Droits des héritiers : 24 mai 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00301

·

·

Droits des héritiers : 24 mai 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00301

24 mai 2023
Cour d’appel d’Agen
RG n°
22/00301

ARRÊT DU

24 Mai 2023

AB / NC

——————–

N° RG 22/00301

N° Portalis DBVO-V-B7G -C7SV

——————–

[R] [H]

C/

[E] [H]

——————-

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 231-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [R] [A] [H]

né le 18 mai 1964 à [Localité 5]

de nationalité française

domicilié : [Adresse 6]

[Adresse 6]

représenté par Me Laurent BELOU, SELARL Cabinet Laurent BELOU, avocat au barreau du LOT

APPELANT d’un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 11 février 2022, RG 20/00347

D’une part,

ET :

Monsieur [E] [H]

né le 18 septembre 1965 à [Localité 5]

de nationalité française

domicilié : [Adresse 8]

[Localité 5]

représenté par Me Lucie BERGES-OSTUZZI, avocate au barreau du LOT

INTIMÉ

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 avril 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience

Assesseur : Dominique BENON, Conseiller

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Elisabeth SCHELLINO, Présidente de Chambre

en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l’appel interjeté le 12 avril 2022 par M. [R] [H] à l’encontre d’un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 11 février 2022.

Vu les conclusions de M. [R] [H] en date du 21 février 2023.

Vu les conclusions de M. [E] [H] en date du 20 février 2023.

Vu l’ordonnance de clôture du 22 février 2023 pour l’audience de plaidoiries fixée au 3 avril 2023.

——————————————

[O] [T] veuve [J] divorcée en premières noces de [A] [H] est décédée le 30 décembre 2017 laissant pour lui succéder ses fils :

– M. [R] [H]

– M. [E] [H].

Par testament olographe en date du 22 septembre 2015, enregistré le 23 septembre 2015, elle a révoqué toutes dispositions antérieures à cause de mort et institué pour légataire général et universel son fils [R], lui léguant tous ses biens meubles et immeubles sans réserve.

Le 5 février 2019, un procès verbal de difficultés a été dressé par maître [W] assisté de maître [M], notaires à [Localité 5].

Par acte d’huissier en date du 3 mars 2020, M. [E] [H] a assigné M. [R] [H] en liquidation partage de la succession de leur mère.

Par jugement en date du 11 février 2022, le tribunal judiciaire de CAHORS a :

– ordonné la liquidation et le partage de la succession de [O] [T] veuve [J] née le 6 janvier 1941 à [Localité 5] et décédée le 30 décembre 2017 à [Localité 5],

– désigné pour y procéder le président de la chambre interdépartementale des notaires avec faculté de délégation sous le contrôle du président du tribunal judiciaire de CAHORS ou son délégataire

– fixé la valeur de l’immeuble sis à [Localité 5] lieudit [Adresse 6] cadastré [Cadastre 9], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], à la somme de 122.900,00 euros.

– fixé la valeur des meubles meublants à la somme de 6.145,00 euros.

– fixé les avoirs bancaires à la banque postale à la somme de 1.794,75 euros.

– fixé la valeur des diverses créances à la somme globale de 242,93 euros.

– jugé que constitue une donation indirecte, devant être rapportée à la succession en raison de l’occupation du siège social de l’entreprise de M. [R] [H] au domicile de [O] [T] à compter de janvier 2011 et jusqu’en décembre 2017, date du décès de cette dernière, soit durant 84 mois, sur la base d’une valeur mensuelle de 200,00 euros.

– dit que doit être rapportée à la succession la somme de 16.800,00 euros correspondant à 84 mois x 200,00 euros.

– débouté les parties de leurs autres demandes, contraires ou supplémentaires

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de comptes, liquidation et partage.

Les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d’appel sont les suivants :

– désigné pour y procéder le président de la chambre interdépartementale des notaires avec faculté de délégation sous le contrôle du président du tribunal judiciaire de CAHORS ou son délégataire

– fixé la valeur des meubles meublants à la somme de 6.145,00 euros.

