Droits des héritiers : 22 juin 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00051

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Droits des héritiers : 22 juin 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00051

22 juin 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
21/00051

N° 63

KS

—————

Copies exécutoires

délivrées à :

– Me Antz,

– Me Etilage,

le 03.07.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

[Adresse 4]

Audience du 22 juin 2023

RG 21/00051 ;

Décisions déférées à la Cour : jugement n° 257/add, rg n° 14/00002 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, chambre des terres, du 8 juin 2016 et jugement n° 84, rg n° 14/00002 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal Foncier de la Polynésie française, du 16 mars 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 16 juillet 2021 ;

Appelante :

Mme [T] [A], née le 14 juin 1982 à [Localité 12], de nationalité française, demeurant à [Localité 12], [Adresse 2] ;

Représentée par Me Dominique ANTZ, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

M. [K] [W], né le 28 novembre 1964 à Papeete, de nationalité française, chauffeur, demeurant à [Adresse 14] ;

Représenté par Me Michel ETILAGE, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 18 novembre 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 février 2023, devant Mme SZKLARZ, conseiller désigné par l’ordonnance n° 57/ OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme GUENGARD, président de chambre, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :

Le litige porte sur la parcelle cadastrée [Cadastre 7] ([Cadastre 11] de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15]) pour une superficie de 298 m2, sise à [Localité 12].

Cette parcelle dépend de la succession de [D] [U] née le 18 octobre 1926 et décédée le 28 novembre 1986. Cette parcelle lui a été attribuée aux termes d’un jugement de partage en date du 15 septembre 1961, transcrit le 21 octobre 1961 Vol.424 n°16 aux termes duquel le patrimoine de [Z] [W] décédé à [Localité 12] le 9 septembre 1951 et de son épouse [F] [P], à savoir la terre [Localité 16] sise à [Localité 12] a été partagé en 8 lots à revenir à leurs 8 enfants.

Aux termes de l’acte de notoriété dressé par Maître [L], notaire à [Localité 12], les 27 septembre et 1er octobre 2007, Madame [D] [W] a laissé pour lui succéder, chacun pour moitié :

– [T] [Y] [G] [A] née à [Localité 12] le 14 juin 1982 désignée légataire universelle aux termes d’un testament authentique reçu devant témoins par Maître [E] [L], notaire à [Localité 12], le 17 octobre 1984, enregistré le 22 février 2007 F° 79 Bord. 2415/1,

– [V] [S] a [C] né à [Localité 12] le 25 février 1944, son fils naturel dont la filiation a été établie à son égard par l’indication de son nom dans son acte de naissance conformément aux dispositions de l’article 311-25 du Code Civil tel qu’il est issu de l’ordonnance sur la filiation du 4 juillet 2005 qui dispose que la filiation est établie à l’égard de la mère par désignation de celle-ci dans l’acte de naissance ; celui-ci étant dit héritier réservataire à l’acte de notoriété.

Par requête en date du 25 mars 2011, Mademoiselle [T] [A] a saisi le tribunal civil de première instance de Papeete aux fins de voir ordonner le partage de la parcelle de terre cadastrée [Cadastre 7] sise à Papeete d’une superficie de 298 m2 entre elle et Monsieur [V] [C] et en conséquence de désigner un expert avec mission de former 2 lots.

Par acte authentique en date du 29 mars 2011, transcrit le 8 avril 2011, Monsieur [V] [C] a fait donation de ses droits indivis sur la parcelle [Cadastre 7] à Monsieur [K] [W] né le 28 novembre 1964.

Par jugement du 23 octobre 2013, le tribunal a renvoyé les parties devant la commission de conciliation obligatoire en matière foncière qui a dressé un procès-verbal de non conciliation.

Par requête du 3 décembre 2013, Madame [T] [A] a sollicité la licitation-partage de la terre cadastrée [Cadastre 7] sur la commune de [Localité 12] pour une superficie de 298 m2.

[K] [W] s’est vivement opposé à la licitation de la parcelle et a sollicité le partage en deux lots d’égale valeur.

