Droits des héritiers : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02700

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Droits des héritiers : 21 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02700

21 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/02700

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 21 JUIN 2023

(n° 2023/ , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02700 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFZU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2022 – Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL – RG n° 21/00306

APPELANT

Monsieur [D] [PI]

né le 07 Juillet 1972 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Adresse 1] (BELGIQUE)

représenté et plaidant par Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS, toque : A619

INTIME

Monsieur [M] [I]

né le 17 Mai 1946 à [Localité 14] (66)

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Thierry GAUTHIER-DELMAS de la SELAS GAUTHIER-DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A796

ayant pour avocat plaidant Me Clémence AUBERGER de la SELAS GAUTHIER- DELMAS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme [U] [T] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[L] [Y] est décédée à [Localité 12] le 15 novembre 2009 sans postérité.

Son père, [O] [Y] est prédécédé le 6 novembre 1981 et sa mère, [H] [Z] veuve [Y] le 9 octobre 2004.

[O] [Y] avait créé le 1er janvier 1975 une société civile immobilière dénommée [Adresse 5], qui était propriétaire d’un hôtel particulier situé [Adresse 5] à [Localité 7] (94).

Au décès de sa mère, [L] [Y] son unique héritière est ainsi devenue propriétaire de l’ensemble des 1 000 parts sociales composant le capital de cette société, outre tous les autres biens mobiliers et immobiliers composant la succession de celle-ci.

Par déclaration de don manuel du 18 juin 2009, [L] [Y] a fait donation à M. [I] de la nue-propriété des 1 000 parts de la SCI [Adresse 5], en conservant l’usufruit. Celui-ci deviendra le 1er avril 2010 le gérant de cette société.

Par ordonnance du 30 mars 2010, le président du tribunal de grande instance de Créteil a envoyé [R] [KV], cousine germaine de [L] [Y], en possession du legs universel figurant dans le testament de cette dernière.

Par acte notarié du 25 mai 2010, M. [I] a obtenu la délivrance du legs particulier portant sur le bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 16] (14).

[R] [KV], de nationalité belge, est décédée à [Localité 12] le 12 avril 2018.

Elle avait rédigé un testament public, daté du 11 mars 2016, ouvert le 11 juin 2018 à [Localité 11] en Suisse, par lequel elle soumettait ses dernières volontés à la loi belge et instituait quatre légataires :

-ses deux fils, MM. [D] et [P] [PI],

-Mme [F] [G], compagne de [P] [PI],

-sa petite-fille, Mme [K] [PI], fille de [P] [PI].

Par acte d’huissier du 31 décembre 2020, M. [D] [PI] a assigné M. [I] devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins principalement de voir constater la nullité pour vice de forme du fait du non respect des articles 931 et 931-1 du code civil de la donation des parts sociales de la SCI [Adresse 5] consentie par [L] [Y] à M. [I] le 18 juin 2009 et la caducité du legs particulier consenti à ce dernier par le testament du 2 février 1997 et ordonner la réintégration à l’actif successoral de l’objet de cette donation et du legs qui lui ont été consentis.

M. [M] [I] ayant soulevé à titre incident plusieurs irrecevabilités à l’encontre des demandes de M. [D] [PI], cet incident a été renvoyé devant la formation de jugement du fait que l’existence du dol imputé par M. [D] [PI] à M. [M] [I] était une question de fond qui devait être tranchée préalablement aux fins de non recevoir.

Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a statué dans le cadre de cet incident dans les termes suivants :

-dit que M. [PI] a qualité et intérêt à agir en caducité et en restitution du legs particulier et en réintégration des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et du bien immobilier situé à [Localité 16] à l’actif de la succession d'[R] [KV],

-dit que le dol n’est pas constitué dans le cadre de la cession des parts sociales de la SCI [Adresse 5],

-dit que le dol n’est pas constitué dans le cadre de la délivrance du legs à Mme [R] [KV] par acte authentique du 25 mai 2010 reçu en l’étude de Maître [C] [J], notaire à [Localité 13],

-déclare irrecevable comme prescrite l’action de M. [PI] en nullité de la donation par don manuel faite le 18 juin 2009 par [L] [Y] à M. [I], portant sur les parts sociales de la SCI [Adresse 5],

-déclare irrecevable comme prescrite l’action de M. [PI] en nullité de l’acte de délivrance du legs, en caducité et en restitution du legs particulier et en réintégration des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et du bien immobilier situé à [Localité 16] à l’actif de la succession d'[R] [KV],

-renvoie les parties à l’audience de mise en état du 15 Mars 2022 à 9 h 30 pour conclusions sur le surplus des demandes formées au fond,

-condamne M. [PI] aux dépens du présent incident.

M. [D] [PI] a interjeté appel de ce jugement par deux déclarations d’appel du 1er février 2022 qui ont été enregistrés sous les numéro RG 22/02700 et 22/02703.

Les actes d’appel visent comme chefs critiqués du jugement les mêmes chefs, à savoir ceux qui ont retenu que le dol n’était pas constitué dans le cadre de la cession des parts sociales de la SIC [Adresse 5] et de la délivrance du legs particulier consenti à M. [M] [I] et ont déclaré prescrites l’action en nullité de la donation par don manuel des parts sociales de cette SCI et en nullité de l’acte de délivrance du legs consenti à ce dernier, les actions en caducité, en restitution et en réintégration des parts sociales précitées et du bien immobilier à l’actif de la succession de [R] [KV].

Par ordonnance du 8 mars 2022 les deux procédures ont été jointes sous le numéro RG 22/02700.

Le 30 mars 2022, l’affaire a été fixée à bref délai en vertu de l’article 905 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, l’appelant demande à la cour de :

à titre principal :

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 18 janvier 2022 :

*en ce qu’il a dit qu’aucun dol n’était constitué dans le cadre de la cession des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et dans le cadre de la délivrance du legs par acte authentique du 25 mai 2010,

* en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité de la donation par don manuel faite le 18 juin 2009 par [L] [Y] à Maître [M] [I], portant sur les parts sociales de la SCI [Adresse 5],

* en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité de l’acte de délivrance du legs, en caducité et en restitution du legs particulier et en réintégration des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et du bien immobilier situé à [Localité 16] à l’actif de la succession d'[R] [KV],

et, statuant à nouveau :

– dire qu’un dol est constitué dans le cadre de la cession des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et dans le cadre de la délivrance du legs par acte authentique du 25 mai 2010,

– juger recevable et non prescrite l’action de M. [D] [PI] aux fins de nullité de la donation en date du 18 juin 2009 de la nue-propriété des parts sociales de la SCI [Adresse 5],

– juger recevable et non prescrite l’action de M. [D] [PI] aux fins de nullité de l’acte de délivrance du legs en date du 25 mai 2010 portant sur le bien immobilier situé à [Localité 16],

– renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Créteil pour discuter des demandes principales en nullité de la donation de la nue-propriété des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et en nullité de l’acte de délivrance du legs du bien immobilier de [Localité 16], au fond,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel confirmait le jugement du 18 janvier 2022 :

– renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Créteil pour discuter des demandes subsidiaires de condamnation de Maître [M] [I], au fond,

en tout état de cause :

– condamner Maître [M] [I] à verser 20 000 € à M. [D] [PI] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Maître [M] [I] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 27 juillet 2022, M. [M] [I], intimé, demande à la cour de :

à titre principal,

-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 18 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

-débouter M. [D] [PI] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire, si la cour infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 18 janvier 2022,

-débouter M. [D] [PI] de sa demande de nullité de l’acte de donation de part sociales,

-débouter M. [D] [PI] de sa demande de nullité de l’acte de délivrance de legs,

-débouter M. [D] [PI] de ses demandes d’évocation à titre subsidiaire,

à titre infiniment subsidiaire, s’il était fait droit à la demande d’évocation des demandes subsidiaires de M. [D] [PI],

-renvoyer le dossier à la mise en état pour les demandes de M. [D] [PI],

en tout état de cause,

-condamner M. [D] [PI] au paiement des entiers dépens de l’instance,

-condamner M. [D] [PI] à payer à M. [M] [I] la somme de 10 000 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.