– jugé que constitue une donation indirecte, devant être rapportée à la succession en raison de l’occupation du siège social de l’entreprise de M. [R] [H] au domicile de [O] [T] à compter de janvier 2011 et jusqu’en décembre 2017, date du décès de cette dernière, soit durant 84 mois, sur la base d’une valeur mensuelle de 200,00 euros.

– dit que doit être rapportée à la succession la somme de 16.800,00 euros correspondant à 84 mois x 200,00 euros.

– débouté les parties de leurs autres demandes, contraires ou supplémentaires.

M. [R] [H] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– statuant à nouveau,

– fixer la valeur des meubles meublants à la somme de 2.000,00 euros.

– débouter M. [E] [H] de sa demande de rapport à la succession de la somme de 16.800,00 euros au titre d’une donation indirecte dont il aurait bénéficié pour l’occupation de l’immeuble de leur mère à titre professionnel.

– juger qu’il a bénéficié d’un prêt à usage de la part de sa mère et subsidiairement d’une donation hors parts successorale pour l’occupation du sous-sol de son immeuble à titre professionnel.

– fixer à son profit une indemnité à hauteur de 60.000,00 euros pour avoir aidé sa mère, au titre de l’enrichissement injustifié en application des articles 1303 et suivants du code civil.

– désigner pour procéder aux opérations de comptes liquidation et partage, maître [W], notaire à [Localité 5], et maître [V], notaire à [Localité 7]

– dire que le notaire procédera conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code civil.

– débouter M. [E] [H] de son appel incident en confirmant le jugement en ce qu’il a :

– débouter M. [E] [H] de toutes ses demandes plus amples ou contraires

– le condamner à lui payer la somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– le condamner aux dépens dont distraction au profit de la SELARL cabinet Laurent BELOU.

Il fait valoir que :

– au vu des meubles appartenant à leur mère, il convient de retenir une somme de 2.000,00 euros de ce chef.

– sur son occupation à titre professionnel : il s’est occupé de sa mère, il n’y a pas d’intention libérale permettant de retenir une donation indirecte, il convient de retenir un prêt à usage, étant relevé qu’aucune réclamation n’a été faite de ce chef dans le procès verbal de difficultés. Subsidiairement si une donation indirecte est retenue, il faut la considérer comme étant hors part, il y aurait alors une contradiction avec le testament le faisant légataire universel, ou une donation rémunératoire pour s’être occupé de sa mère

– sur son occupation à titre personnel, la maison n’a jamais été mise à sa disposition, il est venu dans cette maison soigner sa mère atteinte d’un cancer

– sur l’enrichissement injustifié, il soutient s’être dévoué envers sa mère, il estime avoir excédé ses devoirs filiaux ce qui a diminué son chiffre d’affaires, il a acheté les granulés pour le poêle et dépensé 4,00 euros par jour pour sa mère. Il chiffre l’enrichissement de sa mère au coût d’un aidant 35 h par semaine sur 54 semaines sur 3 ans (sic) auquel il ajoute une partie de sa perte financière.

– la cour ordonnera que le notaire applique les dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile et désignera les notaires qu’il mentionne dans l’intérêt de chacun des frères.

M. [E] [H] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dire recevable son appel incident et infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– statuant à nouveau,

– dire que la valeur de l’immeuble sis à [Localité 5] lieudit [Adresse 6] cadastré [Cadastre 9], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], à la somme de 155.000,00 euros.

– dire que la valeur des meubles meublants est fixée à la somme de 7.750,00 euros

– dire que l’occupation à titre gratuit par M. [R] [H] de la maison d’habitation de [O] [T] de novembre 2014 à décembre 2017 soit pendant 37 mois, sera qualifiée de donation indirecte devant être rapportée à la succession sur la base de l’évaluation locative du bien estimée à 650,00 euros par mois

– débouter M. [R] [H] de sa demande injustifiée en application de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner M. [R] [H] à lui payer la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Il fait valoir que :

– une nouvelle évaluation de la maison en fixe la valeur à 155.000,00 euros.

