Droits des héritiers : 26 juin 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/01017

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Droits des héritiers : 26 juin 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/01017

26 juin 2023
Cour d’appel de Basse-Terre
RG n°
22/01017

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRET N° [Cadastre 7] DU 26 JUIN 2023

N° RG 22/01017 –

N° Portalis DBV7-V-B7G-DPWW

Décision attaquée : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Basse-Terre en date du 25 août 2022, rendue dans une instance enregistrée sous le n° 22/00018.

APPELANTS :

Madame [D] [Y]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 21]

Représentée par Me Michel Pradines de la SCP Baladda Gouranton & Pradines, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [O] [Y] épouse [UV]

[Adresse 24]

[Adresse 24]

[Localité 26]

Représentée par Me Michel Pradines de la SCP Baladda Gouranton & Pradines, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [MX] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 18]

Représentée par Me Michel Pradines de la SCP Baladda Gouranton & Pradines, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [A] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 18]

Représentée par Me Michel Pradines de la SCP Baladda Gouranton & Pradines, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Madame [B] [X] veuve [ML]

[Adresse 14]

[Localité 22]

Représentée par Me Valerie Gobert de la SCP Payen – Gobert, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Madame [BW] [X]

[Adresse 10]

[Localité 13]

Non représentée

Madame [S] [X]

[Adresse 4]

[Localité 20]

Non représentée

Monsieur [VG] [X]

[Adresse 11]

[Localité 19]

Non représenté

Monsieur [I] [X]

[Adresse 11]

[Localité 19]

Non représentée

Madame [F] [X]

C/° Mme [I] [X]

[Adresse 11]

[Localité 19]

Non représentée

Monsieur [L] [X]

C/° Mme [I] [X]

[Adresse 11]

[Localité 19]

Non représenté

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 mars 2023, en audience publique , les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Thomas Habu Groud, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Frank Robail, président de chambre,

Mme Annabelle Clédat, conseiller,

M. Thomas Habu Groud, conseiller.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 juin 2023. Le 07 juin 2023, elles ont été avisées de la prorogation du délibéré au 24 juillet 2023 en raison de l’absence d’un greffier. Puis, par avis du 13 juin 2023, elles ont été informées que le délibéré serait avancé et que l’arrêt serait prononcé le 26 juin 2023.

GREFFIER

Lors des débats : Mme Armélida Rayapin, greffière.

Lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.

ARRET :

Par défaut, rendu publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Signé par Madame Annabelle Clédat, conseiller ayant délibéré, en l’absence de M.Frank Robail, président, empêché, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[XK] [X] et [AE] [H] se sont mariés le 17 juin 1944.

De leur union sont nés cinq enfants : [N], [S], [BW], [C] et [B].

[XK] [X] est décédé le 23 août 1990 à [Localité 26], laissant pour lui succéder son épouse et leurs cinq enfants.

[N] [X] est décédée le 04 juin 1999, laissant pour lui succéder ses quatre enfants : [D], [MX], [O] et [A] [Y].

[C] [X] est également décédé le 6 mars 2018, laissant pour lui succéder ses quatre enfants: [VG] [U], [I] [R], [F] [O] et [L] [X].

Par acte du 30 décembre 2020, [D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] ont assigné [S] [X], [BW] [X], [VG] [U] [X], [I] [R] [X], [F] [O] [X], [L] [X], [B] [X], [AE] [H] veuve [X] et [PB] [JW] [ML], ès qualités de tutrice légale de [AE] [H] veuve [X], devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre afin de voir :

-‘ prendre acte de la mise en cause [des défendeurs] aux fins qu’ils fassent valoir leurs droits,

– avant dire droit :

– désigner un administrateur ad hoc pour Mme [H] [AE] veuve [X],

– ordonner une médiation et désigner le médiateur qu’il plaira inscrit sur la liste de la cour d’appel de Basse-Terre qui aura pour mission d’entendre les parties, de confronter leurs points de vue pour trouver une solution au litige qui les oppose conformément à l’article 131-1 et suivants du code de procédure civile,

– fixer la durée de la médiation à trois mois,

– rappeler qu’elle pourra être renouvelée à la demande du juge de la mise en état, des parties ou du médiateur,

– fixer et répartir le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur,

– fixer les modalités de consignation de cette provision,

– à défaut, avant dire droit toujours ;

– désigner tel notaire qu’il plaira aux fins de :

– déterminer le montant de la réserve héréditaire,

– au besoin expertiser les terrains, directement ou en s’adjoignant un sapiteur et en donner la valeur,

– proposer un partage en valeur, deniers ou immeuble,

– en tout état de cause :

– dire et juger que la réserve héréditaire a été empiétée,

– condamner Mme [B] [X] à payer aux consorts [Y] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [B] [X] aux entiers dépens.’