Après le prononcé de l’ordonnance de l’ordonnance de clôture, M. [M] [I] a remis des conclusions le 21 mars 2023 pour demander le rejet des conclusions n°2 de l’appelant et de ses pièces 55 à 56 déposées le jour fixé pour la clôture de l’instruction ; leur dispositif reprennent par ailleurs les mêmes chefs qui figuraient dans ses écritures remises le 27 juillet 2022.

L’affaire, appelée à l’audience du 12 avril 2023, a été plaidée à cette date.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité et la régularité des dernières écritures remises par les parties

L’article 16 du code de procédure civile énonce le principe que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

En l’espèce, l’appelant a remis un deuxième jeu de conclusions le 21 mars 2023 par lesquelles il modifie ses prétentions, ne faisant plus de demande d’évocation du litige mais demandant à la cour de renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Créteil pour le cas où elle confirmerait le jugement ; il y ajoute également de nouveaux arguments en fait et en droit.

Certes, ces conclusions ont été remises à 12h13 avant le prononcé de l’ordonnance de clôture fixée le 21 mars à 13 heures, soit le jour même et moins d’une heure avant l’heure fixée pour la clôture de l’instruction, les parties ayant été avisées dès le 30 mars 2022 du calendrier de procédure portant sur la date et l’heure de l’ordonnance de clôture et des plaidoiries. Les précédentes conclusions de l’intimé ayant été remises le 27 juillet 2022, l’appelant bénéficiait donc d’un temps largement suffisant pour y répliquer, ce dernier ne fait d’ailleurs état d’aucun élément factuel qui l’en aurait empêché.

En remettant des conclusions le jour même à 17h06, l’intimé a fait preuve de diligence mais il n’empêche que ses conclusions remises postérieurement à l’ordonnance de clôture sont irrecevables car tardives.

Cependant, l’appelant en remettant ses écritures quelques instants avant la date et l’heure fixées pour la clôture de l’instruction, n’a pas laissé un temps suffisant à l’intimé pour y répondre avant le prononcé de l’ordonnance de clôture.

Les conclusions de l’appelant remises le 21 mars 2023 à 12h13 qui portent atteinte au principe de la contradiction, seront donc déclarées irrecevables.

La cour statuera en conséquence au vu des conclusions de M. [D] [PI] remises le 28 juin 2022 par lesquelles il demande à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement du 18 janvier 2022 :

* en ce qu’il a dit qu’aucun dol n’était constitué dans le cadre de la cession des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et dans le cadre de la délivrance du legs par acte authentique du 25 mai 2010 ;

* en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité de la donation par don manuel faite le 18 juin 2009 par [L] [Y] à Me [M] [I], portant sur les parts sociales de la SCI [Adresse 5] ;

* en ce qu’il a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité de l’acte de délivrance du legs, en caducité et en restitution du legs particulier et en réintégration des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et du bien immobilier situé à [Localité 16] à l’actif de la succession d'[R] [KV] ;

Et, statuant à nouveau :

-juger recevable et non prescrite l’action de M. [D] [PI] aux fins de nullité de la donation en date du 18 juin 2009 de la nue-propriété des parts sociales de la SCI [Adresse 5] ;

-juger recevable et non prescrite l’action de M. [D] [PI] aux fins de nullité de l’acte de délivrance du legs en date du 25 mai 2010 portant sur le bien immobilier situé à [Localité 16] ;

Par conséquent,

– évoquer l’affaire ;

– juger que la donation manuelle de la nue-propriété des parts sociales de la SCI [Adresse 5] consentie par madame [L] [Y] à Me [M] [I] est nulle pour vice de forme et privée d’effet ;

-juger que l’acte de délivrance du legs particulier consenti par madame [R] [KV] à Me [M] [I] est nul pour défaut de consentement ;

-ordonner la restitution par Me [M] [I] des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et la réintégration des parts sociales de la SCI [Adresse 5] à l’actif de la succession de madame [R] [KV] ;

-ordonner la restitution du legs particulier consenti à Me [M] [I] et la réintégration du bien immobilier situé au [Adresse 2], [Localité 16] à l’actif de la succession de madame [R] [KV] ;

-condamner Me [M] [I] à verser à l’actif de la succession de madame [R] [KV] une indemnité d’occupation, a minima, chiffrée à 463.500 € pour la jouissance, depuis le 15 novembre 2009, du bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 7] ;

-condamner Me [M] [I] à verser à l’actif de la succession de madame [S] [KV] une indemnité d’occupation, a minima, chiffrée à 62.750 € pour la jouissance, depuis le 14 juin 2010, du bien immobilier situé au [Adresse 2],

[Localité 16] ;

-ordonner la publication du jugement à venir aux services de la publicité foncière des lieux de situation des biens immobiliers, en l’occurrence le service de la publicité foncière de [Localité 15] et le service de la publicité foncière de [Localité 8] ;

-désigner tel notaire qui plaira au tribunal afin qu’il se charge de procéder à la réintégration des biens restitués dans l’actif de la succession de madame [R] [KV] ;

A titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement du 18 janvier 2022 :

-évoquer l’affaire et examiner les demandes subsidiaires de M. [D] [PI] non jugées par le jugement du 18 janvier 2022 ;

-juger que Me [M] [I] a commis des fautes dans l’exercice de son mandat à l’encontre de madame [R] [KV] ;

– juger que les fautes commises par Me [M] [I] ont causé un préjudice matériel à madame [R] [KV] qui consiste en la perte de chance de demander la restitution des parts sociales de la SCI [Adresse 5], la perte de chance de refuser la délivrance du legs de l’appartement situé à [Localité 16] et la perte de chance de pouvoir jouir de ces biens;

Par conséquent,

-condamner Me [M] [I] à payer à l’actif de la succession de madame [R] [KV] une indemnisation au titre de la perte de chance de jouir du bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 7], depuis le 15 novembre 2009, a minima, chiffrée à 463.500 € ;

-condamner Me [M] [I] à payer à l’actif de la succession de madame [R] [KV] une indemnisation au titre de la perte de chance de jouir du bien immobilier situé à [Localité 16], depuis le 14 juin 2010, a minima, chiffré à 62.750 € ;

-condamner Me [M] [I] à payer à l’actif de la succession de madame [R] [KV] une indemnisation à hauteur de la valeur des biens immobiliers situés [Adresse 2], [Localité 16] et au [Adresse 5] à [Localité 7] ;

Et, pour ce faire,

-désigner tel expert judiciaire en matière d’évaluation immobilière qu’il plaira à la cour de nommer, avec pour mission de :

o Entendre les parties, leurs conseils et tout sachant ;

o Recueillir les explications des parties et se faire communiquer par les parties tous les documents ou pièces qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment tous les documents ou informations en matière fiscale ;

o Procéder à une évaluation de la valeur des biens immobiliers situés [Adresse 2], [Localité 16] et au [Adresse 5] à [Localité 7] ;

En tout état de cause :

-condamner Me [M] [I] à verser 20.000 € à M. [D] [PI] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner Me [M] [I] aux entiers dépens.

