Droits des héritiers : 20 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02899

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Droits des héritiers : 20 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02899

20 juin 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/02899

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 20 JUIN 2023

N° RG 20/02899 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LUPH

[U] [S]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/018651 du 17/10/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

[G] [L]

[I] [L]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG n° 16/07818) suivant déclaration d’appel du 03 août 2020

APPELANT :

[U] [S]

né le 01 Avril 1955 à [Localité 6]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Aude LACLOTTE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[G] [L]

née le 30 Mai 1981 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[I] [L]

née le 16 Mars 1960 à [Localité 4]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Représentées par Me Véronique VOUIN de la SELARL VÉRONIQUE VOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller : Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R], [Z], [K] [S] est décédé le 9 novembre 2013 à [Localité 3] en laissant pour lui succéder son fils, M. [U] [S], issu de son union avec Mme [X] [A] dont il était divorcé.

Le 1er décembre 2003, M. [R] [S] a rédigé un testament olographe, déposé, en étude de notaire, aux termes duquel il institue pour légataire universelle sa compagne, Mme [I] [L] et déclare reconnaître la fille de celle-ci [G] [L], née le 10 mai 1981.

Mme [G] [L] a saisi le tribunal d’instance de Bordeaux aux fins d’établissement d’un acte de notoriété en application des dispositions de l’article 317 du code civil. Ledit acte, établissant la possession d’état de Mme [G] [L] à l’égard de M. [R] [S] a été délivré le 30 avril 2014.

Me [E], notaire à [Localité 3], a été saisi amiablement des opérations de liquidation et partage de la succession de M. [R] [S] consistant en :

– Un immeuble à usage d’habitation situé à [Localité 3] d’une valeur de 240.000 €, actuellement occupé par Mme [L],

– Un chemin d’accès sis sur la même commune d’une valeur de 10.000 €,

– Une donation par avancement d’hoirie d’un terrain nu sis à [Localité 3] d’une valeur de 144.000 € au profit de M. [U] [S],

– Un passif estimé à la somme de 4.800 €.

Faute de parvenir à un partage amiable, M. [U] [S] contestant notamment l’authenticité du testament olographe du 1er décembre 2003, Mme [G] [L] a, par acte d’huissier du 5 juillet 2016, assigné en partage M. [U] [S] et Mme [I] [L] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par conclusions d’incident du 30 janvier 2017, M. [U] [S] a sollicité du juge de la mise en état la nomination d’un expert aux fins de déterminer si le testament olographe sur lequel reposent les droits revendiqués par Mmes [L] dans la succession, a été rédigé ou non de la main de M. [R] [S].

Par ordonnance du 15 mai 2017, le juge de la mise en état a fait droit à cette demande et a désigné Mme [V] [O] pour procéder à l’expertise graphologique. Le rapport a été déposé le 1er octobre 2017.

Par jugement en date du 27 juin 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a pour l’essentiel :

– révoqué l’ordonnance de clôture,

– déclaré recevable l’assignation en partage délivrée par Mme [G] [L] le 5 juillet 2016,

– débouté M. [U] [S] de sa demande de contre-expertise,

– débouté M. [U] [S] de sa demande d’annulation du testament olographe du 1er décembre 2003,

– ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de M. [R] [S] décédé le 9 novembre 2013,

– désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires de la Gironde avec faculté de délégation à l’exception de tout notaire de l’étude de Me [N] [M], [H] [D], [F] [E] et [P] [Y], successeurs de Me [J] [C], vainement intervenus dans le cadre amiable,

– commis le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux en qualité de juge commis pour surveiller les opérations à accomplir,

– dit que les droits des parties dans la succession de M. [R] [S] sont d’1/3 chacune,

– dit qu’au stade des opérations de réunion fictive et de détermination de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible, la valeur des droits et biens donnés à M. [U] [S] par acte du 24 mai 1988 à prendre en compte sera celle des mêmes droits et biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de la donation,