Les demandeurs reprochaient à leur tante, [B] [X], d’avoir bénéficié par acte des 9 décembre 1998 et 27 avril 1990 d’une donation de la part de [XK] [X] et de [AE] [H], ses parents, portant sur une parcelle cadastrée AO [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 26], qui empiétait selon eux largement sur la réserve héréditaire.

Par ordonnance du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Basse-Terre, auquel le dossier a été transmis.

Par conclusions d’incident du 25 février 2022, [B] [X] a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes des consorts [Y] ou, à défaut, de les débouter de leurs demandes avant dire droit.

Par ordonnance réputée contradictoire du 25 août 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Basse-Terre a :

– dit que l’action en partage judiciaire formée par les consorts [Y] à l’encontre des consorts [X] se heurtait à des fins de non recevoir tirées de la prescription,

– dit que la demande de désignation d’un notaire, sollicitée par les consorts [Y], était irrecevable,

– en conséquence, rejeté comme irrecevables toutes les demandes formées par les consorts [Y] à l’encontre des consorts [X],

– condamné [D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] à payer à [B] [X] la somme de 800 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné [D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] à payer à [BW] [X] la somme de [Cadastre 12] euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné [D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] aux entiers dépens de l’instance.

Pour statuer en ce sens, le juge de la mise en état a considéré :

– que les consorts [Y] étaient irrecevables à agir, étant étrangers à la succession de [XK] [X], faute d’avoir exercé l’option successorale avant l’expiration du délai de prescription,

– que l’action en réduction était par ailleurs prescrite,

– que la demande en partage judiciaire était irrecevable faute de contenir les mentions prévues par l’article 1360 du code de procédure civile et que la désignation d’un notaire était irrecevable dès lors que la preuve de la complexité des opérations de partage n’était pas rapportée.

[D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 07 octobre 2022, en intimant chacun des défendeurs de première instance, à l’exception de [AE] [H] veuve [X], décédée le 08 août 2021, et de sa tutrice, [PB] [JW] [ML].

Ils ont indiqué que leur appel tendait à l’annulation ou à la réformation de l’ordonnance et portait expressément sur chacun des chefs de jugement.

La procédure a fait l’objet d’une orientation à bref délai avec fixation de l’affaire à l’audience du 23 janvier 2023.

En réponse à l’avis du 20 octobre 2022 donné par le greffe, les appelants ont fait signifier la déclaration d’appel le 26 octobre 2022 à l’étude du commissaire de justice à [BW] [X], le 27 octobre 2022 à personne à [S] [X], le 28 octobre à l’étude à [VG] [X], [F] [X], [L] [X] et [I] [X], et le lundi 31 octobre 2022 à [B] [X].

Les appelants ont par ailleurs remis au greffe le 19 novembre 2022 leurs conclusions qui ont été régulièrement signifiées aux intimés non constitués par actes des 22 novembre et 24 novembre 2022.

Seule [B] [X] a remis au greffe sa constitution d’intimée par voie électronique le 21 décembre 2022.

Il sera statué par défaut, tous les autres intimés n’ayant pas reçu la signification de la déclaration d’appel à personne.

L’affaire, initialement appelée à l’audience du 23 janvier 2023, a été renvoyée à celle du 27 mars 2023, à laquelle elle a été évoquée. A l’issue, la décision a été mise en délibéré au 05 juin 2023. Les parties ont ensuite été avisées que le délibéré serait prorogé au 24 juillet 2023, en raison de l’absence d’un greffier, puis avancé pour être rendu le 26 juin 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ Mme [D] [Y], M. [MX] [Y], Mme [O] [Y] épouse [UV] et Mme [A] [Y], appelants :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023 par lesquelles les appelants demandent à la cour :

– d’infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

– de les recevoir en leurs demandes et de les déclarer recevables,

– de dire que leur action en partage judiciaire ne se heurte à aucune fin de non recevoir tirée notamment de la prescription,