Par jugement n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016, auquel il y a lieu de se référer pour l’exposé de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres, a retenu que la licitation en faveur d’un tiers présenterait un risque de perte sur la valeur du bien, compte tenu de la petite superficie et de l’emplacement de cette terre, auxquelles s’ajoutent des problèmes d’accès et de servitude de curage. Le Tribunal a notamment dit :

– Met hors de cause [V] [C] ;

– Rejette la demande de licitation de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à [Localité 12] présentée par [T] [A] ;

– Rejette la demande d’attribution préférentielle présentée par [K] [W] ;

– Ordonne le partage de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à [Localité 12], propriété des ayants-droit d'[D] [U] née le 18 octobre 1926 à [Localité 12] et décédée le 28 novembre 1986 à [Localité 12], en 2 lots d’égale valeur à revenir à :

> [K] [O] [X] [W] né le 28 novembre 1964 à [Localité 12] pour 1/2,

> [T] [Y] [G] [A] née le 14 juin 1982 à [Localité 12] pour 1/2,

– Condamne [K] [W] à payer à [T] [A] une indemnité d’occupation dont le montant sera fixé après expertise, pour l’occupation exclusive de la terre [Localité 17] ou [Localité 16] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à [Localité 12] depuis le 29 mars 2011 ;

Avant-dire droit,

– Fait injonction à [T] [A] de produire le jugement du tribunal de première instance de PAPEETE du 15 septembre 1961, transcrit le 21 octobre 1961, l’acte de notoriété après décès d'[D] [W] des 27 septembre et 1er octobre 2007 et le testament d'[D] [W] du 17 octobre 1984 ;

– Ordonne une mission d’expertise qui sera confiée à Monsieur [N] [J] expert géomètre près la Cour d’Appel de PAPEETE avec notamment mission de constituer les lots selon les quotités ci-dessus précisées et de procéder à leur évaluation ; et de évaluer le montant de l’indemnité d’occupation due par [K] [W] pour son occupation exclusive de la terre [Localité 17] ou [Localité 16] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à [Localité 12] depuis le 29 mars 2011, en tenant compte notamment de la valeur locative de la parcelle ;

– Fixe à 300 000 CFP le montant de la consignation que [K] [W] devra verser avant le 30 septembre 2016 ;

– Réserve les dépens.

Après qu’il ait été procédé au remplacement de l’expert, Monsieur [I] [B] a déposé son rapport le 3 mars 2020.

Par jugement n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021, auquel il y a lieu de se référer pour l’exposé de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ‘ section 2, a dit :

– Déboute [K] [W] de sa demande tendant à voir le tribunal déclarer [T] [A] irrecevable en sa poursuite de demande de partage et paiement d’indemnité d’occupation ;

– Déclare [T] [A] irrecevable en sa demande d’ordonner la licitation partage de la parcelle [Cadastre 18] cadastrée [Cadastre 7] située à [Localité 12] ;

– Homologue le rapport d’expertise de Monsieur [I] [B] du 3 mars 2020 ;

– Dit qu’il sera procédé au partage de la parcelle [Cadastre 18] cadastrée [Cadastre 7] située à [Localité 12] comme prévu au projet de plan de partage n° 1 de l’expert et attribue à :

> Mme [T] [A] la parcelle [Cadastre 1] en teinte mauve d’une superficie de 149 m2 à rattacher à la parcelle [Cadastre 5], évaluée à 7 450 000 XPF,

> M. [K] [W] la parcelle [Cadastre 3] en teinte jaune d’une superficie de 149 m2 à rattacher à la parcelle [Cadastre 8], évaluée à 7 450 000 [Localité 10] PACIFIQUES ;

– Dit que le rapport sera annexé au présent jugement et considéré comme en faisant partie ;

– Dit que, le cas échéant, les parties feront procéder au bornage et en tant que de besoin à l’élaboration du document d’arpentage ;

– Ordonne la transcription du présent jugement et du rapport y annexé au Bureau des Hypothèques de [Localité 12] ;

– Fixe l’indemnité due par [K] [W] à hauteur de 700 000 XPF à verser à Mme [T] [A] pour l’occupation exclusive de 2011 à 2016, et de 420 000 XPF pour l’occupation exclusive de 2016 à 2019 ;

– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile ;

– Met les dépens en frais privilégiés de partage.

Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 16 juillet 2021, Madame [T] [A], ayant pour avocat Maître Dominique ANTZ, a interjeté appel de ces deux jugements.

Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 15 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Madame [T] [A], demande à la Cour de :

– Infirmer les jugements entrepris des 8 juin 2016 et 16 mars 2021 ;

– Ordonner la licitation-partage de la parcelle litigieuse cadastrée [Cadastre 7] d’une superficie de 298 m2 ;

– Fixer la mise à prix à la somme de 14 Millions de FCP ;

– Débouter Monsieur [K] [W] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamner Monsieur [K] [W] à payer à Madame [T] [A] la somme de 2.100.000 FCP sur la période de 2006 à 2021 à titre d’indemnité d’occupation ;

– Condamner [K] [W] aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 14 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [K] [W], ayant pour avocat Maître Michel ETILAGE, demande à la Cour de :

À titre principal,

Sur le jugement du 08 juin 2016 :

– Voir déclarer irrecevable l’appel interjeté à l’encontre du jugement du 08 juin 2016 ;

À titre subsidiaire,

– Voir déclarer prescrite l’action en partage intentée par Madame [T] [A] depuis le 28 novembre 2016 ;

En conséquence,

– Voir infirmer le jugement du 08 juin 2016 en toutes ses dispositions ;

Sur le jugement du 16 mars 2021 :

– Voir confirmer le jugement du 16 mars 2021 en ce qu’il a déclaré [T] [A] irrecevable en sa demande d’ordonner la licitation partage de la parcelle [Cadastre 18] cadastrée [Cadastre 7] située à [Localité 12],

– Voir infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

> Débouté Monsieur [K] [W] de sa demande tendant à voir le tribunal déclarer [T] [A] irrecevable en sa poursuite de demande de partage et paiement d’indemnité d’occupation ;

> Dit qu’il sera procédé au partage de la parcelle [Cadastre 18] cadastrée [Cadastre 9] située à [Localité 12] comme prévu au projet de plan de partage n°1 de l’expert ;

> Attribué à Mme [T] [A] la parcelle [Cadastre 1] en teinte mauve d’une superficie de 149 m2 à rattacher à la parcelle [Cadastre 5], évaluée à 7 450 000 FCFP ;

> Attribué à M. [K] [W] la parcelle [Cadastre 3] en teinte jaune d’une superficie de 149 m2 à rattachez à la parcelle [Cadastre 8], évaluée à 7 450 000 FCFP ;

> Fixé l’indemnité due par [K] [W] à hauteur de 700 000 FCFP à verser à Mme [T] [A] pour l’occupation exclusive de 2011 à 2016, et de 420 000 FCFP pour l’occupation exclusive de 2016 à 2019,

Statuant à nouveau,

– Voir débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes de partage et indemnités À titre subsidiaire,

– Voir prendre acte de ce que Monsieur [K] [W] opte pour le projet 3 du plan de partage du lot CL 62 de la terre [Localité 17] ou [Localité 16] sis à [Localité 12] tel que proposé dans le rapport d’expertise de la SARL GEOMETRIX en date du 3 mars 2020 ;

– Attribuer à Monsieur [K] [W] la parcelle [Cadastre 3] d’une superficie de 130 m2 dont 39 m2 de servitude de curage tel que figurant dans ce projet 3 ;

– Voir prendre acte de ce que Monsieur [K] [W] est disposé à céder ses droits indivis portant sur la servitude de passage (cadastré [Cadastre 6]) uniquement au droit de la part qui reviendrait à la requérante, pour faciliter la viabilité de ce projet n°3 ;

– Voir ordonner le bornage et l’élaboration du document d’arpentage ;

– Voir ordonner la transcription du jugement au Bureau des hypothèques de [Localité 12] ;