– dit que la donation dont a bénéficié M. [U] [S] le 24 mai 1988 s’imputera sur la quotité disponible avant le legs de Mme [I] [L] pour la portion excédant sa réserve individuelle,

– dit que le legs de Mme [I] [L] s’exécutera sur le restant de la quotité disponible,

– dit que la donation dont a bénéficié M. [U] [S] le 24 mai 1988 ne sera sujette à réduction qu’en cas d’épuisement d’abord de sa part de réserve individuelle, puis de la quotité disponible,

– dit qu’une éventuelle demande de réduction du legs universel consenti à Mme [I] [L] par testament olographe du 1er décembre 2003 n’est pas prescrite,

– dit qu’en conséquence de la donation dont a bénéficié M. [U] [S] le 24 mai 1988, ce dernier sera redevable envers la succession de M. [R] [S] d’une indemnité de rapport égale à la valeur des biens et droits donnés à l’époque du partage, d’après leur état à l’époque de la donation,

– dit que M. [U] [S] ne devra verser une soulte au stade des attributions qu’en cas d’inégalité entre les copartageants et afin de les remplir de leurs droits,

– débouté M. [U] [S] de sa demande de paiement d’une indemnité d’occupation par Mme [I] [L],

– dit que Mme [I] [L] devra rembourser à la succession de M. [R] [S] la somme de 1.325 euros au titre du virement bancaire effectué depuis le compte de M. [R] [S] le 12 novembre 2013,

– rejeté le surplus des demandes de Mmes [L] et de M. [U] [S],

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’emploi des dépens, en ce compris les frais d’expertise, en frais privilégiés de partage.

Procédure d’appel :

Par déclaration du 3 août 2020, M. [U] [S] a relevé appel de l’ensemble des dispositions du jugement sauf en ce qui concerne la révocation de l’ordonnance de clôture, la recevabilité de l’assignation en partage, le remboursement par Mme [I] [L] à la succession de la somme de 1.325 euros et les dépens.

Mmes [G] et [I] [L] ont formé appel incident en ce que le jugement a condamné [I] [L] à rembourser à la succession la somme de 1.325 euros.

Selon dernières conclusions du 18 avril 2023, M. [S] demande à la cour de :

– avant dire droit, ordonner une contre-expertise portant sur le testament établi sous la contrainte par M. [R] [S] en date du 1er décembre 2003,

A titre principal,

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance du 27 juin 2019 en ce qu’il a :

* débouté M. [U] [S] de sa demande de contre-expertise,

* débouté M. [U] [S] de sa demande d’annulation du testament olographe du 1er décembre 2003,

Statuant de nouveau,

– dire et juger nul et de nul effet le testament olographe du 1er décembre 2003, en considération d’une part de la contrainte exercée sur la main du de cujus et d’autre part de l’altération de ses facultés cognitives,

– dire et juger que les consorts [L] sont occupantes sans droit ni titre de la maison litigieuse,

– dire et juger que les consorts [L] seront tenues de verser une indemnité d’occupation pour jouir de manière privative d’un immeuble (sur lequel elles n’ont ni droit ni titre) depuis le décès de M. [R] [S] jusqu’à libération effective des lieux,

– débouter les consorts [L] de leurs demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance du 27 juin 2019 en ce qu’il a :

* ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de M. [R] [S], décédé le 9 novembre 2013,

* désigné pour y procéder le président de la Chambre des notaires de la Gironde avec faculté de délégation à tout notaire de cette chambre, à l’exception de tout notaire de l’étude de Me [N] [M], [H] [D], [F] [E] et [P] [Y], successeurs de Me [J] [C], vainement intervenus dans le cadre amiable,

* dit qu’au stade des opérations de réunion fictive et de détermination de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible, la valeur des droits et biens donnés à M. [U] [S] par acte du 24 mai 1988 à prendre en compte sera celle des mêmes droits et biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de la donation,

