il ressort de l’acte de mariage que les parts sociales détenues par Mme [T] dans la SCI dont s’agit ont été prises en compte dans son patrimoine initial pour un montant de 170 000 euros.

Il est justifié par Mme [T], en pièces 82 et 83 notamment, qu’elle a revendu ses parts le 27 février 2009 et que la somme lui revenant dans cette opération était de 229 194,94 euros, somme qui a été transférée par remise de chèque le jour même de la vente le 27/02/2009 sur le compte n°[XXXXXXXXXX03], ex compte personnel de Mme [T].

En application de l’article 1571 du code civil précité, il s’avère que sauf à faire jouer le mécanisme de la subrogation, c’est la valeur au jour de l’aliénation qui doit être retenue.

Mme [T] invoque à titre de subrogation le remboursement de 28000 euros correspondant à l’avance qu’avait faite pour elle M. [V] pour acquérir des terres à [Localité 7], vente [S] du 21 février 2008.

M. [V] reconnaît et verse lui même la preuve de ce qu’il a avancé le 19 février 2008 la somme de 28245 euros à Mme [T] afin qu’elle finance la vente [S].

Dès lors un virement d’une somme quasi équivalente du compte de Mme [T] sur le compte de M. [V] quelques jours après la vente de ses parts de SCI permet d’établir qu’elle a réglé sa part dans cette acquisition au moyen des deniers provenant de la vente des parts de SCI et donc de la subrogation.

Elle invoque également avoir avoir acquis des terres situées à [Localité 18] et à [Localité 24], vente [M] du 5 février 2011 au moyen de ces mêmes fonds.

Elle justifie pour ce faire de l’ouverture d’un compte à terme n° [XXXXXXXXXX02] (DAT) en les livres du Crédit Agricole en date du 27 février 2009 avec versement initial d’une somme de 140000 euros. Aucun titulaire ne figure sur la pièce 86 correspondante.

Elle justifie également qu’un transfert de 113 764,17 euros dudit compte DAT a été effectué sur son compte personnel n° [XXXXXXXXXX03] d’où un acompte de 10 000 euros du 27 janvier 2011 et du solde soit 98 920 euros du 18 février 2011 ont été débités, correspondant aux sommes reçues par le notaire Maître [H].

Si la réception par le notaire desdits montants précède de quelques jours les dates des chèques émis depuis le compte de Mme [T], la mention RBT DAT M. [V] de la même date et du même montant tend à démontrer que les fonds auraient transité par un compte ouvert au nom de M. [V].

Devant cette cour ce dernier critique le fait que le premier juge ait retenu comme seul argument que les parties seraient convenues devant Me [N] que les acquisitions dont s’agit auraient été financées au moyen des fonds provenant de la vente par Mme [T] des parts sociales de la SCI Palami, toutefois cette ‘reconnaissance’ devant le notaire commis de la provenance des fonds vient corroborer ce qui ressort de l’examen des pièces et vient d’être exposé.

En conséquence il ressort de l’ensemble de ces éléments que la preuve de la subrogation pour ces acquisitions est suffisamment établie.

En ce qui concerne le solde, Mme [T] indique qu’il a été réinvesti dans l’exploitation du Haras D'[Localité 7], il n’existe donc pas de subrogation au titre de cette somme.

Il sera en conséquence retenu que l’acquisition à hauteur de 28 000 euros des terres dites [S] et l’acquisition des terres situées à [Localité 18] et [Localité 24] dite vente Royer ont été subrogées partiellement aux parts de la SCI Palami.

Sur les demandes relatives au patrimoine final :

Sur l’intégration dans les patrimoines des dettes non encore acquittées au titre des prêts n°AI8913 références 00154310666, n°BB6331 références 00161741771 et n°BO2782 références 00168664899

Mme [T] soutient qu’elle justifie que ces trois prêts ont été souscrits exclusivement pour l’exploitation > et ont été réglés par l’entreprise individuelle [Z] [T] n° Siret: 502232176 depuis son compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX01], compte de l’exploitation, bien personnel tel qu’en atteste le Crédit Agricole le 27 mai 2022, qu’ainsi ces emprunts ont été contractés dans son seul intérêt comme étant affectés à l’exploitation du haras dont elle est proprietaire à titre personnel et qu’ils ont été intégralement remboursés.