Sur l’objet du litige

A son décès survenu alors qu’elle était âgée de 56 ans, [L] [Y] ne laissait aucun héritier réservataire.

Les parties s’accordent sur le fait que la mention « après moi » figurant dans la phrase du testament « si Madame [H] [Y] née [Z] venait à décéder après moi » est une inversion résultant d’une simple erreur matérielle, [L] [Y] ayant voulu dire « avant moi ». L’institution d'[R] [KV] en tant que légataire universel de [L] [Y] ne fait donc pas débat entre les parties. (cf page 6 des conclusions de M. [D] [PI] et page 3 des conclusions de M. [M] [I])

M. [D] [PI] agit en sa qualité d’héritier de sa mère [R] [KV] afin de recomposer la masse successorale de cette dernière ; il poursuit d’une part la nullité du don manuel des parts sociales de la société civile immobilière [Adresse 5], consenti par [L] [Y] à M. [M] [I].

D’autre part, contestant l’existence de la nomination de M. [M] [I] en tant qu’exécuteur testamentaire du fait de l’institution d’un légataire universel et faisant valoir que le legs particulier consenti à M. [M] [I] présentait un caractère rémunératoire de la charge de la mission d’exécuteur testamentaire qui n’existe donc plus en l’absence de cette mission, M. [D] [PI] agit en nullité de l’acte de délivrance de ce legs.

Le litige dévolu à la cour par l’appel porte sur la prescription de l’action en nullité du don manuel du 18 juin 2009 portant sur les parts sociales de la SCI [Adresse 5] et sur la prescription de l’action en nullité de l’acte de délivrance du legs particulier portant sur le bien immobilier de [Localité 16] et sur les actions subséquentes en restitution et en réintégration à la masse successorale de l’objet du don manuel et du legs particulier, les chefs du jugement ayant rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de M. [D] [PI] n’ayant pas été visés à l’acte d’appel.

Dans le cadre de l’appréciation d’un report du délai de prescription relatif à ces actions, les premiers juges conformément aux dispositions de l’article 789 du code de procédure civile ont statué par deux chefs distincts au dispositif du jugement sur les questions de fond devant être tranchées préalablement aux fins de non recevoir en retenant que le dol n’était pas constitué dans le cadre de la cession des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et dans le cadre de la délivrance du legs par acte authentique du 25 mai 2010 ; le litige dévolu à la cour porte donc aussi sur l’existence du dol.

Le chef du dispositif du jugement sur la délivrance du legs est affecté d’une erreur matérielle ; en effet, a été employée la préposition « à » à la place de « par » ce qui par une lecture littérale rend [R] [KV] bénéficiaire de ce legs. Il y a donc lieu de rectifier le jugement ainsi qu’il suit.

Sur la prescription de l’action en nullité de la délivrance du legs particulier consenti à M. [M] [I]

Les premiers juges ont appliqué à cette action la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil dont ils ont fait partir le point de départ au 25 mai 2010, date de l’acte de délivrance du legs de sorte que le 31 décembre 2020, date de l’assignation, ce délai était expiré depuis le 25 mai 2015.

Pour rejeter la demande de M. [D] [PI] de voir reporter le délai de prescription à la date du décès d'[R] [KV], écartant ainsi l’hypothèse d’un dol, les premiers juges se sont déterminés par les motifs suivants :

-M. [D] [PI] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un dol ou d’une fraude susceptible de repousser le point de départ de la prescription de l’action en nullité mais soutient seulement que le notaire auteur de l’acte de délivrance du legs en a fait une interprétation erronée,

-M. [D] [PI] ajoute sans en rapporter la preuve qu’à la date de l’acte de délivrance du legs particulier, et faute d’explication par M. [M] [I] du contenu du testament à sa cliente [R] [KV], celle-ci aurait été induite en erreur sur le contenu du testament quant à la qualité d’exécuteur testamentaire de M. [M] [I] et sur le « diamant » sanctionnant cette qualité, l’ayant crû seulement bénéficiaire d’un legs particulier, alors même que la délivrance du legs a été réalisée par acte authentique, en la présence d'[R] [KV], et qu’elle avait elle-même été trois ans auparavant envoyée en possession de son propre legs contenu dans le testament de [L] [Y],

-si l’on se place à la date du décès de la testatrice, sa mère, légataire universelle, était bien prédécédée ce qui déclenchait la mise en ‘uvre de la mission d’exécuteur testamentaire de M. [M] [I],

-que le testament de [L] [Y] mentionne in fine, relativement aux pouvoirs de l’exécuteur testamentaire la mention suivante « (‘) et enfin après apurement du passif et paiement des legs particuliers, je le charge d’en répartir le montant du produit par parts égales à mes légataires universels » ce qui établit la volonté de la testatrice de missionner un exécuteur testamentaire en présence de légataires universels vivants,

-il ressort de l’attestation rédigée le 12 septembre 2021 par M. [P] [PI], frère du défendeur au présent incident, fils d'[R] [KV] et neveu de [L] [Y], que sa mère était parfaitement informée des volontés de [L] [Y] et des liens d’amitié de cette dernière avec M. [M] [I], et qu’une fois légataire universelle de cette dernière, sa mère n’a jamais envisagé de remettre en cause les libéralités faites par sa cousine [L] [Y] à M. [M] [I].

L’appelant réfute que M. [M] [I] ait été institué l’exécuteur testamentaire de [L] [Y] par le testament de celle-ci aux motifs qu'[R] [KV], légataire universel que la défunte avait institué était en vie au décès de cette dernière ; qu'[R] [KV] ayant été valablement envoyée en possession, M. [M] [I] n’avait pas lieu d’occuper les fonctions d’exécuteur testamentaire ; que le legs particulier consenti au profit de M. [M] [I] constituant un émolument en contrepartie de sa mission d’exécuteur testamentaire, en l’absence de mise en ‘uvre d’une telle mission, ce legs est devenu caduc; que celui-ci contrairement aux prescriptions de l’article 1030-2 du code civil, M. [M] [I] ne s’est pas fait envoyer en possession pour exécuter sa mission d’exécuteur testamentaire ; qu'[R] [KV] a été induite en erreur par M. [M] [I] sur la portée du testament alors même qu’il était son conseil.