* dit que la donation dont a bénéficié M. [U] [S] le 24 mai 1988 s’imputera sur la quotité disponible avant le legs de Mme [I] [L] pour la portion excédant sa réserve individuelle,

* dit que le legs de Mme [I] [L] s’exécutera sur le restant de la quotité disponible,

* dit que la donation dont a bénéficié M. [U] [S] le 24 mai 1988 ne sera sujette à réduction qu’en cas d’épuisement d’abord, de sa part de réserve individuelle, puis de la quotité disponible,

* dit qu’une éventuelle demande de réduction du legs universel consenti à Mme [I] [L] par testament olographe du 1er décembre 2003 n’est pas prescrite,

* dit qu’en conséquence de la donation dont il a bénéficié le 24 mai 1988, M. [U] [S] sera redevable envers la succession de M. [R] [S] d’une indemnité de rapport égale à la valeur des biens et des droits donnés à l’époque du partage, d’après leur état à l’époque de la donation,

* dit que M. [U] [S] ne devra verser une soulte au stade des attributions qu’en cas d’inégalité entre les copartageants et afin de les remplir de leurs droits,

* dit que Mme [I] [L] devra rembourser à la succession de M. [R] [S] la somme de 1.325 € au titre du virement bancaire effectué depuis le compte de M. [R] [S] le 12 novembre 2013,

– ordonner une expertise judiciaire avec mission d’évaluer l’actif de la succession de M. [R] [S] (en ce compris la valeur locative du bien occupé par Mme [I] [L]),

– infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 27 juin 2019 en ce qu’il a débouté M. [U] [S] de sa demande de condamnation de Mme [I] [L] à une indemnité d’occupation,

– ordonner que Mme [I] [L] soit tenue de verser une indemnité d’occupation pour jouir de manière privative d’un immeuble indivis depuis le décès de M. [R] [S] jusqu’au partage ou la fin de ladite jouissance privative si celle-ci est antérieure,

– ordonner que Mme [I] [L] soit tenue de restituer à la succession la somme de 1.325 € indument prélevée sur le compte du de cujus postérieurement à son décès,

– ordonner que Mme [I] [L] rapporte à la succession la somme de 2.500 €, correspondant à la vente de la tractopelle appartenant à M. [K] [S],

– en tout état de cause, condamner in solidum Mmes [L] à verser à M. [U] [S] la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon dernières conclusions du 13 avril 2023, Mmes [L] demandent à la cour de :

– dire et juger irrecevable la demande de ‘rapport’ de la somme de 2.500 euros par Mme [I] [L] présentée pour la première fois en cause d’appel,

– dire et juger irrecevable la demande de versement d’une indemnité d’occupation par les consorts [L] présentée pour la première fois en cause d’appel,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté M. [S] de sa demande de contre-expertise,

* débouté M. [S] de sa demande d’annulation du testament,

* débouté M. [S] de sa demande d’indemnité d’occupation dirigée contre Mme [I] [L],

– condamner M. [S] à verser à Mmes [L], chacune la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au regard des accusations injurieuses proférées contre elles,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamé Mme [I] [L] à rembourser à la succession la somme de 1.325 euros,

– dire et juger que cette somme s’inscrira dans les comptes de liquidation de la succession en tenant compte de sa destination et des droits de chacun des héritiers,

– condamner M. [S] à verser aux intimées une somme de 5.000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est datée du 25 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du testament

Aux termes des articles 414-1 et 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit.

La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.

Si en application de l’article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépendent la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible, en revanche aux termes de l’article 263 du code de procédure civile, l’expertise n’a lieu d’être ordonnée que dans le cas où les constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge.

Sur la base notamment d’une expertise graphologique non contradictoire réalisée par Mme [T], expert choisi, M. [U] [S] a soutenu devant le tribunal de grande instance la nullité du testament établi le 1er décembre 2003 au motif que celui-ci avait été rédigé sous la contrainte et que son père n’en n’avait pas saisi toute la portée car il présentait alors des facultés particulièrement altérées compte tenu de son état de santé fragile en conséquence d’un grave accident. A défaut il a réclamé l’organisation d’une contre expertise.