En conséquence selon elle, M. [V] ne peut revendiquer aucune déduction dans son patrimoine final au titre du remboursement de ces prêts.

Au contraire ce dernier souligne qu’il ressort des trois contrats de prêts bancaires de 2010, 2011 et 2012 que M. [V] et Mme [T] disposent de la qualité de co-emprunteurs solidaires pour un montant cumulé de 131 000 € et qu’il procède de cette qualité de co-emprunteur de M. [V] qu’il convient nécessairement d’intégrer dans le cadre du passif de son patrimoine final, le solde restant dû au titre des emprunts dont il est co-débiteur solidaire.

Il rétorque à l’argument de Mme [T] selon lequel ces prêts auraient été contractés dans son seul intérêt puisqu’affectés à l’exploitation du haras de sorte que le solde restant dû au jour de la liquidation devrait nécessairement être intégré que dans son seul patrimoine final, qu’un tel raisonnement fait abstraction des règles inhérentes au régime de participation aux acquêts lequel suppose d’intégrer au patrimoine final de chaque époux le passif existant au jour de la dissolution lequel, s’agissant d’emprunts souscris solidairement, doit apparaître dans chaque patrimoine final indépendamment de leur objet ou affectation.

En vertu de l’alinéa 2 de l’article 1574 du code civil, de l’actif ainsi reconstitué, on déduit toutes les dettes qui n’ont pas encore été acquittées, y compris les sommes qui pourraient être dues au conjoint.

Il n’est pas contesté que les emprunts dont les références sont mentionnées plus haut et dont le montant total s’élève à 131 000 euros, ont été souscrits par les parties en qualité de co-emprunteurs.

Toutefois depuis la décision attaquée Mme [T] a procédé au remboursement de ces trois prêts ainsi qu’il ressort de l’attestation du Crédit Agricole en date du 27 mai 2022 (pièce 44).

Dès lors la prétention est devenue sans objet puisqu’il n’y a plus de dettes liées aux sommes restant dues à intégrer au passif final.

Sur la demande d’attribution préférentielle de parcelles terres et notamment de celles situées sur la commune de [Localité 7] cadastrées section [Cadastre 5], [Cadastre 6],[Cadastre 12] :

Mme [T] limite en cause d’appel sa demande d’attribution préférentielle aux Terres de [Localité 7] n°[Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 12] (acquisition [S] du 21/02/2008), afin de pouvoir exploiter le haras, édifié sur ces terres sans entrave. Elle explique bénéficier sur ces terres d’un bail agricole, et qu’elles sont inscrites à son nom à la MSA et à la DDA (direction départementale de l’agriculture) n° Siret 502 232 176 000 11. Mme [T] invoque qu’en qualité de locataire exploitante en place, elle bénéficie d’un droit de préemption sur la totalité des terres occupées y compris les éventuels droits de la Safer et qu’au demeurant, son domicile à [Localité 7], parcelles A [Cadastre 11] et A [Cadastre 13], qui lui appartiennent à titre personnel, jouxtent les parcelles A [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 12] dont elle sollicite l’attribution préférentielle.

Enfin elle estime que sa capacité d’emprunt lui permet tout à fait de régler la soulte et qu’il n’est nullement question pour elle de vendre le haras.

M. [V] s’y oppose au motif que l’attribution des parcelles situées sur la commune d'[Localité 7] aurait pour finalité de permettre à Mme [T] de procéder à la vente du haras en ce compris des parcelles sur lesquelles il se trouve situé, qu’il est, en effet, constant que l’attribution sollicitée n’a pas pour objectif que d’envisager une extension d’une exploitation personnelle du haras de la commune d'[Localité 7] dès lors :

– qu’il se trouve avoir été envisagé de procéder à sa vente.

– que le haras se trouve, en l’état, exploité non pas par Mme [T] puisqu’objet d’une location au profit d’un M. [D] et qu’elle exploite un autre haras sur la commune de MITOIS.

M. [V] rappelle qu’il exerce une activité d’élevage de chevaux laquelle nécessite de disposer des terres et notamment de celles dont il est propriétaire indivis situées sur la commune de [Localité 7] de sorte qu’il entend, au stade de la liquidation et du partage du régime matrimonial, envisager l’attribution de parcelles de terre en ce compris celles situées sur la commune de [Localité 7] en vue d’une exploitation directe et personnelle.