– Voir fixer l’indemnité d’occupation due par Monsieur [K] [W] au titre de la superficie occupée de 16 m2 et non pas 298 m2 et en fixer le montant à la somme de 93 900 FCFP ;

– Condamner Mademoiselle [A] [T] à payer la somme de 250 000 FCFP à Monsieur [W] [K] sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens notamment d’expertise.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 18 novembre 2022 pour l’affaire être fixée à l’audience de la Cour du 23 février 2023. En l’état l’affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023, délibéré qui a dû être prorogé.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l’appel et de l’appel incident :

Aux termes de l’article 331 du code de procédure civile de la Polynésie française, lorsqu’un jugement comporte des dispositions définitives et des dispositions d’avant dire droit, appel des dispositions définitives peut être interjeté en même temps que l’appel sur le jugement définitif postérieur.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’appel de Madame [T] [A] à l’encontre du jugement n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021, qui met fin à l’instance, soit recevable.

L’article 331 du code de procédure civile de la Polynésie française rendant possible l’appel des dispositions définitives des jugements ayants précédé le jugement qui met fin à l’instance, Madame [T] [A] est recevable à remettre en cause le jugement n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016 qui a précédé le jugement n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021.

En conséquence, la Cour déclare recevable l’appel interjeté par Madame [T] [A] du jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016, et du jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ‘ section 2, n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021.

La recevabilité de l’appel incident de Monsieur [K] [W] n’est pas contestée.

Sur la qualité et l’intérêt à agir de Madame [T] [A] en partage de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] sise à [Localité 12] :

Aux termes des articles 45 et 46 du code de procédure civile de la Polynésie française, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixé, la chose jugée. Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

En application de l’article 2262 du code civil, dans sa version applicable en Polynésie française, toutes les actions tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi.

Les règles de prescription ont pour finalité de permettre de garantir la sécurité juridique. De plus, il est constant qu’au-delà d’un certain délai, rechercher et établir la réalité de certain fait devient par trop aléatoire, c’est pourquoi la prescription existe.

Cependant, aux termes de l’article 2252 du code civil, la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf ce qui est dit à l’article 2278 et à l’exception des autres cas déterminés par la loi.

En l’espèce, Madame [T] [A] est née le 14 juin 1982, la prescription des actions tant réelles que personnelles, qu’elle souhaiterait engagée en suite du testament dont elle a été bénéficiaire au décès de Madame [D] [W] le 28 novembre 1986 n’a pu commencer à courir qu’à compter de sa majorité, soit le 14 juin 2000. Aucune prescription trentenaire ne peut donc lui être opposée avant le 14 juin 2030.

De plus, il résulte de l’acte de notoriété dressé par Maître [L], notaire à [Localité 12], les 27 septembre et 1er octobre 2007 que, au décès de Madame [D] [W] le 28 novembre 1986, [V] [S] a [C] né à [Localité 12] le 25 février 1944, n’a pas de filiation juridique avec Madame [D] [W] pour ne pas avoir été reconnu par celle-ci.

En effet, le notaire mentionne que la filiation de [V] [S] a [C] a été établie à son égard par l’indication de son nom dans son acte de naissance conformément aux dispositions de l’article 311-25 du Code Civil tel qu’il est issu de l’ordonnance sur la filiation du 4 juillet 2005 qui dispose que la filiation est établie à l’égard de la mère par désignation de celle-ci dans l’acte de naissance.

Ainsi, en 1986, [V] a [C] n’a pas la qualité d’héritier réservataire. Il n’acquière cette qualité qu’après les évolutions législatives du 4 juillet 2005 quant à l’établissement de la filiation.

Or, aux termes de l’article 1006 du code civil, lorsqu’au décès du testateur il n’y aura pas d’héritiers auxquelles une quotité de ses biens soit réservée par la loi, le légataire universel sera saisi de plein droit par la mort du testateur, sans être tenu de demander la délivrance.

Et aux termes de l’article 1008 du code civil applicable aux successions ouvertes avant le 1er novembre 2017, dans le cas de l’article 1006, si le testament est olographe ou mystique, le légataire universel sera tenu de se faire envoyer en possession, par une ordonnance du président, mise au bas d’une requête, à laquelle sera joint l’acte de dépôt.