Le tribunal a rejeté la demande de M. [S] aux motifs que les conclusions de l’expert graphologue judiciaire ayant considéré que le testament a bien été rédigé et signé de la main de M. [R] [S] étaient complètes et précises et que les éléments relatifs à son état de santé que versait le requérant étaient postérieurs à la date de rédaction du document critiqué.

L’appelant réitère devant la cour les mêmes prétentions et moyens.

Il a été demandé à Mme [O], expert judiciaire désigné par le tribunal saisi, d’examiner le testament établi par M. [R] [S] et de dire s’il a été ou non rédigé de sa main. Aux termes d’une expertise très fouillée et précise, l’expert a affirmé que ‘l’écriture comme la signature du testament en question restitue très fidèlement toutes les habitudes graphiques de M. [S] dont certaines des variables de forme. L’examen étant réalisé à partir de l’original, on ne peut douter de l’authenticité de ce testament. En conséquence nous pouvons affirmer que M. [R] [S] est l’auteur (et rédacteur et signataire) du testament en date du 1er décembre 2023.’

C’est vainement que l’appelant peut tirer argument de l’expertise privée qu’il a faite réaliser par Mme [T] pour contester le testament dont s’agit, car si celle-ci a dit que les ‘signature en question sont sans doute de la main de M. [K] ([R]) [S], l’observation et l’étude des écritures faisant apparaître des différences significatives sur des points signalétiques comme la mise en tension le mouvement le rythme et la vitesse nous pouvons donc penser à une différence de main ou un écrit produit sous la contrainte’, cette professionnelle a cependant pris la précaution d’indiquer dans le corps de sa consultation que n’ayant pu obtenir les originaux pour les documents en question son étude n’ayant porté que sur des photocopies, elle se devait de signaler que le simple examen des originaux permettrait de se prononcer de manière définitive.

Tel a été le cas de l’expert judiciaire dont les conclusions complètes sur la base du document en question et des documents en comparaison produits en originaux et de manière contradictoire ne sont valablement mises à mal par cette étude.

Ainsi que l’a affirmé le premier juge, la prétendue contrainte qui aurait présidé à la rédaction du testament litigieux n’a à aucun moment été relevée par Mme [O] et ne doit être considérée que comme une simple hypothèse émise par l’expert privé sur la base de documents à la fiabilité non établie en l’absence de toute opération effectuée dans le respect de la contradiction.

C’est tout aussi vainement que l’appelant tente de voir juger qu’au moment de la rédaction de l’acte, son père était à la fois sous contrainte et présentait une altération de ses facultés mentales.

S’il produit différents certificats médicaux établis en 2003 (pièces 6, 7 et 8) ceux ci sont antérieurs à la rédaction du testament en question et en lien soit avec des difficultés de motricité (problèmes de hanche) soit en lien avec un accident de la circulation qui a certes entraîné un traumatisme cranien mais qui au regard d’un autre certificat réalisé en janvier 2004 (pièce 9) ne met pas en évidence d’altérations cognitives. Le seul certificat faisant part de difficultés est celui établi le 20 octobre 2004 par son médecin traitant, lequel indique que M. [R] [S] présente des symptômes neurologiques associant perte de mémoire et difficultés de concentration, et ceci avec un mode aggravatif depuis quelques semaines (pièce 10) Cet élément est cependant inopérant car non probant sur une quelconque altération au moment de la rédaction puisqu’il est postérieur de plusieurs mois à celui-ci. Tout comme est inopérant le certificat de son médecin traitant établi le 20 mai 2014, les éléments médicaux y figurant étant postérieurs de plusieurs années à la rédaction de l’acte litigieux.