L’erreur commise par [R] [KV] alléguée par M. [D] [PI] consiste à avoir pensé que M. [M] [I] avait bien droit au legs particulier portant sur le bien immobilier de [Localité 16] alors même qu’il n’y avait pas lieu à mettre en ‘uvre sa mission d’exécuteur testamentaire de [L] [Y] ; cette erreur réside dans la confusion de la nature de ce legs et de l’aptitude de M. [M] [I] à en bénéficier ; il soutient que cette erreur est nécessairement le résultat des agissements de M. [M] [I] puisque celui-ci était son conseil et son homme de confiance et qu’il lui revenait en conséquence de préserver les intérêts de cette dernière et de lui conseiller de ne pas participer à la délivrance de ce legs ; mais qu’au lieu d’agir de la sorte, il a fait primer son intérêt personnel au détriment de ceux d'[R] [KV]. Il impute ainsi à M. [M] [I] une réticence dolosive.

L’intimé soutient pour sa part que l’action en nullité de l’acte de délivrance du legs se prescrit par cinq ans à compter de l’acte de délivrance du legs ; il conteste toute man’uvre dolosive de sa part, faisant valoir que le frère de M. [D] [PI] atteste qu'[R] [KV] n’a jamais envisagé de remettre en cause les libéralités faites par [L] [Y], sa cousine à M. [M] [I] ; qu'[R] [KV] était parfaitement consciente des libéralités qui avaient été faites à M. [M] [I] ; que l’acte de délivrance du 25 mai 2010 précise les caractéristiques du legs consenti à M. [M] [I] et notamment son caractère rémunératoire ; qu’il n’est pas le rédacteur de l’acte de délivrance du legs particulier qui lui a été consenti ; que [R] [KV] a été dûment représentée à cet acte par un clerc de l’étude notariale et non par lui ; qu’il est impossible qu’un dol ait pu avoir lieu alors que même que cet acte a été reçu par notaire selon les solennités requises ; qu'[R] [KV] elle-même envoyée en possession de son legs universel trois ans auparavant ne pouvait pas ne pas avoir conscience de la portée du testament dont elle avait eu une parfaite connaissance pour avoir demandé son envoi en possession.

Les parties ne contestent pas que l’action en nullité de l’acte de délivrance du legs est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil qui prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ». Mais, elles s’opposent sur le point de départ du délai de prescription de cette action.

M. [D] [PI] invoque le report par l’article 1144 du code civil issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du délai de prescription de l’action en nullité en cas d’erreur ou de dol au jour où ils ont été découverts ; le tribunal a écarté l’application de cet article faute pour ce dernier d’avoir démontré l’existence d’une erreur ou d’un dol au préjudice de sa mère.

Ce texte a repris la règle déjà posée par l’article 1304 ancien du code civil qui prévoyait qu’en cas d’erreur ou de dol, la prescription de l’action en nullité ne court que du jour où ils ont été découverts.

Cette règle ne contredit pas le principe général posé par l’article 2224 selon lequel la prescription ne peut courir à l’encontre du titulaire du droit qui n’a pas été mis en mesure d’avoir la connaissance des faits lui permettant d’agir, mais vient l’adapter à l’action en nullité pour erreur ou dol en précisant les faits, à savoir le dol ou l’erreur dont la connaissance est nécessaire pour agir.

La circonstance que l’acte de délivrance du legs ait été passé par acte authentique devant notaire ne permet pas d’écarter contrairement à ce que prétend M. [M] [I] toute possibilité d’erreur ou de dol.

C’est de façon erronée que les premiers juges ont retenu qu'[R] [KV] avait été présente lors de la passation de l’acte de délivrance du legs reçu le 25 mai 2010 ; en effet, cet acte la concernant porte la mention « non présente à l’acte » mais indique qu’elle est représentée par M. [V] [E], clerc de notaire aux termes d’une procuration en date du 3 février 2010 ; en revanche, M. [M] [I] était personnellement présent à ce acte qu’il a signé de sa main. [L] [Y] n’a donc pas pu être éclairée lors de la passation de l’acte par le notaire qui l’a reçu sur sa portée et sur celle du testament.

La cour relève que cette procuration antérieure de plus de trois mois à l’acte de délivrance du legs n’a pas été versée aux débats alors qu’elle était annexée à l’acte du 25 mai 2010 ; il n’est pas établi que cette procuration informait spécifiquement [R] [KV] sur les particularités du legs particulier consenti à M. [M] [I] et sur les effets de l’acte de délivrance de ce legs et qu’elle n’ait pas été établie en des termes généraux en vue de permettre l’accomplissement de tous les actes nécessaires au règlement de toute la succession, ce qui est habituel dans la pratique notarial.

Par ailleurs, [R] [KV] a été envoyée en possession du legs universel par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Créteil du 31 mars 2010, soit un mois et 25 jours avant l’acte de délivrance querellé et non pas trois ans auparavant contrairement à ce qu’a retenu le tribunal et continue de soutenir M. [M] [I] contre toute vraisemblance eu égard à la date du décès de [L] [Y] survenu le 15 novembre 2009 ; il ne s’est donc pas écoulé un laps de temps important entre l’envoi en possession et la délivrance du legs qui aurait pu être mis à profit par [R] [KV] pour appréhender la portée du testament comme le laisse entendre la motivation des premiers juges.

Il n’empêche que le point de départ de l’action en nullité de l’acte de délivrance du legs particulier au profit de M. [M] [I] court à compter de cet acte, que seuls une erreur ou un dol, ces deux vices pouvant en cas d’erreur provoquée ou de réticence dolosive se cumuler au point de se confondre, entraînent le report de ce délai au jour de leur découverte et que repose sur celui qui s’en prévaut, à savoir M. [D] [PI] la charge de leur preuve.

Il est constant que M. [M] [I] exerce la profession d’avocat comme le montre l’extrait Kbis de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée « Cabinet [M] [I] » dont celui-ci est gérant et qui indique que l’activité de cette société consiste en l’« exercice de la profession d’avocat ».

Sur son papier en tête faisant mention de sa qualité d’avocat, M. [M] [I] écrivait 8 juillet 2011 un courrier à un service de la Direction Générale des Finances Publiques où il présente [R] [KV] comme sa cliente. Dans les correspondances échangées avec M. [W] pressenti pour être le gestionnaire du patrimoine d'[R] [KV], M. [M] [I] intervient dans un cadre professionnel pour le compte ou dans le cadre de la défense des intérêts de cette dernière. Il adressait le 21 septembre 2018 à [R] [KV] une facture d’honoraires portant le libellé « suivi des dossiers, vacations et consultations arrêtées au 12/04/2018 d’un montant de 2 500 €, précisant que cette facture est à acquitter à l’ordre du cabinet [M] [I] dont la qualité d’avocat était également précisée sur cette facture établie sur son papier à lettre professionnel. Ces pièces convainquent que M. [M] [I] était l’avocat d'[R] [KV] et la conseillait à ce titre auprès des administrations et de professionnels privés en défendant ses intérêts notamment dans le cadre de la gestion de son patrimoine.