Le tribunal a rejeté la demande de Mme [T] au motif qu’elle n’apporte pas la preuve de sa capacité financière à verser une soulte, au-delà de la question d’une créance de participation. Elle ne justifie pas des dommages invoqués. Enfin tel que cela résulte de plusieurs pièces et notamment d’un mail plus récent produit par M. [V] daté du 1er mars 2021, une vente du haras n ‘est pas exclue, or il est constant que son exploitation s’exerce également sur les parcelles indivises dont il est sollicité l’attribution.’

En vertu des dispositions de l’article 831 du code civil le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s’il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole,commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déja propriétaire ou copropriétaire avant le décés, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l’héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants. S’il y a lieu, la demande d’attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l’application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d’une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers.

En l’espèce les deux parties ont vocation à exploiter ou faire exploiter les parcelles dont s’agit.

Mme [T] produit en pièce 73 un courrier de Mme [Y], responsable d’Equipe Comptable laquelle indique que l’endettement de l’entreprise [T] est de 17 % en mars 2022 et qu’elle est en mesure de supporter un endettement pour la construction d’un bâtiment contenant des boxes. Elle justifie également en pièce 69 datée du 6 janvier 2023 un accord de financement à hauteur de 100000 euros du Crédit Agricole.

La capacité financière de Mme [T] est donc rapportée.

Elle produit un courriel du 2 janvier 2023 dans lequel elle fait une proposition d’achat à M. [V] arguant de ce qu’elle se trouve obligée de louer des boxes supplémentaires alors qu’elle pourrait les construire sur les terrains en indivision.

Elle verse aux débats les comptes attestant de ces locations.

Par ailleurs il est constant que Mme [T] exploitait le haras avant le mariage avec M. [V] et que le compromis de vente des parcelles était rédigé à son seul nom en qualité d’acheteur. (Sa pièce 54)

Ces éléments militent en faveur de l’attribution de ces parcelles à Mme [T].

Le projet de vente ou l’exploitation par un tiers outre qu’ils ne font pas l’objet d’une preuve tangible ne sont pas de nature à remettre en cause ces arguments en faveur de l’attribution à Mme [T].

Quant à M. [V] il soutient qu’il a besoin de ces terres pour sa propre exploitation et entend en demander l’attribution au stade du partage mais il convient de relever que si cette attribution revêtait pour lui un caractère impérieux, il n’aurait pas manqué d’en demander lui même l’attribution préférentielle.

Dès lors il sera fait droit à la demande d’attribution préférentielle qu’elle a formulée.

Sur la demande d’une provision d’un montant de 100.000 € :

M. [V] soutient qu’il est manifeste qu’il existe une disparité entre les patrimoines respectifs originaires et finaux de M. [V] et de ceux de Mme [T] dont la stratégie est de paralyser le processus de liquidation du régime matrimonial dès lors qu’elle n’est pas sans ignorer se trouver redevable d’une créance de participation substantielle afin de profiter du fruit de l’exploitation du haras sur des terres qui lui appartiennent en indivision avec M. [V].

Il conteste le montant de l’acompte en nature constitué par différents chevaux dont la valorisation n’est pas de 234.000 € mais de 49.000 € telle qu’arrêtée par Me [N].

Il précise ne pas se prononcer à ce stade sur le compte d’administration mais rappelle en tant que de besoin que Mme [T] se devra, de son côté, de communiquer le listing de son cheptel équin avec leur valorisation notamment des deux chevaux Darus et Che De Kezeg dont le prix de revente fut supérieur à 1.000.000 €.

Mme [T] s’y oppose estimant qu’in fine, au regard des désaccords, il n’est pas exclu que ce soit M. [V] qui lui doive une créance de participation. Elle rappelle qu’il a perçu une avance sur partage qu’elle chiffre à 234 000 euros, qu’il a perçu indûment des primes à l’éleveur et est redevable au titre du compte d’administration entre les ex-époux.

Cette prétention de M. [V] a été écartée par le premier juge au motif qu’il existerait un désaccord sur plusieurs points qui aurait une incidence sur le calcul de la créance de participation.