– de dire que l’action en partage judiciaire et leurs demandes sont recevables,

– de dire que la demande de désignation d’un notaire commis est recevable,

– d’ordonner le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Basse-Terre,

– de condamner Mme [B] [X] à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

2/ Mme [B] [X], intimée :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 20 mars 2023 par lesquelles l’intimée demande à la cour :

– de confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

– en conséquence, de déclarer les consorts [Y] irrecevables dans toutes leurs prétentions,

– de les condamner chacun à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la recevabilité de l’appel :

Conformément aux dispositions de l’article 795 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d’appel, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsqu’elles statuent sur une fin de non recevoir.

En l’espèce, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a statué par ordonnance du 25 août 2022 sur les fins de non recevoir soulevées par Mme [B] [X], tirées notamment de diverses prescriptions.

Les consorts [Y] en ont interjeté appel le 07 octobre 2022, sans qu’il soit établi que cette décision leur ait été préalablement signifiée.

En conséquence, leur appel doit être déclaré recevable.

Sur le défaut de qualité et d’intérêt pour agir :

Conformément aux dispositions de l’article 789 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2006-728 du 23 juin 2006,’la faculté d’accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers’.

Pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007, l’exercice de l’option se prescrivait donc par trente ans à compter de l’ouverture de la succession, à l’égard de tous les successibles, quel que fût leur rang et, de manière parfaitement constante, il était jugé que, passé ce délai, l’héritier resté inactif perdait la faculté d’accepter et devenait étranger à la succession. Désormais, l’article 780 du code civil prévoit expressément que l’héritier qui n’a pas pris parti dans ce délai est réputé renonçant.

De manière constante depuis 1989, il était par ailleurs jugé qu’il appartenait à celui auquel la prescription était opposée de justifier que lui-même et ses auteurs avaient accepté la succession, au moins tacitement, avant l’expiration du délai.

L’article 778 du code civil, dans sa version antérieure au 1er janvier 2007, applicable en l’espèce, dispose que l’acceptation est tacite quand l’héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d’accepter et qu’il n’aurait droit de faire qu’en sa qualité d’héritier.

En l’espèce, il convient de rappeler que la succession de [XK] [X] s’est ouverte le jour de son décès, le 23 août 1990.

Le délai d’option ouvert tant à [N] [X] qu’à ses héritiers, [D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y], qui sont venus en représentation suite à son décès, expirait le 23 août 2020.

Il n’est pas contesté que jusqu’à cette date, ni [N] [X] de son vivant, ni ses héritiers par la suite, n’ont expressément accepté la succession de [XK] [X].

[D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] concluent néanmoins en cause d’appel qu’ils ont accepté tacitement la succession de leur grand-père en faisant délivrer le 13 août 2013 une assignation à des tiers qui s’étaient irrégulièrement approprié une parcelle ayant appartenu à [XK] [X].

Il ressort de la lecture de cet acte, produit en pièce 54 de leur dossier, qu’ils ont saisi le tribunal de grande instance de Basse-Terre, au visa de l’article 1599 du code civil relatif à la vente de la chose d’autrui afin de voir :

-‘constater l’acquisition irrégulière par Mme [V] des parcelles AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6], AS [Cadastre 7], AS [Cadastre 8], AS [Cadastre 9] et AS [Cadastre 12] issues du partage des parcelles-mères elles-mêmes cadastrées AS [Cadastre 16] et AS [Cadastre 17],

– constater la validité du titre de propriété des consorts [X] – [Y] obtenu suivant acte reçu le 21 février 1919 en l’étude de Maître [M] [W], notaire à [Localité 23], transcrit au bureau des hypothèques de [Localité 23],

– constater que les consorts [X] – [Y] sont fondés à revendiquer la propriété des parcelles cadastrées AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6], AS [Cadastre 7], AS [Cadastre 8], AS [Cadastre 9] et AS [Cadastre 12] à l’encontre de Mme [E] [KH] [HS] [V], M. [U] [J] [Z], Mme [T] [XW] [K] épouse [Z] et l’église évangélique de la Guadeloupe en vertu des dispositions du texte précité,

– en conséquence, dire que [G] [SR] [X], [D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] sont seuls et uniques propriétaires des parcelles cadastrées AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6], AS [Cadastre 7], AS [Cadastre 8], AS [Cadastre 9] et AS [Cadastre 12] […],’.

