Droits des héritiers : 25 mai 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00477

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Droits des héritiers : 25 mai 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00477

25 mai 2023
Cour d’appel de Limoges
RG n°
22/00477

ARRET N° .

N° RG 22/00477 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BILBP

AFFAIRE :

M. [O] [F]

C/

E.U.R.L. [W] [X], E.U.R.L. [W] [X], ENSEIGNE « LE DROP »

GV/MS

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique

Grosse délivrée à Me Franck DELEAGE, Me Sandra BRICOUT , avocats, le 25 mai 2023.

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 25 MAI 2023

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Le vingt cinq Mai deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [O] [F]

né le 21 Novembre 1963 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4], [Localité 2] – [Localité 2]

représenté par Me Franck DELEAGE de la SELARL FRANCK DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE

APPELANT d’une décision rendue le 31 MAI 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BRIVE-LA-GAILLARDE

ET :

E.U.R.L. [W] [X], demeurant [Adresse 1] – [Localité 2]

représentée par Me Sandra BRICOUT de la SELARL LEXIADE ENTREPRISES, avocat au barreau de BORDEAUX

E.U.R.L. [W] [X], ENSEIGNE « LE DROP », demeurant enseigne « le DROP » dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Sandra BRICOUT de la SCP LEXIADE, avocat au barreau de BRIVE

INTIMEES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 27 Mars 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de

Procédure Civile, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Madame Natacha COUSSY, Greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 25 Mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d’elle même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juin 2006, M. [V] [J], gérant du fonds de commerce ‘LE DROP’ exploitant une activité de café/bar/tabac/brasserie sis [Adresse 1] à [Localité 2], a engagé M. [O] [F] en qualité de serveur en salle.

Suite à un compromis du 11 juin 2020, M. [V] [J] a vendu ce fonds de commerce à M. [W] [X] et à son épouse, Mme [A] [X] née [Z], par acte du 30 septembre 2020. Les contrats de travail des deux salariés, M. [S] [B], cuisinier, et de M. [F], serveur, ont été transférés aux cessionnaires. Mme [A] [X] a été embauchée comme conjoint salarié.

Par acte du 18 septembre 2020, les époux [W] [X], mariés sous le régime de la séparation de biens, ont formé une société d’acquêts comprenant ce fonds de commerce.

Le 1er octobre 2020, l’EIRL [W] [X], au nom de [W] [X], a été créée pour exploiter ce fonds de commerce.

Par acte du 22 octobre 2020, M. [F] a signé un avenant à son contrat de travail avec M. [W] [X] exploitant l’EIRL [W] [X], sa fonction indiquée restant la même, soit serveur en salle.

En raison du confinement lié à l’épidémie de Covid-19, les trois salariés de l’EIRL ont été étaient placés en activité partielle à compter du 29 octobre 2020.

Par courrier du 8 février 2021, l’EIRL [W] [X] a convoqué M. [F] à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique prévu le 19 février suivant. Il en a été de même pour M. [S] [B].

Lors de cet entretien, M. [F] s’est vu proposé un contrat de sécurisation professionnelle qu’il a accepté par la suite.

Par lettre recommandée du 3 mars 2021, l’EIRL [W] [X] a notifié à M. [F] son licenciement économique au motif de la réorganisation de l’entreprise pour conserver sa compétitivité en raison des difficultés économiques causées par le confinement dans le contexte de l’épidémie de covid-19. Il était ainsi prévu une cessation définitive de l’activité de brasserie, les activités bar/tabac et plats à emporter étant maintenues.

==0==

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Brive le 17 mai 2021.

Par jugement du 16 mai 2022, rectifié par un jugement du 31 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Brive a :

– dit que le licenciement économique de M. [F] par l’EIRL [W] [X] exerçant sous l’enseigne « LE DROP », reposait bien sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [F] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamné M. [F] à verser à l’EIRL [W] [X], exerçant sous l’enseigne « LE DROP », la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance ;

– débouté l’EIRL [W] [X], exerçant sous l’enseigne « LE DROP » de ses demandes plus amples ou contraires.

M. [F] a interjeté appel de ce jugement le 20 juin 2022.

==0==

Aux termes de ses écritures du 25 juillet 2022, M. [O] [F] demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel en tous ses chefs de jugement ;

Statuant à nouveau,

à titre principal,

– dire que son licenciement économique est nul et de nul effet pour avoir été entrepris pour faire échec aux dispositions d’ordre public édictées à l’article L. 1224-1 du code du travail ;

– prendre acte de ce qu’il ne demande pas sa réintégration ;

– condamner en conséquence l’EIRL LE DROP à lui payer les sommes de :

* 40 830,80 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* 4 083,08 € d’indemnité compensatrice de préavis,

* 408,30 € au titre des congés payés sur préavis ;

