Droits des héritiers : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19827

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Droits des héritiers : 22 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19827

22 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/19827

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/19827 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVIJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2021 -Pole social du TJ de PARIS – RG n° 19/10657

APPELANT

Monsieur [F] [C]

[Adresse 6]

[Localité 2] – SERBIE

Représenté par Me Pétra LALEVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524

INTIMÉE

Organisme [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Delphine MONTBOBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1600

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Didier MALINOSKY, Magistrat Honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Christine LAGARDE, conseillère

Didier MALINOSKY, Magistrat Honoraire

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [O] [C], née le 19 octobre 1955, était bénéficiaire d’une allocation de retraite complémentaire servie par [5] (devenue [5] et désormais [5]), d’un montant mensuel brut de 238,52 euros, soit 228,50 euros net, payée au trimestre.

La caisse de retraite complémentaire a suspendu le paiement de la pension de retraite à compter d’avril 2006.

Par courrier du 4 mai 2015, M. [F] [C], demeurant en Serbie, a adressé à la caisse de retraite complémentaire un courrier l’informant du décès de sa mère, Mme [C], survenu le 31 mars 2015. M. [C] est l’unique héritier et sollicite le versement des arriérés de pension à compter du 2 juillet 2007 jusqu’au décès de sa mère.

[5] a versé à la succession de Madame [C], le 18 décembre 2015, la somme de 13 962,46 euros au titre des allocations [4] du 1er avril 2010 au 31 mars 2015, et a refusé d’y faire droit pour la période antérieure en invoquant une prescription quinquennale.

Des échanges de courriers s’en sont suivis entre les parties, chacune maintenant sa position.

Une mise en demeure adressée par LRAR le 5 novembre 2018 n’ayant pas abouti, M. [C] a assigné [5], par acte d’huissier du 6 août 2019, aux fins notamment du paiement de la somme de 21 583,58 euros au titre des arriérés de retraite complémentaire non payés et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 23 mars 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a :

Déclaré irrecevable la demande d’arriéré de pensions de retraite complémentaire antérieur au 1er avril 2010 effectuée par M. [C] pour le compte de la défunte Mme [O] [C] en application de la prescription quinquennale ;

Débouté M. [C] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [C] au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés directement par Me Delphine Montbobier conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Selon déclaration du 12 novembre 2021, M. [C] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA du 18 janvier 2022, M. [C] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en date du 23 mars 2021 en ce qu’il a déclaré l’action de M. [C] prescrite et l’a débouté de ses demandes et condamné aux dépens ;

– Condamner [5] à payer à M. [C] les sommes suivantes :

– 21 583, 58 euros au titre des arriérés de retraite complémentaire non payés

– 5 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation pour réticence abusive

– 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions transmises par RPVA du 6 avril 2022, l’organisme [5] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement prononcé par le Tribunal judiciaire de PARIS le 23 mars 2021.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour infirmait le jugement et déclarait les demandes de M. [C] non prescrites :

Débouter M. [C] de ses demandes de paiement des arrérages, qui sont mal fondées en droit, et dont le montant est erroné (la somme relative à la période prescrite étant de 10 971,92 euros et non de 21 583,58 euros).

Débouter M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Débouter M. [C] de ses demandes relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause :

Condamner M. [C] à payer à l’Institution de Retraite Complémentaire [5] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [C] au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés directement par Maître Montbobier conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Débouter M. [C] de toutes ses demandes plus amples et/ou contraires.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2023.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la prescription

M. [C] soutient que la prescription quinquennale a été suspendue du fait de l’impossibilité, pour la défunte Mme [O] [C], d’agir en raison de la force majeure et ainsi de recouvrer elle-même les sommes dues au titre de sa retraite.

Il indique que depuis 2006, elle était placée dans un centre de gérontologie suite à des troubles psychologiques et comportementaux qui ont gravement affecté ses capacités mentales. M. [C] fait valoir que ces troubles psychologiques, qui se sont soudainement manifestés, ont été un cas de force majeure imprévisible et irrésistible empêchant Mme [C] d’effectuer toute démarche pour la sauvegarde de ses intérêts de son vivant.

Dès lors, elle ne pouvait donner suite aux lettres adressées par [5] à son ancienne adresse.

Pour sa part, M. [C] fait valoir qu’il n’avait pas d’intérêt à agir avant que ne soit reconnue sa qualité d’héritier. Selon lui, le délai de la prescription quinquennale a commencé, pour lui, à courir le 31 mars 2015 et il soutient que la prescription quinquennale a été interrompue par l’assignation du 6 août 2019.

En réponse, et à titre principal, l’organisme [5] soutient que les demandes de paiement portant sur la période antérieure au 1er avril 2010 sont irrecevables car prescrites et que les conditions cumulatives d’irrésistibilité et d’imprévisibilité qui caractérisent la force majeure invoquée par l’appelant ne sont pas remplies.

