Droits des héritiers : 23 mai 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01650

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Droits des héritiers : 23 mai 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01650

23 mai 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
22/01650

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 23 mai 2023

N° RG 22/01650 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F3V2

-DA- Arrêt n°

[N] [Z] / [I] [C] [E] [G] épouse [Y]

Jugement au fond, origine Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de MONTLUCON, décision attaquée en date du 06 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 21/00085

Arrêt rendu le MARDI VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [N] [Z]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006640 du 26/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Maître Dorian TRESPEUX de la SELAS ALLIES AVOCATS, avocat au barreau de MONTLUCON

APPELANT

ET :

Mme [I] [C] [E] [G] épouse [Y]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Maître Joseph ROUDILLON, avocat au barreau de MONTLUCON

et par Maître Gaëlle YHUEL-LE GARREC de la SELARL YHUEL-LE GARREC, avocat au barreau de LORIENT

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 mars 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par  Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Mme [I] [Y] née [G] est héritière d’un bien immobilier à la suite du décès de son père M. [X] [G]. De son vivant M. [G] occupait l’immeuble en compagnie de M. [N] [Z] qui est resté dans les lieux après la disparition de son ami.

Par exploit du 29 septembre 2021 Mme [I] [Y] a fait assigner en référé M. [N] [Z] devant le juge des contentieux de la protection au tribunal judiciaire de Montluçon, afin de voir juger qu’il est occupant sans droit ni titre de l’immeuble et ordonner son expulsion, outre indemnité d’occupation et article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 9 février 2022 le juge des référés a renvoyé l’affaire au fond. Mme [I] [Y] maintenait ses demandes d’expulsion et d’indemnités d’occupation, tandis que M. [N] [Z] sollicitait le rejet de toutes les réclamations dirigées contre lui.

Par jugement du 6 juillet 2022 le juge des contentieux de la protection, statuant au fond, a rendu la décision suivante :

« Le juge des Contentieux de la Protection, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que Monsieur [N] [Z] est occupant sans droit ni titre des locaux situés sur la commune de [Localité 1] au lieu-dit [Adresse 4], Section C Nº [Cadastre 2], propriété de Madame [I] [G] épouse [Y] ;

À défaut de libération volontaire, ORDONNE l’expulsion de Monsieur [N] [Z] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l’éventuelle assistance de la force publique et d’un serrurier en cas de besoin ;

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra intervenir qu’à l’issue du délai de deux mois après le commandement d’avoir à libérer les lieux qui sera délivré conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution et à l’issue du délai de grâce ;

RAPPELLE que le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

REJETTE la demande d’astreinte ;

FIXE le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle à compter du présent jugement à un montant de 500 € (cinq cents euros), à compter du 21 avril 2021 et ce jusqu’à la libération complète des lieux ;

CONDAMNE Monsieur [N] [Z] à en acquitter le paiement intégral ;

CONDAMNE Monsieur [N] [Z] à verser à Madame [I] [G] épouse [Y] une somme de 800 € (huit cents euros) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Madame [I] [G] épouse [Y] du surplus de sa demande ;

CONDAMNE Monsieur [N] [Z] aux entiers dépens de la présente instance ;

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire. »

Dans les motifs de sa décision le premier juge, après avoir rappelé les faits, a considéré que M. [N] [Z] avait tacitement renoncé au legs dont il était bénéficiaire en vertu d’un testament établi par M. [X] [G].

***

M. [N] [Z] a fait appel de cette décision le 3 août 2022, précisant :

« Objet/Portée de l’appel : – 1er chef de jugement critiqué : Constate que Monsieur [N] [Z] est occupant sans droit ni titre des locaux situés sur la commune de [Localité 1] au lieudit [Adresse 4], Section C nº [Cadastre 2], propriété de Madame [I] [G] épouse [Y] – 2e chef de jugement critiqué : À défaut de libération volontaire, Ordonne l’expulsion de Monsieur [N] [Z] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l’éventuelle assistance de la force publique et d’un serrurier en cas de besoin – 3e chef de jugement critiqué : Rappelle que l’expulsion ne pourra intervenir qu’à l’issue du délai de deux mois après le commandement d’avoir à libérer les lieux qui sera délivré conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution et à l’issue du délai de grâce – 4e chef de jugement critiqué : Rappelle que le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution – 5e chef de jugement critiqué : Rejette la demande d’astreinte – 6e chef de jugement critiqué : Fixe le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle à compter du présent jugement à un montant de 500 € (cinq cent euros), à compter du 21 avril 2021 et ce, jusqu’à libération complète des lieux