De plus, par un courrier du 1er septembre 2010 adressé à l’administration fiscale écrit de la main de M. [M] [I] pour le compte d'[R] [KV], il était demandé à cette administration d’adresser au [Adresse 5] à [Localité 7] toute correspondance concernant un bien immobilier situé à [Adresse 10] qui avait appartenu à [L] [Y], et d’effectuer le prélèvement des taxes sur le compte d'[R] [KV], un RIB de cette dernière étant joint à ce courrier. M. [M] [I] intervenait ainsi directement dans la gestion des affaires personnelles d'[R] [KV] au point d’écrire en son nom des courriers et en la faisant domicilier « chez M. [M] [I], [Adresse 5] ».

M. [M] [I] a joué également un rôle dans le cadre du suivi médical d'[R] [KV] puisque le dossier médical de cette dernière suite à une intervention chirurgicale en date du 17/09/2010 était adressé à [R] [KV] « chez [I] [Adresse 5], 94220 [Localité 7] ». D’ailleurs, M. [P] [PI] frère de M. [D] [PI] atteste « ma mère de son vivant a toujours eu entière confiance en Maître [I]. Celui-ci a pris soin d’elle alors que mon éloignement m’en empêchait, étant résident au Canada » ; ce dernier atteste également qu'[R] [KV] entretenait d’excellentes relations avec sa cousine, [L] [Y].

Ainsi, M. [M] [I] n’était pas seulement le conseil d'[R] [KV] dans la gestion de ses intérêts patrimoniaux mais était devenu son homme de confiance ; son champ d’intervention qui ne se limitait pas au domaine juridique, portait ainsi sur la gestion patrimonial de ses affaires et même de façon plus intime sur le plan médical, et de façon plus générale, il l’assistait dans sa vie quotidienne, M. [P] [PI] attestant que M. [M] [I] « a pris soin » de sa mère et que sa « mère de son vivant a toujours eu une entière confiance en Me [I] ».

Cette mise en confiance d'[R] [KV] à l’égard de M. [M] [I] a été facilitée par les liens de parenté et d’affection qui liaient [R] [KV] à [L] [Y] puisque celui-ci était déjà l’homme de confiance de cette dernière et de [H] [Y] qui l’avait aussi institué par voie testamentaire son exécuteur testamentaire. M. [P] [PI] rappelle que sa mère « venait passer chez elle ([L] [Y]) plusieurs mois par an et ce depuis le décès en 2004 de Mme [H] [Y], sa tante et mère de [L] ».

Il est relevé par ailleurs qu'[R] [KV] était éloignée de ses enfants, l’un résidant au Canada, l’autre en Belgique tandis qu’elle demeurait en Suisse, sans apparemment d’autres proches parents à proximité.

Or, c’est précisément cette totale confiance d'[R] [KV] envers M. [M] [I] qui selon l’appelant l’a empêchée de prendre conscience qu’elle a été induite en erreur par ce dernier sur l’absence d’utilité de la nomination d’un exécuteur testamentaire puisque le testament contient le libellé suivant « je nomme pour exécuteur testamentaire en cas de prédècés de mon légataire universel : M. [M] [I] » de sorte que le legs particulier consenti à M. [M] [I] devenait caduc.

En effet, le legs particulier qui a été consenti à M. [M] [I] par [L] [Y] portant sur le bien immobilier situé à [Localité 16] est lié à la mission qui lui est confiée d’exécuteur testamentaire puisque ce legs présente à tout le moins partiellement un caractère indemnitaire ou rémunératoire « des peines et soins que lui imposera cette mission », ce qu’admet M. [M] [I].

Si les parties s’accordent sur le fait qu'[R] [KV] a été instituée légataire universel par le testament de [L] [Y], la cour relève que cette lecture du testament est loin d’être évidente au vu de ses termes littéralement ci-avant reproduits, faisant reposer le legs universel uniquement sur un lapsus, [L] [Y] aurait écrit « après moi » alors qu’elle voulait dire « avant moi », étant relevé que le testament de [H] [Y] « en miroir » de celui de sa fille institue également légataire universel [R] [KV] « si ma fille [L] [Y], ma fille venait à décédée ”après moi” ou en même temps que moi », celle-ci étant instituée légataire universel par sa mère. Cet emploi dans deux testaments différents établis à plusieurs mois d’intervalle de la mention « après moi » rend en effet moins probable l’existence d’une simple erreur matérielle.

Il est rappelé que [L] [Y] est décédée sans héritier réservataire ; [R] [KV] était la cousine germaine de [L] [Y], au vu de l’arbre généalogique figurant dans les conclusions de M. [D] [PI], [L] [Y] avait vocation à recueillir la succession de [L] [Y] en cas de prédécès de [H] [Y] ; de même, [R] [KV] avait vocation à recueillir la succession de [H] [Y] en cas de prédécès de [L] [Y] ; si on retient la préposition « avant » figurant dans les deux testaments, le legs universel consenti à [R] [KV] lui permettait d’hériter de [H] [Y] sans attendre le décès de [L] [Y] et d’hériter de [L] [Y] sans attendre le décès de [H] [Y], hypothèses loin d’être improbables du fait du décalage d’âge entre les deux cousines, [L] [Y] étant née le 23 mars 1953 et [R] [KV] le 23 mars 1931 tandis que les legs particuliers d’un montant de 700 000 Frs consentis par voie testamentaire par [L] [Y] et [H] [Y] lui aurait permis de recevoir une gratification sans attendre le dernier décès de [H] [Y] ou de [L] [Y] qui étaient réciproquement légataire universelle de l’une de l’autre.

Ces deux testaments pouvaient s’entendre comme subordonnant les legs universels consentis par [H] [Y] et [L] [Y] à [R] [KV] à l’existence du legs universel consenti par [H] [Y] au profit de sa fille ou à l’existence du legs universel consenti par [L] [Y] au profit de sa mère de sorte que pour qu'[R] [KV] soit légataire universel de [L] [Y] ou de [H] [Y], il fallait que [L] [Y] ou [H] [Y] le soient également ; le legs particulier consenti à [R] [KV] prend toute sa portée si elle n’est pas légataire universel de [L] [Y] ou de [H] [Y] tandis qu’il présente peu d’intérêt en cas d’existence de ces legs universels. Cette interprétation peut être confortée par la présentation formelle du testament de [L] [Y]. Par ailleurs, selon les termes du testament, la nomination de M. [M] [I] en tant qu’exécuteur testamentaire est conditionnée « au prédécès de mon légataire universel » ; en effet l’expression « mon légataire universel » par l’emploi de l’adjectif possessif singulier apparaît renvoyer au premier légataire universel désigné par le testament de [L] [Y], soit [H] [Y] ; sa nomination d’exécuteur testamentaire reprend également une utilité en cas de pluralité de légataires universels puisque est alors imparti à l’exécuteur testamentaire la charge de répartir le produit de la vente des biens de la testatrice « par parts égales à mes légataires universels ».

Il est de principe que la charge de la preuve de l’exécution par un professionnel de son devoir de conseil repose sur ce dernier. Or, il ne résulte d’aucun élément du dossier que M. [M] [I], conseil d'[R] [KV] et dans lequel elle avait mis toute confiance, ait avisé cette dernière de l’incertitude qui pesait sur sa nomination d’exécuteur testamentaire et donc sur le sort du legs particulier qui lui était lié.