A titre subsidiaire,

– dire que son licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse, que ce soit au titre de :

– la motivation économique alléguée,

– l’absence de suppression du poste réellement tenu,

– l’absence de recherche de reclassement ;

– condamner en conséquence l’EIRL LE DROP à lui payer les sommes suivantes :

* 24 498,48 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 

* 4 083,08 € d’indemnité compensatrice de préavis,

* 408,30 € de congés payés sur préavis ;

A titre infiniment subsidiaire,

– dire que l’EIRL LE DROP n’a pas mis en ‘uvre l’ordre des licenciement préalablement à la notification du licenciement économique ;

– condamner, en conséquence, l’EIRL LE DROP à lui payer la somme de 24 498,48 € d’indemnisation pour la perte injustifiée de son emploi ;

– dire que toutes les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et ordonner la capitalisation des intérêts échus ;

– ordonner à l’EIRL LE DROP la remise au salarié d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes au jugement à intervenir et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

– se réserver la possibilité de liquider l’astreinte en cas d’inexécution de la décision à intervenir ;

– condamner l’EIRL LE DROP à lui régler la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les éventuels frais d’exécution.

M. [F] soutient  à titre principal que son licenciement est nul pour violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, la rupture du contrat de travail, à une date très proche de la cession, résultant d’une collusion frauduleuse entre cédant et cessionnaire du fonds de commerce.

A titre subsidiaire, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l’absence de difficultés économiques réelles, notamment, l’employeur ayant bénéficié d’aides gouvernementales et l’activité de vente de tabac n’ayant pas été affectée.

En tout état de cause, son emploi n’a pas été supprimé, car il a depuis toujours exercé régulièrement les fonctions de vendeur de tabac et plus accessoirement et ponctuellement de barman, et en aucun cas le service en salle pour la partie brasserie. En réalité, l’employeur avait seulement la volonté de le remplacer par son épouse sur ce poste.

En outre, l’employeur a manqué à son obligation de reclassement.

A titre infiniment subsidiaire, il n’a pas respecté les critères d’ordre de licenciement par rapport à Mme [X] au regard de son ancienneté et de ses qualités professionnelles.

Aux termes de ses écritures du 13 octobre 2022, l’EIRL [W] [X] demande à la cour de :

– déclarer irrecevable la demande en nullité du licenciement ;

– confirmer le jugement attaqué ;

Y ajoutant,

– condamner M. [F] au paiement d’une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement,

– constater que M. [F] ne justifie pas du préjudice allégué ;

limiter en conséquence le montant des dommages-intérêts au minimum légal ;

– condamner M. [F] aux entiers dépens.

L’EIRL [W] [X] soutient que le licenciement économique de M. [F] est parfaitement valable, en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, pour être intervenu après la cession et sans collusion frauduleuse avec le cédant du fonds de commerce. En tout état de cause, cette demande est irrecevable au vu de la déclaration d’appel.

Le motif économique du licenciement de M. [F] est réel et sérieux, l’entreprise ayant rencontré de graves difficultés économiques liées au confinement à compter de fin octobre 2020 nécessitant de supprimer l’activité de restauration. La vente de tabac et les aides gouvernementales étaient insuffisantes pour y pallier.

L’EIRL [W] [X] a embauché M. [F] comme serveur et non comme vendeur de tabac, fonction qu’en tout état de cause, il n’est pas habilité à exercer au regard de la réglementation applicable. L’activité de restauration ayant du être supprimée, le poste de M. [F] l’a été par la même. En outre, Mme [X], en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce, était légitime à reprendre ce poste.

Aucune possibilité de reclassement n’existait au sein de l’entreprise en l’absence de poste disponible.

Les critères d’ordre n’avaient pas vocation à s’appliquer, Mme [X] étant propriétaire du fonds de commerce.

A titre infiniment subsidiaire, M. [F] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice, puisqu’il avait pour projet de quitter ‘Le Drop’ pour se reconvertir et qu’il était aisé de retrouver un emploi dans la restauration.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023.

SUR CE,

I Sur la validité du licenciement économique

– Sur la recevabilité de la demande en nullité

M. [F] a interjeté appel sur le chef de jugement qui l’a débouté de l’intégralité de ses demandes.

Ainsi, même si le conseil de prud’hommes a omis de statuer sur la question de la validité du licenciement, il convient de considérer que l’appel de M. [F] est recevable sur ce point.

– Sur le bien-fondé de la demande en nullité du licenciement

L’article L. 1224-1 du code du travail ‘Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise’.

M. [F] soutient qu’au regard de la date rapprochée entre la cession du fonds de commerce du 1er octobre 2020 et son licenciement économique intervenu le 3 mars 2021, période pendant laquelle son contrat de travail a été suspendu, le cédant et le cessionnaire se sont entendus frauduleusement pour diminuer le prix de vente du fonds en vue de son licenciement, alors que le motif économique était fallacieux. En conséquence, son licenciement serait nul.