– leur mère était propriétaire des meubles et [R] ne justifie pas du contraire.

– son frère a occupé la maison 37 mois à titre gratuit, la qualification proposée de prêt à usage ne peut être retenue, il s’agit d’une donation indirecte rapportable. Son frère est rentré en France en 2010 et ne s’est installé qu’en 2014 chez leur mère après le décès de [E] [J]. Cependant il a domicilié son activité professionnelle dès 2011 dans le sous-sol de la maison. La santé de leur mère ne s’est dégradée qu’à compter de 2016 : sa mère a entretenu son frère en prenant en charge l’intégralité de ses frais quotidiens : charges de la maison, frais de santé non remboursés, courses quotidiennes, dépenses d’agrément, la cause de la dégradation des relations entre les frères réside dans les dépenses excessives de leur mère au profit de [R]. En outre cet hébergement lui a permis de mettre en location sa propre maison

– il a occupé gratuitement le sous-sol de la maison pour son activité professionnelle. Sa mère assurait le secrétariat et la comptabilité de l’entreprise de son fils l’attestation contraire n’a pas été produite en première instance et ne respecte pas les dispositions de l’article 2020. Il s’agit d’une donation indirecte, qui ne peut être qualifiée hors part faute de mention en ce sens dans le testament du 22 septembre 2015. Il ne démontre pas qu’il s’agit d’une donation rémunératoire, sa mère ne s’est pas enrichie. Le litige n’est pas limité par les termes du procès verbal de difficultés du 5 février 2019, s’il en était ainsi sa demande au titre de l’enrichissement devrait être rejetée sur le même fondement.

– sur l’enrichissement injustifié, le calcul de la créance pose question, il ne s’est pas appauvri, il a été logé, nourri, domicilié et soutenu professionnellement etc… par sa mère ; son activité n’a pas baissé significativement

– les notaires proposés par son frère ont échoué à mener à bien le partage

– le premier juge a orienté la procédure de partage selon les dispositions des articles 1364 et suivants.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la désignation du notaire :

C’est à bon droit que le premier juge a retenu que les désaccords entre les parties doivent conduire à la désignation du président de la chambre interdépartementale des notaires, chacune des parties gardant la faculté de s’adjoindre l’assistance de son propre notaire.

Le jugement est confirmé sur ce point.

2- Sur la valeur du bien immobilier :

M. [E] [H] sollicite la fixation de la valeur de l’immeuble sis à [Localité 5] lieudit [Adresse 6] cadastré [Cadastre 9], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], à la somme de 155.000,00 euros.

Le jugement entrepris a fixé la valeur du dit immeuble à la somme de 122.900,00 euros alors proposée par M. [E] [H].

En l’absence de succombance de M. [E] [H] sur ce point sa demande de chef devant la cour est irrecevable.

3- Sur la valeur des meubles meublants :

M. [E] [H] sollicite la fixation de la valeur des meubles meublants à la somme de 7.750,00 euros.

Le jugement entrepris a fixé la valeur des dits meubles meublants à la somme de 6.145,00 euros alors proposée par M. [E] [H].

En l’absence de succombance de M. [E] [H] sur ce point sa demande de chef devant la cour est irrecevable.

M. [R] [H] sollicite la fixation de la valeur des meubles meublants à la somme de 2.000,00 euros.

Sont produites devant la cour les mêmes pièces que devant le premier juge sur ce point. Le premier juge a justement retenu que la de cujus était propriétaire d’un équipement ménager complet à l’exception d’un sèche-linge et d’un poêle à granulés appartenant à M. [R] [H], et d’une machine à coudre d’une valeur de 4.800,00 euros neuve.

M. [R] [H] produit une liste de meuble qu’il déclare établie par sa mère et portant en en-tête la mention ‘total 3.700,00 euros’. Cette liste énonce des meubles lui appartenant poêle à granulés, sèche linge, presse agrume, ventilateur plafond, deux de ces biens sont évalués. Cependant n’y figure pas la machine à coudre d’une valeur de 4.800,00 euros. Cette liste est donc incomplète, et si elle permet d’identifier les meubles personnels de M. [R] [H], elle ne permet pas de connaître la valeur du mobilier complet apparaissant sur les photographies figurant au procès verbal de difficulté.