L’organisme soutient que M. [C] n’établit pas l’impossibilité d’agir de sa mère pour signaler son déménagement à sa caisse de retraite et de sa décision de partir vivre en Serbie en avril 2010, date d’acquisition de la prescription et de son hospitalisation en 2006.

[5] fait valoir que [C] ne peut conclure qu’un nouveau point de départ du délai de la prescription s’appliquerait à lui et qu’il s’agirait du décès de sa mère, puisque, en qualité d’héritier, il ne fait qu’en recueillir les droits, tels qu’ils existaient lors du décès.

A titre subsidiaire, l’organisme [5] soutient que les demandes formulées par l’appelant sont non fondées et injustifiées.

Sur ce,

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Aux termes de l’article 2231, l’interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

Aux termes de l’article 2234 du même code, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

L’article X-613 de la circulaire 12 E de l’organisme de retraite complémentaire, intitulée ‘ mise à jour du guide pratique’ et portant sur le contrôle de la permanence des droits stipule que : ‘I1 s’agit des cas dans lesquels une correspondance adressée a l’allocataire est retoumée à l’institution avec la mention “n’habite pas à l’adresse indiquée” (NPAI).

S’il est anorrnal de maintenir une allocation à un participant dont l’adresse n’est plus connue, il convient cependant d’exploiter avec prudence ces NPAI qui peuvent résulter d’une simple erreur de l’administration postale.

Un NPAI faisant suite à 1’envoi des déclarations fiscales entraine la suspension de l’allocation accompagnée d’une enquête auprès de la mairie du lieu de naissance ou du lieu de résidence du retraité. Toutes mesures devraient néanmoins être prises pour que l’institution puisse, sans attendre, reprendre le versement de l’allocation si l’intéressé se manifeste.

ll est également suggéré qu’une deuxième démarche soit effectuée avant de procéder à la suspension de l’allocation.

I1 s’agit d’une simple suspension de l’allocation et non d’une annulation ; le processus de coordination rappelé ci-dessus (X-611) n’est donc pas susceptible d’être mis en oeuvre du seul fait d’un NPAI.

Les institutions conservent, en outre, la possibilité de recourir à la solution leur paraissant la plus appropriée en cas de retour de courriers d’autre nature (lettre d’infonnation, brochure …) ‘.

En l’espèce, la cour relève que l’organisme de retraite complémentaire ne justifie ni de l’envoi ni du retour ‘NPAI’ d’un courrier du 6 avril 2006, ni de la mise en oeuvre de la procédure issue de la circulaire 12 E, à savoir : une enquête auprès de la mairie et la réalisation d’une seconde démarche, étant rappelé qu’il ne s’agit, en cas de retour ‘NPAI’, que d’une simple suspension des droits dont le versement doit reprendre dès la manifestation de l’allocataire.

Cependant, il n’est pas contestable que l’organisme de retraite complémentaire a cessé de procéder aux versements trimestriels à compter du 1er avril 2006, étant rappelé que les dispositions transitoires de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 applicables pour les actions personnelles au 19 juin 2008 permettait à Mme [C] de demander le paiement de ses arriérés de pension jusqu’au 18 juin 2013 ce que Mme [C] n’a pas effectué.

Par ailleurs, si M. [C] justifie de l’existence, pour sa mère, d’une pathologie neuropsychiatrique légère, d’hospitalisations et de visites dans des centre de santé en Serbie entre février 2006 et avril 2007, la cour relève qu’à compter de cette dernière date et au moins jusqu’en octobre 2010, Mme [C] vivait dans une’ résidence pour personne âgée et présentait un bon état général et avec un suivi médico psychiatrique non contraignant.

Ainsi, les circonstances, invoquées par M. [C], sont impropres à caractériser un cas de force majeure, dès lors qu’en effet, il n’est pas avéré que l’état de santé de Mme [C], qui n’était pas totalement isolée en présence de son fils à toutes les visites médicales, l’ait placée dans une situation l’ayant empêchée de façon insurmontable et continue de présenter des réclamations sur l’absence de versement de sa pension de retraite complémentaire depuis le 1er avril 2006.

Par ailleurs, M. [C] ne peut, en qualité d’héritier désigné, posséder plus de droits que ceux de sa mère et il ne peut valablement solliciter un nouveau point de départ du délai de prescription au-delà de celui applicable à Mme [C].

La cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande d’arriéré de pensions de retraite complémentaire antérieur au 1er avril 2010 et débouté l’appelant de sa demande au titre d’une résistance abusive.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [C] sera condamné aux dépens d’appel.

Aucune disposition d’équité ne justifie de faire application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des affaires enrolées sous les numéros RG 21/19827 et 21/9421 sous le numéro RG 21/19827

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 23 mars 2021 ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [C] [F] aux dépens d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

 


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