Au soutien de cette action, [D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y] indiquaient que les parcelles initialement cadastrées AS [Cadastre 16] et AS [Cadastre 17] avaient été acquises par [XK] [X] et par son frère, [CY] [P] [X], par acte notarié du 21 février 1919.

Par ailleurs, ils précisaient qu’ils étaient les héritiers de [XK] [X], par représentation de leur mère [N], pré-décédée.

Même s’il est établi qu’ils ont demandé au tribunal de les déclarer seuls propriétaires des parcelles en cause, alors qu’elles auraient dû être réintégrées dans l’actif successoral de [XK] [X] pour la part acquise par ses soins en 1919, cette action judiciaire en revendication d’un bien immobilier ayant appartenu à leur auteur implique nécessairement de la part des consorts [Y] l’intention d’accepter purement et simplement sa succession.

En conséquence, cette acceptation tacite étant intervenue dès 2013, avant l’expiration du délai de prescription de l’exercice de l’option successorale, l’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a considéré que cette action était prescrite et que les consorts [Y] étaient étrangers à la succession de leur grand-père.

Au contraire, il est établi qu’ils disposaient de la qualité et de l’intérêt requis pour solliciter le partage de cette succession et pour exercer une action en réduction.

Sur la prescription de l’action en réduction :

Conformément aux dispositions de l’article 920 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 : ‘les dispositions, soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excéderont la quotité disponible, sont réductibles à cette quotité lors de l’ouverture de la succession’.

De manière constante, sur le fondement de ce texte, il était jugé avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 que la prescription de l’action en réduction d’une donation se prescrivait par trente ans à compter du jour où les héritiers du donateur avaient eu la faculté d’exercer cette action, c’est-à-dire à compter du décès de leur auteur.

En l’espèce, dans le cadre de leur action concernant la succession de [XK] [X], les consorts [Y] ont demandé au tribunal, au terme du dispositif de leur assignation, ‘de dire et juger, [en tout état de cause], que la réserve héréditaire a été empiétée’ par la donation consentie par actes des 9 décembre 1998 et 27 avril 1990.

Il s’en déduit qu’ils ont effectivement entendu exercer une action en réduction de la donation consentie par [XK] [X] et par [AE] [H] à leur fille [B].

Cependant, comme l’a retenu le premier juge, leur assignation a été délivrée le 30 décembre 2020, soit plus de trente ans après le décès de [XK] [X], survenu le 23 août 1990.

Pour conclure au report du point de départ de cette prescription, les appelants invoquent en premier lieu l’application de l’article 2257 alinéa 1 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 19 juin 2008, qui disposait que ‘la prescription ne court point à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive’. Cependant, aucun élément ne permettant de comprendre en quoi ce texte serait applicable en l’espèce, ce moyen apparaît inopérant.

En second lieu, les appelants soutiennent que le point de départ de la prescription de l’action en réduction doit être reporté lorsque l’héritier réservataire n’a pas connaissance de l’atteinte à la réserve.

Cependant, leur argumentation est fondée sur la citation du moyen du pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 22 février 2017 (1re Civ. 22 février 2016, pourvoi n°16-11.961), mais en aucun cas sur la décision de la cour elle-même. Or, contrairement à leurs allégations, aucune décision de la cour de cassation, rendue sous l’empire des dispositions antérieures à la loi du 23 juin 2006, n’a jamais prévu de report du point de départ de la prescription de l’action en réduction à la date à laquelle l’héritier réservataire avait connaissance de l’ampleur de l’atteinte à la réserve.

Dans ces conditions, leur argumentation tendant à voir reporter le point de départ du délai de prescription de trente ans au motif qu’ils n’auraient toujours pas connaissance de l’actif successoral ou qu’ils n’auraient eu connaissance de l’existence de la donation que le 04 août 2020 est inopérante, étant précisé sur ce dernier point que l’acte de donation a en tout état de cause été régulièrement publié à la conservation des hypothèques le 09 mai 1990, soit plus de trente ans avant la délivrance de l’assignation et que cette publication était opposable aux tiers.

Par ailleurs, les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions de l’article 921 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2016, qui dispose que le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, dans la mesure où l’article 47 de cette loi précise que seules les dispositions prévues par les articles 2, 3, 4, 7 et 8 sont applicables aux indivisions existantes, alors que l’article 921 a été modifié par les articles 9, 10 et 11.