Au vu de ces éléments, le premier juge a justement fait application du forfait de 5 % de la valeur de maison pour retenir une valeur des meubles meublants à la somme de 6.145,00 euros.

Le jugement est confirmé sur ce point.

4- Sur les donations indirectes :

Aux termes de l’article 843 alinéa 1 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

4-1 Sur l’occupation de l’immeuble par le siège de l’entreprise de M. [R] [H] :

Aux termes de l’article 1373 du code de procédure civile, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif.

Aux termes de l’article 1374 du même code, toutes les demandes faites en application de l’article 1373 entre les mêmes parties, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu’une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l’établissement du rapport par le juge commis.

En l’absence de rapport du juge commis, la condition cumulative de présence d’un procès verbal de difficultés et de rapport du juge commis nécessaire au prononcé d’une irrecevabilité de la présente demande n’est pas remplie.

La demande est recevable.

De janvier 2011 à décembre 2017, M. [R] [H] a installé le siège social et l’activité de son entreprise d’installateur d’équipements thermiques et de climatisation dans le domicile de la de cujus.

M. [R] [H] soutient qu’il a bénéficié d’un prêt à usage, qui n’a opéré aucun transfert de droit patrimonial à son profit, notamment de propriété de la chose ou de ses fruits et revenus, de sorte qu’il n’en résulte aucun appauvrissement du prêteur.

Il apparaît cependant que l’occupation à titre professionnel du rez de chaussée de l’immeuble de la de cujus ne s’est pas limitée à une mise à disposition des lieux. [O] [T] supportait les frais courants relatifs à cet atelier (internet assurance, électricité, taxe foncière..) et son téléphone personnel était utilisé par les clients. M. [E] [H] produit des attestations de clients et de la soeur de la de cujus qui établissent qu’elle participait à la comptabilité.

M. [R] [H] produit tardivement devant la cour, une attestation de M. [X] ancien salarié de son comptable en sens contraire, établie en 2021 non conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, qui ne saurait contredire efficacement ces éléments.

Il n’est pas justifié par M. [R] [H] du versement d’une contrepartie aux frais pris en charge par [O] [T] des charges de l’entreprise énoncées ci dessus.

M. [R] [H] soutient qu’il y avait une contrepartie à cette occupation, il s’occupait de sa mère. Or, il est établi qu’il n’est venu s’installer chez sa mère qu’en 2014, après trois ans d’occupation, sans contrepartie, et que l’état de sa mère n’a nécessité une assistance que les derniers mois de sa vie.

L’occupation d’une partie de l’immeuble de [O] [T] par le siège social et l’activité de l’entreprise de [R] [H] ne peut donc être qualifiée de prêt à usage.

Il ressort des attestations produites et en particulier de celle de Mme [Y] [T], soeur de la de cujus, que cette dernière a toujours rencontré des difficultés financières et que ses demandes réitérées de fonds ont dégradé leurs relations à compter de 2016.

L’absence de tout versement par M. [R] [H] en contrepartie à son occupation gratuite du sous-sol de la maison et l’absence de tout remboursement des frais de l’entreprise supportés par sa mère, alors que cette dernière connaissait des difficultés financières et avait nécessairement besoin de valoriser son patrimoine, établit l’intention libérale nécessaire à la qualification de donation indirecte, et c’est à bon droit que le premier juge a considéré que l’occupation à titre gratuit pour des besoins professionnels sur une longue période de 84 mois constitue une donation indirecte.

Le premier juge a justement évalué le montant de cette donation indirecte en retenant que l’occupation était limitée au garage de 84 m² sis en sous-sol de l’immeuble et que la valeur locative de l’ensemble de la maison était de 650,00 euros par mois pour en déduire une indemnité de 200,00 euros par mois soit une somme de : 84 x 200,00 = 16.800,00 euros.