Ainsi, en l’absence d’héritier à réserve, le légataire universel, même tenu de se faire envoyer en possession lorsqu’il est institué par testament olographe, est saisi, de plein droit, de l’hérédité par la mort du testateur.

Ainsi, au décès de Madame [D] [W], Madame [T] [A] a été saisie de l’entier patrimoine de celle-ci pour avoir été instituée sa légataire universelle par testament authentique reçu devant témoins par Maître [E] [L], notaire à [Localité 12], le 17 octobre 1984. En l’absence d’héritier réservataire à cette date, il n’y avait pas lieu à demande de délivrance de legs.

Cependant, il résulte de l’attestation du notaire en date du 26 mars 2008 et de l’acte de notoriété dressé par Maître [L], notaire à [Localité 12], les 27 septembre et 1er octobre 2007 que la légataire n’a pas souhaité priver le fils de la défunte, dont la filiation juridique n’était pas établie, de ses droits à réserve. L’évolution législative ayant permis l’établissement juridique de la filiation maternelle de Monsieur [V] [S] a [C] sans qu’il ait eu à recourir à l’établissement de celle-ci par la possession d’état, Madame [T] [A] ne lui a pas opposé la liquidation de la succession par sa prise de possession de l’entier patrimoine.

Madame [T] [A] et Monsieur [V] [S] a [C] ont signé devant le notaire l’acte de notoriété aux termes duquel ils sont héritiers de Madame [D] [W] chacun pour moitié. Ils se sont ainsi mutuellement reconnus la qualité d’héritier de Madame [D] [W].

Il est par ailleurs acquis aux débats que Madame [D] [W] était propriétaire à son décès de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] ([Cadastre 11] de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15]) sise à [Localité 12].

Il en résulte que la qualité et l’intérêt à agir de Madame [T] [A] en partage de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] est établie et c’est à raison que le premier juge l’a déclaré recevable en son action en partage.

Sur la demande en partage de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] ([Cadastre 11] de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15]) pour une superficie de 298 m2, sise à [Localité 12] :

Aux termes de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué.

En l’espèce, compte tenu des éléments développés ci-dessus et Monsieur [V] a [C] ayant fait donation de ses droits indivis sur la parcelle à Monsieur [K] [W] par acte authentique du 29 mars 2011, c’est à raison que le premier juge, en son jugement n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016 a ordonné le partage de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à [Localité 12], propriété des ayants-droit d'[D] [U] née le 18 octobre 1926 à [Localité 12] et décédée le 28 novembre 1986 à [Localité 12], en 2 lots d’égale valeur à revenir à :

> [K] [O] [X] [W] né le 28 novembre 1964 à [Localité 12] pour 1/2,

> [T] [Y] [G] [A] née le 14 juin 1982 à [Localité 12] pour ¿.

Sur la demande de Madame [T] [A] de vente par licitation de la parcelle cadastrée à [Adresse 13] :

Les articles 841 du Code civil et 677-1 du Code de procédure civile de la Polynésie française posent le principe d’un partage en nature des biens indivis et ne permettent au tribunal d’ordonner leur vente par adjudication que si ces biens ne peuvent être facilement partagés ou attribués, ce qui doit être démontré par ceux des coindivisaires qui sollicitent une telle licitation.

Et selon l’article 827 du Code civil, un partage en nature suppose que puisse être formé un nombre de lots en principe égal au nombre de copartageants selon les prescriptions de ce même article.

En l’espèce, la cour ignore si le patrimoine de Madame [D] [W] était constitué d’autres biens que la parcelle cadastrée [Cadastre 7] ([Cadastre 11] de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15]) pour une superficie de 298 m2 et s’il aurait été possible à Madame [T] [A] et à Monsieur [V] [S] a [C] de procéder à un partage qui permette que cette parcelle d’une très petite superficie soit attribuée à un seul d’entre eux dans le cadre de la constitution des lots du partage.