En conséquence, ce texte n’est pas applicable à l’action en réduction concernant la succession de [XK] [X], qui a été ouverte le 23 août 1990.

S’il est parfaitement exact que la donation a été consentie à [B] [X] par [XK] [X] et par [AE] [H], son épouse commune en biens, le fait que cette dernière soit décédée seulement le 08 août 2021 n’est pas de nature à entraîner le report du point de départ de la prescription de l’action en réduction concernant la succession de [XK] [X]. En effet, la donation faite par deux époux à leurs enfants communs est présumée être consentie pour moitié par chacun d’eux. En l’absence de clause de dispense de rapport, la donation est rapportable par moitié à la succession de chacun des donateurs, de telle sorte que le délai de prescription de l’action en réduction commence à courir à compter de chacun des décès, et non au décès du dernier des donateurs (1re Civ, 5 janvier 2023, pourvoi n°21.13-151).

En dernier lieu, les appelants soutiennent que le rapport des donations n’est pas prescrit avant la clôture des opérations de partage. Ce faisant, ils tentent de manière inopérante d’instaurer une confusion entre l’action en réduction, qui se prescrivait par trente ans à compter du décès pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007, et la prescription de la dette d’un héritier au titre du rapport, qui ne peut se prescrire avant la clôture des opérations de partage.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a jugé prescrite l’action en réduction formée par les consorts [Y] dans le cadre de la succession de [XK] [X].

Sur la recevabilité de l’action en partage judiciaire et de la demande de désignation d’un notaire :

Conformément aux dispositions de l’article 840 du code civil, le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.

L’article 1360 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

Il est constant que l’omission, dans l’assignation en partage, de tout ou partie des mentions prévues par cet article est sanctionnée par une fin de non recevoir, susceptible d’être régularisée, de sorte que l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

En revanche, l’absence de diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable antérieurement à la délivrance de l’assignation ne peut être régularisée ultérieurement.

En l’espèce, il convient de relever à titre liminaire qu’aucune des parties ne remet en cause le fait que l’assignation délivrée le 30 décembre 2020 contiendrait bien une demande de partage judiciaire, alors même que le dispositif ne mentionne aucune demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [XK] [X] et que la demande de désignation d’un notaire n’est faite qu’à titre subsidiaire et avant dire droit. Dès lors, la cour, comme le juge de la mise en état, répondra à l’argumentation des parties sans remettre en cause l’existence d’une demande de partage judiciaire.

Le premier juge a retenu que l’assignation délivrée le 30 décembre 2020 par les consorts [Y] ne comportait aucune des mentions prévues par l’article 1360 du code de procédure civile. Il en a donc implicitement déduit que cette demande était irrecevable.

Pour conclure à l’infirmation de la décision de ce chef, les appelants soutiennent néanmoins :

– qu’ils ont indiqué ce qu’ils connaissaient du patrimoine de [XK] [X],

– qu’ils ont également fait part de leurs intentions en demandant que les biens donnés à Mme [B] [X] soient réintégrés dans la succession et qu’un partage soit effectué entre les héritiers,

– qu’ils ‘n’ont cessé de vouloir faire un partage amiable, le demandant même expressément dans leur assignation’ (page 19 de leurs conclusions).

A la lecture de l’assignation, il est constant que les consorts [Y] ont indiqué que leurs grands-parents étaient propriétaires d’une parcelle cadastrée AO [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 26] et qu’ils avaient fait donation à leur fille [B] d’une parcelle cadastrée sur la même commune AO [Cadastre 3], donation dont ils demandaient la réduction.

En revanche, ils n’ont pas évoqué l’existence des parcelles cadastrées AS [Cadastre 16] et AS [Cadastre 17] sur la commune de [Localité 25] au sujet desquelles ils avaient introduit une action en revendication.

En ce qui concerne leurs intentions dans le cadre du partage, elles n’ont jamais été précisées, pas plus dans l’assignation du 30 décembre 2020 qu’ultérieurement. Le seul fait de réclamer la réduction d’une donation et la mise en oeuvre d’un partage ne suffit pas à remplir les prescriptions de l’article 1360 du code de procédure civile sur ce point.