M. [M] [I], bénéficiaire de ce legs particulier, se trouvait comme le souligne M. [D] [PI] dans une situation de conflit d’intérêts avec [R] [KV] ; en s’abstenant d’informer [R] [KV] sur l’incertitude de sa mission d’exécuteur testamentaire, M. [M] [I] a privilégié ses intérêts au détriment de sa cliente.

De plus, en application de l’article 1030-2 du code civil dans sa version en vigueur à la présente espèce, le testament de [L] [Y] n’ayant pas été passé par la voie authentique, M. [M] [I] devait être envoyé en possession pour la mise en ‘uvre de sa mission.

En s’abstenant d’accomplir cette formalité, M. [M] [I] a empêché le contrôle par l’autorité judiciaire de la mise en ‘uvre de sa mission d’exécuteur testamentaire qui conditionnait pourtant l’existence du legs particulier figurant dans le testament de [L] [Y] et par conséquent sa délivrance.

Il est de principe que l’erreur provoquée est toujours excusable.

Ainsi, la réticence dolosive conservée par M. [M] [I] sur l’incertitude de sa nomination d’exécuteur testamentaire a induit en erreur [R] [KV] sur l’existence d’un legs particulier en faveur de ce dernier et qui lui a été délivré par un acte auquel cette dernière n’était pas présente mais représentée.

Il résulte de ce qui précède que la totale confiance accordée par [R] [KV] à M. [M] [I] et qu’elle lui a conservée jusqu’à son décès ne l’a pas mise en mesure de découvrir avant son décès l’erreur et/ou le dol affectant la délivrance à ce dernier du legs particulier figurant dans le testament de [L] [Y].

Il en résulte que le délai de prescription de l’action en nullité de l’acte de délivrance n’a commencé à courir qu’au décès d'[R] [KV]. Cette action transmise à son décès à ses ayants cause universels n’était donc pas prescrite le 31 décembre 2020, date de la délivrance de l’assignation.

Par conséquent, infirmant le jugement entrepris qui a retenu que le dol n’était pas constitué dans le cadre de la délivrance par [R] [KV] à M. [M] [I] du legs particulier par l’acte authentique du 25 mai 2010 et a déclaré prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité de cet acte de délivrance, en caducité et en restitution du legs particulier, et statuant à nouveau, l’existence de ce dol est retenue et l’action en nullité de la délivrance du legs est déclarée recevable.

Sur la recevabilité de l’action en nullité du don manuel

Selon une déclaration de don manuel en date du 18 juin 2009, [L] [Y] a fait donation à M. [M] [I] de la nue-propriété de l’intégralité des parts sociales d’une SCI propriétaire d’un bien immobilier situé à [Localité 7], [Adresse 5]. La déclaration de don manuel indique comme valeur de celui-ci la somme de 1 200 000 €.

Les statuts de la SCI [Adresse 5] ont été modifiés le jour même de cette donation faisant ainsi apparaître que le capital social, composé de 1.000 parts sociales, était réparti entre madame [L] [Y], usufruitière des 1.000 parts sociales, et M. [M] [I], nu-propriétaire de ces mêmes 1.000 parts sociales.

Il résulte du rappel des termes de l’acte introductif d’instance que fait le jugement dont appel que M. [D] [PI] poursuit la nullité de la donation de parts sociales de la SCI [Adresse 5] consentie par [L] [Y] à M. [M] [I] pour un vice de forme sur le fondement des articles 931 et 931-1 du code civil.

Là encore, les parties ne contestent pas l’application de la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil à cette action mais s’opposent sur le point de départ de celle-ci. En tout état de cause, la généralisation de la prescription quinquennale résultant de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 a fait perdre à l’ancienne prescription quinquennale de l’article 1304 du code civil spécifique à l’action en nullité son intérêt ; d’ailleurs, l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations et des contrats n’a pas prévu un régime spécial de prescription à l’action en nullité, celle-ci étant désormais soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224.

M. [D] [PI] reproche aux premiers juges de l’avoir traité comme un tiers engageant une action en nullité absolue pour vice de forme pour retenir que le délai de prescription avait commencé à courir à compter du dépôt le le 19 janvier 2010 au greffe du tribunal de commerce de la déclaration de don manuel et des statuts mis à jour de sorte que cette donation lui étant opposable à compter de cette date, le délai de la prescription quinquennale avait commencé à courir.

Il fait valoir qu’il ne soulevait pas une nullité absolue pour vice de forme en sa qualité de tiers mais une nullité de relative pour vice de forme en sa qualité d’héritier d'[R] [KV]. Se référant à la thèse sur le point de départ de la prescription de Mme [A] [N], il soutient que du vivant de son auteur, une donation atteinte d’un vice de forme ne peut être confirmée, qu’elle est nulle d’une nullité absolue et que le délai de prescription court à compter de l’acte mais qu’à son décès, la confirmation d’une telle donation par ses héritiers devenant possible, une nouvelle action, en nullité relative cette fois, est ouverte à l’héritier qui lui est propre qui ne court qu’au décès de son auteur.

A suivre M. [D] [PI] dans son raisonnement, [L] [Y] étant l’auteur de l’acte querellé, lui était ouverte une action en nullité absolue qui se prescrivait à la date de la donation (18 juin 2009), après le décès de cette dernière (15 novembre 2009) et l’envoi en possession du 22 mai 2010, était ouverte au profit d'[R] [KV] saisie de l’ensemble de la succession, une action en nullité relative de la donation pour vice de forme soumise à prescription quinquennale ayant commencé à courir à compter du décès de [L] [Y].

Il est patent qu'[R] [KV] qui a survécu neuf années après le décès de [L] [Y] n’a jamais intenté d’action en nullité de la donation des parts sociales de la SCI [Adresse 5]. M. [D] [PI] se prévalant du principe selon lequel la fraude corrompt tout, prétend que le point de départ du délai de la prescription quinquennale de l’action en nullité relative d'[R] [KV] n’a jamais commencé à courir du vivant de celle-ci au motif que cette donation lui a été dissimulée et donc que cette action en nullité lui a, de plein droit, été transmise au décès d'[R] [KV].

La donation querellée ne figure pas sur la déclaration de succession ; si ce document est destiné à l’administration fiscale, il n’empêche qu’il doit comporter l’ensemble des biens ayant appartenu au défunt et ceux dont il a disposé de son vivant ; ainsi l’omission de certains biens ou donations sur la déclaration de succession est souvent retenue comme un élément de preuve d’un recel successoral par un héritier à l’encontre de ses co-héritiers ; la même solution peut être retenue dans le cadre d’une action qui tend comme celle dont est saisie la cour en reconstitution de l’actif successoral ; il résulte de la comparaison de la signature figurant sur cette déclaration de succession avec la signature d'[R] [KV] figurant sur d’autres documents (l’inventaire de la succession, justificatifs de virements bancaires) que celle-ci n’a pas été signée par cette dernière tandis que la similitude de la signature figurant sur ce document avec celles figurant sur le courrier écrit par M. [M] [I] et sous sa signature à l’administration fiscale le 1er septembre 2010 (pièce 28) et celle figurant sur l’acte de délivrance du legs particulier permet de retenir qu’il est le signataire de la déclaration de succession. Il peut donc être retenu que c’est volontairement que M. [M] [I] a omis d’indiquer la donation des parts sociales de la SCI [Adresse 5] sur la déclaration de succession d'[R] [KV].