S’il eut pu être plus efficient de partager l’ensemble de la masse successorale entre Madame [T] [A] et Monsieur [V] a [C] pour éviter toute licitation, Monsieur [V] [S] a [C] ayant fait donation de ses droits sur cette parcelle à Monsieur [K] [W], la partition ou la licitation de cette parcelle ne peut être évitée, les parties se refusant à trouver un accord au détriment de leurs droits respectifs.

En effet, il résulte tant de l’expertise privée de Monsieur [H] en date du 11 octobre 2010, produite par Madame [T] [A], que de l’expertise de Monsieur [B], missionné par le premier juge, que si la parcelle est plate et très centrale, elle est desservie par une servitude de seulement 3 mètres ; que la promiscuité des autres maisons n’est pas flatteuse ; qu’elle est inondable, et grevée d’une zone de curage importante ; que surtout sa superficie est telle qu’elle est inconstructible, les règles d’urbanisme exigeant une superficie minimales de 400 m2 et la possibilité d’inscrire un cercle de 15 mètres de diamètre.

Il s’en déduit que la seule possibilité de valoriser cette parcelle est qu’elle puisse être rattachée aux parcelles riveraines, la parcelle [Cadastre 8], propriété indivise des parents de Madame [T] [A] pour un quart, de Monsieur [K] [W] pour un quart, de [R] [W] pour un quart et Monsieur [D] [W] pour un quart et la parcelle [Cadastre 5], propriété des parents de Madame [T] [A].

Ainsi, si la parcelle est scindée en deux telle que retenue par le premier juge au projet n°1 de l’expert [B], à savoir, deux parcelles de superficie équivalente 149 m2, grevée l’une et l’autre d’une servitude de 66 m2, pour une valeur égale, il est possible de valoriser la parcelle [Cadastre 8], propriété indivise de Monsieur [K] [W] et des parents de Madame [T] [A] qui aura alors la superficie d’une parcelle constructible, 419 m2, si Monsieur [K] [W] envisageait de céder ses droits à l’indivision propriétaire de la parcelle [Cadastre 8].

Les projets n°2 et n°3 de l’expertise, établis sur les dires du conseil de Monsieur [K] [W], ne peuvent pas être retenues par la cour, l’expert affirmant que les deux lots ont une même valeur, 7.450.000 francs pacifiques, alors que les superficies non grevées de servitude de curage sont très différentes sans que l’expert n’en explique la raison. Seul le projet n°1 respecte les quotités du partage.

S’il est constant que la vente du bien indivis est incontournable si le partage conduit à constituer des lots inconstructibles et inexploitables sur une parcelle qui permet construction et exploitation, la constitution de deux lots exploitables par jonction aux parcelles riveraines sur une parcelle indivise inexploitable permet par contre un partage en nature sans recourir à une licitation.

Ainsi, c’est à raison que le premier juge en son jugement du n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016 a retenu que la parcelle [Cadastre 7] étant inconstructible, la licitation de celle-ci présenterait un risque de perte sur la valeur du bien et qu’il a ordonné la constitution de deux lots en nature d’égale valeur.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, la cour confirme le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres, n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016, en ce qu’il a rejeté la demande de licitation de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à PAPEETE présentée par [T] [A] ; et le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ‘ section 2, jugement n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021, en ce qu’il a dit qu’il sera procédé au partage de la parcelle [Cadastre 18] cadastrée [Cadastre 7] située à PAPEETE comme prévu au projet de plan de partage n° 1 de l’expert et attribue à :

> Mme [T] [A] la parcelle [Cadastre 1] en teinte mauve d’une superficie de 149 m2 à rattacher à la parcelle [Cadastre 5], évaluée à 7 450 000 XPF,

> M. [K] [W] la parcelle [Cadastre 3] en teinte jaune d’une superficie de 149 m2 à rattacher à la parcelle [Cadastre 8], évaluée à 7 450 000 [Localité 10] PACIFIQUES.