Enfin les témoignages produits émanant de l’ex femme du de cujus, de sa petite fille, de l’ex épouse de l’appelant et même d’un ami de ce dernier ne peuvent valablement être pris en compte car font état soit d’éléments non précis (‘il avait perdu la tête’ dit son ex épouse), soit portent sur des constatations postérieures à la date du testament (à partir des années 2007, 2008 et 2013).

Echouant par suite à faire la preuve qui lui incombe de l’existence d’une quelconque altération des facultés de son père au moment de la rédaction du testament établi le 1er décembre 2003, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a débouté M. [U] [S] à la fois de sa demande de contre expertise et de nullité du testament en litige.

Sur l’indemnité d’occupation

M. [S] entend voir dire aux termes du dispositif de ses dernières conclusions que Mmes [G] et [I] [L] sont occupantes sans droit ni titre de la maison litigieuse, soit celle située [Adresse 2] à [Localité 3], du fait de la nullité du testament et qu’elles doivent quitter les lieux de l’immeuble et régler une indemnité d’occupation depuis le décès de M. [R] [S].

A titre subsidiaire, si la nullité du testament n’est pas retenue, il réclame seulement une indemnité d’occupation à l’encontre d'[I] [L].

Les intimées soulèvent l’irrecevabilité des demandes à l’égard d'[G] [L] pour être nouvelles, car en première instance l’appelant n’avait dirigé celles-ci qu’à l’encontre de sa mère, [I] [L]. Sur le fond elles s’y opposent, les conditions d’une indemnité d’occupation n’étant pas réunies.

Si l’article 564 du code de procédure civile prévoit qu’une irrecevabilité relevée d’office doit être opposée aux demandes présentées pour la première fois enappel, il admet cependant une exception pour les demandes tendant à faire rejeter les prétentions adverses. Or par jurisprudence constante, ‘en matière de liquidation partage, dès lors que les parties sont respectivement demanderesse et défenderesse, toute demande doit être considérée comme une défense à la prétention adverse’, rendant ainsi recevable toute demande non formulée précédemment.

Par suite la fin de non recevoir opposée à la demande d’indemnité d’occupation à l’encontre d'[G] [L] doit donc être écartée.

Sur le fond, le testament n’ayant pas été déclaré nul, seule la demande subsidiaire de l’appelant à l’encontre d'[I] [L] doit être examinée.

Il s’évince des conclusions de l’appelant qu’en réalité celui-ci ne développe ses moyens qu’en raison d’une occupation privative et exclusive par [I] [L]. Il indique en effet qu’il ne dispose pas des clés de l’immeuble et qu’il lui est interdit de pénétrer dans les lieux. Il demande donc qu’une indemnité d’occupation soit mise à la charge de celle-ci et fixée au regard de la valeur locative du bien suivant expertise judiciaire.

En application de l’article 815-9 du Code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

La cour relève d’une part que ce bien n’est pas occupé exclusivement par Mme [I] [L] puisque sa fille [G] s’y domicilie, ce qu’admet l’appelant puisqu’en cas d’annulation du testament, il entendait réclamer une indemnité tant à la mère qu’à la fille. D’autre part si’l justifie ne plus détenir la clé de l’immeuble, il n’établit pas que son accès lui soit interdit.

Par suite c’est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande indemnitaire formée par M. [U] [S] faute pour ce dernier de rapporter la preuve que les conditions d’un usage privatif et exclusif sont remplies.

Sur la demande de restitution de sommes à la succession par Mme [I] [L]

– sur la somme de 1.325 euros

L’article 843 du code civil dispose que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement.

L’article 857 du code civil dispose que le débiteur du rapport ne peut être qu’un héritier, et que le rapport n’est dû qu’à ses cohéritiers. Ainsi, ne peuvent faire l’objet d’une demande de rapport les légataires, même s’ils sont également héritiers.