Néanmoins, la nullité prévue par l’article L 1224’1 du code du travail concerne les licenciements opérés par le cédant pour motif économique avant le transfert. Or, en l’espèce, le licenciement de M. [F] est intervenu après la cession du fonds de commerce.

Par ailleurs, aucune fraude entre le cédant et le cessionnaire sur le prix de cession du fonds de commerce n’est démontrée par M. [F]. En effet, l’offre d’achat du fonds de commerce s’établit à 410 000 € le 11 février 2020 pour un prix final le 30 septembre 2020 du même montant. Par ailleurs, la SARL FDC, intermédiaire intervenu dans la vente, a attesté que le prix de vente n’avait fait l’objet d’une négociation qu’à hauteur d’environ 2 % entre M. [J] et M. [W] [X].

M. [F] doit donc être débouté de sa demande tendant à voir dire et juger son licenciement économique nul et de nul effet, ainsi que de ses demandes subséquentes.

II sur le bien-fondé du licenciement

1) Sur la réorganisation de l’entreprise fondée sur des difficultés économiques

Selon la lettre de licenciement du 8 février 2021, le licenciement de M. [F] a été motivé par la volonté de l’EIRL [W] [X] de réorganiser l’entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité menacée par la perte de chiffre d’affaires causée par la crise sanitaire du covid-19, notamment le confinement intervenu à compter du 29 octobre 2020. Cette réorganisation a consisté en la cessation définitive de l’activité brasserie afin de supprimer l’ensemble des charges liées à cette activité, l’établissement conservant uniquement l’activité bar/tabac et l’activité complémentaire de plats à emporter mise en place en décembre 2020.

Cette réorganisation de l’entreprise était donc motivée par des difficultés économiques dont il convient de vérifier la réalité au regard des dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail selon lesquelles ‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;…

2° … ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° …

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude’.

Il convient de se placer à la date du licenciement pour vérifier si le motif économique était justifié.

Il ressort des pièces comptables produites par l’EIRL [W] [X] que, suite au premier confinement, le chiffre d’affaires global de l’entreprise a subi une forte diminution entre janvier 2020 et mai 2020 passant de 31’864,39 € à 12’533,40 €, l’activité bar/restaurant passant de 12’092,24 € à 127,15 € sur cette période.

En octobre 2020, date de la reprise du fonds de commerce, le chiffre d’affaires du restaurant était de 11’316,76 € pour passer à 6 230 €en janvier 2020 avec uniquement de la vente de plats à emporter puis à 2 572 € en février 2020 avec uniquement de la vente à emporter. Sur la période d’octobre 2020 à février 2021, le chiffre d’affaire global de l’entreprise est passé de 34’539 € à 23’191 € en février 2021, caractérisant une perte de chiffre d’affaires conséquente et constante et donc des difficultés économiques au sens de l’article L 1233-3 du code du travail.

Certes, les époux [X] avaient connaissance du premier confinement lorsqu’ils ont acheté le fonds de commerce à la date du compromis le 11 juin 2020, mais il ne peut pas leur être fait grief de ne pas avoir renoncé à cette acquisition en raison de la pandémie de covid-19. En effet, il leur appartenait de prendre ce risque, le juge n’ayant pas à interférer sur les choix de gestion pris en la matière.

En ce qui concerne les aides de l’État intervenues pour pallier aux effets de la crise économique, il ressort du mail en date du 17 novembre 2020 de M. [L], inspecteur des finances, que seules étaient éligibles au fonds de solidarité les entreprises ayant débuté leur activité avant le 30 septembre 2020, excluant par la même l’EIRL [W] [X] pour les mois d’octobre et novembre 2020.

En outre, la prise en charge des salaires par l’État au titre de l’activité partielle ne couvraient pas leur intégralité.

Enfin, il était légitime pour l’EIRL [W] [X] de ne pas recourir à un prêt garanti par l’État, alors qu’elle venait déjà de souscrire un emprunt d’un montant de 270’000€.

En tout état de cause, selon la société d’expertise comptable @com, la situation de l’EIRL [W] [X] entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2020 présentait un résultat final très minime de 4 469 € (cf soldes intermédiaires de gestion), la production au titre des jeux, loto, tabac s’élevant à 41’052 €, guère plus élevée que l’activité restaurant, bar à hauteur de 32’000 €, dont 13’692 € au titre de la vente à emporter.

Dans ces conditions, il était légitime pour l’EIRL [W] [X] de procéder à une réorganisation de l’entreprise par la cessation de l’activité brasserie, totalement inopérante dans le contexte de la crise sanitaire, cette réorganisation étant nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise afin d’éviter une cessation d’activité totale et définitive.

Le licenciement de M. [F] était donc bien fondé sur la réorganisation de l’entreprise, justifiée par ses difficultés économiques.