Cette motivation est d’autant plus exacte qu’outre les désaccords qui entrainent un aléa sur le calcul de la créance de participation, les deux parties sont en désaccord non sur le principe mais sur l’évaluation d’un certain nombre de créances entre époux reprises dans leurs écritures respectives au titre des acquisitions de terres, de chevaux, de primes à l’éleveur et de diverses dépenses entrant dans le compte d’administration.

Outre l’incertitude autour des comptes, M. [V] ne justifie pas du caractère à tout le moins nécessaire d’une telle avance et il convient de rappeler que l’octroi d’une provision n’est pas un droit.

C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande.

Sur la médiation :

Aux termes de l’article 22-1 de la loi du 8 février 1995 modifié par la loi du 23 mars 2019 : ‘En tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, le juge peut, s’il n’a pas recueilli l’accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu’il désigne et qui répond aux conditions prévues par décret en Conseil d’Etat. Celui-ci informe les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation’.

 

L’article 127-1 du code de procédure, introduit par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, précise que à défaut d’avoir recuilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire. En l’espèce, il ressort de l’examen des circonstances de faits et de l’argumentation des parties développées dans leurs écritures qu’une mesure de médiation confiée à un tiers impartial, diligent et compétent, chargé de les entendre et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose, pourrait être de nature à faciliter le règlement du litige.

En effet de nombreux points restent litigieux et il est en effet de l’intérêt des parties de recourir à cette mesure qui leur offre la possibilité de parvenir à une solution rapide et pérenne.

Compte tenu des explications nécessaires à une décision éclairée, il convient de désigner un médiateur pour délivrer une information sur le processus de médiation.

Sur les frais et dépens :

L’intimé succombe pour l’essentiel à la procédure, il sera donc condamné aux dépens de l’appel.

En revanche l’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou de l’autre des parties. Il n’y a pas lieu de modifier la décision prise au titre des dépens par le premier juge.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant dans les limites de sa saisine, par décision contradictoire,

Infirme partiellement le jugement rendu le 10 mars 2022 par le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Lisieux en ce qui concerne, la valorisation du cheval Quendal de Lojou, l’évaluation des avoirs bancaires de M. [V] dans son patrimoine originaire, l’intégration dans les patrimoines des dettes non encore acquittées au titre des prêts n°AI8913 références 00154310666, n°BB6331 références 00161741771 et n°BO2782 références 00168664899, la demande d’attribution préférentielle de Mme [Z] [T],

Statuant à nouveau :

Dit que la valorisation du cheval Quendal de Lojou dans le patrimoine originaire de Mme [T] sera, par subrogation partielle du fait de l’acquisition du bien immobilier sis à [Localité 18] [Adresse 22], égale à la valeur des nouveaux biens subrogés au bien aliéné au jour de la liquidation du régime matrimonial à déterminer le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial ;

Dit que pour la part non subrogée du prix de vente dudit cheval il sera retenu la somme de 5.926 euros ;

Dit que le montant des avoirs bancaires de M. [V] dans son patrimoine originaire s’élève à la somme de 117 843,66 euros ;

Constate que la demande au titre des prêts n°AI8913 références 00154310666, n°BB6331 références 00161741771 et n°BO2782 références 00168664899 est devenue sans objet suite à leur remboursement intégral et dit qu’aucune somme n’est à intégrer au passif final des ex-époux à ce titre ;

Fait droit à la demande d’attribution préférentielle de Mme [T] des parcelles de terre situées sur la commune de [Localité 7] cadastrées section [Cadastre 5], [Cadastre 6],[Cadastre 12] ;

Confirme la décision entreprise pour le surplus des chefs d’appel et déboute en tant que de besoin les parties de toutes autres demandes,

Fait injonction aux parties, assistées le cas échéants de leurs conseils, de rencontrer, dans le délai maximum de deux mois à compter de la notification de la présente décision Maître [C], notaire médiateur, et dont le nom figure sur la liste des médiateurs inscrits auprès de la cour d’appel de Caen,

Donne mission au médiateur ainsi désigné d’expliquer gratuitement aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation,

 

Dit que les conseils des parties devront communiquer au médiateur désigné dans le délai de huit jours à compter de la réception de la présente décision les coordonnées de leurs clients respectifs (téléphone et adresse courriel),

 

Dit n’y avoir application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [V] aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

Estelle FLEURY C. LEON

 


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