Pour autant, l’omission de cette donation concerne directement l’immeuble du [Adresse 5] à [Localité 7] qui était selon les dires mêmes de M. [D] [PI] (page 4 de ses écritures) la demeure de la famille [Y] ; ce bien avait été acquis du vivant des parents de [L] [Y] et a constitué leur domicile principal ; [H] [Z] veuve [Y] y a demeuré après le décès de son mari avec sa fille [L] ; leurs testaments respectifs en date des 2 février et 18 mars 1997 le mentionnent comme étant leur domicile ; l’acte de décès de [L] [Y] et la déclaration de sa succession indiquent l’adresse du [Adresse 5] comme étant le dernier domicile de la défunte.

Ces éléments montrent que [R] [KV] connaissait parfaitement le bien du [Adresse 5] et ce d’autant plus qu’elle était très proche de la famille [Y] avec laquelle elle entretenait d’excellentes relations. Après la mort de [H] [Y], [R] [KV] a fait de fréquents séjours chez sa cousine à son domicile du [Adresse 5]. D’ailleurs, le testament de [L] [Y] prévoit la possibilité que [R] [KV] occupe après son décès ce bien, ce qui fait présumer du fort attachement de cette dernière à ce lieu.

Au décès de [L] [Y], le sort de la propriété de ce bien qu’elle connaissait parfaitement ne pouvait donc pas lui échapper. Il résulte par ailleurs des éléments du dossier qu’à compter du mois de septembre 2010, M. [M] [I] était domicilié au [Adresse 5] puisqu’il recevait son courrier à cette adresse, ce qui montre que celui-ci n’entendait pas dissimuler la donation qui lui avait été consentie. [R] [KV] était en mesure de savoir que la propriété des parts sociales de la SCI [Adresse 5] avait été transmise à M. [M] [I] ; il est donc considéré qu’elle aurait dû à tout le moins connaître les faits au sens de l’article 2224 du code civil lui permettant d’exercer l’action en nullité de la donation querellée.

Quelque soit la divergence des intérêts de M. [D] [PI] et de son frère [P] et le fait que M. [M] [I] ait été le conseil de ce dernier, l’appelant n’apporte aucun élément pour contredire les déclarations de son frère selon lesquelles leur mère « était parfaitement informée des volontés de sa cousine, dès avant son décès et connaissait les liens d’amitié qu’elle avait avec Maître [I]. Ma mère lorsqu’elle a été légataire de sa cousine n’a pas envisagé un seul instant de remettre en cause les libéralités faites par sa cousine à Maître [I], et/ou à toute autre personne ».

Par ailleurs, alors qu'[R] [KV] avait connaissance ou aurait à tout le moins dû connaître la donation litigieuse, quelque soit la confiance qu’elle avait en M. [M] [I], elle n’était pas empêchée d’agir, pouvant notamment se renseigner auprès d’un autre conseil. Par ailleurs, cette confiance n’est pas en elle-même constitutive d’une fraude de la part de M. [M] [I] dès lors qu'[R] [KV] ne pouvait ignorer le sort de la portée de l’immeuble du [Adresse 5].

Partant, M. [D] [PI] n’ayant pas rapporté la preuve d’une fraude commise par M. [M] [I] à l’encontre d'[R] [KV] justifiant le report du délai de la prescription au décès de cette dernière, le jugement est confirmé en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en nullité du don manuel des parts sociales de la SCI [Adresse 5].

Sur la demande d’évocation

L’article 568 du code de procédure civile dispose que « lorsque la cour d’appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.

L’évocation ne fait pas obstacle à l’application des articles 554, 555 et 563 à 567. »

La cour confirmant le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité du don manuel des parts sociales de la SCI [Adresse 5], il ne peut y évocation sur le fond de cette action puisque la fin de non recevoir entraîne l’absence d’examen au fond au fond du fait que celui-ci se trouve dépourvu du droit d’agir.

En revanche, la réticence dolosive de M. [M] [I] ayant induit en erreur [R] [KV] dont il a été ci-avant retenu que sa découverte au décès d'[R] [KV] a reporté le point de départ de l’action en nullité de l’acte de délivrance du legs particulier, constitue également le fondement factuel de cette action en nullité.

La double fonction remplie par la réticence dolosive conservée par M. [M] [I] dont la découverte fixe le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité d’une part et qui constitue le fondement factuel au succès de cette action d’autre part, justifie que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice afin d’éviter un allongement inutile de la durée des procédures, que la cour fasse usage du pouvoir d’évocation que lui confère l’article 568 du code de procédure civile et statue au fond sur la demande de M. [D] [PI] en nullité de l’acte de délivrance de ce legs et sur ses demandes subséquentes en restitution de l’objet de ce legs et en paiement d’une indemnité d’occupation.

L’existence de l’erreur d'[R] [KV] provoquée par la réticence dolosive de M. [M] [I] ayant donc été établie, il y a lieu de prononcer la nullité de l’acte de délivrance du legs portant sur le bien immobilier sis à [Localité 16], [Adresse 2], cadastré AD [Cadastre 3], ayant pour numéro de copropriété [Cadastre 3].

Sur les demandes de restitution

Selon les termes de l’article 1178 du code civil, le contrat annulé étant censé n’avoir jamais existé et les prestations exécutées donnant lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil, l’acte de délivrance du legs particulier étant annulé, M. [D] [PI] est fondé à demander la restitution par M. [M] [I] à l’actif de la succession d'[R] [KV] du bien immobilier sis à [Localité 16] faisant l’objet du legs particulier dont la délivrance par cette dernière est annulée.

L’article 1352-3 prévoit que la restitution inclut la valeur de la jouissance que la chose a procurée et l’article 1352-7 que celui qui a reçu de mauvaise foi doit la valeur de la jouissance à compter du paiement.

Sur le fondement de ces articles, M. [D] [PI] demande la fixation à la somme de 62 750 € de l’indemnité d’occupation due par M. [M] [I] depuis le 14 juin 2010 date d’inscription auprès du service de la publicité foncière de Pont-Lévèque du legs particulier à son profit jusqu’au 30 novembre 2020. Il a déterminé le montant de l’indemnité d’occupation à la somme susdite motif pris que le bien immobilier de [Localité 16] « ne peut, quant à lui, avoir une valeur locative inférieure à 500 € ».

Si la réticence dolosive conservée par M. [M] [I] le constitue de mauvaise foi et ouvre le droit de M. [D] [PI] de demander le versement d’une indemnité au titre de l’occupation en contrepartie de la jouissance que l’acte annulé lui a procurée, il n’en demeure pas moins qu’il lui appartient en application de l’article 9 du code de procédure civile de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention.

Or, sur le montant de la valeur locative mensuelle à hauteur de 500 €, M. [D] [PI] procède par voie d’affirmation, ne produisant notamment aucun élément de comparaison portant sur des biens immobiliers situés à proximité et présentant des caractéristiques comparables, ne serait-ce par le biais de consultations de sites internet.