Néanmoins, le bien-fondé du licenciement économique est conditionné à la suppression effective du poste en cause.

2) Sur la suppression du poste de serveur de M. [F]

La lettre de licenciement mentionne également que, suite à la réorganisation de l’entreprise, l’EIRL [W] [X] n’a ‘aucune autre alternative que de supprimer votre poste de serveur’.

Le contrat de travail de M. [F] en date du 1er juin 2006 et l’avenant du 22 octobre 2020 stipulent qu’il a été engagé en qualité de serveur au sein du restaurant (mise en place de la salle, service en salle, nettoyage de la salle, sans que cela soit exhaustif).

Pour autant, il produit de nombreuses attestations indiquant qu’il n’a jamais été serveur au sein du restaurant, que ce soit avec les anciens ou les nouveaux propriétaires du fonds de commerce, mais affecté à la vente de tabac et jeux ainsi que barman. La seule attestation de M. [G] n’est pas suffisante pour rapporter la preuve contraire.

Néanmoins, comme le soutient l’EIRL [W] [X], M. [F] n’a que très peu travaillé entre la reprise du fonds de commerce début octobre 2020 et la date de son licenciement le 3 mars 2021 en raison d’un arrêt de travail du 10 au 18 octobre 2020, puis de l’activité restreinte due au confinement partiel.

Or, selon le décret n° 2010’720 du 28 juin 2010 relatif à l’exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés dans sa version en vigueur au 7 juin 2021, l’article 22 dispose que : ‘Le gérant d’un débit de tabac ordinaire peut, pour les tâches courantes liées à la vente des tabacs, se faire assister par un suppléant, qui est désigné parmi les personnes suivantes :

1° dans le cadre d’une exploitation individuelle, le conjoint, le concubin, le partenaire d’un pacte civil de solidarité, un ascendant, un descendant ou un héritier en ligne directe au premier degré ;’

et en son article 23 : ‘Le gérant d’un débit de tabac ordinaire peut se faire remplacer par son suppléant, ou, à défaut par un salarié en cas d’absence exceptionnelle de courte durée, d’empêchement pour raison de santé, d’activité syndicale ou de congés. Il en informe sans délai les services douaniers dont il relève.

Le remplacement ne peut pas excéder une période de six mois éventuellement renouvelable une fois’.

En conséquence, M. [F] ne pouvait pas exercer régulièrement l’activité de vente de tabac à la clientèle. Si, le juriste de la confédération des buralistes interrogé par M. [F] a indiqué dans un mail du 28 octobre 2021 qu’un salarié peut vendre du tabac aux clients de l’établissement, c’est à la condition que son contrat de travail prévoit cette tâche, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Par ailleurs, l’activité de serveur au bar de M. [F] était, selon ses propres affirmations, résiduelle et ponctuelle.

En conséquence, M. [F] ne peut pas se prévaloir de son activité de vendeur de tabac pour dire que son poste n’a pas été supprimé.

3) Sur l’obligation de reclassement

L’article L 1233’4 alinéa 1er du code du travail dispose que ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel’.

M. [X] a indiqué dans la lettre de licenciement du 8 février 2021 qu’il ne disposait d’aucune possibilité de reclassement à proposer à M. [F].

Ce dernier lui reproche de ne pas lui avoir proposé d’exercer les fonctions qu’il occupait depuis 14 années, sur le poste de vente de tabac. Mais, comme indiqué ci-dessus, l’exercice de cette activité était illégale. Il ne pouvait donc pas être reclassé dans ce poste.

Il n’existait par ailleurs aucune autre possibilité de reclassement, l’activité brasserie étant supprimée et l’activité de barman étaient selon les propres dires de M. [F] ponctuelle.

En conséquence, M. [F] doit être débouté de ses demandes tendant à voir dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demande en paiement subséquentes.

4) Sur l’ordre des licenciements

De même, M. [F] ne peut pas considérer que son employeur n’a pas respecté l’ordre des licenciements prévu par les articles L 1233’7 et L 1233’5 du code du travail en ce que Mme [X] aurait dû être licencié en premier lieu.

En effet, seule l’épouse de M. [X], Mme [A] [Z], en cette qualité, est en droit d’exercer, selon l’article 22 décret n° 2010’720 du 28 juin 2010, les fonctions de vente de tabac, fonctions revendiquées par M. [F].

M. [F] doit donc être débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts à ce titre.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [F] succombant à l’instance, il doit être condamné aux dépens et il est équitable de les condamner à payer la somme de 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

—==oO§Oo==—

PAR CES MOTIFS

—==oO§Oo==—

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Brive le 16 mai 2022 ;

DEBOUTE M. [O] [F] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE M. [O] [F] à payer à l’EIRL [W] [X] la somme de 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [O] [F] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.

 


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