Le tribunal judiciaire a condamné Mme [I] [L] à restituer la somme de 1 325 euros correspondant à un virement effectué après le décés de M. [R] [S] d’un compte de ce dernier vers un compte de l’intimée. Alors même qu’elle n’est pas débitrice d’un rapport au sens de l’article 843 du code civil, il a considéré que la réalité du virement est établie mais qu’aucune explication probante sur le motif de l’opération n’a été fournie.

Les consorts [L] ne remettent pas en cause l’existence du virement au profit de Mme [I] [L] mais soutiennent que celle-ci ne doit pas le rapport de cette somme dès lors que la somme dont s’agit a servi à régler les frais d’obsèques.

M. [S] demande confirmation du jugement en versant aux débats un relevé bancaire faisant apparaître l’opération. Il souligne l’absence de procuration de Mme [L] sur le compte du défunt.

Les frais d’obsèques sont une charge de la succession. Faute pour Mme [L] de démontrer que la somme virée sur son compte en banque a servi à régler ces frais (aucune facture n’est produite sur ce point), celle-ci doit restituer à la succession la somme qu’elle a détournée du compte qui en dépendait.

Le jugement est confirmé.

– sur la somme de 2.500 euros correspondant à la vente d’un tracto pelle

L’appelant entend que Mme [I] [L] rapporte à la succession la somme de 2500 euros correspondant au produit de la vente d’un tracto pelle réalisé le 6 mars 2010 par M. [R] [S], encaissée le 11 mars 2010, et virée sur le compte de l’intimée dès le 15 mars 2010.

Si cette demande est nouvelle, elle n’est pas pour autant irrecevable comme l’oppose les intimées, pour les motifs déjà rappelés au visa de l’article 564 du code de procédure civile.

Mais elle n’est pas pour autant fondée. L’appelant ne vise aucun texte au soutien de cette prétention mais demande que cette somme soit ‘rapportée’ à la succession. On doit donc interpréter sa demande comme étant fondée sur l’article 843 du code civil qui ne peut trouver application en l’espèce dés lors que Mme [I] [L] n’est pas héritière mais simple légataire. Les dispositions de l’article 857 rappelées, doivent donc trouver application. La demande de M. [U] [S] est donc rejetée.

Sur les dommages et intérêts

En application de l’article 1240 du code civil, il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

Les intimées sollicitent l’octroi d’une indemnité pour préjudice moral en raison des accusations injurieuses proférées contre elles, ce que conteste l’appelant.

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol (article 1240 du code civil).

Les parties ne caractérisant pas l’abus d’action de la partie adverse, leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive est rejetée.

Sur la demande d’expertise

M. [S] sollicite la réalisation d’une expertise aux fins d’évaluation du patrimoine immobilier dépendant de la succession (en ce compris la valeur locative du bien occupé par Mme [I] [L]), ayant contesté dés la première instance la valorisation des actifs de la succession.

Cependant il ne précise ni les biens concernés par cette éventuelle expertise, ni les éléments permettant de remettre en cause les valeurs d’ores et déjà retenues par les premières opérations du notaire.

Or il convient de rappeler que si le juge peut ordonner des mesures d’expertise de telles mesures ne sauraient se justifier dans le seul but de suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve des allégations soutenues ou de faire retarder une décision judiciaire ou encore de réclamer l’avis d’un tiers sur le litige qui oppose les parties.

Par suite cette demande est rejetée.

Sur les frais et dépens

Echouant dans ses prétentions, M. [U] [S] sera condamné aux dépens en cause d’appel, ceux de première instance devant être employés en frais de partage, tel qu’en a décidé le premier juge.

Il sera également condamné à verser aux intimées, chacune d’elle, la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux ;

Y ajoutant,

Déboute M. [U] [S] de ses demandes d’expertise et de rapport de la somme de 2 500 euros suite à la vente d’un tracto pelle ;

Déboute Mmes [I] et [G] [L] de leurs demandes en dommages et intérêts ;

Condamne M. [U] [S] à payer à Mmes [I] et [G] [L], chacune, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [S] aux dépens exposés en cause d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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