Mais surtout, à aucun moment les consorts [Y] n’ont indiqué que des diligences auraient été entreprises avant la délivrance de l’assignation afin de parvenir à un partage amiable.

S’ils affirment avoir ‘procédé au choix d’un notaire à l’office du Littoral Sud pour régler les successions’, force est de constater l’absence de tout acte émanant de cet office permettant de démontrer que des diligences auraient été entreprises dans le cadre d’un partage amiable.

En effet, les deux seules pièces émanant de cet office notarial sont des attestations datées du 8 mars 2022, produites en pièce 26 du dossier des appelants, attestant que Mme [O] [Y] épouse [UV] avait réglé 400 euros le 16 juin 2014 à titre de provision pour l’établissement de l’acte de notoriété après décès de [XK] [X], et 400 euros le 12 juin 2014 à titre de provision pour l’établissement de l’acte de notoriété après décès de sa mère, [N] [X].

Ils ne sauraient par ailleurs valablement soutenir qu’ils auraient écrit à leur tante, [B] [X], qui n’aurait pas ‘daigné récupérer le courrier RAR où [ils] demandaient que la succession soit ouverte et réglée’, alors que par courrier du 15 avril 2012, [MX] [Y] demandait simplement à d’autres héritiers, dont sa tante, de lui adresser la déclaration fiscale qui n’avait pas été régularisée, les éléments patrimoniaux relatifs à cette succession et le nom du notaire en l’étude duquel ils auraient été déposés, et de lui préciser ‘l’état d’avancement de ces formalités’. En aucun cas ce courrier ne saurait rapporter la preuve d’une tentative de partage amiable ou démontrer l’échec de toutes démarches en ce sens.

L’absence de toute tentative de partage amiable préalablement à la délivrance de l’assignation du 30 décembre 2020 découle en outre de la demande principale formée par les consorts [Y], qui tendait à voir ordonner avant dire droit une mesure de médiation. Ils indiquaient à ce titre en page 5 de leurs conclusions sur incident datées du 29 avril 2022, remises au juge de la mise en état, qu’ils ‘sollicitaient avant dire droit une médiation afin d’aboutir à un partage amiable’, ce qui atteste l’absence de toute démarche antérieure en ce sens.

Dans ces conditions, l’assignation n’ayant respecté aucune des prescriptions de l’article 1360 du code de procédure civile, la demande de partage judiciaire de la succession de [XK] [X] était bien irrecevable.

En ce qui concerne la désignation d’un notaire, l’article 1364 du code de procédure civile la subordonne au prononcé préalable d’un partage judiciaire.

En conséquence, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a déclaré cette demande irrecevable.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’ordonnance déférée sera confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables toutes les demandes formées par les consorts [Y] à l’encontre des consorts [X].

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

[D] [Y], [MX] [Y], [O] [Y] épouse [UV] et [A] [Y], qui succombent à l’instance, seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée sur ce point.

Par ailleurs, l’équité commande de confirmer cette décision en ce qu’elle les a condamnés à payer à [B] [X] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de condamner chacun d’entre eux à payer à Mme [X] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Enfin, alors même qu’ils ont interjeté appel du chef de l’ordonnance déférée qui les a condamnés à payer la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à Mme [BW] [X], les appelants ne développent aucun argument qui permettrait de remettre en cause ce chef de jugement, par ailleurs parfaitement justifié au regard de l’équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [D] [Y], M. [MX] [Y], Mme [O] [Y] épouse [UV] et Mme [A] [Y] à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Basse-Terre en date du 25 août 2022,

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a considéré que Mme [D] [Y], M. [MX] [Y], Mme [O] [Y] épouse [UV] et Mme [A] [Y] étaient irrecevables à agir comme étant étrangers à la succession, faute d’avoir exercé l’option successorale,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que Mme [D] [Y], M. [MX] [Y], Mme [O] [Y] épouse [UV] et Mme [A] [Y] ont qualité et intérêt pour agir,

Confirme pour le surplus l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [Y], M. [MX] [Y], Mme [O] [Y] épouse [UV] et Mme [A] [Y] à payer à Mme [B] [X], chacun, la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Les déboute de leur propre demande à ce titre,

Condamne Mme [D] [Y], M. [MX] [Y], Mme [O] [Y] épouse [UV] et Mme [A] [Y] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Et ont signé,

La greffière, Le conseiller, pour le président empêché ( Article 456 du CPC)

 


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