Le jugement est confirmé sur ce point.

4-2- Sur l’occupation de la maison d’habitation par M. [R] [H]

M. [R] [H] a occupé à titre gratuit la maison d’habitation de [O] [T] de novembre 2014 à décembre 2017 soit pendant 37 mois.

M. [E] [H] sollicite la qualification de cette occupation à titre gratuit de l’immeuble de la de cujus de donation indirecte rapportable. M. [R] [H] conclut au débouté de cette demande et subsidiairement à la qualification de cette occupation en donation hors part successorale, non soumise à rapport.

Il est établi qu’en 2014 après le décès de l’époux de [O] [T], celle-ci a demandé à M. [R] [H] de venir vivre chez elle en raison de la grave maladie dont elle était atteinte.

Il est établi que [O] [T] était atteinte d’un cancer du sein traité depuis 2003 ; qu’à partir de 2011 sont apparues des métastases hépatiques à compter de 2011, pleurales puis osseuses à compter de 2017.

M. [R] [H] établit que les ressources de la de cujus étaient constituées de trois pensions de retraite pour un montant total par mois de 958,00 euros de sorte qu’il participait aux charges de la vie courante.

Il établit par des attestations de proches de sa mère qu’il lui a assuré un soutien moral à compter de 2014 et un soutien matériel lorsque son état s’est aggravé.

Il établit donc qu’il existait une contrepartie à son occupation gratuite de l’immeuble de la de cujus et qu’il n’existait donc pas d’intention libérale de la part de sa mère.

Au vu de ces éléments, le premier juge a justement retenu que n’était pas établie l’existence d’une donation indirecte rapportable du chef de l’occupation gratuite du logement de la de cujus par M. [R] [H].

Le jugement est confirmé sur ce point.

5- Sur l’enrichissement injustifié :

M. [R] [H] sollicite la fixation à son profit une indemnité à hauteur de 60.000,00 euros pour avoir aidé sa mère, au titre de l’enrichissement injustifié en application des articles 1303 et suivants du code civil.

Aux termes des articles 1303 et suivants du code civil, en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

L’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale.

Il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel.

En l’espèce, il revient à M. [R] [H] de rapporter la preuve qu’il s’est appauvri. Or :

– il a été hébergé de 2014 à décembre 2017 et ne démontre pas qu’il a exposé des frais excédant ceux qu’il aurait exposés pour se loger indépendamment, il ne justifie que de factures de granulés pour les années 2015 à 2017 et les tableaux qu’il établit sont des preuves à soi même sans valeur probante.

– il a hébergé au domicile de sa mère son entreprise et n’établit pas que cette dernière supportait les frais ci-dessus énumérés alors qu’elle participait bénévolement à l’exploitation

– les attestations produites établissent son dévouement auprès de sa mère mais ne caractérisent pas l’exécution d’une obligation naturelle excédant les exigences de la piété filiale

– il ne conteste pas avoir mis sa propre maison en location durant la période considérée.

– la production des résultats comptables de son entreprise montre une diminution de l’activité qui perdure au cours de l’année suivant le décès de la de cujus de sorte qu’elle n’apparaît pas corrélée à sa prise en charge de sa mère.

Ces mêmes éléments ne rapportent pas la preuve que sa mère s’est enrichie.

Au vu de ces éléments, c’est à bon droit que le premier juge rejeté sa demande sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

6- sur l’application des dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile :

Le rappel des dispositions applicables en matière de partage n’est pas une demande en justice.

7- Sur les demandes accessoires :

Chacune des parties succombe, chacune d’elle supporte la charge des dépens d’appel par elle avancés, l’équité commande qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

La distraction des dépens toujours prévue par l’article 699 du code de procédure civile n’a plus d’objet du fait de la suppression de tout tarif pour l’avocat le 8 août 2015 en première instance et le 1er janvier 2012 devant la cour.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que chacune des parties supporte la charge des dépens d’appel par elle avancés.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x