Sa demande d’expertise d’évaluation immobilière formulée au dispositif de ses conclusions n’est étayée dans leur partie discussion par aucun moyen ; de plus, selon le principe énoncé à l’article 147 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

Echouant dans la charge de la preuve qui lui incombe, M. [D] [PI] se voit débouté de sa demande en paiement d’une indemnité d’occupation.

La demande en annulation de l’acte de délivrance du legs, les demandes subséquentes de M. [D] [PI] en publication du jugement au service de la publicité foncière territorialement compétent et en désignation d’un notaire chargé de procéder à la réintégration de ce bien dans l’actif successoral d'[R] [KV] sont accueillies.

Sur les demandes subsidiaires présentées par M. [D] [PI]

M. [D] [PI] forme des demandes subsidiaires pour le cas où la cour viendrait à confirmer le jugement du 18 janvier 2022. Ces demandes qui reposent sur l’existence des manquements de M. [M] [I] dans l’exécution du mandat que lui avait confié [R] [KV] et à ses obligations de conseils en tant qu’avocat de cette dernière tendent à l’indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de pouvoir demander la restitution des parts sociales de la SCI [Adresse 5], de pouvoir refuser la délivrance du legs de l’appartement situé à [Localité 16] et de pouvoir jouir de ces biens.

M. [D] [PI] estime que ce préjudice est à hauteur de la valeur vénale des deux biens immobiliers du [Adresse 5] à [Localité 7] et de [Localité 16] et de la perte de la perception des loyers y afférent.

Dans le cadre de cette demande, M. [D] [PI] explique que dans la mesure où il ne peut chiffrer à lui seul la valeur de ces biens immobiliers, il conviendra de nommer un expert.

Le succès des prétentions de M. [D] [PI] sur sa demande en annulation de la délivrance du legs particulier portant sur le bien immobilier de [Localité 16] vide de son objet sa demande subsidiaire tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance d'[R] [KV] de n’avoir pu refuser la délivrance de ce legs.

S’agissant du bien immobilier du [Adresse 5], la confirmation du jugement ne retire pas son objet à la demande subsidiaire de M. [D] [PI] qui contrairement à ce que soutient M. [M] [I] ne demande pas l’évocation de l’affaire en cas de confirmation mais qu’il soit statué sur sa demande subsidiaire.

Si le jugement a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 15 mars 2022 « pour conclusions sur le surplus des demandes formées au fond », les demandes subsidiaires formées par M. [D] [PI] qui ne relèvent pas du domaine de l’évocation pour lequel la cour bénéficie d’une faculté de statuer, saisissent la cour qui est tenue de statuer sur celles-ci.

Quelques soient les manquements invoqués par M. [D] [PI] à son devoir de conseil à l’égard d'[R] [KV] et dans l’exécution du mandat que celle-ci lui aurait confié, cette dernière ayant laissé prescrire de son vivant l’action en nullité pour vice de forme de la donation consentie par [L] [Y] des parts sociales de la SCI [Adresse 5], M. [D] [PI] qui vient aux droits de cette dernière n’en ayant donc pas plus que celle-ci, ne peut donc prétendre à un préjudice indemnisable.

Il se voit en conséquence débouté de ses demandes indemnitaires fondées sur la perte de chance.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

Les parties échouant partiellement en leurs prétentions, elles supporteront les dépens d’appel qu’elles ont engagés.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation.

Compte-tenu de la répartition des dépens, il n’y a pas lieu d’allouer à l’une ou l’autre des parties une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans la limite de l’appel,

Déclare irrecevables les conclusions remises par M. [M] [I] le 21 mars 2023 après l’ordonnance de clôture ;

Déclare irrégulières les conclusions remises par M. [D] [PI] le 21 mars 2023 pour atteinte au principe de contradiction ;

Rectifie le chef du dispositif du jugement rendu le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Créteil ayant « -dit que le dol n’est pas constitué dans le cadre de la délivrance du legs à Mme [R] [KV] par acte authentique du 25 mai 2010 reçu en l’étude de Maître [C] [J], notaire à [Localité 13], » en remplaçant les termes « à Mme [R] [KV] » par « par Mme [R] [KV] » ;

Infirme le jugement rendu le 18 janvier 2022 par tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité de l’acte de délivrance du legs particuliers portant sur portant sur le bien immobilier sis à [Localité 16], [Adresse 2], cadastré AD [Cadastre 3], ayant pour numéro de copropriété [Cadastre 3], en caducité et en restitution de ce legs particulier et en réintégration du bien immobilier précité à l’actif de la succession d'[R] [KV] ;

-dit que le dol n’est pas constitué dans le cadre de la délivrance du legs à Mme [R] [KV] par acte authentique du 25 mai 2010 reçu en l’étude de Maître [C] [J], notaire à [Localité 13] ; 

Statuant à nouveau :

Dit qu’existe une réticence dolosive imputable à M. [M] [I] dans le cadre de la délivrance du legs par Mme [R] [KV] à ce dernier par acte authentique du 25 mai 2010 reçu en l’étude de Maître [C] [J], notaire à [Localité 13] ;

 

Déclare non prescrite l’action de M. [D] [PI] en nullité de l’acte de délivrance du legs reçu le 25 mai 2010, en restitution du legs particulier et en réintégration du bien immobilier précité situé à [Localité 16] à l’actif de la succession d'[R] [KV] ;

Evoquant cette action au fond :

Prononce la nullité de l’acte de délivrance du legs reçu le 25 mai 2010 par [R] [KV] au profit de M. [M] [I] portant sur le bien immobilier sis à [Localité 16], [Adresse 2], cadastré AD [Cadastre 3], ayant pour numéro de copropriété [Cadastre 3],

Ordonne la restitution par M. [M] [I] du bien immobilier sis à [Localité 16], [Adresse 2], cadastré AD [Cadastre 3], ayant pour numéro de copropriété [Cadastre 3] et sa réintégration à l’actif successoral de [R] [KV] ;

Déboute M. [D] [PI] de sa demande de condamnation de M. [M] [I] à lui payer une indemnité d’occupation relativement au bien immobilier de [Localité 16];

Ordonne la publication du jugement à venir aux services de publicité foncière de [Localité 15] et le service de la publicité foncière de [Localité 8] ;

Désigne Me [B] [X] notaire, [Adresse 4] afin de procéder aux actes et diligences nécessaires à la réintégration du bien immobilier situé à [Localité 16], [Adresse 2], cadastré AD [Cadastre 3], ayant pour numéro de copropriété [Cadastre 3] ;

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré que le dol n’était pas constitué dans le cadre de la cession des parts sociales de la SCI [Adresse 5] et a déclaré prescrite l’action en nullité du don manuel portant sur les parts sociales de la SCI [Adresse 5] ;

Y ajoutant :

Déboute M. [D] [PI] de sa demande en indemnisation de sa perte de chance;

Déboute M. [D] [PI] de sa demande d’expertise sur la valeur des biens immobiliers de [Localité 16] et du [Adresse 5] à [Localité 7] ;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a engagés ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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