Sur la demande de voir dit Monsieur [K] [W] redevable d’une indemnité d’occupation à l’indivision :

Aux termes de l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. À défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. L’indemnité d’occupation correspond à une indemnité directement liée à l’immobilisation du bien indivis. La jouissance privative d’un bien indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d’user de la chose.

En l’espèce, s’il est constant que la maison de Monsieur [K] [W] implantée sur la parcelle [Cadastre 8] empiète sur la parcelle [Cadastre 7], Madame [T] [A], sur qui repose la charge de la preuve, ne démontre pas qu’il a occupé la totalité de la parcelle et surtout qu’il en a interdit l’accès à Madame [T] [A]. Il n’est notamment pas fait état de clôture et de verrouillage d’un éventuel portail. Aucun acte d’huissier n’est produit pour constater qu’il ait été fait interdiction à Madame [T] [A], ou à ses parents d’entrer sur la parcelle et d’en jouir. Au contraire, il ressort des expertises et des plans produits que l’empiètement de la maison de Monsieur [K] [W] est de 16 m2 sur la parcelle indivise.

Ainsi, il n’est pas démontré que Monsieur [K] [W] ait exclu Madame [T] [A] de l’usage de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] sise à [Localité 12].

En conséquence, la cour dit que Monsieur [K] [W] n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation à l’indivision et infirme le jugement Tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres, n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016, en ce qu’il a condamné [K] [W] à payer à [T] [A] une indemnité d’occupation dont le montant sera fixé après expertise, pour l’occupation exclusive de la terre [Localité 17] ou [Localité 16] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à PAPEETE depuis le 29 mars 2011 ; ainsi que le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ‘ section 2, n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021, en ce qu’il a fixé l’indemnité due par [K] [W] à hauteur de 700 000 XPF à verser à Mme [T] [A] pour l’occupation exclusive de 2011 à 2016, et de 420 000 XPF pour l’occupation exclusive de 2016 à 2019.

Sur les autres demandes :

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés par elle devant la Cour et non compris dans les dépens.

Madame [T] [A] doit être condamnée aux dépens d’appel, les frais d’expertise étant par ailleurs à partager à part égale entre Madame [T] [A] et Monsieur [K] [W].

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

DÉCLARE recevables l’appel interjeté par Madame [T] [A] et l’appel incident interjeté par Monsieur [K] [W] du jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016, et du jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ‘ section 2, n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021 ;

CONFIRME le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres, n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016 sauf en ce qu’il a condamné [K] [W] à payer à [T] [A] une indemnité d’occupation dont le montant sera fixé après expertise, pour l’occupation exclusive de la terre [Localité 17] ou [Localité 16] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à PAPEETE depuis le 29 mars 2011 ;

INFIRME le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, chambre des terres, n° RG 14/00002, n° de minute 257/ADD en date du 8 juin 2016 seulement en ce qu’il a condamné [K] [W] à payer à [T] [A] une indemnité d’occupation dont le montant sera fixé après expertise, pour l’occupation exclusive de la terre [Localité 17] ou [Localité 16] : [Cadastre 11] cadastrée [Cadastre 7] à PAPEETE depuis le 29 mars 2011 ;

INFIRME le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ‘ section 2, n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021, seulement en ce qu’il a fixé l’indemnité due par [K] [W] à hauteur de 700 000 XPF à verser à Mme [T] [A] pour l’occupation exclusive de 2011 à 2016, et de 420 000 XPF pour l’occupation exclusive de 2016 à 2019 ;

CONFIRME le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ‘ section 2, n° RG 14/00002, n° de minute 84 en date du 16 mars 2021, en toutes ses autres dispositions ;

Et statuant de nouveau

DIT que Monsieur [K] [W] n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation à l’indivision propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 7] ([Cadastre 11] de la terre [Localité 17] ou [Cadastre 15]) pour une superficie de 298 m2, sise à [Localité 12] ;

Y ajoutant,

REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt,

CONDAMNE Madame [T] [A] aux dépens d’appel, les frais d’expertise étant par ailleurs à partager à part égale entre Madame [T] [A] et Monsieur [K] [W].

Prononcé à [Localité 12], le 22 juin 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ

 


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