– 7e chef de jugement critiqué : Condamne Monsieur [N] [Z] à en acquitter le paiement intégral – 8e chef de jugement critiqué : Condamne Monsieur [N] [Z] à verser à Madame [I] [G] épouse [Y] une somme de 800 € (huit cent euros) en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile – 9e chef de jugement critiqué : Condamne Monsieur [N] [Z] aux entiers dépens de la présente instance – 10e chef de jugement critiqué : Rappelle que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire. »

Dans ses conclusions ensuite du 4 octobre 2022 M. [N] [Z] demande à la cour de :

« Réformer le jugement du Juge des Contentieux de la Protection de Tribunal Judiciaire de MONTLUCON en date du 6 juillet 2022 en ce qu’il a :

– Constaté que Monsieur [N] [Z] est occupant sans droit ni titre des locaux situés sur la commune de [Localité 1] au lieudit [Adresse 4], Section C nº [Cadastre 2], propriété de Madame [I] [G] épouse [Y]

– À défaut de libération volontaire, ordonné l’expulsion de Monsieur [N] [Z] ainsi que celle de tous occupants de son chef avec l’éventuelle assistance de la force publique et d’un serrurier en cas de besoin

– Rappelé que l’expulsion ne pourra intervenir qu’à l ‘issue du délai de deux mois après le commandement d’avoir à libérer les lieux qui sera délivré conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution et à l’issue du délai de grâce.

– Rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et L. 433-2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution

– Rejeté la demande d’astreinte

– Fixé le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle à compter du présent jugement à un montant de 500 € (cinq cents euros), à compter du 21 avril 2021 et ce, jusqu’à libération complète des lieux

– Condamné Monsieur [N] [Z] à en acquitter le paiement intégral

– Condamné Monsieur [N] [Z] à verser à Madame [I] [G] épouse [Y] une somme de 800 € (huit cents euros) en application des dispositions de l ‘article 700 du Code de Procédure Civile

– Condamné Monsieur [N] [Z] aux entiers dépens de la présente instance

– Rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire

Statuant à nouveau,

Juger que Monsieur [Z] est usufruitier du bien immobilier sis [Adresse 4], en application des dispositions du testament olographe de Monsieur [X] [G] en date du 22 septembre 2003,

Débouter Madame [I] [G] épouse [Y] de l’ensemble de ses demandes,

Condamner Madame [I] [G] épouse [Y] à porter et payer à Monsieur [N] [Z] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Code Procédure Civile,

Condamner la même aux entiers dépens de l’instance. »

***

En défense, dans des écritures du 23 janvier 2023 Mme [I] [Y] demande pour sa part à la cour de :

« Vu l’article 564 du CPC, ensemble l’article 1014 alinéa 2 du code civil

DÉBOUTER Monsieur [Z] de sa prétention à être jugé usufruitier maison d’habitation sise commune de [Localité 1], lieudit « [Adresse 4] », cadastrée en cette section Nº C [Cadastre 2], irrecevable comme nouvelle en cause d’appel.

Vu les articles 1875 et suivants du code civil,

Ensemble les articles 1014 et suivants du code civil

Vu l’article 1043 du code civil

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2022 par le Juge des contentieux de la protection de MONTLUÇON.

Vu l’article 700 du CPC

DÉBOUTER Monsieur [Z] de ses prétentions au titre de l’article 700 du CPC

CONDAMNER Monsieur [N] [Z] au règlement d’une somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens dont distraction au profit de Me Joseph ROUDILLON en application de l’article 699 du même code. »

***

Par ordonnance du 10 novembre 2022 la première présidente de la cour a déclaré irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire représentée par M. [N] [Z].

***

L’affaire, instruite selon les modalités de l’article 905 du code de procédure civile est venue devant la cour à son audience du jeudi 23 mars 2023.

II. Motifs

Dans le dispositif de ses écritures Mme [Y] demande à la cour de juger « irrecevable comme nouvelle en cause d’appel » la prétention de M. [Z] à « être jugé usufruitier [de la] maison d’habitation [‘] »

Cependant, cette argumentation ne laisse pas de surprendre dans la mesure où d’une part dans son exposé du litige, le premier juge mentionne expressément le moyen de défense de M. [Z] « consistant à invoquer ses qualités de légataire à titre universel de l’usufruit de la maison » ; d’autre part et en toute hypothèse il est impossible de trancher le litige, consistant à savoir si M. [Z] peut se maintenir dans les lieux, sans déterminer s’il dispose d’un titre pour ce faire. Faut-il rappeler que cette situation est régie par l’article 49 du code de procédure civile, dont il résulte que le juge de l’action est aussi juge de l’exception en ce qu’il connaît de tous les moyens de défense sauf ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Sur le fond, il résulte du dossier que dans un testament olographe daté du 22 septembre 2003, M. [X] [G] écrit notamment ces phrases : « Je soussigné [‘] En toute possession de mes facultés mentales, désire que soit respectées mes dernières volontés soit que Monsieur [N] [J] [Z] né le 27 avril 1954 à [Localité 6] demeurant chez moi à [Adresse 4] en [Localité 1]. Je lui laisse l’usufruit de ma maison, de ma terre jusqu’à sa mort avec l’accord de ma fille [I] [G] [‘] »

D’évidence, la volonté du testateur était que M. [Z] bénéficie d’un usufruit sur cette maison. Encore fallait-il cependant que celui-ci, en présence de Mme [Y] héritier réservataire, sollicite la délivrance de son legs, puisqu’à défaut de délivrance volontaire, le légataire universel est tenu de demander en justice aux héritiers réservataires la délivrance des biens compris dans le testament (1re Civ., 28 janvier 1997, nº 95-13.835 ; 30 septembre 2020, nº 19-11.543).

Il est constant par ailleurs que le légataire peut renoncer au bénéfice du testament et que cette renonciation n’est pas nécessairement expresse mais peut résulter de divers éléments factuels caractérisant une renonciation tacite et délibérée. En effet, la renonciation à un legs n’est soumise à aucune forme particulière et peut être tacite, pourvu qu’elle résulte d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer (cf. 1re Civ, 19 novembre 1991, nº 90-11.999, Bull. 1991, I, nº 324 ; 15 juin 2017, nº 16-21.874).

Or en l’espèce, il résulte du dossier que le 1er février 2006 M. [N] [Z], agissant comme mandataire de Mme [I] [Y] suivant mandat de celle-ci en date du 24 décembre 2005, a comparu devant le notaire chargé de dresser la dévolution successorale de M. [X] [G]. Et en cette qualité, M. [Z] a déclaré au notaire qu’on ne connaissait au défunt « aucune disposition testamentaire ou autre à cause de mort » et que sa mandante, par conséquent Mme [Y], « est bien la seule ayant droit du défunt, ayant vocation à recueillir l’intégralité de la succession. » On ne saurait être plus clair, alors qu’à cette date M. [Z] ne pouvait ignorer la teneur du testament établi en sa faveur le 22 septembre 2003, dont il fera usage plus tard lors de la présente procédure.

Il est d’ailleurs patent que M. [Z] connaissait la teneur du testament dès l’origine puisque dans une attestation du 6 octobre 2021 Maître [F], notaire ayant reçu M. [Z] en consultation, écrit que celui-ci lui avait expliqué n’avoir pas voulu faire valoir le testament 2006 lors du règlement de la succession de M. [G] « car il était alors en bons termes avec Mme [I] [Y]. »

En conséquence, non seulement M. [Z] n’a fait aucune démarche à l’égard de Mme [Y] pour solliciter la délivrance de son legs, mais encore devant le notaire chargé d’établir la dévolution successorale de M. [G], alors qu’il avait parfaitement la possibilité de s’exprimer et de faire connaître la teneur du testament dont il était bénéficiaire, il n’en a rien fait, s’abstenant de toute déclaration en ce sens. Dès lors, il est manifeste que M. [Z] a consciemment et sans ambiguïté renoncé au bénéfice de ce testament.

Par ailleurs, rien ne démontre dans le dossier que Mme [Y] avait connaissance du testament de son père, et en tout cas qu’elle y avait consenti. La présente procédure prouve exactement le contraire. Le fait que M. [Z] a pu demeurer dans la maison de [Localité 1], témoigne certes d’une tolérance à son égard de la part de Mme [Y], mais ne saurait signifier d’un point de vue strictement juridique la reconnaissance par celle-ci d’un droit d’usufruit auquel M. [Z] avait manifestement renoncé et que cette situation de fait ne suffit pas à rétablir.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

2000 EUR sont justes pour l’article 700 du code de procédure civile.

M. [Z] supportera les dépens d’appel qui seront recouvrés comme il est dit en matière d’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Condamne M. [N] [Z] à payer à Mme [I] [Y] la somme de 2000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] [Z] aux dépens d’appels qui seront recouvrés comme il est dit en matière d’aide juridictionnelle.

Le greffier Le président

 


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